dimanche 8 juin 2008

Cujus regio, ejus religio


Via Philippe Val de Charlie Hebdo sur l'Affaire Habiba Kouider, cet article du Père Christian Delorme, ancien "curé des Minguettes" et maintenant près de Lyon montre la bassesse des compromis avec l'intolérance et le retour d'une maxime relativiste qui est aussi fatale à la religion qu'à la liberté de conscience :


Oui, il y a, depuis plusieurs mois, des situations qui sont révoltantes, telles l'expulsion d'un pasteur protestant présent dans le pays depuis quelque quarante-cinq ans, ou la condamnation à une peine de prison avec sursis d'un prêtre qui n'avait fait rien d'autre que de prier avec des chrétiens camerounais immigrés clandestins.

Mais ce que disent le pouvoir algérien et une partie notable de la population est également à entendre. Ce qui fait fondamentalement l'unité de l'Algérie, en effet, c'est son islamité. Là demeure l'identité profonde de son peuple. L'existence de chrétiens européens, même naturalisés algériens, ne représentait pas une menace contre cette unité et cette identité. Il n'en va plus de même quand des Algériens issus de familles musulmanes deviennent chrétiens. Car alors reviennent aux mémoires les atteintes à la culture et aux institutions musulmanes qu'ont perpétrées les conquérants coloniaux. Alors retrouvent vie les souvenirs des tentatives de détournement de l'islam qui ont été exercées au XIXe siècle sur certains groupes de la population.

Connaissant l'utilisation à son profit du christianisme évangélique que la puissance impériale américaine fait en divers pays du monde, les Algériens sont nombreux à craindre qu'existe une stratégie qui viserait à créer une minorité chrétienne dans leur pays, qui pourrait devenir un jour prétexte à des interventions militaires. Il y a certainement, derrière les difficultés faites actuellement aux chrétiens, des pressions exercées par certains Etats du Golfe ou de la péninsule Arabique, afin que l'Algérie affiche davantage son islamité aux portes de l'Europe. Mais il y a, également, ces peurs algériennes et une sensibilité particulière du peuple d'Algérie qui ne doivent pas être traitées par le mépris.

Dans cette situation, l'urgence se fait sentir d'une réflexion sereine sur la légitimité, ou non, du prosélytisme chrétien en terre d'islam. Car si l'on ne peut que défendre le droit de chaque individu à aller librement vers la foi de son choix, en revanche il peut paraître moins sûr que soient permises les tentatives de ramener à soi, par des techniques diverses, des hommes et des femmes appartenant à la foi musulmane. L'Evangile, certes, demande aux chrétiens d'annoncer le Christ, mais pas au prix du déchirement d'un peuple, pas au prix de l'engendrement de situations de violence. Ce furent, d'ailleurs, jusqu'à aujourd'hui, le "credo" et la pratique de Mgr Teissier comme du cardinal Duval, tous les deux des constructeurs de l'Algérie contemporaine.


Donc : on a le droit de lutter contre les Evangélistes parce qu'ils seraient des agents de l'Impérialisme américain et il y a des pays où les Chrétiens doivent reconnaître qu'ils ne doivent pas faire de prosélytisme parce que "l'islamité est liée à la nation".

Mais dans ce cas, le Père Delorme devrait aussi lutter contre les Catholiques, agents de l'Impérialisme romain depuis 1600 ans et ne pas oublier que cette Islamité n'est pas co-éternelle à la nation algérienne et qu'elle fut aussi l'idéologie de l'Impérialisme arabe quand ils envahirent l'Afrique il y a 1300 ans.

Delorme a un rapport finalement très raisonnable à sa propre religion (qui rappelle certains passages sceptiques de Montaigne) : il ne croit pas qu'elle est vraie mais qu'on doit la suivre par simple tradition contingente, s'il était en Islam il ne la défendrait plus et il n'y aurait surtout pas à prétendre l'exporter.

Il se prétend anti-colonialiste mais cette culpabilité était déjà en partie la politique colonialiste, préférant éviter le prosélytisme en essentialisant des traditions locales.

On regrette que ce crédo quiétiste ou dhimmi ne s'étende pas à toutes les religions, elles auraient pu mourir plus vite.

EDIT : Témoignage Chrétien montre bien l'inanité des propos de Delorme. On pourrait pardonner un diplomate sur place de parler avec une telle tartufferie mais de Lyon, c'est incompréhensible.

Aucun commentaire: