samedi 16 juillet 2011

L'immémorial



Lionel Tardy, député de Haute-Savoie :

"Il est temps pour elle de retourner en Norvège !"

Interrogé par Le Monde.fr vendredi matin, Lionel Tardy a maintenu ses propos, assurant qu'il ne fallait "rien y voir de xénophobe".

Qui irait s'imaginer cela ? Ce n'était sans doute qu'une allusion à un cycle saisonnier qui contraindrait les Français d'origine septentrionale à remonter vers le nord à la belle saison.

"Le défilé du 14-Juillet, c'est un rendez-vous immuable."

Le 14 juillet célèbre la Fête de la Fédération de 1790. Mme Joly n'a pas parlé de supprimer la Fête nationale mais d'éventuellement en réformer l'organisation. Il n'y a pas de lien nécessaire entre la Fête de la République et la célébration de nos diverses forces, quels que soient leurs sacrifices. Le rendez-vous "immuable", qui n'existe dans quasiment aucune autre démocratie, ne remonte guère qu'à la IIIe République, à partir de 1880, pour la Revanche contre la défaite impériale à Sedan. Mais surtout, tout le monde se fichait de ce défilé militaire, qui était encore loin des Champs Elysées, avant la grande saignée de 1914-1918.

C'est toujours pareil avec les "Traditions Immémoriales", elles servent seulement à faire oublier leur caractère relativement récent (comme le Serment américain à la Nation sous Dieu qui remonte à 1953).

C'est un élément fort de notre unité nationale car c'est le seul moment où l'on peut saluer nos armées.

Ce député insulte le 11 novembre et nos vétérans !

Haro sur l'ennemi des Poilus et de notre Soldat Inconnu !


Je n'ai pas l'impression qu'on accuse les Américains de manquer de patriotisme lorsqu'ils distinguent la fête de leur Nation et la reconnaissance envers les anciens combattants. L'Armée de l'An II a pu soutenir la République mais la République ne se réduit pas à Valmy.

Et en parlant d'anhistoricité, via Maître Eolas, je vois que : Chevénement prend le même ton essentialiste :
"La nature de la France lui échappe sans doute. Peut-être lui faut-il encore un peu d'accoutumance".

Mme Joly est française depuis plus d'un demi-siècle, soit plus que M. Tardy et à peu près autant que M. Fillon, et la République ne reconnaît que des Français, elle peut exprimer une opinion sur des festivités nationales cristallisées depuis seulement un siècle sans porter atteinte à notre République, à la patrie ou à la Défense nationale.

Au moins, De Gaulle parlait d'une "Idée" de la France, pas d'une "nature", ce qui était une conciliation plus habile d'une supposée "essence" anhistorique et d'une volonté.

J'ai aussi entendu de nombreux commentateurs dénoncer le "politiquement correct" de Mme Joly dans ses propos. Je ne sais pas ce que ce terme veut dire (à part "opinion que je n'approuve pas et que j'associe donc à l'opinion dominante, puisque mon opinion ne peut être que courageuse et marginale") mais si tout le monde l'insulte ainsi, il y a peu de chances que cela soit du "politiquement correct". Politiquement imprudent, sans doute, politiquement vain, peut-être, mais "correct" ?

2 commentaires:

Toz Grecus a dit…

Tu exagères un peu en écrivant que tout le monde se fichait du défilé du 14 juillet avant la guerre de 1914. Une preuve, parmi d'autres, cette célèbre chanson de 1886: En revenant de la revue: "Je suis l'chef d'une joyeuse famille,/ Depuis longtemps j'avais fait l'projet/D'emmener ma femme, ma sœur, ma fille/Voir la revue du quatorze juillet."

Goodtime a dit…

Oui, d'ailleurs Phersu le mentionne lui-même : le militarisme populiste du défilé date au moins de 1870 et de l'esprit revanchard. Il faudrait plutôt dire que le surinvestissement affectif du défilé est surtout lié aux années 20-30 (d'où les rejets violents des surréalistes qui nous semble maintenant "surréalistes").