dimanche 27 mai 2018
[JDR] FantasOur
Je n'ai pas le temps de le lire et d'en parler (en raison des conseils de classe de 3e trimestre) mais je voudrais signaler sur le site d100.fr la parution de Fantasour, un monde gratuit pour Revolution D100 par Olivier Dubreuil qui mélange la Sumer antique et les conventions fantastiques (elfes, nains, orcs...). Il avait déjà fait auparavant une description d'Ur vers -2100 et une autre version non tolkiénisée pour Basic, Uruk.
La Mésopotamie comme Civilisation originelle a un fort potentiel de fantasmes pour le jeu de rôle (il suffit de voir la vieille couverture du DMG qui utilisait un Moloch de pulp's - oui, "moloch" est plutôt un nom associé aux Phéniciens et Puniques mais le Baal est une figure de la région). Et reconnaissons que toutes les Déesses inquiétantes de la fantasy ne sont que des ombres d'Ishtar / Innana.
En passant, le cartographe Ian Mlajdov a une très belle carte de Mésopotamie de l'Âge de Bronze avec des noms d'époque.
jeudi 10 mai 2018
Le Roi Arthur : Un Mythe Contemporain de William Blanc
575 pages, chez Libertalia, 2016
Je ne m'attendais pas à être si impressionné par le livre. Comme William Blanc veut tout couvrir dans les reprises du mythe arthurien, non pas seulement les romans, romances, contes ou poèmes mais les films, les comics, les chansons, les jeux vidéo et les jeux de rôle (Blanc a été un joueur et un fan de Pendragon de Greg Stafford qu'il met dans ses remerciements), je craignais un effet de survol ou une liste de compilations mais il y a des lignes fortes qui se dégagent et Blanc (qui est médiéviste) se montre aussi fin critique littéraire ou connaisseur en littérature anthropologique ou mythologique.
Il montre bien l'incroyable souplesse idéologique des reprises du cycle et à quel point la Matière de Bretagne peut être réinvestie et inversée dans de nombreux buts. Mythe gallois contre le reste de la Bretagne, mythe écossais contre les Anglais, mythe fondateur anglais, mythe anti-anglais, mythe païen (ou néo-païen), mythe chrétien, mythe de la Chevalerie, mythe de déconstruction de la Chevalerie (j'avais complètement manqué à quel point le but de T.H. White est clairement d'opposer le Roi Arthur comme projet de civilisation à la brutalité sous-jacente de la chevalerie), mythe écologiste ou au contraire satire de la société pré-industrielle (Mark Twain dans son influent Un Yankee à la Cour du Roi Arthur).
Une des auteurs souvent évoquée en anthropologie est Jessie Weston (1850-1928), une folkloriste inspirée par Frazer, qui rédige à la fin de sa vie, en 1920, From Ritual to Romance. L'interprétation ritualiste est que toute la partie sur la Terre Gaste ou sur le Roi Pêcheur et le Graal serait liée à des rituels agraires de régénération périodique de la Terre : la fonction sacrée du Roi Thaumaturge serait de continuer ces rites archaïques dont les paysans médiévaux avaient oublié les origines. Comme le note Blanc, plus personne ne croit que l'interprétation de Weston puisse expliquer beaucoup de choses dans le cycle médiéval mais l'interprétation a été si influente qu'en un sens, elle a instauré son propre mythe (une des phrases les plus belles de Lévi-Strauss dans Anthropologie Structurale est qu'une interprétation d'un mythe est elle-même un mythe et entre dans l'histoire de ce mythe). Le livre de Weston est même montré par Kurtz dans une scène d'Apocalypse Now de Coppola et il est clair qu'il voulait la caution frazerienne mythique dans son adaptation de Conrad comme son comparse George Lucas avait la caution jungienne de Campbell pour son space opera. Le Fisher King de Terry Gilliam n'est donc pas si original sur ce point. A la fin de ces chapitres sur Weston, on se demande même ce qui n'est pas une métaphore arthurienne sur la Terre Gaste (le perfide T.S. Eliott aurait ainsi prétendu n'avoir utilisé Weston qu'avec ironie dans son célèbre Wasteland). Tout le genre post-apocalyptique devient dès lors potentiellement arthurien (avant même que le jeu de rôle récent Wasteland ne le reprenne aussi explicitement).
Comme je n'ai pas lu l'ouvrage dans l'ordre, je n'ai peut-être pas toujours bien saisi une progression mais il est aussi remarquable que ce soit assez illustré (avec des extraits de comics ou d'images de films par exemple).
Pour finir, pour les fans du cycle de Bretagne, je conseille aussi ce podcast : Rex Quondam Rexque Futurus (par la même équipe de chercheurs qui font aussi l'excellente émission en ligne C'est Pas Sourcé sur l'histoire des religions).
Retour de Chimériades VI
Les Chimériades se sont donc conclues après cette 6e édition (5-8 mai 2018) qui doit être la dernière, et pour plus de détails, je renvoie au compte-rendu en anglais chez Gianni.
Je n'y étais plus allé depuis les 3e Chimériades d'octobre 2011, quand l'invité d'honneur était le génial Jonathan Tweet (la 4e en mai 2014, je ne me sentais pas encore prêt et la 5e de mai 2016 je voulais venir mais j'avais raté l'inscription 10 minutes après l'ouverture).
Une des particularités des Chimériades est d'être une convention qui donne une large place aux jeux de Chaosium comme Call of Cthulhu ou le monde de RuneQuest, Glorantha (comme ses grandes soeurs allemandes Eternal Convention à Stahleck ou le Kraken).
Le château de l'Environnement de Buoux (Lubéron)
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Interlude philosophique obligatoireJeff Richard de Chaosium a expliqué avec profondeur que les deux jeux n'ont pas seulement une parenté historique de système ou de règles, ils expriment une dialectique philosophique par rapport au Zeitgeist contemporain depuis le Siècle des Lumières : Call of Cthulhu relève de notre nihilisme et notre finitude angoissée après la Mort de Dieu, l'absurdité abyssale à l'intérieur de nos fictions, Glorantha est le symétrique qui se fonde sur l'espérance mystique d'une transcendance au-delà de toute idolâtrie anthropomorphique des religions organisées, où les mythes pourraient encore jouer un rôle central dans nos vies de créatures finies. Donc en gros, Call of Cthulhu est nietzschéen alors que RuneQuest aurait un fond plus jungien (éliadien, ou peut-être au minimum cassirerien). le premier est un cauchemar apocalyptique alors que le second est un rêve nostalgique. Paradoxalement, je me sens philosophiquement plus nietzschéen (ou peut-être max-weberien) que jungien mais pour jouer, je préfère de loin la mythologie enchantée de Greg Stafford au monde désenchanté de Lovecraft, le fantasme psychédélique du shaman hippie au néo-gothique du puritain fascisant.
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C'est par exemple à la première Chimériade (2007, quand Greg Stafford venait encore aux Conventions, snif) que la compagnie Sans Détour signa l'accord de traduction de Call of Cthulhu et je crois que c'est à la seconde (quand Sandy Petersen était venu) qu'ils commencèrent à organiser le jeu de rôle / guide du monde sur les Chroniques des Féals d'après les romans de Gaborit avec les illustrations de Nicolas Fructus.
J'ai pu jouer 4 fois (pas de partie le lundi soir) et j'ai eu le plaisir de tester plusieurs systèmes.
1. Grâce à P. Soulignac, j'ai enfin pu comprendre comment s'appliquaient les règles du Drama System. Nous jouions les personnages les plus célèbres du Cycle arthurien, ce qui permettait de trouver directement les conflits dramatiques sans trop d'effort. Mordred a fini en partant en pénitence dans un monastère parce qu'il avait blessé son père. Lancelot et Guenièvre ont failli en profiter pour faire un coup d'Etat avant que Morgane et Merlin ne soignent le Roi légitime mais sans enfant.
Dans cette version, Mordred était un fils illégitime de Morgawse (et non Morgane) mais né avant Gauvain, ce qui permettait une tension nouvelle entre eux : Mordred était un bâtard sans père et Gauvain était le fils du Roi Lot mais d'un autre côté, c'est Mordred qui descendait d'Uther, pas Gauvain. Le MJ nous a dit que dans une précédente version, la résolution avait été plus sanglante avec Arthur tuant Guenièvre avant de se suicider.
Cela dit, je me demande si cela marche aussi bien si on devait définir tous les conflits entièrement sans une base préalable. Les scénarios parus semblent devoir faire appel à des lieux communs ou des présupposés communs pour que cela fonctionne mieux.
2 J'ai testé Shaan avec un des nouveaux auteurs et cela roulait pas mal avec le très bon scénario politique paru récemment dans Casus Belli. J'y jouais un shaman pyromane Woon (les humanoïdes bestiaux et hirsutes qui font un peu penser à des Wookies).
3 J'ai aussi fait une partie mémorable de Mindjammer (2e édition, je me rends compte que je n'ai plus parlé de ce jeu que je continue de suivre depuis mon bref compte-rendu de la première édition en 2011). J'y jouais un des pré-tirés qu'on trouve dans l'écran du MJ, un octopoïde intelligent qui servait à la fois de pilote (il était amoureux de l'IA du Vaisseau pensant qui s'appelait Un Rare Enthousiasme pour La Mission) et de médecin psychologue de l'équipage. Un des moments les plus réussis a été la révélation d'un des principaux secrets de cet univers où le joueur qui jouait le Vaisseau (et qui était un des organisateurs de la Convention) a proposé une hypothèse que l'auteur du jeu Sarah Newton a trouvé assez intéressante pour dire qu'elle en tiendrait compte pour remanier peut-être la publication de son scénario.
4 Je n'ai quand même pas complètement écarté Glorantha et j'ai participé à un scénario avec la nouvelle édition à paraître de RuneQuest où je jouais cette fois un vrai rôle de composition (un philosophe pusillanime et incompétent... non, je n'avais pas créé le personnage, c'était un pré-tiré).
Je parlerai peut-être dans un autre post des rumeurs entendues sur l'évolution de Glorantha et RuneQuest (ce qu'on pourrait appeler un peu vite sa relative "Dé-Heroquestisation" même si c'est plus compliqué).
Mais l'un des éléments les plus plaisants, en dehors de revoir des amis ou de faire la connaissance de Sarah Newton ou Ken Rolston (auteur des campagnes de River of Cradles ou Dorastor), est d'avoir pu enfin avoir le courage (grâce à Rappar, qui force toujours ma timidité) de parler à Rolland Barthélémy, le grand illustrateur qui créa l'emblème de toute la Convention (et dont une des premières couvertures en 1983 fut pour un cycle de romans qui s'appelait justement le Cycle des Chimères). La barbe de Monsieur Barthélémy était devenue si platonicienne qu'il a su se forger une figure de Léonard de Vinci. A ma grand surprise, il connaissait même ce blog (!) et y a même posté souvent des commentaires.
On peut voir ce qui doit être sa première illustration dans Casus Belli, celle dans le n°16 en septembre 1983. Il a récemment encore participé à la réédition de Rêve de Dragon, à Wastburg, à Te Deum Pour un Massacre mais je recommande aussi (en plus des souvenirs rôlistes) sa série Lothario Grimm, qui a un charme jack-vancien.
Merci, Rolland, pour cette amazone (qui doit évoquer un peu Red Sonja ou bien Jar-Eel the Razoress aux gloranthiens) en train d'affronter cette Chauve-Souris géante avec sa rapière.
(Post-Scriptum : le graphic novel inachevé et inédit de Barry Winsor-Smith dont je parlais aux Chimériades est posté là).