mardi 26 février 2008

Le bois du nord



Je ne connais rien à la philosophie argentine en dehors du jeune (j'appelle jeune toute personne encore en deça de l'Âge canonique) métaphysicien Rodriguez-Pereyra, qui a réfuté les critiques traditionnelles du Nominalisme de la ressemblance, et l'impressionnant Mario Bunge (dont l'oeuvre demeure obscure, en dehors de quelques fanatiques prêts à rentrer dans un système réaliste-scientifique abordant à la manière ancienne tous les sujets - on peut lire en ligne gratuitement certaines traductions).

Mais les forums de lutte contre la secte de Hubbard ont ressorti de derrière les fagots une étrange philosophie oubliée, la "scientologie" d'Anastasius Nordenholz (1862-1953). Né en Argentine d'un consul allemand (rien à voir avec la colonie pseudonietzschéenne paraguayenne de Nueva Germania), Nordenholz fit ses études supérieures de philosophie et d'économie en Allemagne mais revint en Argentine pendant la Première guerre mondiale. Il continuera de publier en allemand et non en espagnol. C'est en gros un idéaliste allemand tardif, inspiré de Kant, Hegel et Schopenhauer. Il défend aussi un eugénisme qui se fonde sur Spencer.

Je ne comprends pas bien pourquoi il a créé ce mot laid de "Scientologie" en 1934 (vingt ans avant le mauvais auteur de SF, qui n'est donc pas le seul à mélanger mot latin et racine grecque) alors qu'il y avait déjà depuis 1856 "épistémologie" (créé par l'idéaliste écossais James Ferrier), ou gnoséologie (sans parler de Critique, Wissenschaftslehre de Fichte à Bolzano, Erkenntnistheorie qui est le terme adopté à la fois par l'épistémologie marburgienne et les positivistes logiques). Cela aurait à la rigueur pu se comprendre s'il voulait limiter le domaine à la "scientia" au sens moderne (galiléen) alors qu'épistémologie (du moins tel que l'utilisent les anglo-saxons) comprend tout le problème de la connaissance, de la perception et de la cognition, bien au-delà de la méthodologie scientifique. Mais cela ne semble pas être le cas et il disait que ce préalable devait conduire à une Epistematik, une fois le système accompli.

Une des choses amusantes est son livre de 1927 (la même année que Sein und Zeit ou The Analysis of Matter), "Welt als Individuation - Entwurf eines Individuationismus". Le titre fait très schopenhauerien mais Nordenholz se réclame aussi de Darwin, disant que le concept d'individuation permettrait de résoudre la tension entre une critique idéaliste partant des sensations et une théorie naturaliste partant de la sélection naturelle. Le style nébuleux de Nordenholz ferait passer Hegel et Schopenhauer pour des empiristes rigoureux, mais ce terme d'"individuationisme" montre son goût pour former des néologismes (deux ans avant, Dietrich Mahnke avait publié son livre Leibnizens Synthese von Individualmetaphysik und Universalmathematik, mais je ne crois pas qu'il y parle d'individuationisme). On peut lire des extraits sur ce site.

Aucun commentaire: