vendredi 14 août 2015

Silver Surfer vol. 7, épisodes 1-13


Depuis le mois de mai 2014, Dan Slott est le scénariste de Silver Surfer avec Mike Allred aux dessins et les 13 numéros ont eu la même équipe en continu.

Mike Allred a un style très idiosyncratique, mélange de dynamisme des comics et de structures très figées ou abstraites aux couleurs très tranchées comme une parodie du Pop'Art (les rares nuances de couleurs sont généralement dans quelques teintes de peau grâce au travail de Laura Allred). C'est bien adapté au Surfer d'Argent et toute statue metallique animée.

Dan Slott est l'un des meilleurs scénaristes de Marvel en ce moment, avec Kieron Gillen. Ses principales forces sont généralement l'humour et des clins d'oeil de geek aux détails les plus obscurs de vieux comics. Il avait été très bon sur She-Hulk (la série ne lui survécut pas avec Peter David) ou sur les Great Lake Avengers. Il me semble moins original sur Spiderman peut-être parce qu'il me semble vouloir rendre hommage à des intrigues plus sérieuses de l'époque Stan Lee-John Romita Senior.

Le Surfer me semble plus réussi même si le concept de départ est en effet assez simplement un hommage à Docteur Who (comme je l'avais déjà dit avec Silver Surfer Infinite qui me fit découvrir la lecture de comics en ligne chez Comixology). Le Docteur a besoin d'une Compagne parce que sans elle, nous n'aurions aucun lien avec un Dieu extraterrestre inscrutable.

Slott considérait que le Surfer était trop divin et inaccessible. Il est allé très loin dans la direction opposée de l'humanisation. D'abord, le Surfer peut maintenant abandonner son corps d'argent quand il le désire et redevenir le mortel Norrin Radd de Zenn-La. Le défaut est que l'enveloppe d'argent donnait aussi (comme chez ROM) une certaine mélancolie à un dieu déchu qui avait perdu tout contact avec sa vie mortelle et même avec le contact de la chair. C'est sans doute nécessaire pour qu'on ait de l'empathie pour Norrin mais cela en fait un superhéros plus conventionnel, un humain qui met un costume et non un être aliéné, enfermé dans son pouvoir cosmique.

En revanche, l'idée de faire du Surf un tiers dans la relation Surfer-Dawn est brillante. Le Surf a déjà été parfois relativement autonome mais ici, il devient vraiment le Jolly Jumper du Surfer. Même s'il ne parle pas, il commente visuellement ses propres jugements ou son impatience. Il reçoit aussi un nom, Toomie (parce que le Surfer avait dit "To me, my board" et Dawn a mal compris - je suis curieux de voir ce que cela donnera en traduction).

Dans le premier Arc (épisodes 1-3), Slott inverse simplement l'intrigue habituelle ou la structure originelle du récit cosmique du Surfer. Le Surfer aide d'habitude un Dieu cosmique (Galactus, qui représente l'Entropie) à dévorer un monde (ou se rebelle en nouveau Prométhée contre ce Dieu de colère). Ici, une Déesse cosmique (la Reine des Jamais, qui représente les Possibles Non-actualisés) s'est faite parasiter par un monde de mortels opportunistes et ils veulent forcer le Surfer à détruire la Déesse qui veut se libérer. Quand il comprend l'enjeu, le Surfer se rebelle contre les mortels et sauve la Déesse du Possible.


La force de Slott est de reprendre cette toile de fond avec de Grands Concepts Cosmiques et une intrigue humanisée. Les mortels font en effet chanter le Surfer en lui révélant que son grand amour futur sera une certaine Dawn (dont la soeur jumelle s'appelle "Eve", get it?). J'étais sceptique au départ sur les techniques de Rom-Com sur Dawn, l'Humaine Normale qui ne veut pas voyager et qui va devenir la plus grande exploratrice auprès de l'errant Surfer. J'imagine que cela risque de paraître mièvre à certains lecteurs et que Slott utilise un peu le cliché ou le trope de la Femme-Enfant mignonne.

Le 2e "Arc", bref (n°4-5) est un bref retour sur Terre pour justifier pourquoi la "casanière" Dawn va continuer son Odyssée avec le Surfer et faire un petit cross-over en passant avec les Gardiens de la Galaxie et l'ancienne équipe du Surfer les Défenseurs.

Puis le Surfer et Dawn vont vraiment pouvoir commencer leur périple (et je présume que Silver Surfer Infinite s'insère mieux ici). Ils traversent la Planète Prime, obsédée par la perfection en toute chose (n°6) et divers autres mondes dont un Labyrinthe (thème qui va revenir de manière plus géniale dans le très beau n°11) avant que le Surfer n'offre symboliquement une partie de son argent comme un anneau de fiançailles avec Dawn (n°7).

Puis on revient à la structure archétypale du Surfer (n°8-10). Ils tombent par hasard sur Newhaven, le monde où se sont réfugiés des survivants d'innombrables mondes détruits par Galactus (peut-être une portion de l'ancienne Flotte des Survivants de xxan Xxar vue dans Fantastic Four #261). Dawn va enfin apprendre le terrible passé du Surfer et il va encore une fois lutter contre Galactus venu dévorer Newhaven. La solution va être différente des cas précédents : le Surfer va laisser Galactus dévorer Newhaven mais en sauvant la flotte des Survivants.

L'épisode 11 est entièrement un hommage à Moebius alias Jean Giraud (qui avait dessiné Parable en 1988 lourde parabole religieuse surévaluée, par Stan Lee). La Flotte des Survivants de Newhaven doit traverser un Anneau de Moebius où ils sont piégés et Mike Allred s'amuse à imiter le style de Moebius dans le "Giraud Expanse" où tout le monde parle en "Space French" et où Arzach se promène sur son Ptéron blanc).

Dans l'épisode 12, ils restent une période indéterminée sur Euphoria, planète pensante hédoniste où les réfugiés de Newhaven fondent New Newhaven. L'amour de Norrin et Dawn est déclaré tout à fait ouvertement, ce qui en fait une relation les plus rapides des comics.

Le prochain Arc redevient encore plus cosmique avec le retour de plusieurs entités comme Glorian le Rêveur, Héraut du Façonneur de Mondes, le Dieu dans le Cube Cosmique, dans une scène qui rappelle à la fois la Bhagavad Gita et les scènes de sublime kirbyesque. C'est en fait une allusion au cross-over Secret Wars où l'Univers Marvel va être remanié pour créer un nouvel Univers Marvel (Marvel ayant attrapé par symétrie la même manie que DC de rebooter son univers).


Ce volume 7 est une grande réussite, si du moins vous acceptez le point de départ d'une Rom-Com entre un Dieu errant et une jeune fille qui ne voulait pas quitter la Nouvelle-Angleterre. Je ne sais pas si la série est censée s'arrêter ce mois de septembre avec le n°15.

5 commentaires:

artemus dada a dit…

Citation : [Il reçoit aussi un nom, Toomie (parce que le Surfer avait dit "To me, my board" et Dawn a mal compris - je suis curieux de voir ce que cela donnera en traduction).]

Il reçoit le nom d'Amoi (tout simplement) "Amoi ma planche" je crois, faut dire que ce n'était pas facile de trouver quelque chose.

En tout cas je garde un souvenir moins enthousiaste que le tien, mais ça me donne envie de relire ces épisodes.

Citation : [Mike Allred a un style très idiosyncratique], tiens c'est amusant ça fait deux fois en très peu de temps que je croise le mot "idiosyncrasie" sur un sujet qui parle de super-héros (au sens large de l'appellation).
La première fois c'était là :
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2015/08/04/les-4-fantastiques-voyage-au-reboot-de-l-ennui_4711889_3476.html#
Citation : [ Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial] à propos des Quatre Fantastiques.

Phersv a dit…

Ici, "idiosyncratique" était surtout un euphémisme parce que je n'accrochais pas tant que cela à Madman (parce que je n'aime pas trop le mythe de Frankenstein), ni même son X-Statix. Mais sur le Surfer, c'est bien adapté.

Le Soap Opera méditatif métaphysique, c'est un peu ce que je préfère en comics en fait (ce serait très bien sur Doctor Strange aussi d'ailleurs).

Fabien Lyraud a dit…

Dommage que les dessin de Allred soient si froids.

Phersv a dit…

Oui, mais pour un demi-dieu d'argent dans le vide spatial, cela doit être froid. :)

Et Dawn a un peu plus de texture et d'épaisseur que ses filles habituelles.

Cela allait nettement moins bien sur X-Statix qui était censé être sur le bling bling du show business.

Anonyme a dit…

"Je ne sais pas si la série est censée s'arrêter ce mois de septembre avec le n°15"

Visiblement dernier N° puis nouvelle serie (vol.8) en 2016 :
http://marvel.wikia.com/wiki/Silver_Surfer_Vol_7_15

http://marvel.com/news/comics/25170/silver_surfer_soars_again