mardi 13 mai 2008

La vie des réacs



Je trouve assez curieux que Besancenot et ses amis changent la Ligue Communiste-Révolutionnaire en "Nouveau Parti Anti-libéral" (ou "Anti-néo-libéral" ou "Anti-capitaliste"). C'est un signe de dégénérescence avouée quand ils n'arrivent plus qu'à se définir uniquement négativement comme "pour ce qui est contre et contre ce qui est pour", pour couvrir les dissensions internes et l'absence de substitut. Le communisme est bien sûr moins vendeur mais il avait l'avantage de sembler ne pas se réduire à l'abolition de la propriété privée ; l'appropriation collective des moyens de production sonne déjà bien plus "positivement" dans l'expression.

Même un terme aussi étrange que "Parti conservateur", "Parti conservateur progressiste" (le nom canadien) ou "Parti révolutionnaire institutionnel" (Mexique) sonne finalement moins vague que "Parti anti-système économique actuel".

Cet article de l'historien des idées Mark Lilla sur le néo-conservatisme veut modifier le concept de "réactionnaire" en dehors de la Statique politique "conservatisme/progressisme" et il classe les mouvements altermondialistes ("anti-globalisation") dans les "réactionnaires de gauche", différents en ce cas des "nouveaux réactionnaires ex-de gauche" (néo-conservateurs). Mais on risque alors de brouiller l'idée puisque toute thèse devient la "réaction" face à une autre.

Un nouveau critère intéressant est l'opposition du concept et de la vie, du système et de l'expérience individuelle :

Ev'ry boy and ev'ry gal may be born a liberal or conservative, but reactionaries are made, not born. They are made by events. Liberals and conservatives appeal to ideas and principles; reactionaries prefer conversion stories. The neoconservative tropes are highly codified: you begin with a liberal Saul, minding his own business but increasingly uncomfortable with the world surrounding him, and then suddenly something gives way. An article in The New York Times, a rancorous faculty meeting, an exhibition at the Guggenheim, a PG-13 movie that deserves an X, a U.N. resolution -- something makes him snap.

After that, things get easier for our new friend Paul. He discovers others who share his frustration, and who also provide a narrative explaining how things got the way they are. We once were found and now are lost -- but now have eyes to see. Things start to make sense.

As they do, the reactionary discovers that he has two existential options. Either he can withdraw from contemporary society into bittersweet nostalgia for life before the cataclysm, while disdaining those who refuse to recognize what has happened (think Chateaubriand and The New Criterion). Or he can nurse eschatological dreams of a counter-revolution that will reset the clock, and work to bring it about through cadre recruitment, solidarity, purges, cynical alliances, and the instrumentalization of ideas (think Charles Maurras and Commentary).


Cela décrit très bien l'évolution paranoïaque de certains de nos intellectuels. Cette idée d'un récit originel de la Conversion du regard explique bien les propos obsessionnels de ceux qui ne cessent de parler d'un Evénement ou d'une référence particulière (par exemple, un présentateur de radio du samedi matin bien connu et son néo-conservatisme sorti de l'Atlantis perdue de la Mitteleuropa).

Par la suite, cette ironie sur l'Expérience autobiographique se retourne et Lilla raconte en partie comment il a lui-même flirté avec ce "néo-conservatisme" pendant les années 80 avant d'avoir lui aussi une "réaction" (ce qui en ferait un "réactionnaire progressiste" aussi).

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