Ce qui m'effraye le plus chez Sarkozy n'est pas seulement ce qu'il fait mais quand il a l'aplomb de nier ce qu'il fait.
"Je vais revaloriser le Travail" veut dire "Je vais permettre aux plus riches d'être encore plus riches sans travailler". "Je ne toucherai pas à la durée légale de travail" veut dire "Supprimons la durée légale". "Luttons contre la ghettoisation" veut dire "Accentuons la ghettoisation", etc.
Et ici, quand il dit qu'il va lutter contre la dégradation du secondaire, cela signifie à peu près qu'il va abandonner le secondaire pour renforcer les établissements privés.
Cela a commencé avec la suppression des horaires au primaire, seulement pour faire des économies de bout de chandelle. Et encore, cela n'économise pas grand-chose comme le dit Prost :
Cela fera moins de 140 jours de classe par an. Il y en a 210 au Japon, 200 en Italie et au Danemark, 188 en Finlande, 190 en Grande-Bretagne. Et l'on se plaint du niveau des petits Français ? Il n'y a qu'une chose vraiment importante en éducation : c'est le travail des élèves. Sur quel miracle, sur quelle potion magique, M. Darcos compte-t-il pour compenser les amputations qu'il décrète ?
Le résultat de ces lâchetés et de ces hypocrisies est connu d'avance : le nombre des élèves incapables de suivre en 6e va augmenter. Je dénie à quiconque ne proteste pas aujourd'hui de toutes ses forces contre cette mesure le droit d'ouvrir demain la bouche pour déplorer cet échec majeur.
Dans le cas du secondaire, Philippe Meirieu a critiqué la suppression de stage de seconde année et le mode de recrutement, mais il fait l'éloge en revanche de la réforme qui va vers plus de modules et plus de travail personnel. Meirieu a même dit que la réforme du primaire était contre les Pédagogistes mais que celle du secondaire en rajoute dans son sens !
La réforme irait vers plus de CCF (Contrôles en Cours de Formation), autrement dit vers plus de contrôle continu, alors que Fillon avait finalement diminué le rôle des TPE. Dans leur manie qui ne semble guidée que par le désir d'accroître les inégalités, ils vont à nouveau affaiblir l'examen unique républicain.
Sarkozy, qui a eu son bac B (équivalent d'ES) avec mention passable, dit qu'il va revaloriser le bac L. La réforme consisterait en partie à diminuer l'importance de la philo (comme si c'était vraiment la cause du déclin et comme si un gouvernement pouvait vraiment changer un mouvement aussi profond de la société française).
C'est plutôt négatif pour les élèves mais il y a quand même des avantages pour les enseignants, du moins tant qu'ils ne rendent pas les Heures supplémentaires obligatoires.
Il y a même un gros avantage évoqué, plus de passerelles vers l'enseignement dans le supérieur :
Les professeurs pourraient "développer les liens" avec l'enseignement supérieur "selon des modalités qui restent à définir", notamment des "services partagés" ainsi que le "suivi pédagogique et l'encadrement d'étudiants de première année".
Curieuse promotion de profs de lycée vers des PrAg ?
Bah, cela existe déjà : c'est le système des vacations tout simplement — on a déjà plein de profs du Secondaire chargés de cours dans les universités. Ce sont souvent des thésards auxquels on accorde quelques cours pour leur donner une expérience dans le Supérieur qui étoffera leur dossier de candidature... s'ils parviennent à soutenir leur thèse. Et cela permet de boucher les petits trous dans les emplois du temps sans avoir à recruter un ATER ou un PRAG.
RépondreSupprimerL'idée d'un tutorat confié aux enseignants du Secondaire est en revanche neuve... mais fait double emploi avec les tuteurs déjà en place.
Cela dit, c'est une bonne "carotte" pour attirer les enseignants. Je dois avouer que je rêverais de pouvoir donner un cours sur un sujet inaccessible dans le secondaire, comme la Critique de la raison pure pour des L1.
RépondreSupprimer