vendredi 20 juin 2014

[Semaine Jorunienne] The Skyrealm Kolovisondra (1985)



L'Anabase vers la Célesterre, ou le "Donjon Inversé"

Une des particularités de Jorune est les "Célesterres" (Sky Realms - j'utilise ce néologisme qui avait été proposé il y a quelques temps dans une version française qui ne vit jamais le jour, même si je crois que je préfère quelque chose de moins ingénieux comme "Domaine céleste") Ce sont des terrains de diverses tailles (quelques kilomètres généralement, jusqu'à 15) qui peuvent, pour une durée variable, flotter de manière stationnaire ou errer sur les courants d'Isho et sur les zones cristallines de Jorune. Le Roi de Burdoth a colonisé son propre Domaine Céleste pour y installer sa base. Le petit domaine de Helmer tourne autour du Doben-Al en un cycle de trois ans et est peuplé d'une colonie de Croids, ces sauriens géants et barbares.

On risque d'être un peu blasé par les Îles Volantes dans les jeux de rôle. C'est devenu un cliché des mondes imaginaires depuis au moins la cité de Coucou-les-Nuées (Νεφελοκοκκυγία) dans les Oiseaux d'Aristophane, ou depuis Laputa de Swift, un peu comme le dirigeable est devenu le cliché de l'Uchronie. Le comic Weird World avait l'île flottante de Klarn, l'Oeil du Continent-Dragon. Sur Mystara, l'Empire magique d'Alphatia avait sa province d'Ar-la-Flottante (et par la suite, dans un des futurs possibles, tout Alphatia devint un continent flottant dans le Monde Creux). Le jeu Sundered Skies est entièrement sur des îles volantes. En français, on a Palimpsestes/Terres Suspendues (dont je veux faire une review depuis déjà des années). Et depuis les Montagnes Volantes du film Avatar, je crains que Jorune, qui évoque souvent beaucoup Pandora par anticipation (la référence commune étant Barsoom), ne fasse croire que Jorune n'en est qu'une imitation (c'est le même problème pour Shaan).



Les auteurs de Jorune ont eux-même commenté (cf. préface de Gire of Sillipus) qu'ils avaient voulu inverser l'atmosphère du jeu de rôle tel qu'il se pratiquait dans les années 1970, notamment par ces Célesterres. Au lieu d'une Catabase en Enfer, on a une Anabase vers le Ciel. Ou en termes un peu jungiens / campbelliens, au lieu de plonger dans les profondeurs obscures et claustrophobes pour affronter les secrets enfouis, les monstres de son inconscient refoulé dans le Donjon, on fait une ascension, on part s'élever, se purifier vers les hauteurs en plein air, sous le soleil et les sept lunes pour sonder les songes, explorer des écosystèmes isolés et ramener le progrès vers la civilisation blessée [le médecin et philosophe François Dagognet avait fait en 1958 sa thèse sur la généalogie alchimique de la "Cure d'air" du XIXe, où il propose une sorte de psychanalyse de l'imaginaire ou du mythe pseudo-médical de "l'Air vivifiant de la Montagne", qui n'avait pas vraiment de base scientifique].

Même si certains scénarios de Jorune utilisent souvent la cupidité comme motivation, une originalité est qu'on est plus souvent guidé par le désir d'explorer que par celui de piller. C'est assez ambigu pour les Célesterres car elles ont souvent une ressource rare (cristaux ou herbes médicinales) en plus d'être une Île Mystérieuse : comme le conquistador, l'explorateur est aussi un exploiteur. "Une Célesterre vaut TOUJOURS la peine qu'on y met à y aller" dit un proverbe jorunien, ce qui doit favoriser les espérances des aventuriers.



Le scénario sur Kolovisondra [SPOILER]
Skyrealm Kolovisondra est très court (20 pages) et fut le seul scénario publié pour la luxueuse seconde édition de Skyrealms of Jorune.

Les PJ sont recrutés à Ardoth par deux humains, Naubi et Shelker. Ils ont trouvé une Célesterre qui était auparavant fixée dans la Jungle du Trinnu et qui erre maintenant vers l'est (à une vitesse d'environ 10 km / jour, soit environ 7 mètres par minute, et une altitude d'environ 1000 mètres, avec une taille approximative d'environ 3 km de long et 2 km de large). Les indigènes des Jungles de Trinnu l'appelaient Kolovisondra, la Protectrice de la Vallée. L'écosystème y est très étrange et les insectes bleus y sont dangereux pour leurs Talmarons volants (mais moins pour les Humains). Ils n'ont donc pas pu y revenir facilement mais y ont trouvé du shirm-eh, cette plante si rare et si indispensable pour les Ramiens. Les PJ seront payés 2 gemmes par brin de shirm-eh. En revanche, ils devront emmener leur nourriture comme il n'y a aucun durrig dans ce coin. (Et si jamais leur moyen d'accès meurt sur l'île, il faudra trouver un moyen de redescendre de cette hauteur de 1000 mètres).

Ils vont prendre un bateau d'Ardoth pour l'Anasan au sud (qui a une population Woffen). S'ils n'ont pas de magie de téléportation (Lune Tra), ils devront tenter d'y aller sur un Talmaron mais ces bêtes sentiront vite que c'est un endroit dangereux pour leur espèce. Ils pourront y trouver des ruines Shanta d'un temple ou plutôt observatoire dédié à Shal, la Lune bleue, et devront bientôt affronter d'autres rivaux : des Ramiens attirés par le shirm-eh mais aussi des militaires Burdothiens servant le Roi. Mais il n'y a plus de Shanta sur l'île et des cristaux peuvent déséquilibrer l'Isho et éventuellement faire tomber toute l'île.

Ce scénario réussit à montrer certains aspects originaux de Jorune mais l'intrigue se limite un peu trop à l'étrangeté de l'exploration. C'est censé être une introduction mais il faudrait sans doute déjà un peu connaître la Jorune normale au sol pour trouver cette Jorune aérienne plus exotique. C'est l'atmosphère propre à ce monde, le mystère principal est de comprendre les multiples milieux de Jorune plus que de résoudre des questions politiques, même si les PJ inexpérimentés devront apprendre à fuir vite devant la conquête du Royaume par l'armée burdothienne.

On pourra comparer à l'aventure sur une Célesterre sous contrôle ramien dans le Segment Jorune n°7 de White Wolf.

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