lundi 21 janvier 2008

Notes sur la Magie védique



Le plus gros problème à gérer pour Bhāratavarṣa / Mahālīlā est la magie.

On a parfois l'impression qu'il n'y a pas vraiment de limites à ce que la Magie et le Yoga peuvent faire pour un ascète. La yogini Chitralekha (qui n'est pourtant que la conseillère de la princesse Usha) dans la légende que je racontais il y a 3 semaines arrive à voler sans problème à travers les cieux et vient enlever le lit d'un prince sans qu'on nous explique comment elle fait cela.

Le système souple des Affinités et Prodiges liés aux Dieux pourra gérer certains pouvoirs comme les "Voeux" (mais il faudra peut-être limiter pour les PJ un Vara "Ne jamais pouvoir être vaincu par un homme").

Louis Renou décrit la Magie védique notamment aux sections §745-752 de L'Inde classique.

  • Mantra

    La différence entre magie et religion est difficile à délimiter : les rituels sacrés collectifs peuvent aussi servir à lancer une sorte de sortilège dans l'intérêt du yajamāna (celui qui demande un yajña).

    Dans les Quatre Veda (voir ce que je disais sur le ṛgveda), le dernier, appelé l'Atharva Véda est celui qui est le plus consacré à la magie (et à des applications comme la médecine, les charmes contre les poisons).

    Le rituel magique se sert donc souvent de sacrifices, on verse l'oblation de beurre fondu dans le feu en récitant des strophes de l'Atharva, et on enchante parfois des objets en les enduisant de cette oblation.

    Le plus important est le Mantra (la Formule) qu'il faut réciter.

    Exemple d'incantation dans l'Atharva, I, 8 Rituel contre les Yātudhānas (des Sorciers ou bien uen sorte de démons Rākṣasas) :

    Puisse cette oblation emporter les sorciers comme le fleuve emporte l'écume !
    Que l'homme ou la femme qui a lancé ce sort se déclare !
    Cet arrogant est venu, reçois-le sans ménage !
    Soumets-le, Ô Bṛhaspáti, percez-le, ô Agni et Soma !
    Tuez l'engeance des sorciers, Ô Indra buveur de soma, et soumets-le !
    Fais tomber l'oeil le plus proche et le plus lointain du démon vantard !
    Ô Agni Gâtavedas, quand tu vois la race de ces démons cachés (atrin),
    Renforcé par notre charme, tue les, Agni et perce-les cent fois.


    Autres exemples d'Imprécations contre des démons ou des sortilèges dans l'Atharva Veda : I, 7, 8, 16, III, 9 (Contre les démons vishkandha et kâbava - des esprits de maladies). Les sorts apotropaïques détournent notamment la maléfique Nirṛti (la Sans-Loi). On utilise des cercles sur le sol pour se protéger des démons.

    La plupart des sorts sont liés à la santé, mais aussi des charmes d'amour et divers succès au jeu, à la guerre ou ailleurs.

    Le Mantra est à la fois la phrase à réciter et les instructions à suivre. On utilise souvent des objets qu'on associe symboliquement à la chose réelle qu'on veut influencer par participer et on peut avoir besoin d'ingrédients matériels comme des parties du corps de la cible (ongles, poils). Pour lancer le sort, comme dans un rituel de sacrifice, il faut se purifier, faire jeûne et abstinence. On peut se mettre nu en un lieu particulier, arbre, tombe, carrefour.

    Les sorts de bannissement ou d'exorcisme (ṣānti) utilise les cendres et le beurre fondu pour écarter les mauvaises influences ou les possessions démoniaques. Les sorts pour attirer la fortune utilise parfois des amulettes (appelées maṇi) qui sont souvent des colliers de végétaux (mais aussi d'or, de coquillages, de miel).

    C'est le même mot śapatha (शपथ) qui désigne à la fois (1) une malédiction, une imprécation, un anathème, (2) un serment solennel, un vœu (parce qu'on s'engage à subir la malédiction si on ne tient pas ce qu'on a juré). On s'engage devant Varuṇa et on peut engager non seulement sa vie mais celle de son entourage.

    La magie comprend aussi la divination, l'astrologie et il y a des rituels d'ordalie (le plus célèbre a lieu quand Rama fait passer sa femme Sita par une épreuve du Feu pour vérifier qu'elle est restée pure pendant son enlèvement par les démons).

  • Yoga

    Le Yoga peut apparaître comme une forme de magie. Les Yogin prétendent par l'ascèse pouvoir devenir invulnérable, voler, commander au feu et même aux Dieux, voire réussir à atteindre la Moksha. L'ascète peut contrôler son corps. Le Yoga (dont le sens semble avoir été "le joug", "la jonction") va se développer dans des commentaires des Védas en distinguant notamment le contrôle du souffle (pranayama), l'inhibition des sens (pratyahara) et la méditation (Dhyāna), pour dépasser la māyā (l'Illusion) et atteindre la moksha (la libération).

    La confrérie des Vrātyas ("Frères") est un culte mystérieux. Ce sont des ascètes nus errants, vivant comme des sauvages. Ils forment une sorte de caste à part entre les vrais Brahmanes (dont ils seraient déchus) et des basses classes barbares (mais on reconnaît leur importance mystique). De même, le Muni est une sorte de shaman, qui peut fréquenter le modèle du Yogin, le criant Rudra (Shiva).

    La pratique sur soi de l'ascèse peut accroître le Tapas (la "Chaleur") et ce terme devient synonyme de l'ascèse, la ferveur, l'austérité, la mortification. La méditation du Tapasvîn ("le souffrant", avec pratiques de jeûne, voeu de silence, etc) est faite pour obtenir une faveur des Dieux. Un des concepts liés est l'Aura du Tejas, l'énergie magique, le Feu sacré d'Agni qui illumine les héros.

    Celui qui a montré sa volonté se met à resplendir de Tejas et les héros védiques passent leur temps à comparer leur aura.

    Bhagiratha, le roi de Kosala de la dynastie solaire, ancêtre de Rama, fit un grand effort de tapasya pendant des années pour faire descendre sur Terre les eaux de la rivière Gaṅgā qui coulait dans les cieux de Swarga. Seules les eaux de Gaṅgā pouvait permettre de purifier les âmes de ses ancêtres. Il obtint finalement le soutien de Brahma et de Shiva pour faire descendre la Rivière.

  • Māyā

    Māyā est l'Illusion et la Magie. Le grand roi démoniaque Maya (ou Mayasura) est un Asura, l'architecte du monde inférieur Sutala.

    C'est lui qui construisit pour les princes-démons fils de Taraka la Tripura, les Trois-Forts, cité imprenable des tours de fer, d'argent et d'or qui se situaient respectivement sur trois mondes, terre, air et voute céleste. Mais comme la Forteresse protégeait les Asura, elle fut détruite par Shiva. Cependant, Shiva envoya son taureau Nandi pour sauver Mayasura, parce qu'il lui était dévoué.

    Maya était aussi le père de Mandodari, qui épousa le démon Ravana, Roi de Lanka. Ses enfants, comme Māyāvi (le Magicien), furent tués pendant la guerre entre Rama et Ravana. Plus tard, Arjuna le sauva pendant un incendie et le grand architecte s'allie aux Pandava. Il construisit le palais du Mayasabha dans la cité d'Indraprastha.

    Maya est le précepteur des magiciens. Il a inventé le Mayajala (Filet de l'Illusion) ou Indrajala, l'art de la magie, et tous les pouvoirs paranormaux des saints et des démons (âsurîsiddhi).
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