vendredi 31 août 2012

Foi familiale


Mitt Romney est un des nombreux arrière-arrière-petits fils de Parley Pratt (1807-1857), un des Douze premiers Apôtres directs de l'escroquerie de Joseph Smith. L'Apôtre Parley Pratt fut tué quelques années après sa conversion par le mari (légal) de sa douzième "épouse". On comprend que les Mormons financent aujourd'hui la lutte contre tout changement de l'institution matrimoniale.

Parley Pratt laissa 30 enfants de ses 12 épouses et 155 ans après sa mort, il aurait aujourd'hui selon les estimations entre 30 000 et 50 000 descendants. L'autre candidat républicain et ex-gouverneur de l'Utah, Jon Huntsman, Jr, est d'ailleurs aussi un cousin de Romney par une autre branche de la dynastie Pratt.

Une fille parmi ses deux cents petits-enfants, Ann Pratt (1876-1926) épousa Gaskell Romney (1871-1955), un des Mormons qui avaient fui l'Utah en 1885 pour l'autre bord de la frontière mexicaine pour pouvoir continuer à pratiquer la polygamie (le père de Gaskell, Miles Romney, avait cinq épouses). Gaskell et Ann Romney sont les grand-parents paternels de Mitt.

Finalement, après la Révolution mexicaine de 1916, les Mormons de la colonie revinrent aux USA en abandonnant officiellement la polygamie. Le père de Mitt, George Romney (1907-1995) est donc né au Mexique et réussit à se présenter aux Primaires républicaines de 1968 contre Nixon : à l'époque, on semblait prêt à lui pardonner le fait de ne pas être né sur le territoire américain. Mais il est vrai que George Romney était blanc alors qu'Obama a le tort d'être né à Hawai.

Cette origine mexicaine rend encore plus ironique la blague si peu productive de Mitt Romney quand il a déclaré que lui au moins, "personne ne lui demande son certificat de naissance et qu'il est né ici, au Michigan". Se moquer du fait que son adversaire est harcelé par les racistes de son propre parti pourrait certes passer pour de l'humour auto-dépréciateur, ou peut-être encore un refoulement de cette campagne ratée de son père en 1968 (entre George W. Bush, Barack Obama et Mitt Romney, les complexes oedipiens ont l'air de façonner la vie des hommes politiques).

Mitt Romney n'a pas été qu'un fidèle et qu'un Missionnaire Mormon vers 1968. Plus tard, il a aussi été ordonné "Prêtre" (High Priest) et "Evêque" (Bishop) dans l'Eglise des Saints des Derniers Jours (1981-1986) mais ce terme est un faux ami car cela revient plutôt au dirigeant d'une seule congrégation (disons, à un pasteur). Mais il fut ensuite Stake President de Boston (1986-1994), ce qui revient à peu près au dirigeant de tout un "diocèse" et donc à un "Evêque" habituel.



La différence entre "Prêtre" et "Laïc" n'est sans doute que de degré assez faible dans le Mormonisme puisqu'ils sont censés être tous appelés à devenir "Saints", mais Mitt Romney est sans doute le Prêtre le plus élevé qu'on ait vu comme candidat d'un des deux Partis états-uniens depuis le célèbre Presbytérien populiste William Jennings Bryan (1860-1925, candidat du Parti démocrate en 1896, 1900, 1908, et surnommé "le Pape des Fondamentalistes").

Cela doit fasciner d'autres théocraties comme la République dite islamique d'Iran qu'un plausible dirigeant du monde occidental fasse partie du sacerdoce d'une organisation américaine qui enseigne que le Messie a vécu dans l'Illinois ou que les Indiens d'Amérique sont en réalité des Hébreux à qui Dieu a donné la peau rouge pour les punir.

Quelle personne au Siècle des Lumières aurait deviné que trois cents plus tard des mythes aussi bizarres et fantastiques dirigeraient la planète ?

[JDR] Dragon Age: Dark Fantasy RPG


Il s'agit ici de Dragon Age, le jeu de rôle (sur table) par Green Ronin, pas celui sur ordinateur de Bioware dont j'ai parlé avant-hier avec le monde de Thédas. Le but du jeu de rôle, conçu par Chris Pramas (ancien de chez D&D mais qui dit préférer Warhammer, je crois) était d'attirer les amateurs du jeu vidéo par un jeu d'initiation. Cet aspect d'initiation explique peut-être le refus de tout dé polyhédrique, tout se joue au d6. Le jeu de rôle fut développé assez indépendamment des règles du jeu vidéo, je crois, et s'inspire sans doute plus de Basic D&D, si ce n'est qu'il y a l'univers pré-établi de Thédas.

Le jeu a été présenté pour l'instant sous forme de deux boîtes, deux "Sets" : le Set 1 d'Initiation couvre les Niveaux 1-5, avec seulement trois espèces (Humain de Ferelden, Elfe, Nain) et le Set 2 ajoute quelques origines nouvelles (dont l'espèce de Géants fanatiques des Qunari) et va jusqu'au Niveau 10. Voir aussi la présentation sur le GRoG qui ne porte pour l'instant que sur le jeu de base.

Création de personnage

DA ressemble un peu au système d20 et plus particulièrement à Trued20 qu'avait aussi conçu Green Ronin. Il y a 8 Caractéristiques : Communication, Constitution, Force, Dextérité, Astuce (Cunning), Magie, Perception et Volonté, qui sont données directement comme des bonus ou des malus (de -2 à +4, la moyenne tourne plutôt à +1), même si on les tire avec 3d6 (une Option du Set 2 propose de répartir +10 points entre les 8 Caractéristiques au lieu de lancer les dés).

Chaque Caractéristique peut avoir à son tour des "Spécialisations" (Focus) où le personnage peut-être encore plus doué. C'est simplement un bonus +2 à une Caractéristique et cela joue le rôle de Compétences. Par exemple la Caractéristique Communication peut se spécialiser en Persuasion, en Séduction, en Commandement, mais aussi en Etiquette ou en Domestication des Bêtes.

On choisit ensuite non pas seulement une des trois Classes (Guerrier, Mage, Voleur) mais aussi une des 7 Origines sociales dans le Royaume de Ferelden (Mage Apostat ou Mage du Cercle officiel, Barbare Avvarien, Homme libre Fereldien, Elfe acculturé urbanisé ou Elfe nomade des Vaux, Nain de la Surface), qui fournissent des Spécialisations et des bonus à certaines caractéristiques.

Le Set 2 ajoute 10 Origines supplémentaires avec d'autres pays hors de Ferelden, dont le Royaume nain d'Orzammar : Nain aristocrate, Nain roturier, Nain paria, Artisan fereldien,  Aventurier Névarrien, Marchand antivien, Barbare Chasind, Citoyen des Marches Franches, Exilé orlésien, et même la possibilité de jouer soit des Soldats qunari ou même des Tal-Vashoth (les Géants sauvages qui ont refusé la philosophie de contrôle des émotions du Qunarisme, et qui ressemblent à des Trolls d'Earthdawn).

Les Points de Santé dépendent de la Classe et sont égaux à Constitution + 1d6 + 20 pour un Mage, 25 pour un Voleur, 30 pour un Guerrier (ce qui doit donner une variation entre 19 pour un Mage malingre et 41 pour un Guerrier très solide). Comme les Armes font entre 1d6 et 3d6 dégâts (+ Bonus de Force), il est donc mathématiquement difficile de tuer d'un seul coup.

Niveaux Supérieurs

A chaque Niveau, la Santé monte. Un personnage regagne Constitution + 1d6 en plus à sa Santé (ce qui pourrait donc avoisiner les 70-80 pour un Guerrier de Niveau 5) mais aussi un bonus à une caractéristique et une capacité spéciale de ce Niveau (par exemple des Compétences, des Talents spéciaux ou des Sorts). Contrairement aux "Spécialisations" (qui fournissent toujours simplement un bonus+2), ces Talents plus avancés ont deux niveaux, Novice et Compagnon.

On remarque qu'on ne peut pas jouer de Gardien Gris ou de Templier de l'Eglise dans le jeu de base. On ne peut pas atteindre ces Carrières avancées qu'après le Niveau 5 dans le Set 2. En revanche, n'importe quelle Classe peut en droit accéder à cette profession de Gardien Gris, à condition d'être recruté par l'Ordre (on ne candidate pas, on se fait choisir par cooptation).

Le risque des Gardien Gris est en revanche que comme ils côtoient les Démons de très près et se servent de moyens impies dans leur lutte, ils sont susceptibles de basculer eux aussi du côté obscur. Je ne vais pas révéler là un des secrets de cet univers mais il suffit de savoir que le Fléau de la Flétrissure finit par les corrompre petit à petit, ce qui est bien entendu parfait pour le jeu de rôle. On comprend que les Gardiens Gris aient été interdits dans le Ferelden comme ils sont potentiellement aussi tentés et aussi dangereux que les Mages.

A partir du Niveau 6, on peut en effet sélectionner plusieurs Classes spécialisées (qui sont donc un peu comme les Classes de Prestige) : Guerriers Arcane, Assassin, Barde, Berserk, Mage de Sang, Champion, Duelliste, Guérisseur, Templier.

Le Système général des règles

Toute action est résolue avec 3d6 + Bonus (Caractéristique + 2 par une Spécialisation éventuellement) et il faut atteindre le seuil le plus élevé. Oui, c'est donc en gros le système d20 mais avec une Courbe en Cloche. Un jet d'attaque au contact se fait avec 3d6 + Force + Spécialisation (sachant qu'on a un gros malus aux dégâts sans la Spécialisation adaptée à l'arme).

Une particularité est le troisième dé de ces 3d6, appelé le "dé Dragon" qui donne le degré de réussite (si du moins c'est réussi).

Dans le Combat et certaines autres actions, le dé Dragon permet aussi des manœuvres plus élaborées. Si les 3d6 ont donné au moins un double et si l'Action est réussie, le dé Dragon donne le nombre d'Effets Spéciaux (Stunts) permis.

Par exemple, si le personnage a réussi avec un score de 13 avec 5, 4 et 4 au dé Dragon, il a un Double et 4 points d'Effets Spéciaux. Il peut par exemple se permettre deux manœuvres : désarmer son adversaire et le frapper plus fort (+1d6 aux dégâts) ou bien faire une manœuvre plus complexe et frapper deux adversaires à la fois.

Dragon Age a abandonné le système de Classe d'Armure de D&D : le jet d'Attaque se fait contre un score de Défense et l'Armure ne sert qu'à absorber des dégâts (sauf si un Effet spécial permet de trouver un point faible dans l'Armure).

La Magie

Le principe est le même système que le Combat, un jet de 3d6 + Magie + Spécialisation. Comme pour le Combat, on peut pratiquer des sortes d'Effets Spéciaux en cas de réussite critique aussi.

Les Mages de Thédas manipulent l'énergie astrale d'un plan appelé l'Évanescence (The Fade). Tout Mage qui lance un sortilège risque d'attirer un Esprit ou un Démon sur ce plan, qui risque de le posséder. Si un jet de Magie est raté avec un dé Dragon de 1, c'est un Accident et le personnage doit faire un jet de Volonté contre la difficulté du Sort pour éviter un Echec critique (dont par exemple la Possession par un Démon).

La Magie est divisée en cinq écoles : Création, Entropie, Energie Primale, Magie Spirituelle et Magie de Sang (considérée comme illégale et dangereuse). Le Set 1 n'avait que peu de Sortilèges, environ 18, et le Set 2 en ajoute 38 de plus.

Les Sorts demandent des Points de Mana et le Mage commence avec 10 + Magie +1d6 Points de Mana (+ Magie + 1d6 supplémentaires par Niveau). Un Sort de base ne coûte généralement qu'entre 1 et 5 Points de Mana et on peut en recharger chaque heure de repos. Le fait de porter une Armure ne donne pas de malus à la réussite du Sort mais le rend plus fatiguant en Points de Mana.

Un bon jeu d'initiation

Le jeu me paraît bien meilleur que D&D dans ce but d'attirer de nouveaux joueurs potentiels, même si je n'aime pas tout le principe des jeux à "Points de Vie Ascendants" (où on doit toujours chercher à rééquilibrer les menaces à des Niveaux trop hétérogènes).

Dans le genre, cela me paraît aussi plus élégant que HackMaster Basic (qui lui ressemble sous certains aspects, comme les Points de Magie ou l'abandon de la Classe d'Armure) et le système de Corruption est peut-être moins "Gonzo" que les mutations de Dungeon Crawl Classics.

Les deux livrets de la première boîte ont été écrits pour être faciles à utiliser, les informations sont clairement expliquées et répétées plusieurs fois et pourtant le contenu est quand même assez court (66 pages pour le livre du joueur). La séparation des deux Sets a le défaut de disperser un peu certaines informations (comme de ne mettre les règles sur les Poisons ou les Pièges que dans l'extension de la seconde boîte), mais c'est aussi le prix pour alléger le premier Set et le maintenir en dessous de 70 pages.

Le Set de Base inclut même un scénario d'initiation par Steve Kenson, The Dalish Curse, ce qui devient trop rare dans les jeux actuels. Le Set 2 a aussi une aventure, The Autumn Falls (Niveau 5-7), qui se déroule en dehors du Royaume de Ferelden dans les Marches Franches.

Je ne crois pourtant pas que la "synergie" ait fonctionné et que le jeu ait réussi dans son but de faire venir de nouveaux joueurs. Il n'y a eu en tout cas qu'assez peu de suivi (y aura-t-il un Set 3 Level 10-15 ?) alors que le jeu informatique était au contraire un très gros succès.

Je n'ai pas pratiqué ce dernier mais je me demande si l'écart entre les deux systèmes de jeu n'a pas nui au jeu de rôle sur table. Il ne semble pas tout à fait évident d'adapter les capacités de votre personnage du jeu informatique vers la structure rigide du jeu sur table. Il n'y a par exemple pas de Mage spécialisés dans la Polymorphie (Shapeshifter) alors que c'est un des aspects importants du jeu vidéo avec sa sorcière qui se transforme en Araignée géante. L'adaptation semble parfois curieusement distante pour une sortie simultanée, même si c'était une intention des auteurs peut-être que d'avoir un jeu bien plus simple.

mercredi 29 août 2012

Tamriel & Thedas


Contrairement aux Vrais Geeks Authentiques d'Appellation Contrôlée, je n'aime pas les jeux sur ordinateur. J'ai juste joué à Civilization I il y a environ 20 ans mais en gros, je n'aime les jeux de rôle qu'avec des êtres humains (même si j'admets la possibilité qu'un jour dans un avenir plus ou moins proche, la technologie évolue assez pour que je puisse changer d'avis). Pour l'instant, même dans un bac-à-sable, je me sens enfermé par le programme.

Mais parmi les prétendus "jeux de rôle par ordinateur" (expression discutable, mais passons), il semble que des jeux comme Dragon Age ou les derniers Elder Scrolls commencent à recevoir des univers tout aussi creusés que ceux des jeux de rôle sur papier et des scénarios presque aussi riches.


  • Les Parchemins des Anciens : le continent de Tamriel

    Elder Scrolls est plus ancien (la première version, encore assez primitive, est de 1994) mais je crois qu'il n'a commencé à détailler vraiment son univers que dans les derniers modules Elder Scrolls III: Morrowind (2002), IV: Oblivion (2006) et V: Skyrim (2011).



    De prime abord, le monde de Tamriel [au sens strict, le monde s'appelle "Nirn" mais les aventures se déroulent toutes pour l'instant sur le continent de Tamriel] paraît assez proche des clones génériques de Tolkien habituels, avec ses Humains, ses Elfes et ses Nains.

    Mais une des premières idées de base de ce monde est une simplification habile des espèces. En dehors de quelques monstres et créatures (des félins et des sauriens humanoïdes), il n'y a pour ainsi dire que deux groupes : les Humains et les Elfes (avec diverses sortes d'Elfes, dont les Nains et les Orcs seraient tous issus). C'est plus conforme aux contes qui ne séparent pas autant les races féériques que dans les mondes post-tolkieniens. Cette dualité recouvre une opposition originelle entre les Humains mortels, qui adorent les Dieux qui les auraient créés, et les races elfiques, qui se disent descendre directement de certains de ces êtres que les Humains considèrent comme des Dieux et/ou des Démons. Cela explique l'arrogance des Elfes qui ne vouent aux Dieux qu'un culte ancestral envers leurs dynasties. En fait, les divers Elfes d'origine transcendante considèrent que ce Monde mortel a été créé par le Trickster en leur volant leur immortalité. Cela leur donne une haine (gnostique) contre ce Monde matériel déchu et cela explique en partie l'animosité entre les deux espèces, qui rend les Elfes profondément inhumains (même si des alliances ont été possibles).

    Un des nombreux auteurs du monde des Parchemins (mais parti avant le volume V: Skyrim) est Ken Rolston, connu des rôludistes pour avoir participé à RuneQuest et avoir bien connu le meilleur monde fictif jamais développé, Glorantha. Je ne sais si cela ne vient que de lui mais on ne s'étonne donc pas que Rolston ait incorporé depuis 2000 dans la cosmogonie de Tamriel certains des aspects de Glorantha, notamment l'idée (d'origine campbellienne) que chaque élément du "Monomythe" va être diffracté et réinterprété de manière complètement différente à travers les différentes cultures de Tamriel. Chaque donnée sur les cultes et les Dieux, Démons ou Dragons est donc traduit de manière assez différente, ce qui fait que le joueur ne peut pas toujours savoir quelle interprétation est correcte.

    L'Histoire est découpée en trois Âges et me semble hélas moins originale que ces détails mythologiques. Au Premier Âge, plusieurs Etats d'Elfes l'emportaient sur les Humains. Une esclave rebelle, Sainte Alessia, révèle aux Humains le culte des Huit Dieux-Dragons et lève avec plusieurs héros la révolte des Humains contre l'Empire elfique. C'est le début du Premier Empire de Cyrodiil, qui persécuta les royaumes elfes, puis du Second Empire dont les dirigeants avaient le sang d'un ancien dragon. Le Second Empire s'écroula quelques siècles après sous les coups d'une société secrète d'assassins elfes. Le Second Âge fut la période de l'Interrègne où les divers royaumes de Tamriel se divisèrent à nouveau, jusqu'à la Réunification au Troisième Âge et l'apothéose d'un nouvel Empereur au sang draconique, qui fut ajouté comme Neuvième Dieu de l'Eglise alessienne. C'est l'époque de la plupart des modules (certains des romans officiels et le volume V Skyrim se déroulent en revanche après l'auto-sacrifice de ce Troisième Empire pour résister aux forces de l'Oubli, après la destruction de l'Amulette de Sainte Alessia).

    Tamriel est composée de huit grands pays qu'on peut compter plus ou moins dans l'ordre des aiguilles d'une montre. Au centre se trouve la vieille capitale impériale des Humains, Cyrodiil. Morrowind au nord-est est dirigée par les Dunmer (les Elfes noirs). Le Marais Noir, au sud-est, est le territoire des Argonnes, les hommes-lézards. Elsweyr, au sud, est le royaume des Khajit, les hommes-félins. Valboisé, au sud-ouest, appartient aux Bosmer (Elfes sylvains). Les Îles du Coucher de l'Eté, à l'ouest, sont le domaine des Altmer (Hauts-Elfes). L'Enclume (Hammerfell), à l'ouest, est le domaine des Rougegardes, un peuple humain martial. Au nord-ouest, Hauteroche (Highrock) appartient aux Bretons, un peuple humain mélangé aux Elfes et au peuple des Orsimer (les Orcs). Enfin, tout au nord dans les plus hautes montagnes, Bordeciel (Skyrim) est peuplé d'humains et de Falmer (Elfes des neiges).

    Le jeu a développé de très nombreuses organisations, guildes et sociétés mais globalement (en dehors de la religion), l'univers reste assez traditionnel.

  • L'Âge des Dragons : le Continent de Thedas

    Dragon Age commence sa propre série depuis 2009 (donc après Elder Scrolls IV) et a déjà eu de nombreuses extensions, romans et même une série en vidéo et un jeu de rôle sur papier (qui n'utilise pas du tout les mêmes règles que le jeu informatique).



    Thedas aussi oppose les Elfes et les Humains mais avec un mythe assez original. Avant même le commencement du calendrier, les Humains ont envahi les territoires elfiques mais pour leur voler aussi leur Magie, ils ont dû envahir le Plan des Rêves, en utilisant des minerais d'absorption de la Magie pris aux Nains. Dans ce Plan des Rêves (appelé l'Evanescence, The Fade), où vont à la fois les morts et les songes, ils ont trouvé la Cité d'Or, domaine céleste, qu'ils ont tenté de conquérir pour en tirer leurs pouvoirs. Cela eut des conséquences apocalyptiques car la Cité d'Or chuta et fut corrompue. Elle n'existe plus dans ce Plan que comme une terrifiante Forteresse de Ténèbres.

    Cette version de la Chute est fascinante et pourrait encore faire penser aux Apprentis Divins de Glorantha : les Humains n'ont pas été chassés du Paradis pour une faute, les Magiciens humains de l'Imperium ont saccagé le Paradis lui-même. Ce pillage a pollué ce Plan spirituel et fit chuter les Anciens Dieux sous forme de plusieurs Dragons déchus en démons. C'est ce qu'on appelle le Fléau de la Flétrissure (The Blight) et ce Fléau revient désormais régulièrement, presque à chaque siècle dans le monde matériel. Les Humains créèrent alors un Ordre spécialisé de rangers-exorcistes, les Gardiens Gris, pour lutter contre les invasions des forces démoniaques qui ont été libérées sur le monde.

    Comme pour Sainte Alessia sur Tamriel, il appartient à une femme d'être la Prophète. Une Humaine nommée Andraste se dressa contre l'Imperium des Mages qui avait pillé la Cité d'Or. Elle instaura une Eglise monothéiste (The Chantry), qui considère les Anciens Dieux comme de simples Anges déchus du Créateur. Cette Eglise lutte depuis à la fois contre ces Anciens Dieux corrompus mais aussi rapidement contre tous les Non-humains (qui n'ont pas d'âme et dérogent au plan du Créateur) et contre tout Sorcier qui risque d'alimenter le Fléau. Sans doute à cause de sa Fondatrice, l'Eglise n'admet que des Prêtresses femmes (sauf dans l'organisation militante des Templiers, qui est aussi l'Inquisition et qui pourchasse notamment les Magiciens non-immatriculés et "apostats"). Les Elfes (animistes) et les Nains (athées) sont des sujets opprimés par la plupart des Etats humains et les Elfes des Vaux sont maintenant des réfugiés nomades, après des siècles de génocide par les Humains (même si certains se sont convertis pour survivre).

    Le Calendrier de Thédas a une présentation particulière. Chaque Âge dure 99 ans (ce qui explique qu'on donne les dates comme des versets bibliques : "8: 99" pour la 99e année du 8e Âge) et le présent est au Neuvième Âge (vers 9: 30 dans Dragon Age: Origins), prophétisé comme "l'Âge des Dragons".

    Le combat de l'Eglise contre la Magie n'a pas fait l'objet d'un consensus de tous les fidèles. A partir de 3:87, l'Imperium de Tevinter, soutenu par les Mages, a déclaré un Schisme, refusant à la fois l'autorité de la Pontife (ils nomment leur propre Pontife) et la divinité de la Prophétesse Andraste. Ce Schisme déclenche une période de "Marches Exaltées" (des Guerres saintes) de l'Eglise contre l'Empire.

    Depuis les trois derniers siècles, l'Eglise doit lutter non seulement contre le Fléau, contre les Mages hétérodoxes mais aussi contre de nouveaux envahisseurs dans l'Imperium, un Etat étranger hyperorganisé qui recrute à la fois des Humains et non-Humains dans sa philosophie totalitaire, les Qunari. Ces derniers n'ont rien de "démoniaques", même s'ils soumettent tous leurs sujets à un ordre rigide et militarisé. Les dernières Guerres Saintes des Templiers ont plutôt été lancées contre leurs organisations et leur philosophie irréligieuse assez stoïcienne.

    Cela explique que les factions de Thédas soient si divisées entre les Templiers, les Mages, les Non-Humains persécutés et les Qunari, et que les derniers Gardiens Gris soient impuissants à les unifier contre le Fléau. Cela rend le monde assez peu manichéen comme chaque faction peut avoir ses ambiguïtés.

    Peu de nations ont vraiment été détaillées pour l'instant. Le jeu se déroule dans le Royaume de Ferelden, monarchie récente qui a un petit côté celtique et qui vient de regagner son indépendance de l'Orlais. L'Orlais, à l'est, au-delà des anciens Vaux elfiques, ressemble à une France alternative mais est aussi le siège de l'Eglise (la "Divine", chef des Révérendes Mères, est à la capitale "Val Royeaux"), qui s'oppose à l'ancien Imperium de Tevinter, au nord. Cette magiocratie de Tevinter serait l'équivalent de l'Empire byzantin, l'Imperium a fait scission et a sa propre Eglise Impériale (qui tolère plus la Magie et accepte les prêtres masculins). L'Anderfels est plus germanique et contrairement aux autres Royaumes, les Gardiens Gris y sont très influents. Les Qunari joueraient à peu près le rôle des Etats musulmans ou turcs du Moyen-Âge, si ce n'est que leur organisation militariste insiste plus sur la technologie.

    Les thèmes épiques de Dragon Age sont donc ultra-rabachés (le retour d'un Mal Ancien) mais les références inversées à l'Histoire sont assez bien faites, avec cette Eglise féminine en lutte avec l'Empire, ou ces Elfes qui vivent comme une minorité de nomades persécutés. Les clichés sont assez reconnaissables pour être vite intégrés (tout jeu de rôle a une méchante Inquisition) mais en même temps peuvent être retournés (les Templiers de l'Inquisition peuvent aussi lutter sincèrement contre le Fléau, l'Eglise évoque un peu les Bene Gesserit ou les Aes Sedai). La Magie comme source de corruption cosmologique a aussi un petit côté qui rappelle Earthdawn, et le fait que les Mages voyagent dans leurs songes est intéressant (même si on l'a déjà vu en France avec Rêve de Dragon et aux USA notamment dans Tribe 8 ou dans The Wheel of Time).
  • [JDR] Arkat Art


    Chez l'artiste Mike Perry, plusieurs illustrations pour la prochaine encyclopédie sur Glorantha préparée par Jeff Richards. J'aime beaucoup cette scène de sacrifice à Arkat aux Sept Têtes, qui représente bien la complexité de la mythologie gloranthienne.




    Arkat est l'un des plus grands héros de Glorantha mais aussi le meilleur exemple du "perspectivisme" de ce monde. Presque toutes les cultures (sauf les Solaires ou les Trolls) ont le même mythe où Arkat vient d'une autre culture, devient l'un des plus grands héros, puis trahit la culture pour se convertir à une autre (dans un itinéraire de l'Ouest vers le centre du continent de Genertela).

    Né en terre monothéiste mais en quête spirituelle continuelle, il devient chevalier hérétique, puis guerrier païen et finit en dépassant sa propre humanité. Dans sa lutte contre la face lumineuse du Trompeur, Arkat aura trahi plusieurs religions et aura même abandonné sa propre espèce en se convertissant en Troll des Ténèbres, ce qui fondera l'Autarcie Stygienne autour des Mystères de son culte.

    Arkat n'est en effet pas un simple "Héraclès" [même si on pourrait objecter que notre Héraclès est peut-être lui-même une synthèse superposée de plusieurs héros de Méditerranée et d'Orient] mais un héros qui intervient dans les mythes des autres cultures. Il commence donc une pratique gloranthienne où l'exercice de la mythologie comparée devient une technique de transformation de soi et des mythes, par les mythes, au risque de perdre ensuite toute dévotion sincère dans sa propre religion (les Apprentis Divins ne feront que poursuivre cette technique comme une colonisation des Plans Mythiques avec leur "Quête runique"). Les Arkatis sont ensuite diverses sectes ésotériques et sociétés secrètes contradictoires, des Mystes inquiétants qui prétendent atteindre directement un aspect authentique de ce héros polymorphe.

    On pourrait aussi le comparer à notre Alexandre le Grand, premier héros globalisé, qui lui aussi laissa des traces contradictoires dans des cultures très différentes, entre les monarchies hellénistiques et la tradition persane (qui transforme le conquérant macédonien en bon shah persan).

    L'illustration d'Arkat est encore plus réussie si les vieux fans se souviennent encore de celle assez bâclée de "Black Arkat" dans Troll Gods (1988) p. 25, à l'époque où Avalon Hill sacrifiait complètement Glorantha et où Dobyski (dont on dit qu'il était un bon cartographe) avait dû faire ces images moches [TotRM #7 proposait une illustration de rechange].

    Jeff Richards avait parlé à nouveau de l'interprétation d'Arkat aux Chimériades, comme un Illuminé miroir de Nysalor qui devait apprendre à se réconcilier avec son Autre pour accomplir enfin l'Illumination.

    lundi 27 août 2012

    Le Passeur


    Si j'ai du temps, j'ai envie de me mettre sérieusement à Hermann Hesse, à cause de mon indomanie. L'ennui est que je n'aime vraiment plus autant les Bildungsromane et que Hesse a l'air obsédé par cette structure du Roman Initiatique. Le genre paraît vraiment épuisé, didactique et le XXe siècle l'a plagié tellement de fois que cela devient encore plus figé et cliché que le parcours du Héros campbellien :
    (1) le héros veut devenir un artiste (ou chez Hesse un Prophète, c'est pareil).
    (2) Il échoue en devenant un disciple inauthentique ou trop peu individuel. Il se compromet avec les tentations du Monde (généralement la Femme, ou l'alcool ou d'autres drogues).
    (3) Finalement, il finit par évoluer et rompre avec le Monde pour devenir un vrai artiste (ou un Prophète).

    Comme Hesse, malgré tout son nietzschéisme et donc un peu d'humour, a une lourdeur mystique germanique (et j'aime beaucoup sa philanthropie universaliste mais elle est lourde), on suit ses étapes avec une certaine prévisibilité, même si la Voie est censée être plus importante que le Résultat et que ce dernier ne pourrait pas s'obtenir en faisant économie du Chemin.

    Voici quelques musiques inspirées de son roman Siddhartha, où le héros doit apprendre de Vasudeva, un Passeur de la Rivière, que l'Absolu doit être retrouvé de manière individuelle, comme chaque gouttelette tumultueuses du courant.

    D'abord, le regretté Nick Drake, vers 1969, mort d'une overdose quelques années après, avec "l'Homme de la Rivière", où le Passeur enseigne le flux.


    Et ensuite, Ralph McTell, The Ferryman (1971).



    La version de Peter Townshend (des Who), The Ferryman, rappelle d'ailleurs que l'opéra-rock Tommy de Roger Daltrey est aussi un roman hessien qui suit à peu près la même structure (1 Tommy est violenté par le Monde, 2 Il devient un Faux Prophète, 3 Abandonné de tous, il devient enfin Illuminé).

    Loisir générationnel (2)

    Après avoir étudié le livre à tête reposée [i.e. l'avoir feuilleté deux minutes en librairie], La Théorie de l'Information évoquée l'autre jour qui prétendait avoir "étudié les jeux de rôle" n'a l'air de n'en parler que p. 72-74, pour dire des banalités de manière assez factuelle.

    Bellanger n'en donne aucun traitement "fictif" et énumère quelques données qui pourraient vraiment venir d'une entrée Wikipedia (je croyais qu'il plaisantait quand il disait s'en être beaucoup servi). Je ne sais pas comment la fiction pourrait s'emparer de manière intéressante du jeu de rôle dans le récit mais en tout cas, il ne le tente pas. Il se contente de dire que son héros se mit aux jeux de rôle et à D&D puis au Grandeur-Nature.

    Il remarque simplement que le JDR n'a pas de fin clairement définie contrairement à la plupart des autres jeux, ce qui me paraît vrai, mais pas particulièrement bouleversant comme c'est un des angles les plus entendus sur ce loisir.

    Comment nous sommes devenus Nixon



    L'économiste Frédéric Lordon retourne l'accusation de Conspirationnisme contre ceux qui ne cessent de crier à la Parano. Son argument est que le terme est maintenant agité pour délégitimer d'emblée toute attaque. On a vraiment une vague de Conspirationnisme irrationnel (dont un des meilleurs exemples est une phobie actuelle de certaines mères contre les vaccins) mais on cherche maintenant à vous ridiculiser dès que vous évoquerez quelque chose qui ressemble à un complot.

    Cela fait penser à ce passage de l'humoriste anglais Charlie Brooks dans son émission de BBC2. Brooks utilisait une dialectique assez subtile pour relier le rejet des élites et l'usage que certaines élites peuvent faire de ce rejet. L'anti-élitisme peut aussi devenir un instrument ultra-conservateur : Nixon, Reagan, Thatcher, Sarkozy, Berlusconi se disent tous "anti-élites". Mais ensuite, toute critique de ceux qui en profitent est à son tour dénoncée comme un ressentiment populiste.


    Mais en en parlant ainsi, Brooks reprenait le thème même d'un complot, un complot pour nous faire croire à des complots ! On n'en sort pas.

    Il avait déjà fait le même retournement habile en dénonçant l'étrange hypocrisie du mouvement Invisible Children (mouvement instrumentalisant des jeunes pour critiquer l'instrumentalisation des jeunes).

    (Charlie Brooks, par ailleurs, lance une nouvelle série comique, A Touch of Cloth, parodie des séries policières britanniques comme Morse avec un côté Police Squad)

    samedi 25 août 2012

    At uarios linguae sonitus natura subegit

    Tiens, le verbe étrusque pour "crier en appelant quelqu'un" est "hi" (hia au présent, hiai au passé) et le mot pour "hibou" "hiiuls". En vieil allemand, la chouette est ūwila (Eule -> Owl) qui donne aussi hiuwilōn 'klagen wie eine Eule'.

    jeudi 23 août 2012

    Délais d'août


    Allez, on continue dans les notes ultra-non-universalisables et d'intérêt extrêmement limité. Paizo m'annonce aujourd'hui que le jeu MM&M commandé il y a deux semaines n'a été enregistré qu'aujourd'hui. Je commence à mieux comprendre les "6d6" jours d'expédition depuis les USA.

    Par le cours curieux des circonstances, c'est aussi la semaine que j'ai choisie pour perdre ma carte de crédit (comme tous les d20 mois, c'est un rituel) et comme je viens de faire opposition, je viens d'annuler moi-même un achat déjà commandé depuis 15 jours.

    Désolé. Je n'en parlerai plus. Non, non.

    Ce T-Shirt Green Lantern est un tantinet insultant





    C'est curieux, cela paraîtrait moins insultant en anglais. Mais ce doit être seulement un préjugé sur ces peuples procéduriers.

    Vu la mauvaise qualité du T-Shirt recopiant plus ou moins la couverture du numéro 1 de Green Lantern (1940), on ne risque pourtant pas vraiment de croire détenir un Anneau de pouvoir en le portant.

    Loisir générationnel


    Je ne voulais pas lire de "Roman de la Rentrée Littéraire" (je suis trop paresseux, trop peu curieux et trop jaloux pour cela) mais dans son interview, Aurélien Bellanger, l'auteur de La Théorie de l'Information (et né en 1980), dit que comme il a voulu décrire la génération des Geeks accédant à l'informatique au début des années 80, il a dû se documenter sur le "jeu de rôle" (vu l'époque, cela ne doit pas encore être le jeu en ligne). Il va donc falloir tenter de lire cela, malgré tout le bruit autour.

    Mais c'est promis, si j'arrive à le lire, je ne jouerai pas au fan effarouché qui relève un manque de réalisme supposé sur des minuties sans importance, comme l'auteur rappelle que dans le roman - un peu comme dans le jeu - "le vraisemblable supplante le véridique". Et cela ne pourra jamais être aussi violent ou crispant que la scène sur les jeux de rôle dans Les Beaux Gosses.

    Pour l'instant, la critique plus agressive de Jérôme Dupuis contre le livre ne m'a pas vraiment convaincu en énumérant quelques lignes avec des noms techniques - vous vous rendez compte, un narrateur informaticien ose donner des listes de logiciels, quelle faute de goût ! En revanche, il paraît assez "vraisemblable" que les individus (dé)formés par la philosophie manquent souvent (par sens de l'abstraction) l'épaisseur d'individus singuliers qui est nécessaire dans la littérature.

    Des Astres errants et leurs Doubles



    Les sous-Genres littéraires se stabilisent ou se solidifient avec certaines conventions, en partie à cause du hasard du succès d'une oeuvre initiale qui ouvre la voie. Ce serait un exemple de "dépendance au sentier".

    La Marge, de la Mitteleuropa à Mars

    Par exemple, dans cet article, Cynthia Ward analyse le sous-genre de science-fiction qu'on appelle "Planetary Romance" ou "Sword and Planet". Le sous-genre devint populaire avant même la Première Guerre mondiale, l'exemple le plus célèbre (lui-même une imitation) étant le cycle de John Carter (1912) de E.R. Burroughs (1875-1950). On remarque toujours la dimension colonialiste de ce Genre où un héros occidental se retrouve sur une autre planète qui pourrait aussi bien être l'Amérique du Sud ou l'Afrique. Certes le racisme (ou "l'Orientalisme") y est parfois plus ambigu dans la mesure où l'Autre Monde peut aussi être présenté comme ayant eu une civilisation bien plus avancée que la Terre : le héros (occidental) y joue aussi non pas la Mission civilisatrice mais le Barbare venant "régénérer" un Vieil Orient en déclin (conformément au vieux mythe historique chez Ibn Khaldūn, Nietzsche ou Toynbee). Même le "Progressisme" colonialiste est déjà empreint de crainte du Déclin de l'Occident. L'Autre est aussi l'Asie (surtout l'Inde pour la littérature populaire anglaise, mais plutôt la Chine pour la littérature américaine), qui dans l'imaginaire colonialiste européen, n'est pas dans la même position que les Nouveaux Mondes à conquérir. Ces Autres Mondes "orientalisants" sont le lointain passé mais aussi une prophétie de l'effondrement impérial à venir, puisque l'imaginaire est cyclique.

    Mais Cynthia Ward donne une autre source de la Romance Planétaire qui n'est pas que colonialiste, ce qu'on appelle le sous-Genre de la Ruritanian Romance comme le célèbre Prisoner of Zenda (1894). Dans le roman, un Britannique en visite dans une petite principauté imaginaire d'Europe Centrale ("la Ruritanie") se retrouve soudain Roi de Ruritanie parce qu'il était par hasard le Sosie du vrai Prince enlevé. Le mythe est encore une forme de "fantasme de puissance" mais ce n'est plus exactement un guerrier se taillant par la force un Royaume dans une contrée exotique mais l'homme ordinaire des Vieux Pays marqués par les Révolutions modernes du XIXe siècle héritant par hasard d'un Vieux Royaume désuet soustrait à l'Histoire. Les Empires mourants de Vienne et de Constantinople ou la Poudrière des Balkans deviennent une autre "marge", en plein coeur de l'Europe comme les Britanniques sont en train d'y nommer diverses familles germaniques proches de la reine Victoria. L'Empire triomphant est fasciné par ces Balkans parce qu'il y pressent aussi le cimetière des Empires et la fragilité de sa propre domination. Même avant 14-18 (contrairement à ce que dit la phrase de Paul Valéry sur la mortalité nouvelle de la Civilisation), l'Europe est consciente des ruines sur lesquelles elle s'étend.

    On peut se demander quel est le rapport précis avec la Romance planétaire. Mais au lieu de Edgar Rice Burroughs, on voit encore mieux le thème ruritanien à travers le Double chez un de ses premiers imitateurs et rivaux, Otis Adelbert Kline (1891–1946).

    L'Enquête historique par Echange des Corps

    Otis Adelbert Kline a écrit dans les Pulps vers 1929-1933 une imitation directe du cycle de Barsoom. Dans le premier (dans la chronologie interne de la série), Swordsman of Mars (1933), le Docteur Morgan est contacté télépathiquement par un savant extraterrestre d'un lointain passé, Lal Vak. Mars n'est en effet plus habitée "aujourd'hui" (sur ce point, Kline est plus hard science que Burroughs) mais elle avait eu une civilisation humanoïde il y a des millions d'années et la télépathie peut dépasser toute limite spatiotemporelle. Le savant martien explique qu'il peut opérer un transfert mental entre les deux planètes et les deux époques, à condition d'avoir des sujets qui soient assez similaires physiquement. Morgan envoie d'abord l'esprit d'un premier sujet, un petit criminel nommé Frank Boyd, qui rompt tout contact et décide de rester vivre dans la Mars archaïque. Morgan envoie donc un nouvel esprit, celui d'un certain Harry Thorne (dans le corps d'un certain "Borgen Takkor", pendant que l'esprit de celui-ci occupera son propre corps), pour arrêter son compatriote terrien parti envahir le passé de la Planète rouge. Ensuite, Thorne devient un autre John Carter et comme tout héros de ce genre, il finit avec une Princesse martienne (cette convention du mariage est même tellement solidement implantée dans les Pulps qu'il lui paraît évident dès le début qu'on ne partirait pas vers une autre planète pour d'autres raisons que d'épouser une Princesse).

    Puis (la notion de simultanéité n'est pas très claire entre l'époque archaïque et le "présent"), le Docteur Morgan enverra un autre agent terrien, Robert Grandon avoir ses propres aventures à la même période, mais cette fois sur la planète Vénus (que ses habitants appellent Zarovia, The Planet of Peril, 1929, j'ignore pourquoi cette série paraît quatre ans avant le cycle martien, alors qu'elle semble bien rédigée après). Robert Grandon (dans le corps d'un prince vénusien et fiancé à une dangereuse reine amazone) y retrouvera même Harry Thorne, venu de Mars - les Terriens n'ont jamais très envie de revenir chez eux dans ces histoires et ils s'assimilent très bien aux indigènes (on a l'annonce du cliché d'Avatar).

    Un aspect de la fiction klinienne de l'Echange par rapport à Burroughs est que le héros terrien perd son avantage physique qui devait justifier la supériorité impérialiste. Chez Burroughs, la différence de gravité est censée donner une superforce à un humain élevé sur Terre. Ici, le héros terrien est projeté dans un corps autochtone.

    La différence principale avec Burroughs est un accroissement de la distanciation. Le héros ne voyage pas seulement dans l'Espace mais aussi dans le Temps (lointain passé - le héros se dit à lui-même qu'il est nécessairement destiné à mourir des millions d'années avant sa naissance) et même dans un autre corps (même si la ressemblance physique entre les deux cerveaux dans le transfert doit atténuer quelque peu le choc entre les répliques). Kline a donc ajouté à la fiction planétaire trois thèmes supplémentaires, la télépathie (mais les Martiens sont télépathes aussi chez Burroughs), le voyage dans le temps et l'échange des consciences. Ce qui n'était qu'un Double ou Sosie accidentel dans la fiction ruritanienne devient une opération parapsychique où le héros se "réincarne vers le passé".

    L'occultisme décadent de la fin du XIXe siècle était obsédé (dans le courant dit "théosophique") par les thèmes mystiques de réincarnation dans les vies antérieures mais ici le héros laisse aussi son corps à l'autre esprit pour vivre dans l'autre monde. On est donc plus proche de ce qu'on appelle parfois le thème du Changelin. John Locke avait déjà imaginé en 1690 un Prince et un Cordonnier qui échangeaient leurs esprits et il en tirait un argument pour dire que le Soi devait être plus identifié aux souvenirs qu'à un support quel qu'il soit.

    [En passant, Michael Moorcock écrira (sous un pseudo) aussi son propre pastiche du genre planétaire, Kaine of Old Mars (1965). Mais dans sa version (si je me souviens bien), Kaine se déplace physiquement sur la planète Mars, qui est dénuée de vie, et retrouve ensuite une Mars antique par un voyage dans le temps (mais je crois que c'est toujours dans son propre corps pour avoir la même "superforce" comparative que Carter). Dans le comic Den de Richard Corben (1968), c'est moins clair, dans certains passages, le héros semble avoir envoyé seulement son esprit, mais dans d'autres, Den se déplace sur l'autre monde de Neverwhere mais son corps est complètement "transformé" par le passage.]

    L'inversion hamiltonienne

    Mais le meilleur hommage à l'Echange de Kline en est une inversion faite par un autre écrivain de Pulps, Edmond Hamilton (1904 – 1977) dans sa série Star Kings (1947) [le prolifique Hamilton avait eu aussi sa propre série plus directement burroughsienne dans les années 30, Kaldar, dans le système d'Antarès].

    Le protagoniste de Star Kings, un Terrien ordinaire du XXe siècle nommé John Gordon, se retrouve un jour contacté télépathiquement par un Humain du lointain futur, Zarth Arn, un fils de l'Empereur de la Galaxie et historien. Zarth Arn lui explique qu'il ne peut pas voyager physiquement dans le temps mais seulement psychiquement. Zarth Arn pratique l'échange par curiosité, pour pouvoir étudier la Terre du XXe siècle mais Gordon n'est pas aussi volontaire que l'étaient les héros de Kline. John Gordon, qui occupe le corps du Prince intellectuel, va se retrouver soudain pris dans des intrigues interstellaires des milliers d'années dans le futur [Edmond Hamilton écrira vers 1960 les aventures de la Légion des Superhéros, le groupe du XXXIe siècle, où les héros aussi viennent recruter des membres de notre époque.].

    On retrouve donc les mêmes thèmes que chez Kline, voyage dans le temps et échange mental, mais dans le sens inverse, vers un Humain plus "avancé" et non un Martien du passé archaïque. Ce n'est plus le Dr Morgan qui étudie un autre monde mais ce monde futur qui nous étudie. Le héros terrien est donc clairement le Barbare plongé dans une Civilisation bien supérieure. Mais cela n'inverse pas complètement le cliché comme c'est le Barbare qui vient sauver la cause du vrai Prince.

    On compare souvent l'histoire d'Hamilton au double du Prisoner of Zenda (et je l'avais d'ailleurs fait en 2007) mais la meilleure médiation me paraît plutôt être le cycle de Kline.

    Il y a une scène ironique très "ruritanienne" chez Hamilton où un ennemi s'aperçoit que Gordon n'est pas le vrai Zarth Arn et tente de lui faire passer un test pour éliminer cet usurpateur. Gordon le réussit comme l'épreuve n'est que physique et que son enveloppe corporelle est "authentique". Et comme dans la romance planétaire, Gordon tombera amoureux d'une Princesse du futur (qui détestait le vrai Zarth Arn, comme dans toute comédie romantique).

    Swap

    Il y a eu de multiples fictions sur le thème de l'échange d'esprit entre deux corps et l'une des premières est peut-être Vice Versa (1882), où un père et son fils en pension se retrouvent dans le corps de l'autre. Certains critiques contre le jeu de rôle lui attribuent d'ailleurs un désir de "réincarnation", et donc une sorte de déni du corps, mais finalement le jeu français MEGA (où tous les personnages ont un pouvoir de transférer leur esprit dans un autre corps) a peut-être su mieux faire de cette idée le thème direct du jeu, même si les Messagers voyagent avec leur corps à travers les dimensions et ne font ces transferts que de manière temporaire.

    mardi 21 août 2012

    This is not Brain Surgery


    Les théories fascinantes de Todd Akin, représentant du Missouri, sur les pouvoirs insoupçonnés de contraception spontanée du corps féminin auraient l'air étranges.

    Mais pas si on les compare aux conceptions gynécologiques du Sénateur pro-life Throman dans Childrens Hospital (Saison 2, Episode 11).


    Non, aucun rapport, en fait. Mais j'aime bien Childrens Hospital.

    dimanche 19 août 2012

    Yet Another Ran(d/t)



    J'ai toujours été étonné de rencontrer aux Etats-Unis tant de jeunes hommes (c'étaient toujours des hommes) apparemment relativement "intelligents" ou disons aspirant à l'être qui me disaient que leur éveil intellectuel avait été la lecture d'Ayn Rand et qu'ils la prenaient encore au sérieux. Elle semblait jouer le rôle dans leur révolte adolescente un peu autiste qu'un auteur véritablement intéressant aurait dû jouer. L'esprit de contradiction se retourne alors dans l'exaltation des plus puissants, comme si c'était là la véritable audace. Elle doit sans doute son succès à cette capacité à populariser chez certains un nietzschéisme simplifié de Calliclès, la théorie narcissique selon laquelle les égoïstes sont des héros supérieurs opprimés par les masses d'envieux.

    Vous pouvez penser que tout cela n'est que relatif et que sa doctrine pourrait être tout aussi profonde que les auteurs admis du Canon. Et oui, si tout Platon, tout Aristote ou tout Descartes étaient détruits et qu'il ne restait plus que du Rand à lire, j'imagine que sa propagande en faveur de l'égoïsme pourrait être légèrement au dessus d'un L. Ron Hubbard ou du Joseph Smith. Enfin, il faudrait que tout Nietzsche ou tout Nozick ou tout Hayek et même Max Stirner soient déjà tous perdus aussi. Il faudrait un monde très Fahrenheit 451 en fait pour que ses livres trouvent quelque valeur par défaut.

    On peut se disputer pour savoir si ce n'est pas de la philosophie du tout ou seulement de la "mauvaise" philosophie ou de la philosophie "de bas étage". J'hésite car je ne suis pas certain d'avoir un critère clair pour bien distinguer les deux ou quantifier un degré zéro, même si la démarcation du philosophe et du sophiste est l'une des questions de départ de la philosophie.

    Rand a des thèses "provocantes" et "paradoxales", si on veut être charitable. Mais ce sont des crédos, des articles de foi, de simples assertions. Elle affirme des opinions. Une philosophie n'est pas qu'un ramassis d'opinions, contrairement à ce que croient des manuels doxographiques. Confondre Rand avec une "philosophie" est donc une erreur de catégorie qu'on commet avant d'en avoir lu.

    On ne voit pas chez elle des arguments et une connaissance suffisante des arguments des autres. Elle n'entre aucunement en dialogue avec la tradition qu'elle prétend critiquer en la rejetant. Il suffit de lire les âneries qu'elle écrit sur Kant pour deviner qu'elle ne l'a pas lu. Même quand elle fait l'éloge de certains auteurs (Aristote, par exemple, qui n'est qu'un slogan très vague chez elle), on constate une ignorance troublante qui prouve qu'elle a dû s'arrêter à des résumés extrêmement succincts. Certes, on peut être philosophe dans une certaine ignorance de l'histoire, et Wittgenstein, par exemple, a cultivé cet aspect du marginal qui n'avait rien lu (à part au minimum du Schopenhauer et du Saint Augustin). Mais il faut alors accepter une éthique minimale de la discussion. Ce qu'elle appelle bien pompeusement l'Objectivisme ressemble donc à un refus de la philosophie et non une position dans l'espace des débats. Même quand on pourrait être d'accord avec telle ou telle thèse isolée (par exemple, son athéisme ou son "réalisme" du sens commun, qui paraît si naïf), l'idée n'est pas soutenue par des arguments.

    Quant à sa thèse fondamentale, la défense de l'égoïsme comme seule éthique rationnelle, elle vaut la peine d'être discutée car ses effets sont sans doute plus visibles et importants que de nombreuses thèses théoriques mais le débat aurait alors lieu, par exemple, chez Derek Parfit, Robert Nozick ou Bernard Williams.

    Et pourtant, on peut vraiment être relativiste en méta-philosophie, sur ce qu'on croit définir la philosophie. J'ai l'impression que malgré toute la médiocrité de cette auteure, elle deviendra de plus en plus "importante" seulement parce qu'on croira qu'elle l'est. Sur ce point, être, c'est bien pour un temps être considéré. Des philosophes prétendent échapper au Zeitgeist et si la philosophie avait de la valeur, ce serait de pouvoir en effet accoucher d'une nouvelle perspective sur la mode de son époque. Mais à force de financer des Chaires bidon sur cette ignorante arnaqueuse - curieux comme on trouve tant de milliardaires qui apprécient son éloge de la Cupidité et sa critique de toute solidarité sociale -, on finira par la prendre au sérieux, hélas (Les Belles Lettres ont décidé de la traduire en français suite à des subventions de millionnaires dans les mêmes circonstances).

    Et on entrera alors dans la spirale du Complot. Plus on refusera d'en parler, plus on lui attribuera l'aura d'une héroïne subversive censurée par l'élite académique. J'aimerais croire assez au progrès pour espérer qu'on l'oublie mais le succès du Mormonisme montre bien que même les idées les plus idiotes peuvent prospérer.

    Parfois on se moque des Républicains qui mélangent Randisme éthique et Christianisme pour leur contradiction. Mais même s'ils étaient des Libertariens plus cohérents, leur Randisme n'en serait pas moins idiot et répugnant.

    C'est pourquoi on peut être un peu déçu quand on lit (dans le Hors-Série de Philosophie Magazine Spécial Bande dessinée), le passage suivant dans l'article de Tristan Garcia sur Steve Ditko, le dessinateur de Spider-Man converti au randisme (p. 31) :

    Peu connue ou méprisée en Europe, Ayn Rand est une figure majeure de la vie intellectuelle américaine. Anticommuniste, irréligieuse et individualiste, Ayn Rand défend une épistémologie réaliste et un capitalisme ultralibéral. Héroïsant artistes, entrepreneurs et scientifiques, elle loue les vertus de l'égoïsme, exècre le kantisme, la morale du devoir et voue aux gémonies la dialectique.


    La simple énumération hétéroclite devrait suffire à la ridiculiser. Tristan Garcia, qui se montre si prudent et relativiste ici, aurait pu tenter de hiérarchiser. Rand n'a jamais été une "figure majeure" de quoi que ce soit et si elle est "méprisée en Europe", elle l'est tout autant dans la totalité des départements américains de philosophie (sauf des chaires déjà citées financées par la secte).

    Brian Leiter faisait justement remarquer qu'on ne trouvait justement pas assez de critiques sérieuses à présenter aux victimes de la fascination pour la gourou de la cupidité (même si le libertarien Nozick a quand même jugé utile de critiquer un de ses pseudo-arguments dans un article). Et ce n'est pas l'entrée de l'encyclopédie Stanford, complètement biaisée et unilatérale en faveur de la secte randienne, qui va changer cette situation.

    Hélas, Rand vient décidément tout gâcher dans les BD. Elle avait déjà fait tache dans la série Action Philosophers (même si le numéro se terminait avec une note ironique). Même un bon Webcomic comme Dresden Codak semble avoir une vue positive de cette cinglée. J'ose encore espérer que mon ironi-mètre était cassé et que l'auteur ne la voit pas vraiment comme la "Alisa Caspar" érotisée de sa série. 

    samedi 18 août 2012

    юродство



    Deux ans de camps pour ce qui aurait à peine mérité un TIG, cela doit prouver que Poutine veut montrer qu'il n'a même pas peur des réactions internationales. Le message doit signifier aux opposants qu'il y aura une tolérance zéro contre les critiques.

    Dans cet entretien avec un spécialiste de littérature russe, l'auteur Kevin Platt explique ce que représentaient les Pussy Riots dans la société russe et pourquoi elles font tant peur à Cyrille et à la hiérarchie orthodoxe. Platt rapproche leur dissidence dans l'église à des pratiques russes des Fols en Christ, folie sacrée de la tradition orthodoxe (iurodstvo).

    Ce Patriarche Cyrille (de son vrai nom Vladimir Gundyayev, accusé de divers trafics et simonies) a l'air de pouvoir presque faire passer Silvio Berlusconi pour un entrepreneur intègre. Il a fait vendre des articles religieux, détourné divers fonds. C'était déjà lui qui avait fait photoshopper sa montre suisse Bréguet d'une valeur de 30 000$ et avait ensuite nié qu'il la portait. Sa fortune personnelle est estimée à plus d'un milliard d'euros.



    Mais l'Eglise orthodoxe étant ce qu'elle est, Gundyayev est plus critiqué en interne pour avoir discuté avec les Catholiques romains que pour sa servilité envers le système du KGB ou pour ses malversations.

    Add.
    Et puisqu'on parle de mot, Juan Cole (spécialiste du Proche-Orient) fait une brève histoire du mot "hooligan" pour voir comment le terme pour la délinquance sportive britannique est passé ensuite dans le vocabulaire soviétique (mais aussi en Syrie où il est utilisé par le régime baathiste contre les rebelles).

    vendredi 17 août 2012

    [Comics] Robot Chicken annonce son spécial DC Comics


    We forgot about Chillblaine!

    [Comics] Narration non-linéaire


    Le problème des comic-books est une contradiction commerciale : il faut un changement continuel (pour ne pas ennuyer les lecteurs) et il faut revenir sans cesse aux mêmes archétypes (pour être compréhensible aux nouveaux lecteurs ou ne pas décevoir les lecteurs qui ne connaissent que ces mêmes archétypes). C'est donc une illusion de changement avec une impression d'éternel retour. Cela ne peut qu'entretenir une frustration où on parle d'une "continuité" qui est faite pour être flexible et paradoxale.

    Alan Moore avait proposé une solution pour résoudre cela dans son projet de scénario Twilight of the Superheroes et l'a appliquée dans sa propre série Tom Strong : avoir une vraie progression narrative (avec un début et une vraie fin) mais intégrer des histoires rétroactives qui se situerait à différentes époques. Au lieu d'avoir Spider-Man se marier et ensuite ne jamais avoir été marié, on pourrait avoir des histoires se déroulant à différentes périodes (comme du temps de la série Superboy).

    Bien sûr, avec les voyages dans le temps et les éléments nouveaux qu'apporteraient les nouvelles histoires rétroactives, on arriverait à d'autres sortes de problèmes et contradictions. Cela finirait par s'alourdir (comme c'était le cas dans les brèves tentatives d'histoires rétroactives des Classic X-Men).

    Mais ce serait moins gênant que ces héros qui meurent et ressuscitent tous les ans et on pourrait à nouveau avoir ce qu'ont perdu complètement les histoires de ce Genre superhéroïque, un sens que quelque chose peut vraiment s'achever ou changer.

    (La série parodique Radioactive Man de Bongo Comics utilisait une méthode proche en écrivant des numéros dans le désordre.)

    Je me suis abonné au twitter du métaphysicien analytique de de Nottingham Stephen Mumford (spécialiste des propriétés dispositionnelles) mais j'ignorais qu'il vient de proposer une idée semblable dans une lettre à Amazing Spider-Man #658 (avril 2011) avec l'idée d'une "décimalisation" des numéros de comic-books !

    There are lots of new stories set in old continuity. Why not let the number system indicate that?

    I'd love to read ASM 172.5. You know, the untold story set between Spidey's encounter with Rocket Racer [Sept. 1977] and Molten Man

    jeudi 16 août 2012

    De Briques et de Bois (1932-2012)


    Jolie petite animation 3D à la gloire de la famile Kristiansen et du LEGO System (et avec comme narrateur Kjeld Kristiansen, l'actionnaire majoritaire de Lego et qui était aussi l'enfant sur les premières boîtes dans les années 60). C'est bien sûr de la communication publicitaire mais c'est quand même assez bien fait.

    Ce récit rappelle un élément que le dessin animé a censuré : la famille s'était disputée sur la décision de passer au tout-plastic à partir de l'incendie de 1960. Kjeld est le fils de Godtfred Kirk Kristiansen (1920 - 1995) mais deux ses frères (qu'on entrevoit à peine dans le dessin animé), Karl Georg et Gerhardt, avaient vendu leur parts de l'entreprise familiale et tenté de créer une compagnie rivale de jouets en bois, Bilofix, qui disparut dans les années soixante-dix.

    On est presque dans l'atmosphère qu'on retrouve dans le roman de Iain Banks, The Steep Approach to Garbadale, si ce n'est que le conflit de la famille Wopuld porte sur les ventes aux USA de la version électronique d'un jeu de société (qui a l'air d'être à peu près Risk mais en plus anglocentrique).

    mercredi 15 août 2012

    Entre D&D et T&T

    L'historien du jeu, Jon Peterson (qui vient de sortir son livre Playing at the World) montre qu'il y aurait eu un premier jeu de rôle publié juste après D&D (mais avant Tunnels & Trolls) et indépendamment d'une influence directe de ce dernier : Rules to the Game of Dungeon (18 pages, été 1974) par Craig van Grasstek et "Blue Petal" (Louis Fallert), règles utilisées par la Midwest Military Simulation Association. Bon, 18 pages, c'est nettement moins que ce que Gygax réussit à faire avec les trois livrets du D&D originel et je n'ai pas l'impression que ce soit aussi créatif que le jeu de Ken St. André. (Van Grasstek, si c'est bien le même, semble être devenu un professeur de relations internationales à la Harvard Kennedy School)

    Arneson jouait à une version de ce qui allait devenir D&D depuis 1970 et cette période de 70-74 devait être une phase d'incubation où beaucoup d'autres jeux évoluaient en parallèle. La MMSA avait le jeu napoléonien d'escarmouche Braunstein (un village prussien où les joueurs jouaient des petites troupes) qui conduisit à la campagne de Blackmoor et Greyhawk (d'où le joli hommage dans DCC où le château s'appelle Whiterock).

    Interview d'Andreas


    Andreas parle un peu de Rork 0 et du futur de Capricorne et Arq. Je n'avais pas du tout suivi que Capricorne avait failli être arrêté par Le Lombard et non par la volonté de l'auteur.

    C'était entre quels numéros ? Capricorne #15 (New York) est paru en janvier 2011 après environ 14 mois d'attente. Arq #15 Lune est paru en mars 2012.

     En passant sur ce dernier épisode d'Arq, vous aviez remarqué que si vous preniez les initiales des prénoms des trois mutants écrasés par la voiture (Amiral, Sergeant et Zechariah), vous retrouvez le nom de l'agence AZS du monde parallèle où ne vivent que des femmes ?

    Si je compte bien, il y a dû y avoir (pour l'instant) cinq niveaux de réalité dans Arq :
    (1) le monde virtuel des faux souvenirs des embryons créés par Arthur Gilpatric ;
    (2) le monde dans le cristal du cerveau d'Arq ordonné par Ynos et Akim-Nonac ;
    (3) ce qu'on croyait être la réalité où le corps d'Arq se trouve (et où ORAX appartient à Gilpatric) ;
    (4) le monde noir et blanc d'ORAX, Mike et Amos Arson ou Colyn Dorn ;
    (5) le monde "gris" des femmes (qui ont envoyé "Harry Berlin" dans le niveau (2) et sont en miroir des Demites tous masculins, qui disaient avoir exterminé leurs femmes).

    On ne sait pas encore bien où sont passés les individus qui étaient les sources des clones (et notamment la source mystérieuse de "Pascoe Montana").

    Pour l'instant, ce notarikon d'acrostiches sur les initiales du dernier volume semble impliquer qu'Amos Arson (et non Colyn) du monde (4) rêve le monde (3) pour y envoyer des messages refoulés (et un des savants du projet White Dust du monde 3 s'appelle "Mike Amos" du nom des deux frères Arson). Et Dem, venu du monde (2), vient d'arriver dans le monde (4).

    Mais la poussière blanche et l'omniprésence d'ORAX ou l'étrangeté de la forêt semble bien dire que le monde (4) doit être onirique aussi. Et ce serait un peu trop St. Elsewhere si Colyn rêvait tout.

    Tout le monde se demande si la série va pouvoir retomber sur ses pieds mais on peut s'attendre à moins de défauts que ceux qu'on attribue au final de Lost. Même si Brian Vaughn était doué, il devait se concilier avec une escouade de scénaristes alors qu'Andreas sait anticiper seul les évolutions de son histoire publiée depuis 15 ans.

    mardi 14 août 2012

    HackMaster Basic gratuit

    HackMaster Basic, dont j'avais fait une recension, est désormais disponible gratuitement (pour faire de la pub pour leur nouveau, et assez cher, HackMaster Advanced).

    vendredi 10 août 2012

    Actes du colloque Moyen-Âge en Jeu


    Le colloque de 2008 "Moyen-Âge en Jeu" portait à la fois sur les jeux au Moyen-Âge et le Moyen-Âge dans les jeux modernes (et par extension dans les fictions comme la bd ou la série télévisée, ce qui commence à devenir large).

    Mais j'aime bien le titre ironique de la communication de l'historienne (et romancière de SF) Anne Larue (Paris XIII) qui se demande si le "Wicca" (ensemble de croyances modernes en une prétendue Sorcellerie "néo-païenne" et "pseudo-médiévale" reconstruite) serait une sorte de "Grandeur-Nature pour filles". C'est peut-être seulement un peu injuste pour le déguisement en Grandeur-Nature, qui commence (je crois) à être plus égalitaire dans la répartition des deux sexes. Elle a défendu depuis son idée d'une présence d'un féminisme refoulé dans la para-littérature dans un livre Fiction, féminisme et post-modernité : les voies subversives du roman contemporain à grand succès (2010).

    Mais ce n'est pas seulement cet axe du Gender qu'on peut retenir. On analyse parfois le jeu de rôle comme une sorte de rituel (et notamment rituel de passage) ou on l'accuse même de "dérives sectaires" mais il est rare qu'on fasse l'inverse et qu'on analyse ce qui se présente comme une "religion" comme une sorte de jeu de rôle, ou pire, comme un jeu qui finit par se prendre trop au sérieux. L'hypothèse est assez plausible : les pseudo-druides et pseudo-sorcières (et même certains autres prêtres d'autres religions) peuvent savoir en partie qu'ils font "semblant" de croire à l'historicité ou à l'efficacité de leurs pratiques.

    On se méfie de l'hypocrisie de faux dévots ou à une "foi feinte" mais il y a aussi une part de simulation inhérente dans la foi ou dans le mythe. Croire en des entités surnaturelles, c'est aussi (jouer à) se faire croire à quelque chose (même si le jeu devient parfois très cruel et insensé dans son "jeu sérieux", et qu'il s'accompagne de passions tristes). C'est une thèse importante de David Hume qu'il n'y aurait qu'une différence de degré dans la suspension of disbelief et non de nature entre foi et fiction, entre croyance obligatoire d'une communauté et les illusions ludiques dont on reste conscient.

    Gâcheur ?


    Mitt Romney voudrait qu'on se souvienne qu'il peut encore très bien gagner et c'est d'autant plus vrai avec un chômage aussi élevé. Romney est très peu populaire mais les électeurs "indépendants" peuvent s'y résigner en novembre. Cet article tente donc une comparaison avec l'élection de Ronald Reagan en 1980. Contrairement à 1984, Reagan, ex-Gouverneur de Californie, n'était pas encore très populaire pendant la campagne et semblait trop âgé (70 ans) mais il remporta finalement 44 Etats sur 50 avec le score de 50,7% contre seulement 41% pour Jimmy Carter (qui n'eut que six Etats : Hawaii, Georgie, Maryland, Minnesota, Rhode Island, Virginie Occidentale, plus le District de Columbia). Jimmy Carter était vraiment rejeté à cause de la Récession (et ce qui était perçu à l'époque comme de la faiblesse pendant la Révolution iranienne ou de l'Invasion de l'Afghanistan) et sa défaite fut lourde (même si celle de Mondale en 84 fut encore pire).

     Mais l'article prétend qu'on aurait trop négligé le rôle qu'aurait joué John Anderson, le troisième candidat, "Républicain modéré" de l'Illinois, qui se présentait comme Indépendant à la fois contre Carter et contre Reagan. Les sondages d'Anderson étaient bons en Nouvelle-Angleterre, ancien siège de cette espèce disparue des Républicains "Rockefeller".

    L'argument est donc que l'électorat de gauche qui s'était reporté sur Anderson (son slogan était ABC : Anyone But Carter) aurait pu apporter les éléments nécessaires en Nouvelle-Angleterre pour limiter la victoire de Reagan. Et Anderson aurait plus été vu comme un Modéré que comme un Républicain. Malgré toute la Stratégie Sudiste de messages racistes de Nixon et Reagan (Reagan faisait campagne avec Strom Thurmond, le Sénateur ségrégationniste de Caroline du Sud) et même si Reagan gagna quasiment tous les Etats de l'ancienne Confédération (sauf la Géorgie, Etat d'origine de Carter), le Parti démocrate resta encore relativement solide dans les cantons du Sud (sauf la Louisiane, qui avait déjà opéré une conversion profonde vers le Parti républicain).

    Mais la plupart des sources vont contre l'hypothèse qu'Anderson aurait vraiment aidé Reagan. Anderson a pris de nombreuses voix de "modérés" à Carter. Gore Vidal, qui vient de décéder, a appelé à voter Anderson et le candidat indépendant était le chouchou des médias, comme McCain pendant les Primaires républicaines de 2000. Mais il a pu aussi en prendre à peu près la même quantité à Reagan. Ceux qui se tournaient vers Anderson ne considéraient plus Carter comme "un moindre mal" et auraient été même prêts à rejoindre Reagan. La preuve est d'ailleurs que le déclin final d'Anderson dans les sondages à l'automne a finalement profité à Reagan. Les premiers chiffres donnaient une quasi-équalité autour de 43-44% à Carter et Reagan et 8-10% à Anderson. Ce dernier eut finalement 6,6%, avec une très nette avance de neuf points de Reagan dans le suffrage populaire.

    Un cas particulier fut le Massachusetts, où Anderson fit son meilleur score national (il n'eut que 7% dans son propre Etat de l'Illinois). Reagan emporta ce Massachusetts très modéré avec une très courte tête : 41,9% contre 41,75% pour Carter et 15% pour Anderson. Il est probable que Jimmy Carter aurait pu avoir ces 14 Grands electeurs du Massachusetts sans l'Effet Anderson. Il n'eut que 49 Grands Electeurs sur 538 et en aurait donc eu 63, ce qui reste assez ridicule pour atteindre le seuil de 270.

    Il y a quelques Etats du Sud que Jimmy Carter a raté aussi de peu (Alabama 9, Arkansas 6, Caroline du Sud 8, Kentucky 9, Mississippi 7, Tennessee 10), soit un total de 49 Grands Electeurs, mais le rôle d'Anderson doit y être assez limité. On pourrait à la rigueur voir un rôle dans le New York (41 Grands Electeurs, Reagan 46,6%, Carter 44%, Anderson 7,5%). Ces 2,5% du New York auraient suffi à rendre la défaite de Carter plus respectable car on serait arrivé à 153 Grands Electeurs contre 385 pour Reagan...

    Ralph Nader, le candidat écologiste, a sans doute vraiment fait gagner George W. Bush en 2000 en Floride (et encore, cela faillit ne pas être suffisant). Une majorité de Naderites n'auraient pas voté pour Bush. Mais on peut douter que John Anderson ait vraiment été le Nader de 1980, même si son score fut bien supérieur au niveau national (6,6% contre seulement 2,75%).

    jeudi 9 août 2012

    6d6 ou 1d30+5

    Je viens de commander le vieux jeu de rôle Man, Myth & Magic chez Paizo à un prix très modique, mais dans l'envoi minimaliste (où les frais de port sont supérieurs au prix) la Poste américaine attend un délai de 6 à 36 jours.

    En passant, le jeu a l'air assez médiocre et ce doit être la première fois dans ce hobby que je ne me mens pas à moi-même sur l'idée que j'y jouerais un jour. Mais depuis la première fois que j'avais lu une critique dans Casus Belli n°24 j'avais envie de le lire.

    Medaillocratie et sporno

    Avec leur sens si aigu des priorités et bien entendu sans aucune démagogie, les Républicains américains et les Démocrates à leur traîne proposent une exemption fiscale spéciale pour ceux qui reçoivent des Médailles d'Or des JO. Et bien sûr, ce génie républicain de Clint Eastwood (qui vient d'appeler à voter Romney) s'est aussi exprimé sur le sujet pour dire que les athlètes méritants ne devaient surtout pas payer de contributions sur leurs revenus supplémentaires. Il est évident qu'un prix de Beach Volley (oui, Pindare aurait dû écrire des Odes sur le Beach Volley s'il vivait aujourd'hui) mérite bien plus d'avantages de la collectivité qu'un vulgaire Prix Nobel. Voilà une nouvelle niche nécessaire au bien commun ! Les plus riches actionnaires n'auront plus qu'à trouver un moyen de transformer leurs dividendes en "Médailles du Conseil d'administration" car après tout, ils sont nécessaires au mécénat de tous ces lauriers, non ?

    Idiologie et idiotorial



    Il vaut mieux éviter les recueils de posts idiots car la tératologie agacée est trop facile sur Internet, mais ce post d'un éditorialiste républicain est involontairement amusant. Roger Simon est très étonné. Non, il est même scandalisé qu'Obama soit encore un peu populaire (alors qu'à ses yeux, il est évident que c'est un méchant élitiste arrogant marxiste islamiste athée puisqu'il ne l'aime pas) et que le si sympa Mitt Romney soit encore impopulaire.

    Cela ne peut venir que d'un sinistre Complot de Lavage de Cerveau ! Les médias sont vraiment tout puissants et sont bien entendu des traîtres comme MSNBC semble préférer l'aile modérée/hypocrite de l'Oligarchie financière à l'aile plus fanatique évangélisto-kleptocrate de la même Oligarchie.

    Like a nation of ostriches, huge portions of the American public have swallowed the media/Axelrod line that Mitt Romney is a rich self-interested capitalist out of touch with the masses, whoever they are and whatever that means(it doesn’t matter as long as they vote for Obama), hell-bent on robbing from the poor to give to the rich like a reverse Robin Hood.

    In other words, a large portion of the American public has effectively been brainwashed.

    And the brainwashers are the Democratic Party and the mainstream media. The former is quite understandable since political parties cling to power by virtually any means when threatened.

    But for the media it’s another matter. Why do these people persist in their views in a situation where, objectively, almost any corporation or business would have been looking for new leadership long ago? Why are they so destructive to our society and ultimately to themselves?


    Je passe sur le passage débile où il s'indigne que le Parti démocrate soit assez peu patriote en soutenant un Président démocrate contre le salut républicain (l'explication ne peut être que la TRAHISON !). Mais le raisonnement du dernier paragraphe est plus fascinant encore :

  • (1) une part du public croit naïvement que Romney sert le Grand Capital (oh, comment peuvent-ils croire cela ??, serait-ce son plan fiscal qui baisse les impôts des riches et augmente les impôts des classes moyennes ?),
  • (2) cette croyance ne peut venir que d'une manipulation du Grand Capital des entreprises de Méchants Médias alors que ces grandes corporations de milliardaires auraient dû comprendre qu'il fallait changer la Direction du Conseil d'Administration.


  • Oui, un Président doit être uniquement un Manager ou PDG, or Romney est un Manager et un PDG qui s'est beaucoup enrichi, donc on se demande même pourquoi on fait une élection. Donc, si je résume, la preuve que Romney ne sert pas l'oligarchie ploutocratique, c'est que l'oligarchie ploutocratique devrait mieux comprendre que ce devrait être dans son intérêt de voter pour lui. Ils ne peuvent qu'être idéologues, malhonnêtes et irrationnels s'ils ne le comprennent pas et égare la masse ignorante.

    Il y a un vieil argument stalinien qui dit que si deux groupes ont des intérêts communs, ils sont nécessairement "alliés objectifs" mais là, l'argument semble être que Romney et les Corporations ont des intérêts communs et qu'il ne peut donc s'agir que d'un complot maléfique de Corporations si elles ne suivent pas leurs vrais intérêts objectifs. Pourquoi haïssent-ils leurs enfants !! Ouinnn.

    Donc tout groupe qui ne partage pas son point de vue est nécessairement conscient qu'ils ont tort. Ils doivent donc être en train de se voiler la face par pure pression sociale des autres Médias.

    Comme le dit Edroso qui cite tout ce passage, dans ces éditos fermés sur eux-mêmes, la politique n'a plus grand rapport avec des questions d'actions politiques, elle devient avant tout une catharsis pour geindre contre une prétendue domination "symbolique". Ce symbolique perfide est la seule explication plausible que tout le monde ne partage pas le point de vue de l'auteur. Il y aurait nécessairement une unanimité de tous les Vrais Patriotes si on ne leur dissimulait pas la Vérité.

    Je me rends alors compte que je tombe parfois exactement dans le même travers en miroir de celui de ce Simon, dès que j'essaye de comprendre le succès si mystérieux du Berlusconisme en Italie. Comment même un conservateur ne peut-il reconnaître que Berlusconi ne semble au minimum pas très honnête ? La vague causalité d'une "domination médiatique" est alors aussi utilisée comme seule pseudo-justification pour voiler mon incompréhension totale du phénomène.

    mercredi 8 août 2012

    Archeologie de Greyhawk

    Le mois dernier, un blog sur l'histoire des wargames a présenté un article de Gary Gygax de novembre 1971. C'est un récit de bataille qui montre aussi en passant que Gygax avait un début d'univers d'arrière-fond pour sa campagne de Chainmail dans cette période (Chainmail, qui venait de sortir en 1971, était déjà rédigé depuis plusieurs années, 1968 peut-être, et D&D ne sera publié que deux ans après Chainmail, en 1973).

    Le monde est déjà un mélange de Tolkien (Elfes, Nains - Gygax dit dans une lettre utiliser aussi les Ents, les Balrogs et les Nazguls, même s'il répète toujours ne pas s'en tenir à Tolkien) et Moorcock (Chaos, Loi) et diffère un peu du futur Greyhawk, même s'il y a déjà une "Vallée d'Iuz" (Iuz deviendra le demi-dieu Iuz le Vieux). RandomWizard a tenté de tirer de la description une ébauche de carte de ce qui serait donc un monde de jeu de rôle encore plus vieux que Greyhawk et contemporain des premières tentatives du Blackmoor créé par Dave Arneson.

    A l'est du Désert du Chagrin s'étend la barrière presque infranchissable de montagnes impraticables. Plus au sud, plongeant à l'endroit où la Mer Gnyxyg rencontre l'Océan, elles sont appelées les Montagnes du Froid Amer. L'endroit où elles rejoignent la Terre Brisée est la Patrie des Dragons et c'est dans cette vaste région qu'est cachée la Caverne des Runes Changeantes. Plus au nord, elles deviennent les Montagnes Gigantesques, non pas à cause de la hauteur de leurs pics, bien qu'elle ne soit pas moindre, mais à cause des créatures qui vivent dans ses cavernes labyrinthiques. La chaîne se tourne ensuite vers l'est et encercle au nord la pernicieuse vallée cachée du Lac d'Iuz. Les pics les moins élevés sont le Royaume des Nains.

    Sur la côté au nord des Monts Géants se trouvent les Rives de la Terreur et la péninsule du Finistère. C'est de là que le Chaos arma ses troupes, envahit la Vallée d'Iuz et commença à assaillir les Nains qui fuirent au sud vers les Collines Brunes, en apportant la nouvelle aux hommes du Vieux Royaume la nouvelle du Mal qui menaçait. La nouvelle voyagea de la Cité d'Ici à la Cité d'Au-delà et les Paladins du Grand Château furent appelés par le Comte d'Aerll. Tous ceux servant la Loi devaient se réunir dans un conseil au hameau de Lea. En peu de temps, les hommes des Plaines furent rejoints par une troupe d'Elfes belliqueux du Bois près des Cairns, ainsi que des cavaliers venus d'au-delà de la Forêt Silencieuse, frontière orientale de tout le pays.

    Le campement du Comte Aerll fut établi aux champ des Trèfles, entre Lea et les Collines Brunes. C'est là qu'ils reçurent les éclaireurs les renseignant que la Horde du Chaos avait débouché de la Passe, à l'embouchure de la Rivière ténébreuse. L'armée ennemie avait évité le Marais du Limon Coulant et n'était plus qu'à quelques jours de marche.
    Le Désert du Chagrin à l'ouest est sans doute devenu dans le monde de Greyhawk la Mer de Poussière des Suels et les Steppes Desséchées. La chaîne des Monts Géants et Monts du Froid Amer sont les Pics Barrière, les Monts de Brume de Cristal et les volcans des Fournaises Infernales. L'expression du "Vieux Royaume" est assez générique et fut utilisée longtemps. Ce Royaume des Humains a dû devenir le Keolande ou bien "le Grand Royaume d'Aerdy" par la suite. En revanche, toute la péninsule nordique sous les mains du Chaos n'a pas vraiment d'équivalent, ni la Patrie des Dragons ou le Grand Fort des Paladins.

    Les troupes du Chaos sont dirigées par un "Warlock" Huldor ap Skree (4 sorts : Fire Balls, Phantasmal Forces, Darkness, Conjuration of Elementals). Le Comte Aerll est aidé par Le Magicien du Cairn (3 sorts : Lightning Bolt, Wizard Light, Circle of Protection). A l'époque de Chainmail, il n'y a pas encore de Niveau, Magician et Warlock sont des titres qui remplacent ces Niveaux, un Seer n'a qu'un seul sort, un Sorcerer a 5 sorts, un Wizard a 6 sorts). Huldor ap Skree est aidé par le Roi des Géants nommé Verdumir. Il doit y avoir des règles de Monstres errants dans ce scénario car un Dragon arrive pendant la Bataille sans être membre de l'Armée du Chaos (et il détruit le Magicien des Cairns). La bataille se termine dans le récit de Gygax par une défaite du camp de la Loi, qui doit se replier vers le Grand Château. Grognardia mentionne aujourd'hui une carte d'un niveau du donjon de Greyhawk qu'on a pu photographier vers 2008 à la Gencon. Gygax y détaille très peu le contenu de chaque salle dans ses notes, ce qui pourrait expliquer pourquoi il n'a jamais réussi à le publier après 35 ans d'attente.

    mardi 7 août 2012

    Pietà


    Très belle anthologie et iconologie de superhéros en deuil.

    Je n'en reviens pas que Mera, l'épouse d'Aquaman, ait été censurée en 1970 et remplacée par... un dauphin dans la version française qui craignait sans doute que cette image soit trop violente et/ou sexuelle.



    Lug n'était donc pas les seuls à faire de l'autocensure préventive.

    samedi 4 août 2012

    L'écrivain et l'érudit



    Brian Stableford illustre à la perfection le problème même d'un métier professionnel d'écrivain. Stableford est prolifique dans la science-fiction et les textes de référence sur l'histoire de la SF (c'est sans doute le meilleur connaisseur de la littérature fantastique et de science-fiction française et britannique du XIXe siècle) et il a pris l'habitude depuis son adolescence d'écrire avec une extrême régularité (il cherche à maintenir 750 000 mots par an et a publié plus de 100 ouvrages depuis quarante ans). Mais en même temps, il explique dans cette interview assez mélancolique de 2006 le conflit perpétuel entre le désir d'écrire ce qu'il veut et celui de continuer à être publié et lu par le plus grand nombre. Ses premiers éditeurs le poussaient à écrire dans un style plus commercial, à ajouter plus d'action, plus de violence ou de rebondissement et il a même écrit à ses débuts des romans qui imitaient un peu le Pulp de Space Opera, mais avec déjà d'étranges constructions biologiques (comme la biologie l'intéresse plus que la physique). Mais peu à peu, son style très cérébral et scientifique l'a installé dans un genre un peu à part : il écrit sa fiction spéculative dans la même veine philosophique qu'un Olaf Stapledon avant la Guerre. Ses personnages peuvent plus se préoccuper de discuter de théories sur l'évolution que de résoudre un conflit dramatique.

    On reproche souvent à la SF d'être une littérature didactique, une littérature d'idées et Stableford, ex-professeur d'université, tente moins que d'autres de dissimuler qu'il s'intéresse plus aux essais ou aux discussions théoriques. Et il a fait le choix de ne plus vraiment dépendre des éditeurs, ce qui fait que ses livres, chez des micro-éditeurs, ne se vendent plus autant - il dit avec humour qu'il ne se considère donc plus vraiment comme un écrivain professionnel en ce sens - et qu'il a été un peu sous-estimé dans l'histoire de la science-fiction britannique récente, malgré son prestige à l'intérieur de la communauté des amateurs.

    Il dit avec amertume que même ses livres de références et ses encyclopédies au tirage confidentiel n'intéressent plus que les Bibliothèques depuis Wikipedia. Il ajoute même, désenchanté en parlant de ses ouvrages de critique :
    Now that academia is merely a qualifications industry, there's very little scope left in contemporary academic writing for scholarship.


    Il continue pourtant de traduire en anglais chaque année de nombreux livres sur des personnages obscurs de feuilletons français du XIXe (chez Black Coats) ou à écrire des nouvelles ou des suites dans ces univers oubliés de la Belle Epoque qui n'intéressent qu'une poignée de lecteurs à travers le monde. Certaines de ses nouvelles viennent d'être traduites chez Rivière Blanche. Il y a eu un Dossier sur lui dans Galaxie n°9 (1998) et Locus vient de faire une interview sur ses traductions.

    Pourtant, il serait injuste d'enfermer Brian Stableford dans l'érudition. Même dans son époque plus soumise aux impératifs des éditeurs, il savait concilier le suspense du Space Opera avec des personnages méditatifs et de grands élans théoriques. Dans son plus gros succès, le cycle du Hooded Swan (1972-1975, traduit en français sous le titre Grainger des étoiles, disponible sur iTunes ou Kindle pour moins de 2 euros), le héros Grainger ressemble beaucoup à un personnage de Traveller. Grainger est un des meilleurs pilotes de l'Espace Connu et il passait son temps avant le début du roman à bourlinguer de planètes en planètes avec son vaisseau le Javelin avec divers trafics de Free Trader, dont notamment de la Bibliophilie avec des collections d'ouvrages extraterrestres pour les Bibliothèques de New Alexandria. Un des rêves des pilotes dans le coin est de retrouver le trésor d'un célèbre vaisseau fantôme, le Lost Star, perdu dans une nébuleuse du Courant d'Alcyon. C'est dans cette nébuleuse que son vaisseau s'écrase et qu'il reste pendant deux ans, en ayant perdu son co-pilote et mécanicien. Finalement retrouvé par un autre vaisseau explorant le même Courant d'Alcyon, Grainger est ramené sur Terre et il découvre qu'il doit une somme astronomique pour son sauvetage. Le seul moyen de rembourser les commanditaires est de devenir le pilote d'essai d'un nouveau prototype, hybridation de technologie humaine et d'organisme extraterrestre, The Hooded Swan (un des noms du "Dodo" disparu) avec lequel il doit en quelque sorte s'unir en une symbiose. [Ce Vaisseau intelligent, le Cygne Capuchonné, est peut-être un des modèles du Dauphin d'Argent dans le Vagabond des Limbes ?] Grainger est le narrateur et il affecte au moins depuis son accident une indifférence totale, une distance digne de l'Etranger, perturbée par le fait qu'il croit avoir acquis depuis son accident une autre présence en lui, le Vent, un symbiote extraterrestre qui le fait accéder à certains des souvenirs extraterrestres. Grainger parodie souvent le ton habituel et "macho" des polars mais il se révèle beaucoup plus contemplatif, un explorateur pacifiste curieusement attentif à la xénobiologie et à la diversité des formes de vie, ce qui détonne des habituels mercenaires de Space Opera.