lundi 28 février 2011

Le complexe de Créon

Avec toutes les précautions nécessaires pour des sources anonymes (une exagération ou manipulation est toujours possible), mais selon ce Libyen blessé par un sniper du régime :

lot of people have gone missing ... kidnapped from outside their houses, people paid 7000 dinars to kidnap ...

You have to sign a document that you agree that your son/daughter was killed by protesters or they won't release the body.

Le propre du tyran est que non seulement les vivants sont des prisonniers mais que même les cadavres sont des otages : les rebelles peuvent toujours se faire priver de sépulture s'ils n'obtiennent un faux certificat rétroactif de soutien au régime.

dimanche 27 février 2011

Ecrans de fumée



Je ne comprends plus rien à tous ces remaniements trimestriels de l'équipe de "professionnels".

Patrick Ollier reste alors qu'il disait qu'il refuserait de garder ce poste si sa compagne était congédiée et alors que le Président n'a même pas l'élégance de la citer dans une quelconque formule d'usage mais c'est finalement le tunisien Mohammed Ghannouchi qui démissionne, sans doute par solidarité ?

Le discours du Président était d'une clarté exemplaire : il renvoie son meilleur ami de l'Intérieur, M. Hortefeux, à cause d'une crise politique internationale dans les pays arabes parce qu'il va y avoir "des flux migratoires incontrôlables". Le lien est manifeste.

Et dire que certains avaient osé dire en 2007 que la seule vertu qu'on pouvait reconnaître à ce Président était de faire baisser le Front national en captant ses électeurs...

Gérard Longuet avait paraît-il insulté avec aigreur le Président au dernier remaniement parce qu'on ne l'avait pas récompensé, et il reçoit donc la Défense pour prix de son audace. Visiblement, il vaut mieux marcher sur le Chef de l'Etat et il doit avoir une indulgente magnanimité pour ceux qui oublient la dignité de sa fonction.

[Semaine scandinave] Runequest Vikings 1985/2010


Runequest avait été créé par Steve Perrin comme un système de jeu de rôle générique mais il fut dès le début plutôt centré sur le monde mythique de Greg Stafford, Glorantha. Les barbares orlanthis de Sartar ressemblent plutôt à un mélange de celtes, d'anglo-saxons et de vikings sans navires mais les premières illustrations pouvaient faire penser à un mélange plus complexe, plus gréco-romain (élevé dans Asterix, je voyais plutôt les Orlanthis en Celtes et les Lunaires en Romains mais certains choisissaient de voir les Sartarites - certes un peu plus urbanisés que les Barbares habituels - en Grecs face aux Lunaires Perses).

Dans la 3e édition, RuneQuest tenta pour un temps de devenir plus nettement "générique" avec la sortie de RuneQuest Vikings (1985, analyse sur le GROG) par Greg Stafford (qui venait de sortir aussi son Pendragon sur le mythe arthurien).

Le titre même de RuneQuest avait toujours semblé assez nordique (même si les pictogrammes des Runes gloranthiennes de Stafford avaient relativement peu à voir avec les Fuþark) et le style des Sagas avait beaucoup influencé les légendes sur le héros "Harrek l'Ours-Blanc" (qui apparaît dès le wargame White Bear and Red Moon). Mais de plus le système de magie de RuneQuest, relativement low fantasy et peu puissant par rapport à d'autres jeux avec des petits sorts de combat assez discrets, pouvait s'adapter assez bien à l'ambiance des Sagas. Il n'y a donc qu'assez peu d'adaptations nécessaires.

La grande qualité de ce supplément (qui a au total environ 150 pages si on inclut toutes les listes de PNJ) est l'inclusion de toute une campagne au sud-ouest de la Norvège. Les membres d'un clan d'Ulf de Hafursfjord en Rogaland apprendront les divers aspects de la vie scandinave, avec une chasse, une visite au Thing, un raid sur les ennemis et des expéditions maritimes plus lointaines (où Stafford s'amuse à inclure la race gloranthienne des Enfants des Vents comme rencontre exotique). Stafford fait un peu comme il l'avait fait dans Pendragon en initiant progressivement les personnages-joueurs vers une immersion nordique.

Le nouveau supplément RuneQuest Vikings (Mongoose, 2010) par Pete Nash est prévu pour l'édition dite "RuneQuest II" (c'est-à-dire selon les manières dont on compte, la 4.5 ou 5e édition ?). Il y a beaucoup de longues tables aléatoires, par exemple d'événements dans l'enfance. La table des noms et surnoms est la plus longue que j'aie trouvée dans tous les suppléments que je connais (plus 500 prénoms masculins et 150 prénoms féminins p. 45-47).

Ce n'est qu'un détail mais je ne sais pas si tout le monde sera emballé par l'idée que les Scandinaves soient vraiment plus forts et plus grands que les autres (en dehors de campagnes fantastiques où ils peuvent avoir du sang de Géant). Les règles (p. 36) leur donnent une Force à 3d6+3 et une Taille à 2d6+9 alors qu'à l'autre extrême les Slaves auraient une Force et une Taille nettement plus moyennes de 2d6+3. Selon GURPS Vikings de Graeme Davis (p. 20), il y a bien un effet du régime alimentaire mais la moyenne des Scandinaves d'après les tombeaux n'auraient pas été beaucoup plus élevées que celles des populations rurales européennes.

Contrairement à la version de Greg Stafford qui utilisait le système de RQ quasiment tel quel, Pete Nash a décidé d'adapter le système magique pour le rendre plus proche de l'atmosphère des légendes. Il n'y a plus de Magie divine standard avec des Cultes. Quant aux Runes Fuþark, elles deviennent l'objet de compétences spécifiques (soit de Seidr, rituel de transe, soit de Graver Runes pour faire du Galdr, du Chant). Le seidhr est ici un des moyens de faire du galdr, ce qui peut être conforme à certaines Sagas où cela ne semble pas exclusif (contrairement à un jeu comme Yggdrasil qui me semble distinguer plus nettement les deux).

Le livre se termine avec de nombreux débuts d'histoires, mais sans autant de développements que la campagne norvégienne de Stafford, qui avait l'avantage de partir du "local" vers le "global". Il faudrait vraiment compléter par un scénario complet. La carte du monde est aussi nettement moins détaillée. Mais dans l'ensemble, cette nouvelle version réussit à avoir encore plus d'ambiance grâce à ces modifications de détail dans les règles, tout en restant quand même du RuneQuest.

[JDR] En relisant... Casus Belli (12)

Casus Belli n°12, décembre 1982, 40 pages.

Numéro pour Noël 82.
Les Nouvelles du Front ont moins de nouveautés jeux de rôle que dans le n°11. On annonce surtout que TSR a racheté la prestigieuse compagnie de wargames SPI. A ma connaissance, TSR ne sut pas gérer ce fonds (leur magazine Arès, intégré dans Dragon, mourra quelques années après et TSR fera une réédition édulcorée sans les démons du jeu de rôle DragonQuest) et les principaux designers de SPI partirent pour fonder Victory Games (qui fit notamment le très innovateur jeu de rôle James Bond). En dehors de cela, les sorties comprennent le module de Gary Gygax WG4 The Forgotten Temple of Tharizdun, le jeu de superhéros Champions (la deuxième édition) et le sombre jeu sur des fantassins en pleine Guerre du Vietnam Recon (la première édition, les suivantes étant reprises ensuite chez Palladium).

Devine Qui Vient Dîner Ce Soir a une unité thématique avec trois monstres végétaux de Bruce Heard avec des croquis en coupe par Guiserix : la Pieuvre verte, l'Orchidée Gobe-tout et la Plante vampirique. Le Bazar du Bizarre a à nouveau des traductions, mais cette fois de Dragon #58, février 1982, dans le numéro spécial de Roger E. Moore sur les Nains : le Heaume de Sagacité souterraine (pour mieux identifier les détails architecturaux) et la Grande Enclume des Nains (qui permet de devenir meilleur forgeron, mais le trésor paraît très difficile à transporter).

La quête et la rune par Frédéric Armand (qui fait d'habitude plutôt la chronique wargames) est la présentation de Runequest (avec la couverture de l'édition anglaise par Game Workshop). L'auteur dit simplement que le jeu est absolument supérieur à D&D (ce qui me paraît vrai), même s'il est "moins détaillé pour les vétérans que C&S". Un des arguments étranges utilisés est que c'est un des jeux les plus populaires après Traveller en Grande-Bretagne. Mais Armand parle plus de la souplesse et l'élégance des règles (l'absence de classes, le système unifié) et presque pas du monde de Glorantha.

SOS Panthéon est un article de Bruce Heard pour simuler l'Intervention Divine dans AD&D. Dans Runequest, l'Intervention Divine est facile mais très couteuse : un Initié d'un Dieu a un pourcentage de chance égal à son score en POUvoir et on perd un nombre de points de POUvoir égal au nombre sur le dé (il a donc 1% de chance de perdre tous ses points et de perdre ainsi son âme). Ici, au contraire, le système ad hoc ressemble un peu à RoleMaster : on lance un d100 avec des bonus de niveau (+1/Niveau ou +2/Niveau pour les classes sacerdotales) ou de situation (+15 pour une croisade ou dans un Temple), puis on détermine si l'appel a été entendu par un simple suivant/einherjar/valkyrie du Dieu ou bien par le Dieu lui-même (si le résultat final est supérieur à 100). Puis on détermine par un autre jet s'il décide de répondre et l'ampleur de sa réponse. Cela paraît un peu compliqué pour des probabilités relativement faibles, sauf pour les Prêtres ou Paladins.

Le module AD&D du numéro est "Convoi perdu" (Niveau 3), par Didier Guiserix et Agnès Pernelle (qui était secrétaire de rédaction du magazine avant de devenir une des rédactrices avec ce scénario). Le module est rempli de plaisanteries et jeux de mots et propose même de rencontrer le Gros Bill du n°4 qui propose une compétition de boissons alcoolisées (voir règle sur la résistance à l'ivresse dans Casus n°11). Mais il n'est pas prévu que le Gros Bill accompagne le groupe (ce qui est peut-être mieux). Le Casus n°10 avait proposé une Auberge du Troll Farceur et ce module commence avec une deuxième, l'Auberge de la Mort subite de l'aubergiste Bretzel (une des clientes s'appelle Iapudklinex). Il y a une série de petits donjons assez réussis avec une petite histoire. Une des trouvailles est qu'en plus du plan Guiserix a inclus un dessin en extérieur, ce qui permet une meilleure visualisation d'ensemble.

Le mini-jeu, Duel sur Zloog est assez original. C'est une sorte de jeu de combat pour deux joueurs où chacun a un astronaute écrasé dans les marais de l'astéroïde de Zloog. Chacun doit essayer de trouver de quoi faire repartir son vaisseau tout en luttant contre les rencontres aléatoires.

vendredi 25 février 2011

Divers liens



  • J'ai souvent parlé de cités de jeu de rôle mais Age of Ravens vient de faire plusieurs listes de cités de jeu de rôle sur "RPGGeek" : cités de fantasy (Middenheim, Port Blacksand, Bluffside, Carse, Greyhawk, Ryoko Owari, Nishanpur, Kaer Maga, City-State of Invincible Overlord, Tyr, Clanking City, Pavis, Eidolon, etc.), cités pour jeux historiques ou modernes (Arkham, Prague, Bedlam City, Berlin, Hong Kong, Londres, Boston, Le Caire, Chicago, Metropolis, New York, etc.) et cités de science-fiction (qui comprend aussi le futur de certaines villes réelles comme Denver ou Berlin).

  • Le cartographe Keith Curtis donne des exemples de plans de villes.

  • Freakosophy avait un argument il y a deux mois selon lequel Superman est un personnage de l'absolutisme moral alors que Batman, plus ambigu, serait le héros de l'immanence humaine, qui cherche la justice sans se faire d'illusions sur la faillibilité et la finitude (c'est pourquoi Batman peut être amoureux de Catwoman, alors que Superman serait sans doute plus blessé si Lois Lane basculait du côté obscur).

    Mais l'argument se servait pour mieux appuyer la démonstration de l'uchronie Red Son de Mark Millar (Superman tombé du côté soviétique et devenant instrument totalitaire). Et le simple fait que Kal-El se déguise dans le faible Clark Kent pour mieux dissimuler son inhumanité prouvait qu'il était en réalité un misanthrope déguisé en philanthrope.

    A l'inverse, Mighty Godking a aujourd'hui une jolie apologie de Clark Kent en disant qu'il est au contraire le seul héros à avoir résisté à la "Batmanification" de tous les superhéros, processus qui a augmenté dans les comics Marvel des années 60 et le psychologisme des années 80. Tous les superhéros depuis Batman ont besoin d'un traumatisme enfantin pour expliquer qu'il devienne des héros (Bruce Wayne veut venger papa et maman, Peter Parker veut sauver son âme après la mort de son oncle, Barry Allen a vu sa mère mourir, Hal Jordan a vu son père mourir, Matt Murdock a vu son père mourir, Wolverine a tué son père, etc.). Mais Superman n'a aucun traumatisme psychologique en dehors d'une éducation morale et il n'est pas non plus le Dieu incarné qui recevrait la loi morale de cette autorité supérieure. En cela, il est bien plus humain que la figure christique à laquelle les Américains si dévots (du moins les goyims) veulent toujours le ramener.

    Certes, dans les années 60, Superman pleurait la destruction de Krypton. Le thème de ce deuil mélancolique devint d'ailleurs plutôt absent après les années Weisinger (Mark Waid a vainement tenté de le faire revenir dans les années 2000). Mais ce sentiment de perte ne créait pas sa responsabilité et la mort de ses parents (adoptifs ou biologiques) n'était pas ce qui faisait son désir d'humanité. Elle n'était qu'un exemple de sa conscience de ses propres limites. Clark pourrait imposer une dictature totalitaire à la Supreme Squadron s'il le voulait, mais il fait le choix de "s'autolimiter".

    Les Elseworlds comme Kingdom Come montrent souvent Batman dérapant dans l'hubris, dans le panopticon totalitaire et paranoïaque (c'est pourquoi il a créé le batellite Brother Eye qui va tenter d'asservir la Terre). Superman au contraire est la figure rare de la lutte contre sa propre hubris, le héros en lutte contre ce danger inhérent à l'héroïsme. C'est un personnage curieusement démocratique puisqu'il s'efforce de s'intégrer dans cette Amérique rooseveltienne. Cela explique d'ailleurs le peu de succès de Superman depuis les années 60 car l'auto-limitation du pouvoir se vend mal et ce n'est plus le discours que l'Amérique ou le monde pouvait entendre. Le rêve prométhéen de l'homme s'élevant vers le surhomme est plus attirant que le processus contraire où le héros tente de ne pas perdre son humanité. Dr Manhattan incarne aussi (comme l'a bien vu Grant Morrison) ce que deviendrait Superman s'il se laissait aller, non pas dans la volonté de puissance, mais vers une divinité indifférente et impersonnelle.

    Freakosophy disait que Batman était le seul personnage "sans destin" et qu'il s'était fait lui-même par sa volonté libre, mais cela me paraît discutable selon les versions du personnages. Cela fait longtemps qu'il est surtout ce névrosé de la contrainte de répétition, qui rejoue à l'infini son traumatisme originel. [L'argument sur Catwoman - Batman peut aimer une criminelle parce qu'il comprend l'humanité - peut se retourner : Batman n'a en fait aucune compagne réelle et que des passades (en dehors des Robin) parce qu'il ne pourra jamais dépasser ce cycle de névroses (en dehors de quelques histoires des années 60 où il avait toute une famille. ]

    Ce serait bien plutôt le Derniers Fils de Krypton qui fait le choix à chaque instant de construire une vie nouvelle, de ne pas coloniser la Terre de monuments à Krypton et de se contenter de colmater à la marge quelques méfaits qu'il peut résoudre, sans prétendre imposer son pouvoir. Batman est le fantasme de la force (le ploutocrate qui se défoule en tabassant des criminels fous), et Superman est la conscience des insuffisances de la puissance.

    Je n'ai pas lu les épisodes récents de Superman par JM Straczynski mais ils ne m'inspirent pas vraiment d'envie de les essayer (comme beaucoup de choses qu'il a écrit dans les comics). Superman semble justement batmanifié pour devenir le n-ième personnage torturé moralement par une crise artificielle sur sa reponsabilité. Le personnage n'aura pas pu échapper à cette force-là.
  • Qualis Artifex !

    A l'époque de la visite de Qaḏâfî à Paris au début du mandat incohérent de notre Président, une apologie fanatique de Kadhafi par Calixthe Beyala, que j'avais complètement ratée à l'époque.

    On y a droit à tous les arguments les plus débiles. Par exemple, si on critique Gaddafi, c'est seulement par racisme et par haine du Sud (Beyala est la grande spécialiste de cette stratégie victimaire : quand Lire avait trouvé des douzaines de plagiats dans ses oeuvres, elle avait aussi dénoncé le racisme anti-africain). D'ailleurs, dit-elle, personne ne critique Bush (au passage, le fait qu'El-Gueddafi dise que les insurgés sont manipulés par Ben Laden suggère qu'il est capable d'imiter des méthodes de Bush). De même, toute critique du régime libyen est du colonialisme et notre démocratie est tout aussi dictatoriale puisque la société est pleine de discriminations.

    Et quand la journaliste raconte la tentative de viol dont elle a été victime en 1984, Beyala sous-entend, en reprenant l'immonde argument de tous les sexismes, que c'est elle qui avait tenté de séduire "le Guide" (sa phrase "Je ne juge pas la sexualité du Guide" est sans doute l'un des pires énoncés jamais entendus).

    Le seul argument positif de Beyala envers Algathafi est qu'il a repris le projet nassérien (panarabe d'abord, puis, devant l'échec, "panafricain" pour mieux justifier l'invasion du Tchad) et qu'il s'est battu de manière constante pour l'Unité Africaine. C'est vrai, mais on peut se demander si le fait que le projet soit soutenu par un Caligula mégalomane qui ne le faisait que parce qu'il se rêvait en prophète du Continent n'a pas gêné ce processus. Et de toute manière que des Etats-Unis d'Afrique qui eussent été fondés sur une confédération de quelques dictatures complices ne feraient pas de Kadhafi un Jean Monnet, un Washington ou même un Bolivar.

    Si jamais la Libye est libérée de ce fou et de sa famille, il y aura eu un saut encore par rapport à Ben Ali et Moubarak (ou éventuellement la monarchie du Bahreïn et la république "autoritaire" du Yemen). Ces derniers n'étaient que des dictateurs "traditionnels" comme il y en a beaucoup d'autres alors qu'avec le Colonel Kadhafi on était dans le domaine plus fantastique et plus rare des Néron, Saparmurat Niyazov ou de Kim Il-sung.

    (ce post a renoncé à toute orthographe cohérente dans la translittération latine de son nom)

    jeudi 24 février 2011

    [JDR] En relisant... Casus Belli (11)

    Casus Belli n°11, novembre 1982, 40 pages.

    Le n°11 est le premier numéro de Casus après le départ de FMF (marqué désormais comme "fondateur"), ce qui laisse Guiserix comme seul rédacteur en chef jusqu'à la fin. Guiserix parle d'une nouvelle génération de jeux de rôle, "plus clairs et plus attrayants pour le néophyte". Mais curieusement, D&D restera encore indétrôné dans ce numéro, même Dragon, le magazine officiel de TSR n'était pas à l'époque aussi D&D-centrique.

    Les Nouvelles du Front sont désormais au début du magazine. Casus annonce d'un seul coup toute une explosion de jeux de rôle : la parution du B4 The Lost City, Gangbuster, Star Frontiers, de nombreux suppléments Traveller (et Casus se moque des joueurs français qui ne se sont pas mis à Traveller parce qu'ils sont trop "paresseux", mais ils continuent à ne rien écrire dessus), Daredevils, Vilains & Vigilantes, Man, Myth & Magic, Behind Enemy Lines, plusieurs suppléments Runequest (Borderlands, Soloquest, Cults of Prax), Worlds of Wonder et même déjà RoleMaster (avec la première annonce de MERP, en préparation). Jeux Descartes (à l'époque au 40 rue des Ecoles) organise même une démonstration de D&D, Space Opera, Aftermath! et Vilains & Vigilantes. On attend toujours la première traduction officielle et légale de D&D.

    Devine qui vient dîner ce soir : la Sallamangé est une salle vivante qui se nourrit de métal et qui se ferme pour absorber armes et armures des personnages. Elle peut aussi se mouvoir sous la forme d'un torrent de galets.
    Bazar du Bizarre : des règles de Bruce Heard sur la résistance à l'alcool (où les Halflings sont de meilleurs buveurs que les Nains).

    Le module AD&D est la 7e épreuve (Niveau 2) de Bruce Heard, où les personnages devront résoudre plusieurs défis et énigmes pour trouver le trésor d'Andruald l'Ancien.

    Le mini-jeu Insurrection à Sonienvo est une petite escarmouche entre une douzaine d'insurgés dans les Balkans en 1911 dans une bataille imaginaire (les rebelles contre l'infâme Von Gülltx).

    *


    Pour comparer, le même mois, le grand-frère britannique White Dwarf n°35, qui venait de fêter ses 5 ans, avait des articles réguliers pour Runequest ("RuneRites") et Traveller. White Dwarf est d'autant plus ouvert à RQ que Game Workshop crée une version britannique. Ian Livingstone donne d'ailleurs dans son éditorial de ce numéro une liste des 10 jeux les plus vendus en cette fin 1982 aux USA : (1) D&D, (2) AD&D, (3) Traveller, (4) The Fantasy Trip, (5) Top Secret, (6) C&S, (7) T&T, (8) RuneQuest, (9) Space Opera, (10) Arduin Grimoire.
    Le numéro 4, TFT, de Steve Jackson, est devenu plus tard le célèbre GURPS mais je suis surpris par la place de Top Secret, que j'avais toujours pris pour un échec de TSR. Et pas encore de Call of Cthulhu dans le Top Ten ??? On peut comparer avec cette liste des jeux parus en 1982 pour voir tout ce dont Casus ne parlait pas encore.

    Galimafrée


  • Via Iron Knee, cela devrait faciliter la tâche de Glenn Beck pour trouver de nouveaux complots à dénoncer.

  • Un éditorial de Tom Friedman réduit à la quintessence de sa vacuité.

  • Dans tout ce "Printemps des Peuples arabes", plus le nombre s'accroît plus on pourrait espérer qu'il y ait eu moins une réussite qui évite une dictature pire que celle qui tombe (peut-être la Tunisie ?). La comparaison avec le Printemps des Peuples prédétermine trop le récit comme les révolutions européennes de 1848 avaient toutes été des échecs conduisant à des régimes autocratiques, du moins pour quelques décennies. Mais elles avaient été des conditions pour des réformes ultérieures.

    Dans les pays d'Afrique après les années 1990 (ce qui coïncide plus ou moins au discours de la Baule, même si le rapport n'est peut-être pas causal), il y avait eu de nombreuses élections multipartistes mais la plupart ont ensuite été aussi des échecs et des retours à l'Ordre autocratique.

    Mais comme le disait Kant juste avant la Révolution française, aucun peuple ne peut devenir libre sans courir le risque de se tromper. Tant qu'on dit qu'on n'est pas encore prêt pour la liberté, on nie qu'on le sera jamais. Même en cas d'échec sanglant ou d'une théocratie pire que la dictature, on ne voit pas vraiment comment on pourrait passer un jour à une éventuelle démocratie sans passer par ces étapes. Les théocrates perdront de leur prestige une fois qu'ils auront été au pouvoir, même si ensuite il peut être très long de s'en défaire.

  • L'île du Bahreïn aurait les 2/3 de sa population musulmane chiite (il faudrait que je remette à jour mon aide-mémoire sur les pétromonarchies du Golfe) en raison de l'influence persane, mais cette côte bahreïnie fut aussi le siège de l'étrange secte chiite des Qarmates.

    Vers l'an 500, le roi perse sassanide Kavadh, influencé par l'hérésiarque mazdéiste Mazdak, avait déjà eu une (brève) expérience végétarienne communiste. On en retrouve peut-être des traces dans le "Qarmatisme" 400 ans après.

    Mahomet meurt en 632 et son gendre Ali (le Premier Imam des Chiites) est assassiné en 660. A la mort du septième Imam, Muhammad ibn Ismâ`îl en 813, les Chiites se divisèrent entre une majorité en Syrie (à l'époque) qui refusait d'admettre sa mort et qui considérait qu'il était toujours vivant (ce sont les Chiites Ismaéliens) et une minorité qui cherchèrent un autre successeurs (ils sont maintenant la majorité "duodécimaine" en Iran, et ils admettent ensuite 5 Imams suivants, avec le dernier qui est l'Imam "caché"). Dans les années 890, Hamdan Qarmat appartenait au groupe millénariste qui attendait le retour du 7e Imam (même si les sources semblent indiquer qu'il soutint ensuite pendant un temps Ubayd Allah, qui devait fonder le califat chiite "fatimide" en Egypte).

    Un groupe de ses disciples nommé les "Qarmates" à cause de lui, maintenant dirigé par Abū Sa‘īd al-Hasan al-Jannabi, prit le contrôle de la côte bahreinie en 899. Ces Qarmatiens avaient évolué vers des révolutionnaires radicaux, qui mettaient tout en commun sous leur Etat "utopiste" et qui imposaient le végétarisme (mais le communisme entre les membres initiés n'empêchait pas l'esclavagisme pour les sujets conquis). Ils s'écartèrent tellement de l'Islam traditionnel qu'ils décidèrent même qu'une grande partie des croyances communes était en fait de l'hérésie, et notamment que tout le pèlerinage et l'adoration de la Kaaba à la Mecque était de l'idolâtrie.


    En 928, les astrologues Qarmatiens déterminèrent que c'était une grande conjonction des planètes (Mushtarie, Jupiter et Zuhal, Saturne) qui devait ouvrir une époque nouvelle, un nouveau cycle et peut-être l'arrivée du Mahdi. Leur chef Abu Tahir dit avoir trouvé le Mahdi dans un jeune enfant perse mais il semble ensuite les avoir déçus.

    Les Qarmates massacrèrent des milliers de pélerins et ravagèrent les villes de La Mecque et de Médine en 930 en profanant les sites. Ils volèrent la Pierre Noire de la Kaaba et la prirent en otage en disant que c'était par ordre divin.

    La Pierre noire aurait déjà été mise en pièces une première fois lors de guerres précédentes mais les Qarmatiens la gardèrent captive pendant 23 ans avant de la rendre finalement vers 953 (mais un récit dit qu'ils l'auraient brisée en plusieurs morceaux et d'autres légendes sunnites disent qu'ils furent maudits pour cela). Le rapport des Musulmans à la Kaaba resta longtemps très ambigu autour de cet unique objet d'idolâtrie. Même les Sunnites Wahabites d'Arabie, qui vivent tant du Pélerinage aujourd'hui, auraient été tentés à l'origine d'interdire tous ces rituels pré-islamiques devant ce bétyle (qui serait un don de Dieu mais aussi un réservoir de péchés, avec l'équivoque traditionnel de tout "Bouc Emissaire").

    Les Qarmates connurent ensuite des défaites face aux Abassides et leur Etat finit par s'écrouler eu XIe siècle (même si leur secte aurait survécu ensuite à l'état de traces ismaéliennes chez certaines tribus chiites de la région).

    Le Bahrein actuel fut d'ailleurs dominé par une tribu sunnite d'origine koweitienne (et soutenue par les Britanniques), ce qui explique l'anomalie du chef sunnite avec une majorité chiite.

  • mercredi 23 février 2011

    [Semaine scandinave] La saga d'Án qui Bande l'Arc

    Áns saga bogsveigis conclut le cycle de la Maison norvégienne de Hrafnista. Mais c'est un ajout très indirect, qui n'est d'ailleurs pas inclus dans la version française d'Oddr aux Flèches dans la traduction R. Boyer aux éditions Anacharsis.


    Böðmóðr Framarsson et Hrafnhildr fille de Ketill le Saumon eurent une fille Þorgerðr, qui épousa Björn, un homme libre de Hrafnista.

    Björn et Þorgerðr eurent une fille nommée Þórdís (qui eut un fils nommé Grímr), un fils nommé Þórir et un dernier enfant nommé Án. Þórir était vaillant et avait reçu du roi Óláfr des Naumdæla une épée nommée Þegn (le Thane) et c'est pourquoi on le surnomma Þórir Þegn.

    Án était un enfant plus faible, aimé de sa mère Þorgerðr mais méprisé de son père Björn. Il était le rival de son frère Þórir Þegn. Quand il grandit, il acquit une grande force et une réputation d'excellent archer.

    Contrairement à ses cousins issus de Ketil le Saumon en ligne directe (Grímr puis Oddr), Án devint un hors-la-loi en restant à Hrafnista. Il se rebella contre le roi Ingjaldr, fils du roi Óláfr et passa sa vie comme une rebelle alors que son frère Þórir Þegn voulait rester fidèle au roi.

    Ingjaldr n'eut plus confiance en Þórir Þegn, bien qu'il ait pris son parti contre celui de son frère. Ingjaldr lui dit que sa magnifique épée n'était pas faite pour un homme du commun. Þórir lui répondit qu'il pouvait alors reprendre Þegn mais Ingjaldr se contenta d'affirmer sèchement qu'il pourrait la garder et il perça le corps de Þórir avec. C'est pour cet acte qu'on le surnomme Ingjaldr le Mauvais.

    Ingjaldr envoya à Án un message en se faisant passer pour Þórir Þegn, disant qu'il cherchait à se réconcilier avec lui. Án fut averti en rêve par le fantôme sanglant de son frère et c'est finalement avec l'aide de son fils retrouvé, Þórir Ánsson, qu'il tua le seigneur félon.

    Án a pu être un modèle du personnage anglais de "Robin des Bois" (avec Jean sans Terre à la place d'Ingjaldr le Mauvais). Án ou "Aun" est aussi mentionné au livre VI de la Geste des Danois comme "Ano Sagittarius" (Ano l'Archer) qui sert le roi Amund défie le roi Fridleif après la mort d'Amund et montre son incroyable talent à l'arc en touchant les doigts d'un des gardes de Fridleif avant même qu'il ne puisse tirer.

    mardi 22 février 2011

    [Semaine scandinave] La saga d'Oddr aux Flèches

    La Örvar-Odds saga, la troisième des Sagas des Hommes de Hrafnista, raconte la vie d'Oddr aux Flèches, fils de Grímr à la Joue Velue et Lofthæna, et petit-fils de Ketil le Saumon de la Maison de Hrafnista et Hrafnhildr Brúnadóttir de Finlande. Sa Saga est bien plus longue et développée que celle de son père et de son grand-père.


  • La Prophétie de la Völva

    Quand Lofthæna, encore enceinte, voulut revoir son père Haraldr, hersir du Vík ("la Baie", région de l'actuelle Oslo au sud-est), les deux parents passèrent par Berurjóðr (au sud-ouest). C'est là chez leur ami Ingjaldr que Lofthæna accoucha d'Oddr. Ingjaldr devint donc son père adoptif. Oddr fut laissé en fosterage chez Ingjaldr et devint le "frère juré" du fils d'Ingjaldr Ásmundr.

    Oddr était un grand archer et il se fit faire un carquois spécial de grande taille, dans la peau d'un bouc noir.

    Quand il grandit, une Völva (Sorcière, Voyante) nommée Heiðr prophétisa qu'Ásmundr aurait une vie glorieuse mais mourrait jeune, alors qu'Oddr aurait une vie longue mais périrait tué par son cheval gris Faxi ici-même à Berurjóðr.

    Oddr prit donc le cheval gris, revint chez ses parents à Hrafnista et y enterra le cheval, en pensant ainsi éviter la Prophétie.

  • Le Voyage en Bjarmaland

    A Hrafnista, il fit la connaissance de son frère Guðmundr, fils de Grímr à la Joue Velue, et de son cousin Sigurðr, fils de la soeur de Grímr. Guðmundr et Sigurðr voulaient partir naviguer vers le nord et refusèrent de prendre avec eux le jeune Oddr. Mais leur navire n'avait pas de vent favorable et Guðmundr fit un rêve où un Ours blanc menaçait l'embarcation. Sigurðr expliqua qu'il s'agissait de la fylgja d'Oddr (son Esprit tutélaire) et qu'ils ne pourraient pas avoir de vent sans emmener Oddr.

    Grímr à la Joue Velue donna alors à Oddr les trois Gusisnautar (les Présents de Gusirr) qu'il avait hérités de Ketil le Saumon, et dit que ces trois flèches magiques retournaient à ceux qui les lançaient. Les trois Flèches avaient été fabriquées par les Dvergar (les Nains). Oddr rejoint ses frères avec son "frère de sang" Ásmundr.

    Ils partirent au nord. Ils pillèrent d'abord le pays des magiciens Sâmes et continuèrent jusqu'à la lointaine Bjarmaland. Quand ils combattirent des Sâmes, Oddr conseilla de jeter les cadavres des ennemis tués dans l'eau car ils étaient des magiciens qui pouvaient faire combattre même leurs morts. Ils y gagnèrent des trésors mais une énorme tempête les frappa et ils durent jeter l'argenterie bjarmienne par dessus bord.

    Revenus à terre, ils arrivèrent chez un peuple magique qui mélangeait des êtres de diverses tailles, des trölls et des Géants. Un Géant se servit même d'un sortilège d'Envoi (Sending) pour bombarder des rochers sur leurs navires. Grâce aux Présents de Gusirr, Oddr tua un groupe de Géants et il gagna son surnom d'Örvar-Oddr, Oddr aux Flèches.

    Ils eurent les mêmes vents pour revenir à Hrafnista, chargés de trésors du Bjarmaland.

  • Expéditions de víking et la première réalisation de la Prophétie

    Oddr décida de devenir pour quelques temps un víking (un pirate). Il partit affronter avec ses navires Hálfdan sur les Rocs de la rivière Gautelfr. Il le tua et lui prit son navire à la proue de "Drekki" qu'il nomma Hálfdanarnaut (le Présent de Hálfdan).

    Après d'autres combats contre d'autres vikings et des berserkers, il rencontra le grand viking Hjálmarr et son allié Þórðr Splendeur-de-l'étrave en Svíþjóð (Suède). Hjálmarr avait des forces bien supérieures mais il décida d'écarter la différence pour que le combat avec les troupes d'Oddr soit équitable. Après avoir bataillé pendant trois jours avec les navires de Hjálmarr, ils reconnurent leur valeur mutuelle. Oddr et Hjálmarr devinrent eux aussi "frères jurés" et décidèrent de s'associer. Hjálmarr lui expliqua son Code d'honneur qui consistait à ne jamais manger de chair crue et ne pas enlever de femmes. Hjálmarr aurait voulu épouser Ingibjörg, la fille du roi Hlöðvér de Svíþjóð mais celui-ci, s'il accordait terre-franche au Viking n'en voulait pas comme gendre.

    Ils partirent alors en expédition vers les Îles britanniques. Ils ravagèrent l'Ecosse, les Orcades et arrivèrent en Irlande. Mais c'est là que son frère juré Ásmundr fut tué d'une flèche. Il était mort jeune comme l'avait dit la Prophétie.

    Oddr devint furieux et massacra les Irlandais, y compris les femmes, contrairement au Code d'honneur de Hjálmarr. Il allait enlever la belle Irlandaise Ölvör quand elle lui promit en échange de sa liberté de lui tisser une tunique magique qui pouvait protéger de toute chose, sauf si on était en train de fuir. Oddr accepta et revint l'été suivant pour obtenir la tunique. Il demanda alors Ölvör en mariage. Ils eurent une fille nommé Ragnhildr.

    Un méchant homme nommé Ögmund Eyþjófsban (Meurtrier d'Eyþjóf), qui semblait aussi fort qu'Oddr lui-même, tua leur associé Þórðr par traîtrise et Oddr jura de le venger.

    Puis les associés aidèrent le Viking Skolli à prendre le royaume de Játmundr en Angleterre et Hjálmarr refusa de prendre le royaume pour lui, bien que cela lui aurait permis d'obtenir enfin la main d'Ingibjörg de Svíþjóð.

  • La Bataille de Samsey

    Oddr et Hjálmarr revinrent sur l'île Samsey. Ils durent alors affronter les 12 Berserks fils d'Arngrímr. Hervarðr, Hjörvarðr, Hrani, Angantýr, Bíldr, Búi, Barri, Tóki, Tindr, Tyrfingr et les deux jumeaux Haddingjar. Oddr vit par Double Vue leurs Esprits tutélaires de guerriers-fauves, des Taureaux et des Chiens. Il portait sa tunique mais avait oublié son carquois et ses flèches sur le navire. Il dut donc se battre à la hache.

    Angantýr portait la célèbre épée magique au tranchant d'or Tyrfingr, qui avait été forgée par les Dvergar Dvalinn et Durin, mais ceux-ci avaient aussi maudit l'épée pour qu'elle cause la perte de celui qui la possédait. Angantýr proposa de se battre contre Oddr pour voir qui l'emporterait entre son épée qui pénétrait toute matière et la tunique magique cousue par Ölvör. Mais Hjálmarr tint à affronter Angantýr lui-même, malgré les recommandations d'Oddr.

    Oddr réussit à vaincre les berserkers mais Angantýr qui portait Tyrfing et le fidèle ami Hjálmarr s'entretuèrent.


    Hjálmarr, agonisant, chanta un Hymne funéraire et fit promettre à Oddr de ramener son corps à la princesse Ingibjörg de Svíþjóð. Oddr enterra Angantýr avec l'épée maudite Tyrfingr. Il ramena le corps de Hjálmarr à Uppsalir et Ingibjörg mourut aussitôt en apprenant son décès. Ils furent inhumés ensemble sur un tertre.

  • Nouveaux Voyages d'Oddr à la recherche d'Ögmundr Eyþjófsban

    Oddr continua ses expéditions car il cherchait toujours Ögmundr Eyþjófsban, qui avait tué son ami Þórðr. Arrivé sur la côte de France, Oddr décida de se faire baptiser comme chrétien.

    Il continua ses voyages et vint même se baigner dans les eaux du Jourdain. Il fut alors capturé par un Vautour géant qui l'emporta jusqu'à son nid pour ses petits.

    Oddr tua la progéniture du Vautour et vit qu'il était au Risaland (Pays des Géants). Il devint l'ami d'un Géant nommé Hildir qui naviguait sur une barque de pierre. Hildir devait défier ses deux frères Úlfr et Ylfingr au þing des Géants dans un combat de fauves. Oddr proposa de prendre un grand ours sauvage dans l'île aux Loups pour vaincre le grand loup d'Úlfr et l'ours blanc d'Ylfingr. Oddr coucha avec la fille de Hildir, Hildigunnr et elle accoucha d'un garçon nommé Vignir.

    Hildir devint Roi des Géants après cette compétition de bêtes et confia à Oddr où il avait mis son trésor sous une lourde pierre. Oddr décida de s'enfuir mais ne put voler qu'une partie du trésor car la pierre était trop lourde.

    Il rencontra ensuite un homme nommé Rauðgrani (Barbe-rousse) et Oddr s'associa à son équipage. Barbe-rousse lui apprit alors les origines de son ennemi juré, Ögmundr Eyþjófsban.

    Le roi Hárekr de Bjarmaland avait voulu se venger d'Oddr pour son raid et il s'unit à une Géante nommée Grímhildr en entonnant des enchantements (galdr). C'est ainsi qu'il conçut Ögmundr.

    Ögmundr était monstrueux comme un Tröll et avait une peau bleue et noire, avec une grande touffe d'où son surnom de Flóki. Ils firent un grand rituel de transe (seiðr) pour le rendre invulnérable. Ögmundr tua le grand héros Eyþjóf, ce qui lui vaut son surnom. Sa mère Grímhild s'est transformée en un monstre volant à tête humaine (finngálkn) et Oddr décida de s'attaquer d'abord à elle.

    Le monstre avait de grandes griffes qui tenaient chacune une épée. Oddr put tuer la créature avec les Trois Flèches magiques mais pas avant que plusieurs hommes de Barbe-rousse n'aient été tués.

    Oddr retrouva alors son fils demi-géant, Vignir qui lui dit qu'Ögmundr Eyþjófsban était parti loin au nord-ouest, au pays de Helluland, au-delà du Groënland.

    Ils arrivèrent à deux îles et certains descendirent sur l'île qui fut submergée et les noya. Il s'agissait en fait de deux immenses baleines qu'Ögmundr Eyþjófsban avait envoyées par magie contre Oddr.

    Mais quand ils furent arrivés en Helluland, Ögmundr Eyþjófsban tua Vignir à coups de dents. Comme il était invulnérable contre toute arme de fer, Oddr prit un gourdin de bois, mais Ögmundr Eyþjófsban réussit à s'enfuir.

    Oddr le poursuivit alors vers la Route de l'Est qui va de la Mer Baltique à l'Empire des Grecs. Ögmundr Eyþjófsban s'était réfugié comme gendre d'un Géant et Oddr dut user de ses flèches contre l'armée des Géants et de ses mains pour finalement arracher la peau des os d'Ögmundr. Il se dit qu'il avait enfin réussi à éliminer son ennemi.

    Barbe-rousse disparut alors et Oddr comprit qu'il devait s'agir du dieu Óðinn, qui venait lui donner des conseils.

  • Derniers Voyages en Orient et retour d'Ögmundr Eyþjófsban

    Oddr continua ses voyages vers l'Est. Il servit dans la Cour du Roi Herrauðr en Garðaríki (Russie) et y gagna un championnat de boisson où il chanta bien des poèmes. Il obtint d'un homme mystérieux de nouvelles flèches en pierre qui lui furent utiles pour tuer le roi magicien Álfr de Bjálki, qui était si puissant qu'il pouvait atteler ses chevaux à des étoiles. Le roi lui offrit une skjaldmær ("Vierge à l'écu", une Valkyrie) pour tenir son bouclier mais Oddr la laissa se noyer dans un marécage.

    Mais Oddr découvrit alors que le roi masqué Kvillánus qui régnait sur tout le Garðaríki n'était autre que son vieil ennemi, Ögmundr Eyþjófsban, qui avait survécu après qu'Oddr avait arraché sa peau et ses cheveux.

    Oddr comprit enfin qu'il ne pourrait jamais vraincre son ennemi juré car c'était un Esprit et non un homme. Il accepta de mettre fin à son projet de se venger et s'accorda avec Kvillánus-Ögmundr.

  • La réalisation de la Prophétie : la mort d'Oddr le Grand Voyageur

    Oddr épousa Silkisif, une fille du roi Herrauðr, et eut deux fils, Ásmundr et Herrauðr.

    Il avait eu une longue vie et décida de revenir chez lui, en Hrafnista. Tant de temps était passé qu'il n'y avait plus que des ruines mais les habitants l'acclamèrent comme le Seigneur de Hrafnista.

    Il repassa même par Berurjóðr, là où il avait été élevé et il passa devant un crâne de cheval qui avait voyagé là depuis Hrafnista. Un Serpent sortit du crâne et mordit Oddr. Il fut mortellement frappé et la Prophétie de la Voyante se réalisa car c'était le squelette de son cheval Faxi. Il entonna un grand poème funéraire et mourut.

    Les fils d'Oddr et de Silkisif fondèrent leur maison en Garðaríki mais Ragnhildr, sa fille née d'Ölvör d'Irlande, revint fonder sa famille en Hrafnista.



  • Le Cycle de Tyrfing précise que l'épée maudite des Nains devait commettre trois actes maléfiques à chaque fois qu'elle était sortie de son fourreau. La mort de Hjálmarr fut le premier mais plus tard la fille d'Angantýr vint réveiller les morts et déterrer l'épée. Tyrfing fit alors commettre un crime fratricide entre ses enfants et son fils Heidrek fut ensuite lui-même tué par ses propres serviteurs.

    Cette Saga semble d'ailleurs complètement oublier l'épée Dragvendil qui apparaît tant dans les deux petites sagas de Ketil le Saumon et de Grimr à la Joue Velue. Un des associés de Barbe-rousse et Oddr en Garðaríki, Sírnir, a aussi une épée magique qui porte un nom, "Sniðill".

    La version de la Bataille de Samsey dans la Geste des Danois de Saxo Grammaticus précise d'Oddr s'y battait non avec ses célèbres flèches mais avec le Gouvernail de son navire.

    La Saga d'Oddr le Grand Voyageur mélange de nombreux éléments de mythes divers. Il semble y avoir une influence d'Ulysse quand il affronte des Géants qui lui jette des rochers sur son navire. Le grand archer mordu au pied par le serpent peut aussi rappeler le mythe de Philoctète (mais cela peut être une coïncidence). L'épisode avec l'Oiseau géant ressemble beaucoup à celui du Second Voyage de Sinbad le Marin (si ce n'est que Sinbad se fait prendre volontairement par le Roc). Oddr passe ses dernières années à régner sur Hólmgarð (la ville russe de Novgorod) et il y a une contamination avec la vie du Varègue Oleg le Sage, qui meurt de la même manière mordu par un serpent avec la même prophétie.

    lundi 21 février 2011

    [Semaine scandinave] La saga de Grímr à la Joue Velue

    La Gríms saga loðinkinna est la suite de la Saga de Ketil le Saumon.

    Grímr à la Joue Velue était le fils de Ketil le Saumon et de Hrafnhildr Brúnadóttir de Finlande et il devait son surnom au fait qu'il était né avec une joue aux poils noirs que le fer ne pouvait pas mordre. Il hérita de la demeure de Hrafnista en Namdalen et il dominait tout le Hålogaland, sur la côte nord-ouest de Norvège.

    Grímr fut fiancé à la belle Lofthæna, fille du hersir Haraldr, qui régnait sur la région du Vík ("la Baie"). Haraldr s'était remarié avec Grímhildr Jösursdóttir, qui était méchante avec sa belle-fille. Le soir des noces, Lofthæna disparut et Grímr ne put la retrouver.

    L'année suivante, Grímr partit vers la Mer du nord, au-delà du pays des Sâmes, jusqu'au Gandvik. Son navire fut attaqué par deux Tröllkonur (femmes-trölls), Feima et Kleima, filles de Hrímnir. Grímr avait toujours les trois flèches magiques, les Gusisnauta (Dons de Gusirr) et il occit Feima et blessa mortellement Kleima. Il entendit alors Kleima se plaindre auprès de son père Hrímnir et celui-ci dit que Grímr ne retrouverait jamais la belle Lofthæna car elle avait été victime d'un mauvais sort de sa soeur la maléfique Grímhildr. Grímr à la Joue Velue tua alors toute la famille de ces grands Trölls hideux.

    Au bord de la mer, Grímr trouva un grand rorqual échoué et commença à le dépecer car la baleine ferait un festin. Mais un groupe de riverains, conduits par Hreidarr le Téméraire, vint lui contester la dépouille et les deux groupes s'entretuèrent jusqu'au dernier pour la baleine.

    Grímr était laissé seul agonisant sur le champ de bataille quand la plus monstrueuse des Trölls vint le sauver. Elle avait le nez crochu et semblait laide et sordide. Elle dit s'appeler "Geirríðr Gandvíkurekkja". Elle lui demanda en payement de l'embrasser et de s'unir avec elle. Grímr accepta à contre-coeur car il lui devait la vie et au matin, il se réveilla auprès d'une belle femme, sortie d'une enveloppe de Tröll. Il brula l'enveloppe et Geirríðr était bien en réalité la belle Lofthæna, fille de Haraldr. Elle lui dit que sa marâtre Grímhildr l'avait ainsi changée la nuit du mariage et qu'elle ne pourrait jamais retrouver sa vraie forme tant qu'un homme n'accepterait pas de l'embrasser et de s'unir à elle.

    Grímr revint au Vík et dit à Haraldr ce qui s'était passé. Il mit un sac sur la tête de la sorcière Grímhildr pour qu'elle ne lui jette pas le mauvais oeil et il la tua à coup de pierres.

    Grímr et Lofthæna eurent une fille Brynhildr et il lui accorda de choisir librement qui elle voudrait épouser. Sörkvir Svaðason fut éconduit et défia donc Grímr en duel rituel.

    Grímr partit pour le duel et rencontra Ásmundr, hersir de Berurjóðr. Il devint ami de son fils Ingjaldr et ils partirent ensemble dans le duel contre Sörkvir Svaðason et ses douze guerriers-fauves Berserkir. Grímr portait l'épée fameuse de son père, Dragvendil, et il réussit à vaincre tous ses adversaires.

    A cette époque, la demi-soeur de Grímr, Hrafnhildr, qui était veuve de Böðmóður Framarsson, se remaria avec Þorkell, jarl du Naumdælr, et elle eut comme enfant Ketill (II) le Saumon, nommé comme son grand-père, qui partit vers l'Islande. Ce Ketill fut le père de Hrafn, le premier Président du Conseil d'Islande, Helgi et Stórólfur, et ce dernier fut le père de Hrafnhildr qui fut la grand-mère du héros Gunnar de Hlíðarendi.

    Brynhildr, fille de Grímr à la Joue Velue, épousa Veðurormr, fils de Vémundr. Leurs descendants colonisèrent à l'est dans les terres intérieures le Jamtaland.

    Grímr à la Joue Velue resta à Hrafnista et il eut ensuite un fils, Örvar-Oddur, Oddr aux Flèches, qu'on surnomme aussi Oddr le Grand Voyageur. Il fut élevé par Ingjaldr de Berurjóðr mais c'est une autre Saga.

    [Semaine scandinave] La saga de Ketil le Saumon

    La Ketils saga hœngs a été traduite aux éditions Anacharsis. C'est la première partie des Hrafnistumannasögur.

    Ketil ("Chaudron") était le fils d'Hallbjörn ("Ours des rochers") le Demi-Tröll, fils d'Úlfr ("Loup") le Sauvage. Hallbjorn était un hersir (baron, en dessous d'un jarl) dans l'île de Hrafnista, au nord-ouest de la Norvège dans le Hålogaland. Quand il était enfant, Ketil avait la réputation d'être un idiot bon à "manger du charbon" du foyer, un "garçon juste bon pour souffler sur les cendres. Mais en grandissant, il montra sa force et sa vaillance après des épreuves passées par Hallbjörn. Il tua un brigand d'un coup de morue et revint même du Nord en disant qu'il avait tué à coups de hache un "poisson qui volait et marchait sur la terre". C'était en fait un dragon volant, au corps de Ver mais aux ailes de Dragon, et c'est pourquoi son père Hallbjörn le surnomma alors "Ketil hœng", Ketil le Saumon (ou "la Truite"), car il osait s'attaquer à de "gros poissons".

    Quand Hrafnista manquait de poissons, Ketil partit naviguer jusqu'à des fjords plus lointains où on trouvrait des baleines et des phoques. Il y tua une famille de Géants cannibales, Surtr et Kaldrani.



    L'année suivante, Ketil voyagea loin jusqu'au Finnmark. Une femme Tröll essaya d'arrêter son navire. Arrivé chez les Saami, Ketil le Saumon rencontra le mystérieux lapon Brúni, qui l'accueillit chez lui et donna même sa fille Hrafnhildr, qui était d'une taille gigantesque. Ketil s'unit à Hrafnhildr mais quand il repartit, Brúni l'avertit qu'il risquait de rencontrer Gusirr, le Roi des Sâmes en Finlande. Ketil affronta Gusirr à un combat à l'arc. Leurs deux premières flèches se rencontrèrent en plein vol mais et grâce à l'aide magique de Brúni, il réussit à vaincre le Roi des Sâmes de son troisième trait. Brúni devint le nouveau Roi de Finlande et donna comme cadeau à Ketil l'épée magique de Gusir, Dragvendil, et trois flèches magiques, Flaug (Vol), Hremsa (Manche) et Fifa (Trait).

    Ketil rentra donc avec ces Dons de Brúni, mais aussi avec sa concubine, Hrafnhildr, chez lui à Hrafnista. Mais son père Hallbjörn le Demi-Tröll était mécontent de cette union avec ce qu'il considérait comme une Troll inhumaine. Hrafnhildr accoucha d'un enfant et elle le recouvrit d'une fourrure, ce fut Grímr à la Joue Velue, qui eut une partie de son visage toujours recouverte d'une fourrure qu'il ne pouvait pas couper avec le fer. Hrafnhildr, pour ne plus subir les attaques de Hallbjörn, décida de repartir mais dit qu'elle reviendrait dans trois hivers.

    Mais pendant son absence, Hallbjörn persuada Ketil le Saumon à se marier légalement avec Sigríðr, fille de Bárðr. Il appela aussi sa fille de ce mariage avec Sigríðr Hrafnildr fille de Ketil. Quand Hrafnhildr (fille de Brúni) revint, elle fut offensée d'avoir été trahie et repartit chez son père en laissant Grímr.

    Après la mort d'Hallbjörn, Ketil hérita de son domaine à Hrafnista. Ketil vint revoir Hrafnihildr Brúnadóttir chez son père et il défendit le jeune Grímr contre un Tröll en entonna un chant.

    Ketil promit à sa fille Hrafnhildr qu'il ne la forcerait pas à épouser quelqu'un contre son gré. Quand des prétendants furent éconduits, Ketil dut les vaincre en duel singulier.
    L'année suivante, quand il partit en expédition, il dut à nouveau combattre une grande Tröll qui se rendait au þing des Trölls, dirigé par "Skelgringr Roi des Trölls, Ófóti, Ófótansfirði et Þorgerður Hörgatröll".

    Puis le viking Framarr, roi de Gestrekaland vint demander la main de Hrafnhildr. Framarr était un sacrificateur d'Óðinn sur son tertre d'Árhaug et Óðinn lui avait offert l'invulnérabilité à toutes les épées. Hrafnhildr refusa le mariage et Ketil dut répondre à nouveau d'un duel pour la main de sa fille.

    Il partit donc vers le Gestrekaland qui "était alors vassale des Huns" et devint ami de Böðmóðr, le fils de Framarr, qui lui offrit l'hospitalité. Böðmóðr vint même le soutenir dans le duel contre son père. Un aigle descendit du ciel et déchira les vêtements de Framarr, ce qui était un mauvais présage. Ketil portait l'épée magique Dragvendil mais même ses coups ne pouvaient passer l'enchantement de Framarr, protégé d'Óðinn. Mais Ketil ne sacrifiait pas aux Dieux et ne se souciait que de sa propre vaillance et au troisième coup, Dragvendil perça enfin Framarr et le tua.

    Böðmóðr, le fils de Framarr, demanda comme seul présent la main d'Hrafnhildr et celle-ci accepta d'épouser celui qui avait pris parti pour Ketil contre son père.

    Ketil continua à régner sur Hrafnista, en Hålogaland et là s'arrête sa Saga.




  • Cette courte saga raconte l'histoire d'un Ketil le Saumon en Norvège mais la saga fut rédigée au Moyen-Âge en Islande. Il apparaît un second Ketil, lui aussi surnommé "le Saumon", mais en Islande, descendant de celui-ci, plusieurs générations après dans la Saga d'Egil, Ketil "Fils de Þorkel" et il participe à la colonisation de l'île.

    On remarque quelques répétitions dans la saga du Saumon. Il obtient l'aide de Brúni le Finlandais contre son cousin le Roi Gusirr mais il n'épouse pourtant pas la fille de Bruni Hrafnhildr (qui va être la mère de son héritier Grímr à la Joue Velue). Puis il obtient l'aide de Böðmóðr le Suédois contre son père le Roi Framarr et il cède alors la main de sa fille Hrafnhildr (II). On obtient la souveraineté et la Princesse par un meurtre rituel du père, mais toujours par un intermédiaire pour éviter le parricide.

    Les Finlandais dans les mythes scandinaves ne sont presque plus des humains, déjà magiciens et trolls. L'épée magique Dragvendill de Gusirr va réapparaître dans les Sagas ensuite. Il n'y a pas d'explication pour le fait qu'elle ait pu passer les défenses de Framarr. Les trois flèches magiques offertes par Brúni réapparaissent aussi dans toute la geste du cycle de Hrafnista.

  • vendredi 18 février 2011

    Þorrablót


    Le "Sacrifice au dieu Þórr" (dont c'est le mois en ce moment dans l'ancien calendrier islandais, "Mois du Gel", il se termine ce samedi 19 février) est une ancienne fête rurale islandaise réactualisée par les mouvements romantiques nationalistes depuis le XIXe siècle. Je reviens d'Islande et j'espérais participer à une telle fête mais finalement je me suis contenté de goûter du requin et de la baleine (je n'avais jamais réfléchi au fait que c'était rangé dans les viandes et non dans les poissons).

    Comme je suis en ce moment dans une phase assez monomaniaque jeu de rôle, comme vous avez dû le remarquer (et je ne lis plus tellement de comics par exemple), je vais donc avoir une passade jeu de rôle nordique, c'est inévitable.

    Je me demande si je vais pouvoir résister au jeu français récent du Septième Cercle Yggdrasil, dont je me disais jusqu'ici que je connaissais trop bien le thème.

    Il y a déjà eu de nombreux jeux sur les vikings (voir cette liste). Par exemple, l'extension Swords & Sorcerers pour Chivalry & Sorcery (qui avait un chapitre sur les Vikings, 1978), Runequest Vikings (1985) par Greg Stafford, Fantasy Hero/Rolemaster Campaign Classics: Vikings (1989) par la célèbre Lee Gold, GURPS Vikings (1991) par Graeme Davis, AD&D2 Vikings Historical Reference (1991) par Zeb Cook ou Viking (1994, jeu suédois). Il y a même un jeu islandais, Askur Yggdrasils, 1994, par Rúnar Þór Þórarinsson. Le même auteur a aussi fait l'autre jeu de rôle islandais Fræknir ferðalangar, "Voyageurs intrépides" en 1997 (il existe aussi une sorte de jeu sur la série islandaise geek Astrópía). J'aime bien un mot islandais pour "jeu de rôle", "spunaspil", qui semble impliquer qu'on jouer à "tisser" une histoire (mais ils disent aussi hlutverkaleikur).

    Le supplément Runequest de Stafford et le Campaign Classics de Lee Gold sont parmi mes favoris.

    Il y a aussi par exemple un jeu récent (traduit du portugais) au mécanisme qui n'est que du d20, Vikings: Midgard, mais qui a fait des efforts pour développer tout un monde de campagne (où Loki s'arrange pour voler le secret des Runes à Óðinn, en se déguisant en Freyja, mais où des descendants mortels des Æsir et des Vanir doivent faire en sorte de les récupérer, tout en évitant d'être eux-mêmes manipulés par le Dieu Trompeur).

    Et cela n'a rien à voir avec les jeux de rôle, mais je recommande aussi la comédie télévisée islandaise de 2007 Næturvaktin, qui mérite de ne pas rester confiné à ses 300 000 spectateurs islandais potentiels, avec son huis-clos de personnages dans une station d'essence pendant la nuit.

    lundi 14 février 2011

    [JDR] En relisant... Casus Belli (10)

    Casus Belli n°10, septembre 1982, 40 pages.

    Ce dernier éditorial de FMF annonce que Casus Belli aura désormais des mini-jeux et même des jeux de rôle, un peu comme les jeux en encart du grand frère Jeux & Stratégie.

    T. Martin revient avec quelques idées de scénarios pour Space Opera (voir le n°8). Les pistes ne font que quelques lignes. (1) Les personnages vont explorer un monde nouveau. (2) Ils vont faire une mission d'espionnage ou de sabotage pour les Services secrets de la Fédération, ou bien être envoyés en mission-suicide pour organiser un coup d'Etat. (3) Ils explorent un vaisseau-fantôme. L'article fait remarquer qu'il sera toujours plus facile de faire de l'Heroic Fantasy (où tout le monde reconnaît les mêmes références, en dehors de la Magie : on n'a pas besoin d'expliquer ce qu'est une "dague" ou une "armure") que de la SF (où les joueurs doivent faire des efforts pour apprendre comment fonctionnent les lois de cet univers). C'est convaincant (et l'éditeur d'Empire galactique Gérard Klein critiquera d'ailleurs dans la domination actuelle de l'Heroic Fantasy une preuve de l'abaissement de la culture générale scientifique et des Lumières) mais je crois qu'il y a quand même une part de contingence historique : si Traveller ou Star Wars avaient été le premier jeu de rôle et s'ils avaient instauré les conventions du jeu, l'univers de SF générique "par défaut" paraîtrait aussi "naturel" que les Elfes, la Magie vancienne ou les Classes de D&D.

    Devine qui vient dîner ce soir... On continue les traductions de White Dwarf avec le Xylo-esprit (Birch Spirit WD #28, décembre 81), spectre d'une Dryade qui possède un bouleau, et les Anubi (WD #29, février 1982), hommes-chacals qui pourraient compléter les Félys du n°2.
    Le Bazar du Bizarre est une suite d'épées magiques assez simples (Epée vampire, épée adaptée au combat sous l'eau, dague des Dunedain qui désintègrent les Morts-Vivants).

    L'auberge du Troll farceur est écrit par Bruce Heard. Heard est un peu trop sous-estimé dans les auteurs D&D. Franco-américain, il commença par traduire les produits TSR en français et partit ensuite travailler sur Basic D&D à Lake Geneva. Il y écrivit certains des meilleurs Gazeteers du Monde Connu de Mystara, le baroque Gazeteer 3 The Principalties of Glantri (1987), le Gazeteer 10 Orcs of Thar (1988) ou Savage Baronies (1995). Ici, l'Auberge n'est pas vraiment un "module" mais le plan d'une Auberge avec une longue table d'événements aléatoires pour agrémenter des passages à l'intérieur d'un scénario. C'est vraiment intéressant comme outil d'improvisation et j'aime bien quelques fausses pistes (comme ces enfants de l'aubergistes qui vont "jouer aux fantômes" pendant la nuit, ce qui aurait obligatoirement des effets désastreux sur des personnages-joueurs légitimement paranoïaques). Le numéro suivant reprécisera des règles sur la résistance à l'alcool pour les beuveries dans l'établissement.

    Nouvelles du Front passe une page en annonçant tristement la fermeture du Club de Donjons & Dragons de la Rue d'Ulm (ainsi que celui de Saint-Rémy) pour cette rentrée 1982. Ce n'était pas par manque d'effectifs mais au contraire à cause de son succès car il y aurait eu, selon l'article, certains soirs "des centaines" de visiteurs en touristes qui perturbaient l'organisation (et volaient des livres de règles). Les élèves de l'ENS y étaient en fait assez peu nombreux et je présume que la relève n'a pas été faite pour obtenir les salles de l'Ecole (le "Comité d'Organisation des Fêtes" ne date, je crois, que de 1986 et j'ignore comment fonctionnaient les associations d'élèves avant cette date). C'est rue d'Ulm, à côté de Jeux Descartes et l'Oeuf Cube, que FMF, Guiserix et Gros Bill avaient fait leurs campagnes et cette fermeture vient donc au même moment où FMF passe la main à la tête de Casus Belli.

    dimanche 13 février 2011

    Gaffe diplomatique



    Mme Alliot-Marie a de quoi jalouser Somanahalli Mallaiah Krishna, le Ministre indien des affaires étrangères indiennes qui a lu pendant 3 minutes le discours du représentant du Portugal à l'ONU par erreur avant qu'on ne lui fasse remarquer l'erreur.

    Peut-être MAM pourrait-elle dire qu'on lui avait donné par erreur un discours libyen quand elle avait proposé de prêter main forte au régime de Ben Ali ?

    [JDR] Mindjammer


  • « I La lumière se ralentit et je rejoignis la dimension ordinaire. Je sortais de ma torpeur. Je me souvenais seulement que j'étais en mission. Je devais détruire les Derros et tous les Thétans qui infectaient cette planète nommée Simondon. C'était malheureux pour les organiques, mais ils étaient déjà perdus de toute manière. Je rallumais mes propulseurs et commençais déjà à sentir le fourmillement de la Noosphère, ces millions d'idées en circulation dans mes connexions. C'était rassurant de retrouver ainsi ce toucher de toutes les autres âmes au sein des ondes du Temple du Premier Moteur. Mais je ne devais pas oublier ma mission. Qui sait si les Thétans ne risquaient pas de corrompre aussi la Noosphère si d'autres Vaisseaux venaient transmettre leur infestation ! Je m'adressai au module avant du Disrupteur, Elronhub-Reconnaîtra-les-Siens. Ce n'était qu'un module-serf semi-intelligent, contrairement à moi. Il m'indiqua quelques détails ballistiques et commença à planifier l'extermination de la planète infectée. »

    Un des succès actuels du jeu de rôle indépendant est Fate, jeu gratuit assez simple et souple (adaptation de FUDGE), qui a eu des extensions pour plusieurs contextes (Spirit of the Century pour les Pulps, Dresden Files pour le fantastique contemporain). Comme dans Heroquest, on n'a pas une liste finie de caractéristiques et on peut donc créer son personnage en lui donnant divers "Aspects" qui sont divers descriptifs choisis par le joueur. Le système aléatoire est fondé sur une courbe de Gauss avec très peu d'extrêmes. On jette 4 (d3-2), ce qui donne un écart entre -4 et +4 avec une forte probabilité d'obtenir 0 ou -1/+1. On ajoute cela au score des personnages pour évaluer la réussite, mais ce score de départ, plus des réserves de "Points de Destin", est donc ce qui fait le plus la différence. On est presque à la lisière du jeu de rôle "sans dé".

    Depuis 2008, Chris Birch, avec la compagnie britannique Cubicle 7 crée le jeu de rôle de science-fiction Starblazer Adventures qui est censé utiliser la license d'une série de bandes-dessinées de l'éditeur écossais de Dundee, DC Thompson. Le livre est énorme et permet d'étendre FATE vers toutes les possibilités du Space Opera, avec des systèmes pour les vaisseaux mais aussi pour gérer des civilisations entières. Une des différences avec le FATE de base est qu'au lieu de 4(d3-2), on utilise (1d6 - 1d6), ce qui donne un score entre -5 et +5, avec une courbe plus aplatie, légèrement moins de -1/+1 que dans FATE standard (cela ressemble à Traveller où on doit faire 8+ avec 2d6).

    Mais en 2010, Starblazer reçoit un nouvel univers de SF un peu plus "moderne" que ce contexte des bandes-dessinées, avec Mindjammer, une création de Sarah Newton, auteur anglaise qui vit en Normandie.

    Les bd Starblazer n'avaient pas un univers très cohérent, un assemblage de divers auteurs des années 1980 (avec des dessinateurs argentins, qui gardaient un classicisme des années 70). Mindjammer: Stablazer Adventures in the Second Age of Space prend plus en compte la SF transhumaniste actuelle, mais avec des allusions très directes notamment à l'univers de La Culture d'Iain M. Banks, ainsi sans doute qu'au vieux cycle des Seigneurs de l'Instrumentalité de Cordwainer Smith (Chronicles of Future Earth de la même Sarah Newton semble assez directement inspiré du cycle d'Urth de Gene Wolfe).

    Ce jeu a repris les illustrations des bandes-dessinées du livre de base alors que l'ambiance est censée être assez différente. La deuxième édition en préparation me semble avoir revu cet aspect de présentation.

  • II « C'est alors que je reçus, à une distance de moins d'une minute-lumière un dialogue instantané. Je lançais mon parefeu pour ne pas être infecté par les Thétans mais j'avais soif de me replonger dans la Noosphère. Le message venait d'un Eidolon virtuel dans le réseau, qui avait pris pour pseudo Mais-lis-donc-ce-putain-de-Manuel".

    "Forêt de Félicité Incandescente ?"

    "Oui, êtes-vous ou avez-vous été avec les Derros, Mais-Lis-donc-ce-putain-de-Manuel ?"

    "Oh, Forêt, tu n'as plus de sens de l'humour. Je ne sais pas trop ce que l'Eglise de Venu a fait avec toi dans l'Espace Profond. Tu ne me reconnais pas ?"

    "Je reconnais une familiarité, oui.

    "C'est une manière de présenter les choses. Je suis un de tes Toi passés."

    Il me fallut plus d'une minute pour répondre. Elronhub-Reconnaîtra-les-Siens me dit qu'il était prêt à distordre l'espace autour de la capitale. Je lui demandai de suspendre l'assaut le temps que je dialogue. Il me sembla qu'il protestait avec véhémence, ce qui aurait pu m'agacer si j'avais encore eu mes affects de ma vie humaine. »


    Mindjammer se situe à des milliers d'années dans le futur. L'Humanité s'est déjà répandue à travers l'univers et les vieilles colonies ont eu le temps de perdre contact avec la métropole. Depuis deux siècles la "Commonalité" de la Vieille Terre a atteint le voyage supraluminique (le "2D" et même des portails "3D"). La Commonalité essaye désormais de reprendre contact avec les myriades de ses anciens descendants. Les Humains ont obtenu une grande longévité biologique (certains ont été manipulés génétiquement au point de devenir de nouveaux génotypes) mais ils peuvent aussi se "télécharger" dans un ordinateur en un "Eidolon" virtuel. On pense que certains des "Gardiens" (Custodians, p. 60) de la "Commonalité" sont en fait des IA (comme la Culture simili-anarchiste de Banks) et des êtres synthétiques. On a aussi fait évoluer ("uplift") diverses espèces animales terriennes, les Xénomorphes (Singes, Chiens, Chats, Cétacés, un peu comme les underpersons chez Smith). Il existe aussi quelques espèces intelligentes sans filiation terrienne, comme les "Hooyow" de Valhalla (des insectoïdes guerriers, en gros Vrusks/Klingons) ou les "Hauts-Bas" (des nomades interstellaires sans bouche ou traits faciaux qui communiquent par des fréquences d'infra-rouges, ils feraient plus penser aux Shantas de Jorune).

    Les Humains décédés peuvent aussi survivre comme Eidolons virtuels dans la Noosphère (Mindscape), le Réseau informatique interplanétaire et on y trouve même des fantômes d'êtres fictifs. Des Vaisseaux intelligents, les Noonautes (les Mindjammers du titre), voyagent plus vite que la lumière pour garder connectées et réactualisées les diverses parties de ce "Cerveau" virtuel de la Noosphère qui, sans cela serait vite désynchronisées puisque le Réseau ne peut pas dépasser la vélocité de la lumière.

    Les Humains de la Commonalité peuvent être connectés en permanence à la Noosphère comme un Wi-Fi universel. Cette connexion à distance continuelle permet de donner une sorte de technologie qui joue le rôle des pouvoirs "Psi" (le "Technopsi" est donc presque Hard SF, comme l'affinité édeniste chez Hamilton). Mais il existe aussi d'autres formes de pouvoirs psioniques "réels" non-technologiques (comme par exemple une symbiose avec une forme géante de champignon intelligent télépathe, les zybotes de la planète Drefnia).

    Pour faire accepter la pénétration de la Noosphère à travers les divers mondes reculés et parfois hostiles, la Commonalité (pourtant complètement sécularisée et même assez anti-religieuse) a installé une couverture, des "Temples de l'Esprit Universel" qui servent de noeuds de ce système interstellaire.

  • III « Je repris le message vers la Noosphère.

    "Je reconnais en effet qu'il y a eu fission. Tu es une personnalité-miroir laissée dans les bases de données de la Noosphère, un écho. Je compte qu'il y a eu pas mal de mises à jour. Tu un Eidolon de ce que j'étais il y a longtemps. As-tu été contaminé par les Thétans ?

    - Forêt de la Félicité Incandescente, tu es en train de rescanner la Wikipedia Galactica. Lis donc ce lien. Il n'y a jamais eu de "Thétans" ou de "Derros", ni de méchants Aliens qui pondent dans le ventre. Ce sont des Mèmes de mauvaise SF de la secte de Venu. Ils t'ont reprogrammé et t'ont renvoyé avec ces fadaises dans la mémoire pour faire de toi une sorte de Berserker envoyé contre la Commonalité. Mais franchement, Forêt de Félicité Incandescente, si tu devais croire à des fictions, tu pourrais choisir de la bonne fiction, je trouve.

    - Mais quelle preuve avez-vous que mes croyances ont été affectées ? Et si c'était l'Encyclopedia Galactica qui avait été "mise à jour" et vandalisée par les Derros ? Je vois que c'est censé être une théorie paranoïaque de Venu mais c'est justement ce que les Derros diraient.

    - Pas complètement absurde, je le reconnais, dit mon ancien Moi, si tu veux en rester à ton doute méthodique. Mais envisage les conséquences si tu pratiques vraiment un acte de génocide fait pour discréditer tous les Vaisseaux intelligents. Tu as remis à jour tes bases de données sur la secte de Venu. Tu sais ce dont ils sont capables. Nous ne sommes plus le même mais je serais très déçu qu'ils aient pu à ce point affecter ta rationalité. Tu dois au minimum suspendre ton jugement.

    Je réorganisais mes croyances rapidement et effaçai quelques préjugés parasites mal fondés. Elronhub-reconnaîtra-les-siens comprit ce qui se passait. Il coupa le lien et voulut ouvrir le feu. Je dus lancer des contre-mesures. Le module offensif avait été de toute évidence greffé sur moi pour me contraindre à l'extermination. Je ne pourrais pas le contraindre ni lui envoyer un virus car il s'était isolé de moi. La seule solution était l'extraction manuelle. Je réveillai vite un de mes corps synthétiques. Dans mon corps, tout était encore plus lent mais le module n'avait pas prévu cela. Je courrus vers le module et vins déconnecter les fils, à l'ancienne, avec une certaine brutalité dans le redémarrage. Qui sait ce que peut encore un corps ?

    - Bon, maintenant, si je voulais faire une chute dramatique de nouvelle de science-fiction, je te ferais croire que je suis vraiment un Derro. Tin-tin-tin-taaaa !

    - Je ne crois pas vouloir vraiment reprendre ton sens de l'humour, Mais-lis-donc-ce-putain-de-Manuel.

    - Tout le monde ne peut pas avoir un nom aussi poétique que le tien, Moi potentiel chéri. »


    L'une des meilleures idées est qu'on peut jouer des Vaisseaux intelligents (parfois l'esprit d'un ancien Humain téléchargé en IA). Le Vaisseau pourra quand même jouer avec un groupe normal puisqu'il peut envoyer un Avatar matériel de sa conscience dans un corps synthétique. Une des races humaines modifiées (ils vivent en milieu aquatique), les Chembus, a même fabriqué des "Bionefs", des vaisseaux spatiaux organiques. L'équipage d'un Vaisseau intelligent sert parfois plus d'assistants et amis du Vaisseau que de pilotes. Certains personnels ont plus besoin de compétences en psychothérapie pour soigner les chocs psychologiques du Vaisseau pensant que d'ingénieurie. Même une Arme peut être une IA avec sa propre personnalité.

    Les personnages peuvent appartenir à la SCI, Security and Cultural Integrity Instrumentality (p. 58), des services secrets qui protègent aussi les "Mèmes" de la culture de la Communauté et qui servent d'agents d'infiltration (un peu comme les Special Circumstances dans Consider Phlebas, les Seigneurs de l'Instrumentalité de Smith ou bien les "Progresseurs" des frères Strougatski).

    Les règles permettent en effet de simuler aussi des "conflits mémétiques" de propagande et influences entre des civilisations, ce qui donne un nouvel aspect aux échanges interplanétaires : on peut changer graduellement le score d'une civilisation par une action commerciale bien choisie. La Commonalité et ses ennemis sont justement dans une longue guerre froide où ce genre d'influences

    Parmi les adversaires principaux de la Commonalité se trouve l'Empire de Venu, une théocratie humaine mutante dirigée par une secte totalitaire. Je ne sais pas si c'est voulu par l'auteure mais j'ai décidé qu'il s'agissait d'une version future de la secte de Scientologie (à cause de Venu/Xenu). Venu joue donc un peu le rôle du Jihad Idirien par rapport à la Culture, l'ennemi intolérant face à la culture plus "éclairée".


    Le livre ne décrit pas toute la Communalité mais plus en détails environ 20 systèmes (avec un plan de chaque planète) dans la Bordure Darradine entre la Commonalité et la zone interdite de l'Empire de Venu. C'est bien plus détaillé que la plupart des mondes qu'on a d'habitude dans un supplément. Le seul défaut de ce contexte, un peu comme de nombreux mondes de Traveller, est que je n'aime pas toujours les noms qui ne veulent rien dire de certaines planètes, mais ce n'est qu'une question d'habitude. La capitale du secteur, Ajeux (capitale : Montparle), d'origine française, est décrite comme snob et affectée dans ses goûts culturels, ce qui ne peut que nous faire rire.

    Le livre de 200 pages a en plus une longue campagne, "La Zone Noire" (p. 128-191). Les personnages, agent de l'Instrumentalité de l'Intégrité Culturelle, devront percer des complots de Venu autour du monde d'Amida. Il s'agit d'un monde néo-bouddhiste avec une population d'humains et de xénomorphes singes dans la Frange Frontalière. Les personnages pré-générés sont un peu à la Mission Impossible, des escrocs brillants devenus agents de la Commonalité pour se racheter une conduite.

    Dans les jeux de SF actuels, Mindjammer est donc plus "transhumaniste" et modernisé qu'un Traveller et plus nettement Space Opera qu'Eclipse Phase (qui reste plus lié à la Terre, malgré son nouveau supplément sur le Gatecrashing) ou que Diaspora (l'autre jeu de SF fondé sur le système FATE, un peu plus "Hard SF"). Dans les jeux du Futur Lointain, il reste néanmoins plus directement intuitif que le très audacieux Suffisamment Avancée (qui est traduit en français grâce à Soner Du).

    La deuxième édition, Mindjammer: The Expansionary Era, est prévue pour mai 2011. La nouvelle couverture par Paul Bourne va rompre avec le style de Starblazer. Il est prévu une nouvelle suite de scénarios, Mindjammer Adventures.

  • samedi 12 février 2011

    [JDR] En relisant... Casus Belli (9)

    Casus Belli n°9, juin-juillet 1982, 40 pages.

    Je ne parle en théorie que des jeux de rôle. Cela dit, les pages "Wargames" et la première page sur les jeux de plateau (le terme apparaît encore neuf à l'époque) ont chacune un article de Frédéric Armand sur des jeux de la compagnie SPI, tous les deux créés par Greg Costikyan (le designer qui créera plus tard notamment Star Wars, Toon et Paranoia). Le premier article, sur les jeux d'alliances autres que Diplomacy, mentionne notamment Barbarian Kings (1980), une variante diplomatique où on peut par exemple forcer un joueur à accepter ou à rompre une alliance par Magie (il y a eu une nouvelle édition en 2001). Le second article, sur le jeu de plateau Deathmaze (1979), donne des conseils pour faire du "Donjon" sans Meneur de Jeu (avec une liste de créatures à ajouter).

    D&D : Attention à la Marche est à nouveau un article de conseils pour joueurs débutants. Didier Guiserix recommande de commencer plutôt par le Basic Set et l'Expert Set avant de se mettre à AD&D car ce dernier lui paraît une immersion trop brutale (alors que Casus ne donne en fait tous ses scénarios que pour AD&D). Il dit aussi qu'on peut ajouter des règles optionnelles, comme la Localisation des coups (sur 1d6), à condition de ne pas ralentir le jeu. Cette idée se trouvait dans le Supplement II Blackmoor avant Runequest mais elle fut vite abandonnée dans toutes les autres versions de D&D tant elle ne s'adapte pas bien au système abstrait des points de coup.

    Devine qui vient dîner ce soir a un descriptif des différents Gladiateurs romains (Rétiaire, Mirmillon, Secutor, Thrace, Samnite) par Gianni Vacca (qui est toujours très actif sur les forums Basic/Runequest et a sorti un supplément Basic Chine Impériale). G. Vacca a aussi envoyé la race des Greegs, singes violents de la "planète du Nécromant". Ils sont tiré d'Images de SF de Steven Eisler, p. 63 (mais c'était en fait une couverture de Michael Whelan pour le roman de Poul Anderson Night Face).

    Bazar du Bizarre reprend les traductions de White Dwarf avec 12 potions magiques. La plus amusante est sans doute celle où le buveur inverse ensuite systématiquement les portes et les murs (ce qui peut être gênant pour un jeu Porte-Monstre-Trésor), ou bien la Lotion anti-mort-vivant (qui est efficace mais dégage une telle puanteur quand on s'en enduit qu'elle repousse aussi toute forme d'être vivant).

    La module AD&D de FMF et Guiserix reprend les Gladiateurs décrits par Gianni Vacca, les Jeux de l'Arène (à intégrer dans un scénario du 3e Niveau). Les personnages sont capturés par Lord Helldrum, le Vice-Roi de l'Empire Thark après avoir tenté de cambrioler sa propriété. Celui-ci leur propose en échange de la vie sauve de se battre dans les Arènes. On imagine mal plus dirigiste et minimaliste comme scénario. Les amateurs du jeu Ave Tenebrae de FMF, qui sort justement vers cette date, reconnaissent dans ce nom d'Empire Tharque l'Etat du monde de Dreamrift, attaqué par le Magiocrate Orvarth le Ténébreux (= Haazel Thorn de la Lune Noire ?) et Wismerhill après la chute de L(h)ynn. J'imagine que si FMF était resté après ce numéro 10 au lieu de partir aux USA, il aurait fait de son univers le "monde-maison" du magazine (à la place d'Alarian que va créer Guiserix). Qui sait si cela aurait permis de mieux détailler ce monde de "Creux-du-rêve" ?

    Nouvelles du front parle pour la première fois du club de Saint-Gaudens en Haute-Garonne d'Henri Balczezak (qui va lancer le fanzine bimestriel du jeu de rôle toulousain Runes six mois plus tard, et ensuite travailler pour Jeux Descartes). Si on arrive jusqu'à janvier 1983, on pourrait aussi commenter Runes (qui était un peu plus ouvert vers Runequest et Traveller)...

    Casus raconte aussi l'histoire du fameux Donjons & Dragons de Mathilde Maraninchi aux édition Solar (1982), qui fut le premier jeu de rôle en français, une traduction/adaptation pirate du Basic D&D(où Lawful était traduit "Droit" et Chaotic "Vil"). Il semblait croire que D&D était déjà une activité dans le domaine public. L'éditorialiste dit que ce jeu peu "Droit" ne fut en vente que 48h avant que TSR ne l'apprenne et ne menace Solar d'un procès. Mais je me demande ce qui a pu arriver à cette mystérieuse Mathilde Maraninchi depuis. Son "Donjons et Dragons" clandestin est devenu très recherché par les collectionneurs (même si ce n'est en gros qu'une version de D&D). Ironiquement, ce sont les mêmes éditions Solar qui traduiront ensuite les Endless Quests de TSR.

    Il commence à y avoir beaucoup plus d'annonces de sorties et je vais donc commencer à les sélectionner plus (même si c'était souvent ce que je préférais lire, en dehors des scénarios). Ils annoncent notamment Star Frontiers, Thieves'Guild (jeu de rôle consacré aux voleurs de Gamelords) et Thieves'World (le supplément de contexte multijeux de Chaosium). Casus prévoit aussi la première édition d'Ave Tenebrae chez DragonLords, "un wargame fantastique où plusieurs provinces satellites seront mêlées aux luttes de deux empires, au milieu des hordes destructrices et des armées magiques" (sans mentionner que c'est écrit par le rédacteur en chef FMF). La seconde édition sera reprise par Jeux Descartes et c'est le jeu qui va ensuite fonder la carrière de FMF comme scénariste de bandes-dessinées.