mercredi 31 juillet 2013

Cuisine et Moral


J'ai fait un petit one-shot de Rêve de Dragon, comme annoncé. Je ne connaissais que la 1e édition de 1985 et c'était une partie avec la 2e de 1993. Un avantage de cette version est que les Vrais Rêvants (les non-magiciens) sont moins dévalorisés par rapport aux Hauts-Rêvants (magiciens), même si ces derniers restent les plus amusants à jouer. Rêve de Dragon est un jeu extrêmement simulationniste, même si la règle de base est relativement simple (toute résolution étant en gros égale en pourcentage à [Caractéristique.x((Compétence+Difficulté+10)/2) %]). Mais il y a d'innombrables petits sous-systèmes pas toujours très intuitifs qui s'adressent aux joueurs qui aiment calculer des trucs comme l'Encombrement, la Fatigue, la Vitesse de marche par jour, les Points de sustentation de vos aliments, les Points d'éthylisme, le Niveau de Moral, etc. C'était avec des joueurs bien plus expérimentés que moi sur ce jeu et ils avaient tellement absorbé tous ces systèmes que cela coulait assez vite parce qu'ils leur paraissaient simples et naturels. J'avoue que j'ai vite renoncé à compter les Yo-Yos de tous mes indicateurs de Fatigue à chaque heure, alors que c'est assez central. 

Le système, ça compte. C'était un petit scénario de Pierre Lejoyeux (extrait du fanquasiprozine l'Oiseau-Oracle n°3, 1995) et c'était un peu linéaire mais l'ambiance venait plus du système et de ses effets autour de la table que de l'intrigue. On risquait vite de se démoraliser dans les adversités et un de nous avait reçu une "Queue draconique" (un échec lamentable en  magie) qui le contraignait à manger un bon repas (de qualité >3) sous peine de dépression accrue, ce qui fait que tous les personnages ne parlaient finalement plus que de nourritures pour améliorer le score en Moral. C'était donc un peu la quintessence de ce qu'on pourrait se représenter comme le jeu français ou bien un jeu de Hobbit, avec l'objectif du scénario bien moins important que des épices ou des baies à trouver pour accomoder les plats pendant les étapes de chaque soirée. Le risque du "Simulationnisme" (ou du Ludisme) est que ces mécanismes (qui engendrent des situations amusantes) ne finissent par avoir trop d'importance et qu'on fasse du méta-jeu en pensant plus au bonus à obtenir (ici, le Moral) qu'à ce qui devrait guider les personnages.

C'est un jeu fabuleux. La Magie qui demande d'aller se balader sur les Terres Médianes du Rêve pour lancer un sort a une des meilleures atmosphères - peut-être même la meilleure ? - de tous les systèmes de jeu de rôle. Et contrairement à ce que je pensais, elle ne prend pas tant de temps quand on a des joueurs qui ont bien intégré toutes les petites règles (je dépense x points de fatigue, je lance le d7 tant de fois pour voir si je fais des rencontres, je dépense mes points de Rêve, je lance à Rêve.xDraconique-Difficulté, etc.).

Le détail auquel je n'accroche pas est l'Expérience. Comme ce n'est qu'un Rêve, on se développe non pas de manière "réaliste" mais en convertissant du "Stress" en n'importe quel bonus sans que cela doive être justifié ou raisonnable. Cela rend le système général très dépendant de sa cosmologie onirique.

lundi 29 juillet 2013

Lundi, c'est Luise (8) : Couvertures

Luise Perenne ne publiait pas souvent en couleurs mais fit, je crois, trois couvertures pour Different Worlds, le magazine "maison" de Chaosium : les n°9 (août 1980), n°20 (mars 1982) et n°26 (janvier 1983), avec à chaque fois un culte pour RuneQuest.

Ici, le culte du Tigre (par Steve Perrin).

Et ici, un portrait d'Odin le Dieu-Borgne.

dimanche 28 juillet 2013

[Ecailles] Lizardmen (1991)


La compagnie de Chicago, Mayfair Games, n'avait pas eu, contrairement à Judges Guild dans les années 70, le droit de faire des suppléments "officiels" pour D&D mais avait quand même sorti plusieurs "Role Aids" après un premier contentieux en 1984, (en précisant sur la couverture : "This use of TSR's trade mark is not approved by TSR") sur diverses espèces fantastiques : Dwarves (1982), Dark Folk (1983), Elves (1983), Dragons (1986), Giants (1987) et enfin ce Lizardmen (1991). Ce dernier était écrit par William Tracy, qui avait aussi travaillé comme free-lancer pour TSR. Mayfair gagna d'ailleurs le procès intenté par TSR en 1993, avant d'abandonner le jeu de rôle pour se concentrer sur les jeux de plateau depuis son rachat.

Sur les 128 pages de Lizardmen, environ 95 (très aérées) décrivent sept "sous-espèces" ou cultures d'Hommes-Lézards et la fin est composée d'une aventure de niveau 6-8 pour des personnages pré-tirés Hommes-lézards, "Rédemption et Renaissance".

Le guide est présenté par un narrateur humain, Will Argus, Apprenti-Sage envoyé par une Académie avec un guide et informateur mystérieux nommé Hisspek pour étudier les diverses branches de l'espèce des Hommes-Lézards. Une bonne idée est d'insérer une intrigue progressive dans chaque chapitre où on découvre le vrai but de cet homme-lézard Hisspek derrière cette mission de recherche ethnologique.

Mythologie et Histoire
Surtak (qui semble un peu inspiré par le dieu Semuanya neutre de D&D) est à la fois le créateur des Hommes-Lézards et via une rencontre avec Groola la Mère des Dinosaures, le père de Takmut le premier Dragon. Il enfanta aussi, avec la divine mère Rega plusieurs divinités mineures et demi-dieux lézards : Twillus le Tyran, le dieu de la Guerre ; Sliash le Chasseur et Hsrara la Sage. Sliash et Hsrara ont pour enfant Ssshish le Fripon (dieu des plaisanteries et des fêtes du Solstice). Sliash a fini par se substituer Twillus comme protecteur des Guerriers quand Twillus évolua vers son aspect de conquérant.

Surtak guida le héros Mertak à unifier toutes les tribus des Hommes-Lézards sous l'Empire de Meraska et ce fut l'Âge d'or de la civilisation saurienne, autour la capitale nommée d'après son fondateur. Mais les Prêtres de Twillus, le dieu de la Guerre et de la Conquête, ancien fils de Surtak corrompu par sa violence et par les différends tribaux, renversèrent la dynastie impériale de Mertak dans une Guerre civile et installèrent une théocratie sanglante. Les autres peuples assujétis se soulevèrent contre la théocratie et finirent par massacrer indistinctement les Prêtres de Twillus que les autres Hommes-Lézards qui s'étaient opposés à eux. Mais on dit que certains Prêtres de Twillus occupent encore les ruines.

Ce fut la chute de l'Empire de Meraska et la grande dispersion des sept tribus : (1) les Coureurs des Marais, (2) les Nomades des Plaines, (3) les Monteurs du Désert, (4) les Lézards de Tek, (5) les Lézards de la Toundra, (6) les Hommes-Lézards Fous de Pang-Leng et (7) les Hommes-Lézards de la Jungle du Crépuscule. On verra que les 5 premiers sont prévus pour être jouables comme PJ mais pas les deux derniers (Neutres-Mauvais).

Biologie générale de l'Homme-Lézard "commun"
Contrairement aux Hss'Taathi décrits dans Saurians, les Hommes-Lézards des Role Aids sont généralement ectothermes (sauf l'espèce mutée des Lézards de la Toundra). Ils commencent à avoir des malus en dessous de 10° Celsius, ils perdent même 1 point de vie par heure en dessous de 0°. Ils ont une protection naturelle écailleuse et une queue assez massive dont ils se servent aussi comme arme.

Seulement 25% de l'espèce est femelle et elles ont donc plusieurs partenaires de fécondation. Ils sont ovipares et la femelle pond 6 oeufs par an, à la fin de l'hiver après seulement trois mois. Après l'éclosion, les petits restent dans un endroit chaud et humide, comme un bain bouillonnant, le temps de finir leur développement. Un passage semble parler d'une phase de lactation, ce qui est curieux, mais rapidement les petits, carnivores, apprennent à se battre pour leur nourriture.


  • L'Homme-Lézard commun : Force +2, Constitution +1, Intelligence -1, Taille : d'1,70m à 2,70m. Le supplément décrit trois classes de personnage (qui seront répétées de manière assez similaire pour les Sept nouvelles sous-espèces), Guerrier, Shaman-Mage et Shaman-Prêtre (mais en termes de jeu, ils sont limités au 9e Niveau maximum au nom du principe de la domination humaine). Le Shaman de Surtak, Sliash et Hsrara joue un rôle fondamental. Ce sont les Shamans qui intègrent les petits dans la tribu et ce sont aussi eux qui organisent les Compétitions pour choisir le chef de tribu. Les nouveaux sorts sont assez peu originaux. Le sort de Divination pour baptiser le personnage (Nom d'enfant et Nom d'adulte) est peut-être inspiré par l'Oomancie de Saurians.
  • Les Coureurs des Marais : Force -2, Sagesse -1, Dextérité : +2, Taille : 90cm-1m. Leurs écailles et leur crête sont plus colorées. Ils vivent dans le Marais Puant aux gaz de méthane chaud. Ils peuvent courir sur l'eau comme les basilics et arrivent à flotter sur les courants chauds de leur Marais avec des sortes de "capes" ou petites membranes artificielles, comme les draco. Leurs huttes flottent aussi, accrochées au-dessus de ces vapeurs. Ils adorent Ssshish le Trickster, ce qui explique qu'ils deviennent souvent Voleurs.
  • Les Nomades des Plaines : Force +1, Constitution +1, Sagesse +2, Taille : 1,80m. Ils élèvent dans les Plaines de Lémurie des lézards géants intelligents à cornes avec lesquels ils ont un rapport de symbiose mystique : les nomades morts se réincarnent en Lézards géants, et vice versa, ce qui fait qu'ils traitent leurs bêtes avec un grand respect même s'ils ont droit de manger leur chair. Les réincarnations de lézards lémuriens en homme-lézards ont aussi de petites cornes, mais ils les greffent parfois sur leur queue. Ce cycle de transmigration empêche le sort de Résurrection sur les Nomades. Le Shaman détermine à l'éclosion de l'oeuf si l'enfant a une âme d'Homme-Lézard ou de Lézard Géant. Il y a cinq tribus nomades, Anguus, Gekkonus, Lacerus, Varanus, Iguanus et une ville neutre, le Nexus, qui était l'ancienne capitale lémurienne des Lézards Géants et qui est un lieu où les cinq tribus n'ont pas le droit de s'affronter, pendant un festival un mois par an. Chaque tribu a un chef nomade et un représentant des montures intelligentes. 
  • Les Cavaliers du Désert de l'Oasis Bénie : Constitution +1, Dextérité +1, Intelligence -1. Taille : 1,70m. Cette tribu du Désert de Tempus élève des chevaux et connaissent plusieurs étendues d'eau secrètes sous le désert, dans les ruines de cités ensevelies. La tribu des Cavaliers a la curiosité d'avoir une dynastie de chef humains, les fils de Lanar-sin, qui règne sur la majorité saurienne depuis l'adoption de Lanar-sin. Ils ont gardé la coutume de la Compétition pour sélectionner le chef mais les princes humains de la même famille ont toujours battu les candidats hommes-lézards et gardé le pouvoir depuis que la tribu s'est installée là à la chute de l'Empire de Meraska. Les autres tribus humaines ont des relations hostiles avec ces Cavaliers car la famille princière avait coutume d'enlever leurs épouses chez les tribus voisines. Ils ont une classe à part, les Derviches, qui sont des Rangers et Druides du Désert. Ils ont aussi d'étranges armes, les Chakras, trouvées dans les ruines du désert. 
  • Les Lézards de Tek : Sagesse +2, Dextérité +1, Taille : 1,50-1,70m. Du temps de l'Empire de Meraska, les Sentinelles de Surtak étaient un ordre méditatif semblable aux Moines et cette colonie arboricole s'est adaptée à la vie au sommet des arbres de la jungle du Tek. Leur queue est devenue beaucoup plus souple et flexible pour s'accrocher aux branches et ils ont des sortes de setae aux pattes comme les geckos ou les anolis pour mieux grimper sur la surface des troncs (ils n'ont en revanche plus les griffes habituelles de leurs origines). Contrairement aux Coureurs des Marais (cf. supra), ils peuvent aussi planer dans leurs sauts sans utiliser de cape artificielle et ont une petite membrane comme les draco volants. Ils contrôlent aussi une forme de mimétisme avec chromatophores comme les caméléons. Ils sont devenus entièrement végétariens. Comme dans tout monde de D&D influencé par les films d'arts martiaux des années 70, leur aspect monastique en fait plus des sortes de "ninjas" orientaux (leurs armes sont japonaises). 
  • Les Lézards de la Toundra : Force +1, Constitution +2, Dextérité -2 ; Taille : 1,40-1,60m. Ces hommes-lézards sont devenus endothermes et ont été adaptés par Surtak au milieu froid, avec une enveloppe blanche. Ils ont de solides griffes et plus de palmes. Le Shaman est en même temps le chef de tribu. Nomades, ils suivent des troupeaux de caribous ou même pour certains clans, des animaux arctiques comme des phoques, éléphants de mer et même baleines. Ils élèvent aussi des lézards appelés Malaki qui tirent leurs traineaux et les aident dans la chasse. Ils ont une classe de Rangers des Neiges. 
  • Les Hommes-Lézards Fous de Pang-Leng : Ce groupe profondément muté et à l'esprit dégénéré, issu de l'Empire de Meraska, a adoré des êtres d'une autre dimension appelés "Grands Anciens" et a évolué en deux espèces distinctes, les Artificiers et les Gardiens. Les premiers, Artificiers, sont très petits et géniaux (Chaotiques Neutres, Force : 1d6, Intelligence 4d6, Taille 80cm-1m) et ils manipulent une technologie d'un autre Plan, avec des machines qu'ils ne comprennent pas toujours. Les seconds sont l'inverse, très grands et stupides, serviteurs des premiers (Neutres Mauvais, Force et Constitution 4d6, Intelligence et Dextérité 1d6+2, Taille 3 à 5m). Les Artificiers sont des savants sadiques et ils ont accès à des robots et certaines machines qui peuvent stimuler des pouvoirs psioniques. Les deux groupes ont des pouvoirs de régénération qui les rendent quasiment immortels. Ces sauriens (qui sont prévus pour être PNJ) sont une allusion aux "hommes-serpents de Valusia" chez HP Lovecraft dans le Mythe de Cthulhu (et aux Hommes-Serpents de Robert Howard), et le nom de Pang-Leng est une reprise du Plateau de Leng
  • Les Hommes-Lézards de la Jungle du Crépuscule : Caractéristiques semblables aux Hommes-Lézards communs, mais ce sont en fait (en dehors de ceux de Pang-Leng) les plus malveillants puisqu'ils sont les descendants des anciens Prêtres-assassins de Twillus. La Jungle du Crépuscule cache les ruines de Mertak, l'ancienne capitale de l'Empire de Meraska qu'ils avaient abattu et les Assassins de Twillus gardent avec leurs venins et leurs poisons les anciens secrets de la civilisation. 


  • L'aventure à la fin du supplément exploite directement la progression du guide en utilisant une coalition de PJ hommes-lézards (dont un Shaman de la Toundra, un Voleur Coureur des Marais, une Sentinelle du Tek, un Ranger des Plaines) qui partent vers la "Jungle du Crépuscule" pour retrouver les ruines originelles de la civilisation des Hommes-Lézards. Le défaut est qu'il ne me semble pas qu'il y ait une révélation ou un secret qui nous fasse vraiment changer notre vision des Hommes-Lézards, si ce n'est pour dire qu'ils ont été plus avancés dans le passé.

    En conclusion, certaines de ces nouvelles espèces ne sont pas sans intérêt - j'aime surtout les Coureurs des Marais ou les Nomades des Plaines (avec leur relation à de paisibles lézards géants intelligents, plus compréhensible que la réincarnation chez les Dragonewts). Les données techniques de D&D ne sont souvent pas très intéressantes, ne servant qu'à dupliquer des classes de personnage assez habituelles, ou à donner quelques armes de diverses cultures humaines (Japonais, Lapons, Amazoniens, etc.). Mais il reste quelques idées inspirées de sauriens ou reptiles de notre faune réelle pour faire varier un peu plus nos vieux amis à écailles. J'avais reproché au supplément Saurians de ne pas avoir assez distingué plusieurs cultures dans l'espèce (en dehors de la division entre Hss'Taathis terrestres et Kulun'Ssaathas marins) et ce livre comble au moins ce défaut en proposant des mutations régionales.

    vendredi 26 juillet 2013

    [Ecailles] Saurians (1979)


    Saurians (FGU, 1979) était un supplément pour Chivalry & Sorcery, par Wes Ives et Ed Simbalist, le créateur du jeu. Le but était de décrire en 170 pages toute une faune de Dinosaures et animaux préhistoriques, mais surtout des sociétés de quasi-Sauriens (et Archosauriens) humanoïdes civilisés et liés à ces Dinosaures. Il y a deux espèces principales : les HssTaathi et leur société hiérarchique complexe et les Kulun'Ssaatha (plus aquatiques, plus égalitaires et plus proches de Mésosuchia crocodyliformes).

    Ces Sauriens et assimilés étaient plutôt censés vivre dans un monde tropical préhistorique séparé de l'univers médiéval standard de C&S (Archaeron), mais le supplément propose aussi un récit de voyage, Les Seigneurs des Dragons*, où l'Archimage Anachronus navigue jusqu'aux Îles des Dragons dans la Mer Bouillante et y trouve un Monde Perdu (colonie perdue du Monde des Sauriens, Ssk'al), le Ss'ait'Kaa, terre des " Hss'Taathi", aussi appelés par les Humains les Smaragdae (les "Emeraudes"), parce qu'une superstition croit qu'ils seraient issus de minéraux.

     * NB Il y a aussi deux courts scénarios (20 pages) de 1984 par J. Andrew Keith pour C&S 2e édition, The Dragon Lord et The Songsmith qui se déroulent tous les deux dans le même univers, mais le Seigneur Dragon du titre n'a aucun rapport avec ce supplément sur les Sauriens.

    Biologie
    Les Hss'Taathi sont bipèdes mais ont une longue queue et une crête. Ils sont endothermes et ont aussi un duvet. Ils ont une poche sous la gorge qu'ils enflent quand ils sont irrités et qui est souvent tatouée, teinte ou décorée. Ils ont une forme d'infravision.

    Leur taille varie énormément selon la Caste, entre 1,50m pour les Serfs et jusqu'à 2,30m pour les Chevaliers. Le supplément détaille la création de personnage pour chaque Caste. Ils sont ovipares et la femelle pond 1-4 oeufs chaque été (les petits sont elevés par une nourrice d'un Domaine, et non par les géniteurs, ce qui donne une organisation sociale plus proche de certaines ruches).

    Leurs "cousins" éloignés, les Kulun'Ssaatha, sont plus aquatiques et leurs sociétés a donc évolué vers la navigation.

    Les Origines et les Dinosaures
    Les auteurs se sont amusés à développer la langue des Hss'Taathi et cela devient parfois un peu riche en jargon avec sifflantes (ils n'ont pas pensé à faire un index).

    Les Hss'Taathi ont domestiqué divers créatures appelées "Sss'Hasst" (traduits "Dragons" mais ce sont en fait divers Dinosaures) et ce sont même eux (d'après leurs récits) qui ont créé les Anciens Dragons intelligents, et non l'inverse.

    Les Seigneurs chevauchent des K'Haasst (Grands Lézards de Guerre quadrupèdes et carnivores, avec souvent l'ajout d'une carapace métallique) alors que les simples Sergents ne montent que des Tss'Haasst, sauriens moins endurants. Les Soldats utilisent parfois comme montures de lourds Tha'Ssk'al'Ssa (Triceratops), comme on le voit sur la couverture. Les autres utilisent aussi des K'Sssa'Sahh (bipèdes herbivores, Yaleosaurus). On élève des troupeaux de grands herbivores (cératopsiens, apatosaures et hadrosaures) comme bétail. Les Chasseurs utilisent des Ss'iss'Kaasst (petits carnivores Dromaeosaurus) un peu comme nos chiens limiers. Le supplément donne les caractéristiques de 250 créatures au total (y compris de nombreux mammifères préhistoriques de périodes glaciaires plus tardives).

    Certains mages Hss'Taathi appelés "Métamorphes" (T'Ki't'k) développent en plus des pouvoirs de se transformer en dinosaures, y compris en ptéranodons.

    Ils ont aussi eu des sujets humains (les "Chairs-Molles"), dont certains furent aussi modifiés magiquement pour produire diverses espèces humanoïdes et certains peuvent être intégrés dans les Castes roturières.

    Les Hss'Taathi ont un code de l'honneur fondé sur le Défi rituel mais lors de leurs premières rencontres, les Humains tuèrent le Héraut qui venait défier leur chef en prenant sa cérémonie pour une attaque, ce qui déclencha une guerre sans merci jusqu'à ce que les Hss'Taathi découvrent que le Monde des Humains n'était pas leur vrai Monde Ssk'al.

    Religion
    Les Hss'Taathi adorent l'Oeuf du Monde (Ssk'al), fils de la Mère-Soleil (Ssk), qui créa le Garde-Lune (Vaa'Nal'Ssst) pour surveiller son Oeuf. L'Oeuf n'est pas encore éclos à cause du "Contestataire", un astre ennemi qui vint affronter la coquille de l'oeuf. Les Humains disent que l'Ennemi est déchu dans les Enfers sous la Terre mais pour les Hss'Taathi, c'est l'inverse, c'est l'Oeuf qui est couvé en attendant le Jugement dernier contre l'Ennemi dans les cieux. Les Hss'taathi qui se comportent avec honneur rejoindront Ssk'al à son éclosion future.

    Société
    Les deux sexes sont complètement égaux et le sexe ne joue aucun rôle pour le rôle social.

    Les Hss'Taathi sont divisés en Castes dans un Domaine et les prêtres Oomanciens déterminent pour chaque oeuf sa Caste (cette divination, l'Ooscope, remplace le rôle de l'Horoscope habituel dans C&S). Il n'y a presque pas de mobilité sociale entre les Castes après cette sélection (sauf en partie pour les Soldats T'Kah), mais il y en a à l'intérieur de chaque Caste. Comme les Hss'Taathi sont élevés par des nourrices, celles-ci, bien que roturières, jouent un rôle central dans l'éducation des individus et peuvent symboliquement garder une certaine autorité symbolique sur la progéniture.

    Sur certains points, ils font plus penser à la féodalité japonaise qu'à la société occidentale et les Chevaliers sont parfois plus proches de Samurai. Certaines épées magiques et armures sont interdites sous peine de mort aux castes non-martiales, qui n'ont droit qu'à leurs griffes et leurs crocs.
    • Khuihh : Serfs, Proscrits & Roturiers (cela comprend aussi les esclaves étrangers) 
    • Ss'iss'ke : Chasseurs (ce sont les plus agiles, avec une bonne Dextérité)
    • Htikkh : Mages-Guerriers (avec une spécialisation dans la Chasse ou dans le Combat) 
    • Htlaii : Prêtres-Mages (Prêtre de l'Oeuf, Devins Oomanciens et Métamorphes). 
    • T'Kah : Soldats (en cas de déshonneur, est réduit à Khuihh, en cas de haut fait, peut devenir un Hssaikh).
    • Hssaikh : Porte-épée d'un domaine 
    • Sslissi : Héros d'élite, plus grands et plus forts que les autres.  
    • Hch'ait : Seigneurs-chevaliers d'un Domaine. Pour les plus grands Domaines, il peut y avoir une hiérarchie féodale entre plusieurs sous-domaines des Ssuustkhs (les Grands Vassaux) et le ou la Ch'aitkhe (la ou le Suzerain suprême) du Domaine. 
    Comme la société Hss'Taathi est fondé sur la notion de Défi rituel, celui qui a été elevé Hch'ait ne peut espérer devenir un vrai seigneur qu'en défiant d'autres Hch'ait au-dessus de lui et peut ainsi espérer convaincre une partie de son Domaine de le rejoindre pour fonder un nouveau Domaine. Même un héritage peut être contesté par un Défi rituel.

    Même dans les Prêtres Voix de Ssk'al, la hiérarchie dépend de Défis. Il y une "Voix" par Domaine mais elle est accompagnée de plusieurs assistants "Murmures".

    Le supplément détaille les diverses formes de magie propres aux Htikkh et aux classes sacerdotales Htlaii et c'est un des parties les plus impressionnante dans les détails d'atmosphère comme les Magies de C&S ont été adaptées pour les Hss'Taathi. Certains roturiers ont aussi développé une profession médicale.

    Les Hss'Taathi connaissent la monnaie métallique (pièces d'argent) et rien n'interdit parfois certains roturiers Khuihh de basse caste d'être plus riches qu'un chevalier mais en droit les profits commerciaux doivent revenir comme propriété du Suzerain, même s'il existe fraude et vol (le Voleur est une sous-classe du Marchand). Ils exploitent des mines et c'est même à cette occasion qu'ils ont pu entrer en conflit avec d'autres territoires.

    Les "cousins" éloignés crocodiliens, les Kulun'Ssaatha, ont une société assez similaire, si ce n'est que les castes non-nobles, Khuihh et T'Kah ont quasiment le même statut, ce qui confère plus de droits et libertés politiques aux roturiers. Les Kulun'Ssaatha ont évolué dans des régions de marais mais leur civilisation s'est tournée vers les océans. Les roturiers Khuihh sont souvent marins chez les Kulun'Ssaatha et ceux-ci ont droit à un certain prestige. Ils ont des techniques maritimes assez semblables à celles des longships, knörr ou snekkar scandinaves (ce qui implique peut-être plus de raids de pirates que du commerce avec les "Chairs-Molles" ?).

    Conclusion
    L'histoire du jeu de rôle a des curiosités où certains des premiers suppléments sont parfois bien meilleurs que ceux qui ont suivi. Je ne suis pas sûr qu'on ait fait mieux depuis sur les Hommes-Lézards mais il faudrait vérifier.

    Saurians (1979) est antérieur même au célèbre Trollpak (1982) de Greg Stafford et Sandy Petersen, qui est sans doute une des meilleures explorations d'espèces non-humaines, et les Hss'Taathi n'ont pas vraiment à rougir face aux Uz, si ce n'est bien sûr dans le domaine mythologique et religieux. Je pense qu'on peut vraiment jouer des Hss'Taathi comme personnages - et ils seraient sans doute plus jouables et compréhensibles que les Dragonewts (Eravssar), malgré une société qui peut évoquer certains Insectes sociaux.

    Un défaut de Saurians est que cela reste une description générale et abstraite de la société (avec des générateurs aléatoires de Domaines) sans aucun contexte précis, aucun exemple particulier de royaumes, sans aucun PNJ et sans vraie histoire qui aurait distingué diverses cultures à l'intérieur de ces groupes. L'erreur est ici celui de la "mono-culture" où on suppose que tous les Hss'Taathi doivent suivre le même modèle, alors que le Trollpak, grâce à l'intégration dans le monde de Glorantha, pourra développer des différences régionales.

    lundi 22 juillet 2013

    Lundi, c'est Luise (7)


    Luise Perenne a un goût marqué pour des silhouettes elancées elfiques et ses Elfes sylvains (assez similaires à ceux d'Elfquest) précédaient la variante actuelle qui en fait quasiment (par exemple dans le supplément de Mongoose sur les Aldryami) des sortes de Broccolis humanoïdes.



    L'Institution Particulière


    Certains Conservateurs américains ont plusieurs tactiques pour continuer à défendre la Confédération sudiste ou la Révolte en faveur de la Trahison et de l'Esclavage : (1) ils répètent que le vrai problème n'était pas "l'Institution Particulière" (mot de code pour l'esclavage) mais la subsidiarité ("States'Rights") ; ou alors (variante plus propre à certains "Libertariens" qui préfèrent toujours la servitude privée à toute intervention publique), (2) ils disent que les Républicains abolitionnistes de l'époque ne l'étaient pas assez. Et certes, on sait que Lincoln au départ n'osait justement pas attaquer l'esclavage dans les Etats sudistes et s'opposait seulement (de manière conciliatrice) à son extension dans les nouveaux territoires. Dans les commentaires à ce post sur le fait que les Libertariens redécouvrent l'eau chaude en admettant soudain que l'historiographie traditionnelle était correcte (et si, l'esclavage est un point central), il y a quelques faits intéressants.

    Un des grands scandales de l'histoire de la philosophie est le temps qu'il a fallu pour critiquer l'esclavage. Les Epicuriens interdisaient l'esclavage entre eux, dans leur sphère privée mais se désintéressaient du reste. Les Stoïciens, si attachés à la liberté absolue de la volonté rationnelle, ne se souciaient tout au plus que de réduire les violences arbitraires contre les esclaves et non d'abolir l'institution. Les religions comme le Judaïsme (Lev. 25), le Christianisme (Epitre de Paul à Philémon) ou l'Islam ne voulaient clairement interdire l'institution qu'entre membres de la même religion et non pas à tous (même si, depuis, elles prétendent avoir toujours été abolitionnistes). Le pire dans l'hypocrisie moderne est l'argument tortueux de John Locke dans le Second traité du gouvernement civil (1689) qui semble dire d'abord que l'esclavage n'est pas légitime si tout homme a le droit naturel de posséder son corps, avant de dire qu'après tout la servitude repose simplement sur le droit de conquête.

    Mais ce serait une erreur de croire que l'abolitionnisme (non uniquement religieux) ne naît qu'avec le Siècle des Lumières. Ils citent cette chronologie par exemple entre le Moyen-Âge et les Lumières.

    • 1435: Papal Encyclical – Sicut Dudum – of Pope Eugene IV banning enslavement on pain of excommunication.
    • 1537: Pope Paul III forbids slavery of the indigenous peoples of the Americas as well as of any other new population that would be discovered, indicating their right to freedom and property. However, only Catholic countries apply it, and state that they cannot possibly enforce what happens in the distant colonies (Sublimus Dei).
    • 1542: Spain enacted the first European law abolishing colonial slavery in 1542, but was forced to weaken these laws by 1545.
    • 1569: An English court case involving Cartwright, who had brought a slave from Russia, ruled that English law could not recognise slavery.
    • 1588: The Polish–Lithuanian Commonwealth abolishes slavery
    • 1595: A law is passed in Portugal banning the selling and buying of Chinese slaves.
    • 19 February 1624: The King of Portugal forbids the enslavement of Chinese of either sex.
    • 1652: Slavery abolished in Providence Plantations.
    • 1683: The Spanish crown abolishes slavery of indigenous prisoners of war in Chile. Non prisoner of war indigenous slavery was already illegal.
    • 1761, 12 February: Portugal abolishes slavery in mainland Portugal and in Portuguese possessions in India through a decree by the Marquis of Pombal.
    On peut aussi citer comme un des premiers textes théoriques l'argument de Jean Bodin dans De la République I, V "De la puissance seigneuriale, et s'il faut souffrir les esclaves en la République bien ordonnée" (1576). Après avoir cité plusieurs arguments traditionnels (d'Aristote) sur le caractère "naturel" de l'esclavage, le juriste Jean Bodin les critique avec une ironie que reprendra Rousseau au début du Contrat social.

    Ces raisons ont bien quelque apparence pour montrer que la servitude est naturelle, utile, et honnête, mais il y a bien réponse. Je confesserai que la servitude sera naturelle quand l'homme fort, roide, riche et ignorant obéira au sage, discret et faible, quoiqu'il soit pauvre ; mais d'asservir les sages aux fols, les ignorants aux hommes entendus, les méchants aux bons, qui dira que ce ne soit chose contre nature ? si ce n'était qu'on voulût subtiliser, que l'esclave bien avisé gouverne et commande à son seigneur, et le sage conseiller à son Roi mal avisé.

    De dire que c'est une charité louable [de] garder le prisonnier qu'on peut tuer, c'est la charité des voleurs et corsaires, qui se glorifient d'avoir donné la vie à ceux qu'ils n'ont pas tués. Or voit-on bien souvent que les hommes doux et paisibles sont la proie des méchants, quand on vient à départir les différends des Princes par guerre, où le vainqueur a bon droit et le plus faible a toujours tort. Et si les vaincus ont fait la guerre à tort et sans cause, comme brigands, pourquoi ne les met-on à mort ? pourquoi n'en fait-on justice exemplaire ? pourquoi les reçoit-on à merci puisqu'ils sont voleurs ?

    Et quant à ce qu'on dit que la servitude n'eût pas duré si longuement, si elle eût été contre nature : cela est bien vrai ès choses naturelles, qui de leur propriété suivent l'ordonnance de Dieu immuable ; mais ayant donné à l'homme le choix du bien et du mal, il contrevient le plus souvent à la défense, et choisit le pire contre la loi de Dieu et de nature. Et l'opinion dépravée en lui a tant de pouvoir, qu'elle passe en force de loi qui a plus d'autorité que la nature, de sorte qu'il n'y a si grande impiété, ni méchanceté, qui ne soit estimée et jugée vertu et piété.

    Or puisque nous avons par expérience de quatre mille ans tant d'inconvénients, de rébellions, de guerres serviles, d'éversions et changements advenus aux Républiques par les esclaves, tant de meurtres, de cruautés, et vilenies détestables commises en la personne des esclaves par les seigneurs, c'est chose très pernicieuse de les avoir introduits, et les ayant chassés, de les rechercher.

    Si on dit que la rigueur des lois se peut modérer avec défenses et punitions sévères de ceux qui tueront les esclaves : et quelle loi peut être plus juste, plus forte, plus entière que la loi de Dieu, qui y avait si sagement pourvu ? voire jusqu'à défendre de les châtier de fouets, (ce que permet la loi des Romains) et veut que l'esclave sur le champ soit affranchi, si le seigneur lui a rompu un membre : ce que l'Empereur Constantin fit passer en force de loi générale.

    Et qui ferait la poursuite de la mort d'un esclave ? Qui en oirait la plainte ? Qui en ferait la raison n'ayant aucun intérêt ? attendu que les tyrans tiennent pour règle politique, qu'on ne peut assez asservir les sujets pour les rendre doux et ployables.

    vendredi 19 juillet 2013

    I'll wrap myself in cities I travel

    En hommage à la Bonne Ville de Detroit (avant qu'OCP ne la rachète), par un petit groupe obscur qui semble attirer les Spams.

    Il n'y a pas consensus clair sur la prononciation du "t" final de Detroit. Le Merriam-Webster affirme que c'est bien [di-ˈtrȯit] mais l'humoriste Lewis Black se moquait récemment de l'habitude locale d'élider le t.

    mercredi 17 juillet 2013

    [CR de Partie] La Roue du Chaos

    [Partie de W.A.L.E., jeu indépendant créé par Goodtime, Extraits du journal de bord de Lincarn]

    3 PJ :
    - Lincarn, un Maître du Corps humain (joué par Phersu)
    - Mekhann le Mage nain (joué par É.)
    - Siskrissis, le noble Khryhl exilé (joué par Y.). Les Khryhls sont une race humanoïde nocturne de la Grande-Terre. Ce sont des albinos qui craignent la lumière du soleil et ont une forme d'écholocalisation.

    Armoiries de Sire Siskrissis


    I Une Couronne des Chats

    A l'origine, nous n'étions pas censés rester dans l'Archipel des Shanizad plus que quelques jours pour nous reposer pendant que notre pilote, l'elfe Palathas, allait faire réparer notre nef volante sur l'Île des Soupirs.
    Mais le Destin nous a vite embrigadés dans les intrigues politiques de cet Archipel.
    On peut y distinguer au moins quatre îles principales dans le sens des cadrans nains :
    (1) Séléna, l'île des Elfes noirs,
    (2) les Soupirs, île des Elfes des Dunes,
    (3) Gaum, colonie d'un royaume nordique et de Nains ; et
    (4) Shanizad, l'île principale, île des Chats, des Voleurs et des Pirates.

    L'île de Shanizad, peuplée notamment de Félishas, les hommes-félins, a une Constitution singulière puisqu'il s'agit d'un régime dédié au Chaos sous ses formes apparemment aléatoires ou capricieuses. C'est la Roue qui peut prendre certaines décisions quand elle tourne, choisir un nouveau "Roi" ou mettre terme à son règne. Dès notre arrivée au port de La Médisha, notre compagnon le noble khryhl Sire Siskrissis fut reconnu par une félisha, Dame Shaan aux Yeux Violets, Concubine Royale, comme un nouveau Roi Intermittent. Il devait remplacer temporairement le Roi actuel, qui était aussi un KhryhlSusforkal. Sire Siskrissis apprit qu'il n'était censé "régner" que pour quelques semaines, le temps de réparer ce que son prédécesseur indolent Susforkal avait laissé dégénérer.

    Dame Shaan nous conduisit donc au Palais royal pour introduire Sire Siskrissis à son nouveau rôle de Monarque. Mais nous fûmes aussitôt attaqués par ce qui semblait être des agents déguisés en Elfes noirs. Dame Shaan nous montra alors ses talents en tant que Garde du corps du Roi en nous aidant à les défaire.

    Le Roi de Shanizad est formellement l'époux cérémoniel de la Reine Shubduna de Séléna, mais la piste des Elfes noirs était une manipulation grossière. Nous avions réussi à vaincre les meurtriers mais la mort n'arrêtait pas leurs assauts. Ces assassins étaient possédés par une force magique qui se transmettait à ce qu'ils mordaient - ce malheureux Roi Susforkal, le prédécesseur de Siskrissis, finit d'ailleurs par se faire mordre à son tour. Ces zombies venaient en réalité d'une autre île, Gaum, royaume humain qui était un autre allié dans l'Archipel. Ils avaient été, d'après leurs tatouages, membres d'un ordre du "Faucon noir" et d'après un entretien avec Oana, une Prêtresse du Filet des Âmes qui pouvait parler aux morts, ils semblent avoir été récupérés par quelque sombre Démon nommé "Tohorud".

    Cette Prêtresse des Morts prédit aussi que je mourrais dans cette aventure et elle me donna un médaillon. Nous tentâmes aussi d'entrer en communication avec la Reine Shubduna sur son île de Séléna par un Tableau magique du Palais mais nous n'avons pu parler qu'avec un de ses ministres, le Connétable László, qui déclara simplement qu'elle n'était pas disponible.

    Mais aussitôt après avoir réglé les affaires courantes du Royaume, nous découvrons le Roi de Shanizad venait d'être invité pour les noces du Roi Karl de Gaum, qui épouse une certaine Azildé de Novaldor. Nous décidâmes de partir tous ensemble en mission officielle, avec Dame Shaan, pour ce mariage à Garenhal (capitale de Gaum) et pour élucider qui a cherché ainsi à assassiner le Roi de Shanizad.

    II Les Noces du Printemps et de l'Hiver

    Le Royaume de Gaum est un allié militaire de Shanizad, malgré les différences claires entre les deux régimes. Shanizad est une culture hédoniste et libertaire, vouée au Chaos sous ses formes les plus séductrices. Gaum était à l'origine une colonie des farouches royaumes nordiques de Dagolin et est attaché à la Loi. L'île de Gaum est partagée par le vieux Roi Karl et une enclave des Nains dirigée par le Roi Baudouin, vassal du précédent. Karl avait un héritier adulte, le Prince Rolf. Il ne semblait pas briller par sa patience ou sa maîtrise de soi et ne dissimulait pas son irritation devant ce nouveau mariage.

    Quant à la nouvelle fiancée du Roi Karl, la belle Dame Azildé, elle venait du Novaldor, la colonie occidentale de la vieille Aldor. [OOC : en gros, Novaldor serait le Mexique si Aldor est l'Espagne, avec l'Archipel des Shanizad comme des Antilles qui mélangeraient à la fois Islande et Maghreb. ]

    Nous apportions comme cadeau de mariage des Parfums hallucinogènes de Shanizad. Le vieux Roi Karl était malade et je soupçonnais au départ sa nouvelle fiancée Azildé de chercher à l'empoisonner - Karl était vraiment victime de sombres sortilèges mais la belle Azildé travaillait en réalité pour un autre Ordre pour protéger le Monarque.

    Notre position officielle en tant qu'entourage du Roi Siskrissis nous permit de converser avec la Cour du Roi et de participer aux festivités avant le mariage.

    Sire Siskrissis se battit pour les couleurs de Dame Amélie de Losdor pendant le Tournoi. A la Chapelle des Rêves, je tombai sur MEQX6, un agent de la race artificielle des Gnomes de la planète Laks. Il semblait venir d'un autre temps et conversait avec moi comme si nous nous étions déjà rencontrés et comme s'il était surpris que je ne me souvienne pas de lui. Il me demanda où se trouvait la Dame Bleue et fut déçu de ma perplexité.

    Pendant ce temps, notre compagnon le Nain pyromancien Mekhann fouilla avec Dame Shaan dans les Bibliothèques royales pour y retrouver d'anciens sortilèges oubliés du temps des Démons. Il y avait notamment un sort trop complexe pour Mekhann nommé "Souffle de Dragon" et un rituel religieux nommé "Prière de la Libération" et qui servait aux anciennes cérémonies des Dragons du temps où ils vivaient encore dans cet Archipel. L'Empire de Shu où je fus formé comme Maître du Corps m'avait entraîné à méditer pour maintenir les Dragons dans leur sommeil car les mortels n'ont nulle envie que ces créatures s'éveillent à nouveau.

    Nous découvrîmes donc que récemment, un certain Maître Bahudin, un Prêtre de l'Ordre et tuteur du Prince Rolf, avait disparu après avoir étudié d'anciennes ruines émergées par un tremblement de terre. Les Démons avaient régné sur ce monde bien avant que les trois Avatars d'Edhel du Rêve ne délivrent les mortels. Nous avions déduit que Maître Bahudin avait dû être corrompu par le Démon Tohorud - celui qui possédait également les assassins du Faucon noir. Le Prince Rolf était aussi sous son influence et annonça même à Sire Siskrissis qu'il s'était converti à de nouvelles puissances du Chaos. Il avait aussi entendu de sombres prophéties de Bahudin et notamment que Tohorud est en quête du "Sang des Rois".

    Pendant la cérémonie du Mariage entre Karl et Azilde, où j'officie en tant que Maître Ascète de l'Equilibre, notre alliée Dame Shaan arrêta brièvement le temps par sa magie et nous avions failli partir vers de fausses pistes. Alors que le temps était suspendu, je vis Azildé qui versait quelque chose dans le verre de son époux (mais il s'agissait en réalité d'une protection). J'étais toujours soupçonneux à l'égard de la nouvelle épouse et surtout d'un certain Maître Aquil de Bor, un Maître-Assassin qui avait le même tatouage de Faucon noir que ceux qui avaient tenté de nous tuer sur Shanizad.

    Mais quand le temps reprit son cours, une nouvelle tentative d'assassinat eut lieu avec un assaut de créatures démoniaques nommées les Dîves. Ovoïdes, blanchâtres et sans yeux, ils étaient bien plus dangereux. Ces Dîves pouvaient même traverser tous les obstacles matériels s'ils n'étaient pas végétaux. Nous mîmes donc le Roi à couvert derrière la Table de bois. Nous n'aurions pas pu sauver le Roi Karl sans l'aide des Nains, de Dame Azildé ou du Maître-Assassin Aquil de Bor.

    L'enquête confirma que les membres du Faucon noir que nous avions vaincus sur Shanizad ne suivaient pas les ordres de leur Maître Aquil mais qu'ils avaient dû être "retournés" par Bahudin quand ils étaient censés le suivre discrètement.

    Grâce à Aquil, nous apprîmes que le Prêtre corrompu par Tohrud était parti de Gaum vers l'île de Séléna, l'île des Elfes noirs. Toutes les pistes conduisaient à un plan de Tohorud dans cette direction, s'il cherche le "Sang des Rois", et nous décidâmes donc de repartir encore une fois à sa recherche, vers l'île lunaire gouvernée par la Reine elfe, Shubduna de Séléna.

    (à suivre)

    mardi 16 juillet 2013

    Résister à la Geekisation

    Mon enfant a moins d'un an et pour l'instant j'ai réussi à ne pas lui acheter le moindre dé de 20 en peluche ou body avec fiche de personnage pour ne pas le corrompre avec mon attachement à mes loisirs des années 1980. Mais là, il va me falloir de la force - même si ce ne sont pas des vrais Lego et si les Kre-O ont une sale réputation,

    [JDR] Shadowrun : scénarios de la 1e édition (1989-92)


    Il y a environ 10 mois, j'avais décrit un peu l'univers de Shadowrun, le jeu de fantasy où la Magie revient à partir de 2011-2012. Une 5e édition vient de sortir chez Catalyst en ce mois de juillet 2013 (pour profiter à la fois de plusieurs jeux informatiques et d'un nouveau jeu de cartes) et la chronologie fictive continue d'avancer dans le temps mais c'est l'occasion de revenir sur le meilleur aspect de ce jeu (aux règles un peu lourdes), ses scénarios.

    La première édition de Shadowrun (1989) a eu, si je compte bien, au moins dix aventures officielles (dont deux gros modules-campagnes) qui se déroulent vers 2050. Le passage à la seconde édition de 1992 se marque surtout par les événements d'Universal Brotherhood vers 2053 où les PJ doivent découvrir une nouvelle faction d'ennemis à Seattle.

    Le premier scénario paru (en dehors de "Silver Angel" dans l'écran de la première édition), DNA/DOA (par le célèbre Dave Arneson) ne vaut pas la peine qu'on en parle comme cela semble être simplement un Donjon, avec des égouts d'Orks et une clinique à la Docteur Moreau de la Corporation Aztechnology à la place des Oubliettes. Mais je ne l'ai jamais lu comme les critiques le présentent comme le plus mauvais scénario de la gamme.

    [L'Univers de Shadowrun comptait 8 Grandes Mégacorporations plus ou moins multinationales à cette époque : une est aztlan (Aztechnology), une seule plutôt nord-américaine (ARES, leader de l'armement), une est Européenne (Saeder-Krupp, dont un actionnaire principal est le Dragon Lofwyr), et les cinq autres sont dominantes en informatique et d'origine japonaise (Fuchi, Mitsuhama, Renraku, Shiawase, Yamatetsu). Ces compagnies sont surtout industrielles et technologiques alors que dans notre réalité les groupes les plus importants seraient encore surtout dans les secteurs de l'Energie (Shell, Exxon, BP...). On a du mal à se souvenir à quel point les Américains de la fin des années 1980 croyaient que les Zaibatsu allaient racheter le Monde (c'est la raison pour laquelle la monnaie du jeu est le NuYen ¥).
    Dans la version actuelle du jeu, ils ont diversifié et nettement réduit le nippocentrisme : Yamatetsu est devenue la compagnie EVO (leader en biotech) et elle a son siège en Asie centrale, Fuchi est devenue Neonet, aux Etats-Unis d'Amérique et Canada. Ils en ont ajouté deux autres : Horizon (Nord-Américaine) et Wuxing, la seule Mégacorpo chinoise à côté des trois japonaises Mitsuhama, Renraku et Shiawase.]


    Le second scénario, Mercurial (Paul Hume, Tom Dowd, 1989), est déjà nettement plus intéressant et introduit certains des thèmes du jeu sur les Médias comme les Dreamchips, ces implants à souvenirs qui agissent comme une drogue virtuelle dans l'Amérique des années 2050. Maria Mercurial est une chanteuse de rock d'origine aztlan et l'aventure se déroule à Seattle. Le récent supplément sur 2050 énumère la chanteuse parmi les vedettes des Médias (page 44) mais elle ne doit pas être aussi célèbre que la Star de Simsens, Queen Euphoria (p. 41). Les Runners sont engagés comme gardes du corps de la rock star mais cela va être compliqué par son psyché fragmenté (on peut même imaginer une dimension quasi-thérapeutique de rehab dans le scénario) et divers complots d'Aztechnology, de la compagnie Horizon ou de gangs yakuzas. La difficulté pour le MJ est qu'il faudrait sans doute que les personnages-joueurs trouvent Mercurial charmante et attirante sans quoi ils seront plus préoccupés par leur salaire que par sa santé mentale et physique. Bien que le contrat soit sur la protection de la vedette, il y aura aussi ensuite de quoi faire pour un Decker capable de fouiller les archives secrètes de plusieurs intervenants. Les PNJ comprennent un Dragon fan de rock, et j'aurais aussi du mal à faire des dialogues convaincants d'un tel connaisseur.

    Le troisième scénario est Dreamchippers (James Long, Sam Lewis, 1989). Il reprend le concept de ces "narcopuces" (Dreamchip) qui donnent une impression totale de réalité. La Corporation Global Tech s'est fait voler trois de ses nouveaux implants psychocybernétiques qui donnent des personnalités simulées fondées sur des personnes historiques : "Cléopâtre" (pour former des sortes de Mata Hari), "Jack l'Eventreur" (pour développer l'agressivité) et "Gengis Khan" (personnalité faite pour des cadres dynamiques mégalomanes). On a un peu de mal à admettre que la Corpo aurait choisi ces personnalités comme prototypes mais on devine aussitôt que ces puces (et notamment celle de Jack) vont être dangereuses. Il y a moins de pièges et révélations que dans Mercurial mais la partie d'enquête reste assez développée.


    [Ce thème des Puces et des réalités virtuelles pourraient aussi donner d'autres pistes de scénarios. En s'inspirant du récent Holy Motors de Leos Carax (où un acteur polymorphe s'incarne en divers humains pour de puissants spectateurs), les personnages pourraient d'ailleurs se faire filmer en caméra subjective pour vendre les Simulations de ce qu'ils voient et vivent. L'idée existait aussi dans Planescape où la faction des Sensates peut louer les PJ pour vivre leurs sensations par procuration. Cela rendrait d'ailleurs leurs implants encore plus dangereux s'ils assistent à quelque chose "qu'ils n'auraient pas dû voir". ]

    Queen Euphoria (Stephan Wieck, Tom Dowd, 1990) est encore plus complexe que Mercurial. On peut même considérer que c'est un tournant dans la gamme car il pose les bases de ce qui deviendra tout un metaplot et une campagne avec Universal Brotherhood. Il s'agit cette fois d'un scénario d'horreur, inspiré d'Alien. Les Shadow-runners sont engagés au départ pour enlever une célèbre actrice de SimSens et sex symbol. L'enlèvement n'est fait que pour être temporaire, pour l'empêcher de participer à une campagne publicitaire pour un nouvel aliment au succès impressionnant. Mais cet enlèvement n'est que le début de l'arrivée d'un Mal bien plus dangereux pour l'Humanité que les Dragons. L'ennui est que c'est un Mal avec lequel on ne peut pas vraiment négocier et que cela devient donc plus manichéen que l'ambiance habituelle de Shadowrun faite de retournements et de coups fourrés. Si vous n'avez pas envie d'envoyer la campagne dans cette direction d'horreur, ce module devrait être modifié.

    Universal Brotherhood (1990, Nigel Findley pour la partie background, Chris Kubasik pour la partie scénario, "Missing Blood") est une campagne qui développe les complots annoncés dans Queen Euphoria et a les mêmes éléments d'horreur. Les PJ sont recrutés au début seulement pour une mission d'apparence banale, retrouver une maîtresse disparue et un cadeau que veut récupérer son amant. Mais la disparue était membre de la Confrérie Universelle, une ONG à buts "charitables" qui peut faire penser à la Scientologie de prime abord mais qui cache une nouvelle sorte d'entités magiques. L'effet d'étonnement sera moindre si les PJ ont déjà découvert ces complots dans l'aventure précédente et la coïncidence serait un peu curieuse. On pourrait donc toujours inverser la progression en disant que c'est parce qu'ils enquêtent déjà sur la Confrérie Universelle qu'ils vont tomber sur la piste de la malheureuse sectatrice. Les infos sur la secte et ses vrais dirigeants sont présentées entièrement sous forme de documents réunis par des journalistes avec donc des sources incomplètes et contradictoires. L'aventure de 1990 n'a été traduite que récemment en 2010 par Black Books dans une anthologie au titre qui révèle déjà les secrets. L'intrigue se prolonge dans Double Exposure (1994, traduit en français Glow City Blues), le roman de Tom Dowd Burning Bright (1994, tr.fr. Feu d'Enfer) et Bug City (1995, traduit dans la même anthologie de 2010). En passant, je me demande si ces histoires ont pu influencer le jeu post-apocalyptique d'horreur de Julien Blondel, Vermine (2004).


    Bottled Demon (James Long, Tom Dowd, 1990) commence par un quiproquo. Les personnages ont été engagés pour protéger un vendeur d'artefacts magiques, mais au moment où ils doivent marchander une étrange relique avec des érudits elfes de Tir Tairngire, leur patron est tué par la Police privée Lone Star, qui est à la recherche d'un assassin et qui va finir par confondre l'équipe des PJ avec le vrai meurtrier. Maintenant qu'ils ont la relique, la question va devenir : que doivent-ils en faire ?
    Il y a une fin déterminée par le scénario mais je crois qu'il serait mieux de laisser les options plus ouvertes pour l'équipe et assumer les conséquences de leurs choix sur cet objet dangereux. Le problème est qu'ils risquent de ne jamais comprendre ce qu'il en est réellement du MacGuffin, ce qui est assez frustrant. De plus, si jamais ils connaissent déjà un Dragon dans un scénario précédent, cela pourrait dévier toute l'aventure : en effet, comme dans le Seigneur des Anneaux, le feu des Dragons est efficace contre les artefacts magiques.

    La parution suivante fut à nouveau plus ambitieuse (comme Universal Brotherhood) avec une campagne en 152 pages et non pas un simple scénario de 80 pages, Harlequin (1990). J'hésite à en parler sans l'avoir joué car les avis sont assez divergents, certains parlent d'une des meilleures (dans son originalité) ou des pires (dans son dirigisme étouffant) campagnes. La campagne est écrite par 8 auteurs différents (W.G. Armintrout, Tom Dowd, Jerry Epperson, John Faughnan, Paul R. Hume, James D. Long, Lester W. Smith & Ken St. Andre) et doit donc admettre des atmosphères aussi disparates ou hétéroclites qu'une mosaïque bariolée d'Harlequin. Elles sont assez inégales et l'histoire en Allemagne par exemple a quelques éléments simplement absurdes qui ne cadrent pas nécessairement avec la description de l'Allemagne dans les suppléments suivants.
    On est d'ailleurs supposé espacer les aventures entre d'autres histoires sans rapport pour que les joueurs croient à des épisodes rhapsodiques et ne devinent pas directement que chaque mission a un lien dans le plan secret d'Harlequin. Mais dans ce cas, ils risquent de se lasser sans même avoir pu apercevoir qu'ils étaient dans une campagne !
    Cette intrigue d'arrière-fond eut une grande importance pour définir l'univers de Shadowrun comme c'est elle qui établit un peu le fait que certains Elfes immortels vivent en fait depuis le Quatrième Monde de la Préhistoire (l'univers d'Earthdawn).
    Globalement, cela ne me semble pas vraiment avoir si bien vieilli. Harlequin semble être le PNJ Deus ex Machina qui dirige tout en cachette et ne laissera plus assez d'espace libre aux PJ. La conclusion, notamment, a l'air plutôt décevante comme "anti-climax" et c'est une mauvaise idée que les PJ assistent à une scène sans pouvoir y faire quoi que ce soit. C'est donc à réécrire profondément pour approfondir la relation avec Harlequin. Tel qu'il est, il vole la vedette aux PJ, est omnipotent et agaçant, son plan n'est même pas assez intéressant pour eux une fois qu'ils l'auront compris (s'ils le comprennent !). Il faudrait qu'il apparaisse moins casse-pied pour les joueurs et donc un peu moins obscur, tout en gardant un peu de son exotisme d'Immortel millénaire et sa folie de Trickster. Si un des PJ est un Elfe, il pourrait avoir plus de raisons de comprendre les motivations à long terme d'Harlequin.

    Dragon Hunt (1991, traduction française Tirez sur le Dragon) est écrit par un nouvel auteur, Michael Lee. C'est un bon scénario d'enquête à Seattle avec encore une fois, comme dans Mercurial, des problèmes d'identité personnelle. On retrouve un jeune Dragon amnésique mais technophile sur qui une corporation a fait des expériences étranges. Les aventuriers sont engagés par le Dragon et vont devoir déterrer son vrai passé, qui a plusieurs niveaux secrets (dont certains peuvent paraître peu crédibles dans leurs enchevêtrements).  On retrouve au passage un assassin samourai elfe de Tir Tairngire qui était déjà l'adversaire des PJ dans Bottled Demon.
    Hélas, la conclusion programmée par l'aventure tombe un peu dans un cliché frustrant de ce jeu, où les PJ risquent de se dire qu'ils ont tout fait pour rien et que tout s'est passé en dehors de leurs propres actions.

    Ivy & Chrome (1991, traduction française "La dame de Cœur") est une aventure plus classique par Thomas Kane où les PJ sont engagés par ce qui semble être un fantôme d'une Intelligence artificielle pour retrouver sa nièce, Fayette, jeune fugueuse d'un pensionnat de luxe près du Lac Washington, le Conservatoire Rhododendron (le "lierre" du titre est une référence à ces écoles de prestige, même si on est sur la Côte Ouest). Les complications comprennent des racistes d'Humanis qui ne supportent pas que Fayette sorte avec un gangster elfe, une clinique, le vrai père de la jeune fille qui est un sorcier (et qui a un nom qui suggère déjà trop qu'il sera inquiétant) et des complots internes à Aztechnology (et qui, cette fois, renvoient aux Dieux aztèques et à leurs sanglants sacrifices). Il faudra donc un peu de subtilité pour la retrouver.
    Les PJ sont assez libres dans leur enquête si ce n'est qu'ils peuvent ne pas se rendre compte qu'il y a une course contre la montre si certaines autres factions trouvent la fugueuse avant eux.

    Elven Fire (1992, James Reichstadt & Tom Dowd) doit être, je crois, la dernière aventure publiée uniquement pour la première édition des règles (Total Eclipse et Imago glissant vers la seconde édition). Un troll membre de la police engage les PJ pour enquêter sur une guerre entre les gangs elfes de Seattle, dont les "Anciens", et une organisation radicale, le "Feu Elfique" du titre. Alors que les aventures de Shadowrun avaient une tendance à révéler ensuite des secrets du contexte, les vraies causes de cette guerre des gangs sont pour une fois relativement banales. C'est la 4e fois que des Elfes de la Côte Ouest sont au centre de l'histoire après Le Démon en bouteille, Harlequin et Ivy & Chrome.

    lundi 15 juillet 2013

    Portraits de PJ mediévaux-fantastiques

    Via Rob Conley, cette collection de plus de 175 portraits gratuits pour un jeu du type D&D par Larry Elmore, l'illustrateur de Dragonlance.

    C'est généreux (le même site a d'autres illustrations libres de droits) mais si on veut critiquer, il est dommage que les portraits féminins se ressemblent tant et aient souvent un style marqué des années 1980, bien que le recueil soit de 2002 - les hommes ont un peu plus de diversité dans l'âge ou l'apparence.

    Lundi, c'est Luise (6)


    Si vous êtes un peu familier avec les Trolls de Runequest, il y a des chances que ce soit via la version canonique depuis le Trollpak (1982) illustré par l'autre grande dessinatrice de chez Chaosium, Lisa Free (qui, d'après Greg Stafford, quitta ensuite le domaine du jeu de rôle quand elle "trouva le Christ"). Ces Trolls ont finalement des traits assez "doux", malgré une machoire inquiétante. Je vais exagérer en prenant cet exemple de paisibles prêtresses de Xiola Umbar par Lisa Free.


    Mais avant que Lisa Free ne stabilise cette version du Troll, Luise Perrenne avait cherché des formes assez différentes, qui auraient donc très bien pu concurrencer celle-là. Dans Runequest (1978, p. 97), ses Trolls sont encore un peu "écailleux" sur les bords, il me semble, et feraient plutôt penser à certains Orques des autres jeux.


    Mais par la suite, Luise Perrin doit être plus influencée par Wendy Pini, la dessinatrice d'Elfquest (créé en 1978). Voici un exemple des Trolls de Wendy Pini :


    Luise Perrin va dessiner quelques Trolls très humanoïdes pour les cultes de Kyger Litor et Zorak Zoran de Cults of Prax (1979, repris récemment dans Cult Compendium chez Moon Design). Le nez monstrueux est plus proche des représentations folkloriques que du modèle plus "lisse" et plus inhumain de Trollpak.

    lundi 8 juillet 2013

    Lundi, c'est Luise (5)



    L'Ondine par Luise Perenne dans All the Worlds'Monsters volume 1, p. 90 (1977). Dans les versions plus récentes de Glorantha, le nom paracelsien d'Ondine est reservé pour les "Essences" en sorcellerie (ou sramaki) et on parle de Veredthi pour les esprits élémentaires marins ou de manthi pour les daimones d'eau). Un détail technique de cette version du Bestiaire est que l'Ondine a en permanence le sortilège Hâte jeté sur son corps fluide.


    La Salamandre dans Runequest (édition révisée, 1978) page 65. (Ou si vous êtes un puriste qui vous êtes adapté aux nouvelles classifications staffordiennes, sali dans le Plan spirituel, urzani chez les Dieux et promalti dans le Plan des essences de sorcellerie).

    Et toujours dans All the Worlds'Monsters mais dans le volume 3 (1980), page 55, voici Nunoria, Roi des Ondines. Il vient d'une campagne de Pavel Curtis & Chris Rolls et vient sans doute de Straasha / Necksa mais on peut toujours considérer qu'il est un aspect local de Veredth ?


    dimanche 7 juillet 2013

    Le Lion de la Bonne Part



    Le logicien Richard Whately (1787-1863) était aussi un prêtre anglican et c'est sans doute à ce double titre d'enseignant théologien (membre des intellectuels d'Oxford qu'on appelait les Oriel Noetics) qu'il écrivit un chef d'oeuvre d'humour philosophique anglais, Historic Doubts Relative To Napoleon Buonaparte. La première édition date de 1819, quatre ans après Waterloo, quand il était encore Fellow du Collège d'Oriel, mais il le remit à jour pendant toute sa vie, y compris après l'arrivée au pouvoir de Napoléon III.

    Les arguments sont que Napoléon doit probablement avoir été créé par la propagande britannique pour glorifier l'Empire car il serait très peu probable qu'un tel personnage ait pu prendre un tel pouvoir sur tout le Continent avant d'être vaincu seulement par Nelson et Wellington. Mais l'auteur feint de s'étonner que des sources semblent indiquer que certains Français partagent aussi des éléments de ce mythe si peu crédible. Malgré l'humour, il y a une part de l'effarement qu'a dû représenter cette brisure dans l'histoire de notre monde contemporain.

    Le but de Whately était clairement de montrer que si on pouvait exercer la méthode critique rationaliste ou la théorie probabiliste sceptique de Hume sur l'existence de Napoléon, cela discréditait tous les raisonnements analogues utilisés pour analyser les Evangiles ou pour se moquer des miracles.

    Richard Whately, qui était pourtant un scientifique perspicace, ne se rendait probablement pas compte complètement du piège de l'ironie car il aurait sans doute admis cette même méthode si elle était utilisée sur d'autres mythologies que celles dont il exercait le ministère - et on sait qu'un siècle après, le mythologue James Frazer sera ébranlé (en privé) dans son propre christianisme en prenant conscience honnêtement de ce fait.

    Voilà un des arguments où Whately se demande le vrai sens du Nom propre "Napoléon Bonaparte" - ce qui explique une référence qu'on trouve chez Russell (dans Human Knowledge: its Scope and its Limits) puis Kripke (au début de Reference & Essence) sur cet exemple.

    Is it not just possible, that during the rage for words of Greek derivation, the title of "Napoleon," (Ναπολεων,) which signifies "Lion of the forest," may have been conferred by the popular voice on more than one favorite general, distinguished for irresistible valour? Is it not also possible that "Buona Parte" may have been originally a sort of cant term applied to the "good (i.e., the bravest or most patriotic) part" of the French army, collectively; and have been afterwards mistaken for the proper name of an individual? I do not profess to support this conjecture; but it is certain that such mistakes may and do occur.

    lundi 1 juillet 2013

    Lundi, c'est Luise (4)

    Copyright Luise Perenne 77

    Un des premiers suppléments Chaosium avant la parution de Runequest était un recueil de créatures, All the Worlds'Monsters (1977). Il était édité par Steve Perrin et Jeff Pimper (qui donne son nom au "Pimper's Block" entre Sartar et Prax sur Glorantha). Cette illustration ci-dessus (p. 63) est l'Orgone Drainer, créé par Steve Marsh (un des rares à être ami à la fois de Gary Gygax et de Greg Stafford). C'est un petit dragon noir qui absorbe l'énergie à coups de langue.

    Ce nom d'Orgone à la place de Mana ou Magic Points vient du psychanalyste freudomarxiste Wilhelm Reich, qui finit... comment dire... original... en cherchant l'énergie mystique de l'orgasme et de la pulsion vitale dans tout ce qui était bleu dans l'Univers, des cieux aux océans (Gary Gygax a d'ailleurs utilisé le terme comme synonyme de Heka dans son jeu Mythus). Mais à l'époque, en termes de D&D, cela semblait s'exprimer simplement comme un vampirisme de Niveaux d'expérience et pas encore le sort runequestien de Sorcellerie Drainer POUVOIR (Tap POW).

    Si on regardait mal le dessin, il pourrait faire penser à une sorte de salamandre enflammée (comme celle que Luise Perenne dessine dans les règles de Runequest) mais au contraire il s'agit de végétaux ondoyant dans l'eau, le Drain d'Orgone se cachant sous les algues marines. L. Perenne aimait particulièrement dessiner des élémentaires à cette époque, peut-être à cause de l'effet de fusion organique entre la créature et son environnement.