vendredi 12 juin 2015

Eric Flint sur le Prix Hugo et les arguments des Sad Puppies


Longue réponse à Brad Torgersen, à la fois drôle et efficace. Mais lui qui était très charitable et honnête, on remarque à la fin qu'il commence à perdre son calme contre les Chiots Tristes.

J'aime aussi beaucoup le long blog de Jim Hines sur le sujet (mais Hines est une des cibles détestées de certains de ces groupes en raison de son féminisme, ils n'iront donc pas lire ses analyses).

En un sens, un des pires effets de toute cette controverse est que tant de bons écrivains perdent leur temps à écrire ces critiques.

13 commentaires:

Fabien Lyraud a dit…

J'ai donné une opinion sur le sujet.
http://amazingstoriesmag.com/2015/05/il-y-des-alternatives-une-opinion-autour-des-sad-puppies/

Les Sad Puppies sont des auteurs conservateurs qui veulent survivre et qui se rendent compte que le talents est dans le camp d'en face.

Phersv a dit…

Je suis d'accord avec ton idée que les Conservateurs des Sad Puppies sont en fait contradictoires. Ils disent soutenir
(1) une littérature d'action (ce qui pourrait donc ressembler aussi un éloge des Pulps que tu fais souvent aussi) mais surtout, pas politique
(2) une critique de la littérature qu'ils jugent de gauche et féministe (les fameux prétendus Social Justice Warriors, "SJW" honnis, même si j'ai du mal à reprendre le terme qu'ils utilisent).
Donc (1) surtout pas de politique (2) affichons clairement notre politique de droite. Ils insistent en théorie sur (1) mais en réalité sur (2).

C'est pourquoi j'aime bien la stratégie argumentative d'Eric Flint. Il rappelle à ces Sad Puppies qu'il peut y avoir de la littérature d'action qui leur déplaît à cause de leur vision jdanovienne inversée (Eric Flint, trostkyste mais auteur de livres militaristes avec beaucoup d'action, ou Steve Brust) ou qu'à l'inverse de grands auteurs ultraconservateurs ne se reconnaissent pas dans leur manifeste et privilégient un roman littéraire philosophique (Gene Wolfe).

Les Sad Puppies sont avant tout des idéologues qui veulent jouer les victimes du système parce que toute la société aiment maintenant valoriser cette corde victimaire (et bien sûr, les Sad Puppies ne cesseront de se moquer des "SJW" en les accusant d'être responsables du discours victimaire).

Il est quand même drôle que ces auteurs aient monté ces campagnes politiques seulement parce qu'ils jugeaient être victimes d'un procès politique et qu'ils ont en quelque sorte justifié rétroactivement leur propre action en rendant toute critique contre eux avant tout politique.

Fabien Lyraud a dit…

C'est surtout qu'ils se sont rendus compte qu'il y avait peu de relève dans leur camp. Que Torgersen ait commencé ses campagnes après que Baen fasse appel à John Joseph Adams pour des anthologies est totalement symptomatique. Ils se sont comptés et se sont rendu compte qu'ils sont en minorité.
Et c'est un peu pour cacher le déni de cet état de fait qu'ils ont lancé les campagnes. En disant voilà les lecteurs sont majoritairement conservateurs, donc ils ont besoin de nous. Ce raisonnement est totalement biaisé, évidement.

Elias a dit…

Quel problème vous pose l'étiquette SJW ?
Il me semble
1) qu'elle s'applique à une mouvance assez nettement identifiable
2) que même si c'est initialement un qualification attribuée par leurs adversaires, il a fait l'objet d'une appropriation de la part des concerné-e-s ; par exemple des choses du genre suivant : http://boingboing.net/2014/10/05/social-justice-warrior-and-mo.html

Phersv a dit…

Oui, il y a aussi Jonathan Mann qui avait fait cette chanson pour se réapproprier le terme.

La chanson m'a fait rire. Mais cela me gêne quand même.

Attention : je vais tomber dans du Godwin.

On peut à la fois être personnellement partisan de l'idée qu'on ne lutte pas assez contre les discriminations sociales sans considérer que c'est vraiment un clivage idéologique à l'intérieur de la critique de SF. Par exemple, on peut trouver que Vox Day est immonde d'insulter Jemisin de cette manière raciste et devrait être isolé de tout discours policé tout en trouvant qu'il est possible d'apprécier le style de Jemisin aussi pour des raisons qui ne seraient pas que politiques.

Vox Day serait trop content qu'on dise qu'on le critique en adoptant une vision jdanovienne. On leur donne raison trop vite en disant "Oui, c'est vrai, nous ne sommes pas seulement par ailleurs de gauche, nous croyons vraiment que des prix de SF devraient suivre cette vision du monde."

Je peux être un "SJW" politiquement sans vouloir que le terme soit esthétique, et préférer pourtant Poul Anderson à... mettons... China Miéville. Et si Vox Day ne mérite aucun prix littéraire, ce n'est pas parce qu'il est d'extrême droite, c'est parce qu'il n'est pas un grand auteur de SF.

Mais il y a une objection : moralement, il mériterait d'être ignoré comme un troll et donc cela reviendrait en effet à l'ignorer aussi esthétiquement.

Elias a dit…

"Je peux être un "SJW" politiquement sans vouloir que le terme soit esthétique"

Je doute que vous fassiez un bon SJW si vous raisonnez ainsi. Ce qui me semble caractéristique de cette mouvance c'est justement de tout ramener à leurs marottes (dénonciation des privilège du mal blanc cis-het, traque des diverses X-phobies répertoriées ... etc) dans l'analyse des productions culturelles.
Le site "le cinéma est politique" donne un bon aperçu de ce type d'approche et de ses défauts.

Elias a dit…

Un article tout frais en plein dans le sujet

http://slatestarcodex.com/2015/06/14/fearful-symmetry/

Phersv a dit…

Il y a ambiguïté. Si SJW ne signifiait que les Jdanoviens, on ne comprendrait pas pourquoi certains des Sad Puppies ou tout les GamerGate l'utilisent collectivement pour tous ceux qui leur sont opposés et qui vont bien au-delà d'extrémistes de la Rectitude Politique.

Elias a dit…

D'après moi le terme SJW ne désigne pas toute personne qui se réclamerait de la notion de justice sociale ou qui se soucierait de la lutte contre les discrimination : cela désigne plutôt une mouvance militante assez virulente sur internet, nettement identifiable par ses mots clés (privilege, cis-het, male-tears, mansplaining, trigger-warning, trans/puto/grosso/phobie, validisme / intersectionnalité, alliés etc ...)

Ma perspective est peut-être déformée par les sous-produits français des SJW : qui polémiquent sur Twitter davantage contre ce qu'ils appellent la "gauche blanche" qu'avec la droite ou l’extrême droite.
Je ne sais pas si les sad-puppies élargissent la cible où s'ils surestiment l'influence réelle de cette mouvance ...

Elias a dit…

Sur la définition des SJW, un article sur le blog de Brian Leiter qui a ma connaissance n'est ni protagoniste du gamergate ni un membre des sad ou des rabid puppies.

http://leiterreports.typepad.com/blog/2015/03/social-justice-warrior-defined.html

Phersv a dit…

Je serais plus d'accord avec son second correspondant qui critique l'usage du terme.

Le terme a été inventé par une partie de la droite américaine pour mélanger les excès du discours culpabilisateur avec le féminisme.
Tous ces excès existent et deviennent pénibles, même s'il ne faut pas exagérer non plus leurs effets (je dois avouer que dès que je vois le terme "trigger-warning" la connotation est négative tant cela devient le symbole d'une hypersensibilité susceptible qui frise le narcissisme dans les Politiques de l'Identité.

Le problème est que les opposants à GamerGate et aux Sad Puppies n'étaient pas tous des "SJWs" en ce sens si péjoratif.

Ces discours des Libéraux américains ne sont-ils pas exagérés par les conservateurs pour se poser en victimes ?

(Et dites, vous l'avez inventé, "le Mal Blanc", quand même au moins, non ? Même les séparatistes les plus radicaux n'iraient pas utiliser un tel terme, j'espère... Quoique... le terme "souchien" du PIR fait un peu penser à cela).

Elias a dit…

"Le terme a été inventé par une partie de la droite américaine pour mélanger les excès du discours culpabilisateur avec le féminisme."

Pour ma part l'origine du terme ne m'apparaît pas claire. J'ai plutôt l'impression qu'il y a eu un élargissement à des fins d'amalgame et de polémique d'un terme dont la cible originelle était restreinte. C'est du moins ce que me donne à penser le premier article de cet tumblr
http://fucknotumblrsjw.tumblr.com/

Est-ce que l'usage du terme est aujourd'hui un marqueur d'appartenance à la droite réactionnaire? C'est peut être l'impression qu'on a en suivant les polémiques sur le gamergate ou le prix Hugo (ce que je n'ai pas fait) ce n'est pas l'impression que j'ai eu par d'autres sources (par exemple le Slate star codex, cité plus haut).
Peut être que le marqueur d'appartenance politique, c'est moins le fait de faire usage ou non du terme que la manière d'en user ?

Pour ce qui est de l'appropriation du terme en France, comme je l'ai dit, ce que j'ai pu observer sur twitter c'est un SJW bashing marqué à gauche. Notamment de la part de gens qui ont eu à supporter les pénibles au sein du NPA. C'est d'ailleurs là que j'ai entendu parler des SJW pour la première fois, (avant le gamergate).
http://www.cspinyourface.com/2014/03/personne-na-lobligation-de-taimer.html

"Tous ces excès existent et deviennent pénibles, même s'il ne faut pas exagérer non plus leurs effets"
Oui, le fait que Leiter découvre le terme si récemment montre que les effets de ce militantisme étaient assez circoncrits.
Les trigger-warnings ont commencé à affecter la sphère académique et plus seulement certaines sphères de la pop culture. En conséquence ils ne font plus seulement l'objet de bashing de la part de communautés rivales des SJW mais on commence à avoir des articles "sérieux" sur le sujet :
https://scientiasalon.wordpress.com/2015/05/28/the-false-dichotomy-of-trigger-warnings/

Désolé pour la longueur ...
Bon courage pour les copies

Elias a dit…

Ah, et pour le "mal blanc", j'ai bien peur que ce soit une invention de mon inconscient!