lundi 24 juillet 2017

Une autre version de Rafara


L'illustratrice pour enfants Anne-Catherine De Boel a créé pour l'Ecole des Loisirs une adaptation d'un conte, Rafara (2000) qui est assez simple (et indiquée comme "à partir de 5 ans").

1 Les deux soeurs jalouses de l'héroïne, la benjamine, l'abandonnent dans la forêt. Elle est faite prisonnière par un monstre nommé Trimobe qui a l'intention de l'engraisser pour la manger et qui lui choisit son nom de Rafara.
2 Mais Rafara partage sa nourriture avec une souris, qui pour la remercier lui donne trois objets pour échapper à Trimobe : un bâton de bois, une pierre et un oeuf. Rafara s'enfuit et lance successivement derrière elle le bâton qui devient un lac, la pierre qui devient une forêt et l'oeuf qui devient une montagne (on remarquera que les associations symboliques semblent déplacées à chaque fois). Rafara rencontre un oiseau Ravorondreo et lui promet de lui donner des couleurs s'il la ramène à son village.
3 Elle revient chez elle (garde pourtant son nom choisi par le monstre), pardonne à ses soeurs et est fiancée au fils du roi (la fin semblait annoncer une suite qui à ma connaissance n'eut jamais lieu).

Or il s'agit d'une version d'un conte malgache (même si le livre ne donne pas de sources). C'est un mythe du peuple Merina (ou Hova) qui est majoritaire au centre de la grande île de Madagascar.

Il y a d'abord un leviathan ou monstre marin cosmogonique nommé Itrimobe. Il vivait aux origines du monde quand tout était eau. Il nagea pour trouver enfin une terre qui fut Madagascar. Il sortit des eaux primordiales (comme celles du lac qu'il boit d'un coup dans le conte) et vint mourir sur la terre. De son corps en décomposition sortirent les espèces des mortels, les hommes de sa patte droite et les femmes de sa patte gauche (une sorte de Tiamat sans avoir besoin de Marduk).

Une version avec "Farakely" à la place de Rafara a le même Itrimobe comme un ogre. On y voit quelque différences  de détail :
(1) Itrimobe augmente la jalousie des soeurs en leur disant que Farakely est plus belle qu'elles et ce sont elles qui s'arrangent pour qu'elle soit capturée par le monstre.
(2) Dans les objets donnés par la souris, il y a en plus un balai et le bâton donne une forêt, l'oeuf une mer et la pierre une falaise, ce qui ne déplace pas autant les associations.
(3) Quand elle revient, Farakely tombe d'abord captive dans un puits. Une fois libérée, Farakely ne pardonne pas à ses soeurs et les bannit du village.

Il y a un autre conte où un petit garçon fait une ruse et utilise le fer pour faire mourir l'ogre Itrimobe en lui faisant croire qu'il peut se dépecer lui-même sans risque.

Mais il existe au moins cette autre version mythique, plus différente, donnée par ce blog :

1 La déesse Rafara fut enlevée par un ogre et violée. L'ogre avait déjà des enfants ogres mais il eut une fille nommée Indesoka. Les petits ogres poussèrent un jour Indesoka à casser la cruche d'argent du monstre. Indesoka alla donc se cacher dans une caverne scellée pour échapper à sa colère.
2 Rafara retrouva en cachette sa fille et par magie elle réussissait à ouvrir la montagne pour aller la nourrir. L'ogre la suivit et se fit passer pour elle pour capturer Indesoka. Il l'apporta comme du gibier et demanda à Rafara de la faire cuire. Elle reconnut sa fille mais fit en sorte de réunir les os dans la préparations.
3 Quand l'ogre eut fini de manger Indesoka, Rafara rassembla les éléments pour la ressusciter. Elle tua ensuite l'ogre en l'accrochant au plafond et le donna à manger à ses autres enfants ogres, qui moururent d'avoir commis ce crime. Rafara et sa fille Indesoka prirent alors le trésor d'argent de l'ogre et vécurent heureuses.

On remarquera que dans ce mythe, Rafara joue à la fois le rôle de la victime du conte au début et de la puissante petite souris magicienne. Itrimobe n'est pas nommé mais le nom est peut-être assez générique aussi pour des "vazimbas", les premiers habitants de l'île avant l'arrivée des humains et des créatures qui semblent tenir à la fois de "lutins" féériques et d'ogres (le peuple Merina met cependant leur héros comme un hybride à moitié vazimba).

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