vendredi 2 mai 2008

Happyendisme



(Oh, comme l'indique le titre sur la FIN, ça va être deux petites critiques en SPOILERRAMA)

  • Le repeat gag un peu insistant sur le cinéma français dans les Guignols de l'Info est que tout ce cinéma ne se réduirait qu'à des films sur des "trentenaires avec des problèmes pour s'engager". Le reproche n'est pas sans fondement mais je suis pour l'instant dans le coeur de cible qui aime bien ce genre.

    Ma place au soleil de l'acteur Eric de Montalier me semble être passé un peu inaperçu au printemps 2007 malgré sa distribution impressionnante. Il faut dire que la critique avait été d'une rare violence et presque unanime dans sa détestation. Je cite : "un scénario mou et une mise en scène académique distillent l'ennui", "nanar", "un va-et-vient qui nous laisse dans l'indifférence avant de nous faire plonger dans l'ennui", "un bouillon inculte, un film choral discordant aux ambitions aussi évidentes qu'inassouvies", "beaucoup d'effort pour pas grand chose", "d'une nullité obscène". Le Parisien est allé encore plus loin dans la démolition :
    S'il y a de l'argent pour produire pareille calamité, c'est qu'il y en a pour de bons scénarios, régulièrement ignorés parce qu'ils n'ont qu'un défaut : ils ne battent pas pavillon de copinage.


    C'est encore la structure d'un "film choral" avec trois couples qui ne se connaissent pas et il est vrai que les croisements et intersections sont artificiels. Au lieu de cette structure un peu épuisée de Lelouch, on préférerait qu'on assume clairement que c'est une série de nouvelles qui n'ont qu'une vague unité thématique.

    Odile (Nicole Garcia) est mariée avec le taciturne et schizophrène Gérard (Jacques Dutronc). Elle est poursuivie par son patron, le maladroit et lourdingue Pierre (André Dussolier). Franck (Gilles Lellouche - aucun rapport avec Claude Lelouch) est un prof désagréable, égocentrique et désespéré de solitude (les scènes sur les jérémiades en salle des profs sont assez bien vues). Il fantasme sur une élève qui lui préfère son ami Paul (François Cluzet). Paul est un écrivain cavaleur et narcissique, qui ne cesse de théoriser et d'universaliser son égoïsme sans se soucier de sa femme Sandra (Valeria Golino). Véronique (Mélanie Doutey) trompe son mari, l'acteur immature Cédric (Eric de Montalier), avec son patron, pourtant ignoble mais d'apparence sérieuse François (Hippolyte Girardot).

    Tout cela n'est pas le comble de l'originalité bien sûr. Les diverses histoires voient surtout les couples se désintégrer lentement dans la prétention à atteindre un bonheur individuel. Et soudain certains se restaurent sans qu'on comprenne pourquoi.

    Certaines histoires ne vont nulle part, notamment le voyage initiatique de Cédric dans un aéroport (joué par l'auteur-réalisteur, qui pour le coup assume le cliché du trentenaire-qui-ne-réussit-pas-à-s'engager). Il finit par comprendre que sa vraie place devrait être vers le "soleil" de celle qu'il aime, ce qui donne une maxime de morale traditionnelle à la fin curieuse pour un film français qui n'est pas autant contraint au happyendisme américain des romcoms. Le défaut est finalement de ne pas assumer ce caractère de comédie à part dans cette conclusion et de prétendre à une comédie dramatique plus "réaliste".

    Mais il y a quelques personnages franchement antipathiques qui réussissent parfois à devenir un peu touchants, ce qui ne va pas de soi. Par exemple, je trouve d'habitude la personne même de Jacques Dutronc irritante dans son indifférence affichée, et ici il fait passer un peu d'émotion dans son jeu minimaliste. Le personnage du prof reste vil et hideux mais on croit quand même à son évolution et sa tentative de rédemption de la "gentille alcoolique" Julie (Élodie Bouchez). Tous les personnages ne sont pas toujours convaincants.


  • *


  • Stranger than Fiction (2006) a en revanche un très bon score de 73% au tomatomètre.

    Le film a une structure post-moderne amusante, il a deux de mes acteurs favoris, Emma Thompson et Dustin Hoffman, même Will Ferrell y est bon, j'ai un crush sur la craquante Maggie Gyllenhaal (qui joue dans une patisserie qui rappelle un peu celle de la série Pushing Daisies), et pourtant le thème autoréférentiel sur la résolution de la fiction m'a gâché le film.

    En gros, l'auteur Karen (Emma Thompson) écrit la vie d'Harold (Will Ferrell) et prépare sa mort. Son héros découvre qu'il est un personnage de fiction, qu'il est dans un drame où il va mourir alors qu'il espère être dans une comédie. A la fin, l'auteur, ébranlée par les souffrances de Harold, décide une fin insatisfaisante mais en happy ending, consciente que ce choix est un défaut esthétique. C'est du même coup une ruse un peu hypocrite du scénariste Zach Helm, présenter son happy ending architraditionnel comme un risque esthétique !

    Cela répond finalement au problème principal de toutes les RomCom (et peut-être de toute une partie de la fiction de "Genre"). On feint de s'inquiéter sur l'amour entre personnages alors qu'on sait que le mariage ou le Remariage est une obligation. La ruse permet ici de mettre un peu de suspense dans la fin de comédie puisqu'on ignore dans quel genre on se situe et quelles sont les contraintes génériques.

    Mais au final, c'est un faux fuyant. On se demande si on ne préfère pas encore une RomCom au premier degré, qui n'a pas ces prétentions à dépasser ses propres limites (de même que Melinda and Melinda de Woody Allen fut un échec dans sa tentative de surmonter ces contraintes, et que seule la partie tragique put paraître un peu authentique).

    Le problème du happy-ending est que rétroactivement elle finit par détruire les tentatives de la mettre entre parenthèses. Le film veut jouer sur les deux tableaux à la fois, cherchant la catharsis du drame en même temps que "l'eucatastrophe" finale.
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