mardi 19 mai 2015

Réforme du collège (4) Para bellum scholarum


J'étais en grève (mais j'ai pris mes classes gratuitement, pour ne pas perdre les dernières heures de l'année car j'ai toujours du mal à boucler tout le programme pendant le mois de mai).

Cela dit, par esprit de contradiction, je dois reconnaître que cet article d'Antoine Prost favorable à la réforme est un des plus efficaces (malgré son apparente "brutalité"). On ne peut pas accuser Prost de ne pas bien connaître ce système qu'il étudie depuis longtemps. L'argument "la critique est aisée" paraît facile mais en un sens, je pense que c'est de bonne foi.

Je continue à penser que les EPI ne sont qu'un gadget discutable, fait avant tout pour retirer quelques heures tout en achevant les dernières ruines des langues anciennes, mais l'objection de Prost est assez bien faite :
1 les réformes du collège ne passent en fait jamais depuis 35 ans, sauf sur quelques détails de programme et
2 si vous critiquez cette réforme, proposez donc une contre-réforme (qui n'ait pas un coût excessif).

J'ai bien une contre-réforme mais elle paraît irréaliste politiquement, je le reconnais : une variante du Projet de Loi Savary de 1983 à la place de notre situation actuelle des lois Falloux et Debré. Elle ne proposait pas de supprimer l'enseignement privé (il doit pouvoir continuer à exister) mais seulement de recréer un système public laïc et unifié (et ce fut pourtant déjà une explosion).

Si les écoles privées n'étaient pas subventionnées par l'Etat (ce qui en fait des modèles finalement plus proches des charter schools américaines que d'écoles vraiment privées), les écoles publiques auraient gardé plus de mixité sociale et on n'aurait pas laissé dépérir un système qui est devenu aujourd'hui plus inégalitaire socialement qu'aux USA. 20% des élèves français vont dans ce semi-privé subventionné par tous les contribuables, contre 10% des élèves américains, mais ce chiffre de 20% semble rester relativement stable comme ces privés sous contrat ne se développent pas tant que cela, tout en drainant des élèves plus sélectivement peut-être que par le passé.

Bien sûr, cela ne se fera pas, nul ne voudra jamais rallumer la Guerre Scolaire (la dernière fois, c'était la droite, mais pour accroître la domination du privé au contraire). Mais au moins, cette possibilité aurait des effets et n'entraînerait pas à ma connaissance de surcoût irréaliste (certes, il faudrait alors absorber plus d'élèves dans le public mais en même temps, il y aurait aussi moins de financement de ces structures privées).

4 commentaires:

Hector a dit…

Le texte de Prost me semble particulièrement malhonnête quand il assène qu'il n'y a pas eu de réforme du collège depuis Haby. Il faut évidemment s'entendre sur ce terme. Sans doute la grande réforme que le SGEN et A.Prost appellent de leurs voeux depuis les années 70 n'a-t-elle pas eu lieu, mais il est faux, factuellement faux, que les collégiens suivent le même enseignement que dans les années 70, que ce soit au collège ou à l'école primaire - un autre présupposé du raisonnement est d'ailleurs que l'échec scolaire des collégiens tiendrait uniquement à l'organisation du collège et en aucune façon à l'école primaire. L'association SLL a montré combien d'heures de français les collégiens avaient perdu par rapport aux années 70, au fil de réformes successives.
http://www.sauv.net/horaires.php
Je ne prétends pas avoir vraiment lu les travaux d'historien d'A.Prost, mais je l'entends répéter la même chose depuis les années 70 (façon de parler, ma mère était au SGEN), et j'ai le sentiment que le disque est rayé.

Phersv a dit…

Merci beaucoup pour la mise au point.
Je ne me souviens plus de quel article me faisait penser que Prost pouvait être précis et clair sur l'histoire de l'éducation mais j'ai pu être victime d'enfumage effectivement.

Presque 1/3 (28%) des 2800 heures de Français en moins sur les 9 ans, du CP à la 3e, donc.

Un délégué du SNES m'a dit que nous étions pourtant parmi ceux qui donnaient le plus d'heures en Europe sur les "fondamentaux" (sa langue + maths), et que ce n'était donc pas la source du problème.

Hector a dit…

Une réponse à Antoine Prost dans Le Monde de ce soir.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/20/critiquer-najat-vallaud-belkacemau-nom-de-l-egalite_4637059_3232.html
Les idéologues de la réforme ont anticipé la chute de l'article : François Dubet s'est félicité récemment que les futurs profs ne soient pas d'anciens bons élèves !

Elias a dit…

Merci Hector.
J'adore ce passage :
"convoquer un professeur d’histoire et un professeur
d’espagnol pour faire écrire à une classe de 4e une lettre en espagnol à des horticulteurs kényans, ce n’est pas un progrès, c’est de la foutaise"

la source de cette histoire qui deviendra peut-être aussi mythique que le référentiel bondissant (1' 43)
http://www.francetvinfo.fr/societe/education/bordeaux-le-college-qui-a-inspire-la-reforme_873701.html?hc_location=ufi