Je n'arrivais plus à accéder à Internet aujourd'hui. J'ai perdu 24 heures avant d'avoir l'idée simple de rebooter ma freebox (pardon, redémarrer ma boîte-libre). J'ai dans ces cas-là une petite icone avec une planète Terre barrée de rouge qui apparaît et je ressens alors devant cet interdiction une angoisse de déréliction comme si j'étais banni de l'univers, proscrit, exilé. L'Internet est notre substitut de communion.
En parlant d'analogies vaseuses, je suis tombé sur un texte de Denis Moreau (un spécialiste du cartésianisme) qui fait une plaisanterie suggestive : Qu'est-ce que les Méditations métaphysiques fondamentalement ? C'est, bien plus encore que tout roman ou tout exercice spirituel avant lui, un "Livre dont vous êtes le héros".
Il est vrai que la pensée ancienne a déjà le Dialogue (et toute pensée est dialogue silencieux) comme présence de l'autre en soi, mais pas encore le soi comme un rôle à endosser (à part peut-être le stoïcisme).
En fait, le vrai livre avec arborescences et ramifications de choix, on peut le trouver dans la Dialectique transcendantale (antinomies cosmologiques, mais elles convergent) ou bien peut-être (mais ce n'est pas ma tasse de thé) dans les pseudonymes de "Climacus".
Je suis arrivé à peu près au milieu de ma vie et me rends soudain compte qu'au rythme actuel très lent de mes lectures (en gros, pas plus d'une oeuvre importante par an, et encore), je n'arriverai jamais à lire de nombreuses idées essentielles pour tout effort un peu sérieux. Une vie est un calendrier de lectures et je crains parfois de faire de mauvais choix ou d'exclure par dogmatisme des oeuvres difficiles qu'il faudrait bien tenter. Une des choses qui me rend content de ne pas avoir pu devenir chercheur est que mon calendrier reste plus ouvert (ma mauvaise foi étant une tentative de nier une individuation), mais ce parcours est aussi hélas trop désinvolte et désorganisé. Je commence parfois des oeuvres très différentes, arrive à une difficulté et passe à autre chose au lieu de résider un peu dans cette difficulté. Il faudrait que j'ai un peu plus de courage en bravant l'Achéron, comme dirait l'autre. J'ai une colonne continue d'articles dans une même tradition ou sur un même problème, et parfois je me dis que je devrais au contraire lire ce qui me paraît le plus diametralement opposé (au hasard, du Lacan, quand même pas du Irigaray, il y a des limites à tout). Mais ce n'est peut-être que le désir inauthentique et inconstant de demeurer essentiellement "dilletantiste" papillonnant, versatile, avec la capacité d'attention d'un poisson rouge.
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