L'autre difficulté est qu'il a une culture humaniste supérieure à de nombreux Continentaux et qui doit intimider le scientisme anti-historique des Analytiques. Il a des exigences exorbitantes pour ses lecteurs. Il faudrait qu'ils soient complets : assez "continentaux" et philodoxes pour bien connaître la tradition, y compris les Hegel et Nietzsche, mais aussi assez analytiques pour le suivre dans le labyrinthe de ses réfutations ; un Romantique échevelé dans l'uniforme impeccable d'Oxford. Williams a besoin de créer ses lecteurs. Williams est une Europe qui n'a jamais existé, qui allierait l'humanisme érudit à la nouvelle éristique formelle.
En un siècle nietzschéen qui prétend dépasser l'humain et chanter la Mort de l'Homme, Williams a été cette incongruïté, un Nietzschéen éduqué dans les arguments analytiques wittgensteiniens et qui prétend fonder certaines formes de norme sur un point de vue sur l'humain. Cette Humanité n'est pas un transcendantal anhistorique, et ce n'est pas simplement un retour à un fait générique, à "la Nature humaine" des empiristes (ou à l'inverse notre réductionnisme évolutionniste/innéiste actuel). C'était un rationaliste se moquant des oeillères des rationalistes, un moraliste se moquant des insuffisances des moralistes, et un Nietzschéen humaniste.
Un principe semble être une sorte de "situationisme moral" (ou particularisme moral) qui prétend refuser toute généralisation ou remontée à des principes moraux. Il dit souvent qu'il serait inhumain d'exiger à Monsieur Untel de faire F et pourtant qu'il serait aussi absurde de passer au niveau supérieur en disant qu'on ne peut exiger à qui que ce soit dans la même situation de faire quelque chose d'analogue à F.
Il donne de nombreux exemples de ce refus de passer au niveau supérieur. Prenons un homme échoué sur un canot empli de rescapés qui décide de frapper à la rame des nageurs supplémentaires qui aurait fait chavirer le canot. Il serait sans doute inhumain de le condamner hâtivement au nom d'une morale de l'empathie ou du devoir inconditionnel, et pourtant il serait tout aussi inhumain de généraliser comme le font les Utilitaristes en disant que tout être humain dans ce genre de situation doit optimiser les conséquences.
Et j'ai compris soudain son argument en entendant une personne défendre l'égoïsme. Je crois qu'on peut dire à la fois que l'égoïsme de chacun a quelque chose de pardonnable et pourtant qu'il serait immoral et monstrueux de justifier en soi l'égoïsme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire