lundi 13 avril 2020

Legion of Superheroes (vol. 8) n°5


Comme j'ai l'éthique de travail et l'imagination d'un neurasthénique, j'ai du mal à pouvoir même me représenter la productivité de Brian Bendis qui arrive à écrire à lui tout seul tant de comics chaque mois (quoique les différentes séries X-Men de Hickman chaque semaine paraissent en ce moment encore plus surnaturelles). DC lui a offert tout un segment de son Multivers et il le cultive depuis bientôt deux ans.

Bendis (on a déjà discuté ici du bilan de sa première année sur les deux titres Superman) peut être brillant (notamment pour des histoires noires de type espionnage ou policières), il est un bon dialoguiste et il a aussi le mérite d'avoir tenté de lutter contre le vieillissement du lectorat en créant des séries plus clairement orientées vers des plus jeunes (sa gamme Wonder Comics, qui comprend l'excellent Dial H for Heroes).

Cependant, Bendis a aussi un sens du rythme narratif qui... comment dire avec euphémisme... va à l'encontre de toutes les prétendues règles rythmiques qu'ont rigidifiées les "médecins des scénarios" hollywoodiens. Je ne sais si cela vient du fait qu'on écrive maintenant non plus au numéro mais avec en vue le Trade Paperback. Mais je dois confesser que je suis de ceux qui s'ennuient quand même dans certaines séries. Dans Superman, il y a eu des changements significatifs (Clark Kent a révélé son identité au monde entier, Jon Kent a grandi de plusieurs années dans l'espace et a rejoint la Légion des superhéros) mais il n'a pas encore laissé d'histoires marquantes. Dans Young Justice, les dialogues peuvent être amusants (quand l'équipe voyage entre les Terres parallèles et rencontre Captain Carrott) mais même cette partie d'Odyssée interdimensionnelle était finalement décevante dans son côté prévisible et mécanique - surtout quand on la compare à ce qu'avait pu faire Excalibur sur ce thème). Naomi avait un arrière-fond sur l'idée d'adoption mais je ne souviens de rien du tout sur six numéros (à part l'idée que la réfugiée vienne d'une autre Terre alternative au lieu de venir d'une autre planète). Je continue à soupçonner Bendis d'avoir plutôt ses forces dans un certain réalisme de thriller et moins dans tout ce space opera technicolor de l'univers DC peut-être plus kitsch (et qui convient parfois mieux à Grant Morrison, quoi qu'on puisse reprocher ensuite à la solidité de ses intrigues).

Bendis a beaucoup travaillé ce reboot de la Légion qui est en gros la 4e de cette équipe (selon les manières dont on compte - voir mon message d'il y a 7 ans sur la Légion).

RAPPEL DES DIFFERENTES VERSIONS

La première Légion a duré de 1958 à 1994 et avait été retirée de la continuité parce qu'elle accumulait trop de données qui la rendait inaccessible aux nouveaux lecteurs (ce qui n'a pourtant jamais arrêté les X-Men). Et c'est elle qui est revenue ces dernières années avant d'être encore annulée.

La 2e Légion du "Reboot" (rétrospectivement appelée "Terre-247", et qui avait tout repris depuis les origines) a duré trois fois moins longtemps (1994-2004) avant qu'un scénariste exige un second Reboot (où la Légion était plus décrite comme une sorte de "mouvement" politique de jeunesse) qui ne dura que la moitié de la précédente (2004-2009).

Cette progression (35 ans, 10 ans, 5 ans) semblait prédire que la Légion ne serait bientôt plus que des flashs inconsistants d'histoires aussitôt réfutées chaque mois. Puis DC, toujours partagé dans son rapport à la nostalgie, flirta avec l'idée de restaurer simplement la première version (le "Retroboot" avec quelques membres de la 2e version qui apparut avec plusieurs inversions et hésitations entre 2009-2015).

Puis la Légion tomba à nouveau dans les Limbes pendant cinq ans, en attendant qu'un des reboots du Multivers DC décide de la faire renaître à nouveau en éradiquant à nouveau la première Légion dans un passage de Doomsday Clock (comme Alan Moore a demandé qu'on ne lise pas cette série, une des suites inutiles et ratées de Watchmen, je ne peux pas vraiment savoir en détail ce qui s'est passé).

LA NOUVELLE LEGION

Ce volume 8 commence déjà avec de très nombreux membres (une trentaine) au lieu de les recruter progressivement comme l'avait fait le premier reboot. C'est judicieux pour mériter le nom même de Légion et l'atmosphère particulière de ce titre mais c'est une stratégie discutable si on veut rendre le comic accessible surtout que Bendis aime faire durer les mystères au-delà d'un simple suspense. Hélas, Bendis a choisi de continuer la tradition d'une équipe presque exclusivement humanoïde (en dehors d'un(e) Dr Fate à plusieurs bras, dont je ne sais s'il est insectoïde ou dieu hindou). Je regretterai toujours l'absence de Gates, l'insectoïde communiste et caustique de la deuxième version.

En dehors de quelques Légionnaires nouveaux, la Légion semble relativement peu changer même si Bendis joue sur quelques surprises en nous disant que tout est changé. On ignore encore les origines du nouveau Mon-El mais on sait qu'il y aura des révélations nouvelles (il semblerait que Bendis ait retiré ses 1000 ans d'exil en Zone Fantôme).

Le changement majeur dans l'univers est la destruction de la Terre, sans qu'on sache pourquoi. La Légion vit dans sa propre New Metropolis, ville spatiale installée au-dessus des ruines de la planète.

L'autre changement est qu'au lieu d'être un millionnaire privé, le protecteur de la Légion, RJ Brande, est la présidente de la Fédération des Planètes Unies et on confirme dans ce n°5 qu'iel est liée à Chameleon Boy (ce qui était déjà vrai dans la première version).

L'intrigue de ces cinq premiers numéros tourne autour d'un conflit entre la FPU et la Légion, surtout depuis que la Légion a décidé de recruter Superboy en modifiant le passé. Une seconde intrigue relie la Légion encore une fois avec le Présent avec comme McGuffin le Trident d'Aquaman, qui contiendrait tous les Océans disparus de la planète Terre et que réclamaient à la fois le Démon Mordru (transformé dans cette version en un sous-Sauron) et le Dictateur de la planète Rimbor (et père d'Ultra-Boy). Mais je regrette toujours que les scénaristes de comics reculent devant leur concept singulier d'une série dans un lointain futur pour toujours vouloir la relier à nouveau avec le reste du présent.

Querl Dox, Idéaliste absolu


Il faut du temps à Bendis pour s'installer et ce n°5 commence à peine à lancer quelques pistes plus intéressantes (Brainiac 5, l'Ozymandias altruiste de la Légion, a caché la vraie raison pour laquelle la Légion a recruté Superboy). Mais 5 numéros, c'est 100 pages et cela fait beaucoup pour lancer une introduction. Je doute que Bendis ait pu garder la bonne volonté de ceux qui ne sont pas déjà attachés aux concepts de la Légion. Il serait dommage pour la Légion qu'un scénariste aussi connu n'ait pas pu la sauver car ce nouvel échec risquerait de nuire à la viabilité à long terme du titre.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Les légionnaires peuvent ils être considérés comme des soldats ou des policiers?

Phersv a dit…

Dans l'ancienne version, oui, ils avaient un sponsor privé mais aussi une accréditation officielle de la Fédération des Planètes unies comme membres honoraires de la "Science Police" (même s'il y avait toujours une rivalité avec la police officielle).
Dans le 2e reboot, c'étaient quasiment un mouvement politique de rebellion.
Dans la version actuelle, la tension n'est pas encore complètement claire mais ils semblent affirmer qu'ils sont "autonomes" par rapport aux décisions de la Fédération.