jeudi 20 novembre 2008

Chevaux de retour



  • Selon le Canard enchaîné d'hier, Martine Aubry (1) avait fait croire à Royal qu'elle était prête à retirer sa candidature si Royal se présentait elle-même, et (2) elle avait fait croire à Delanoé que Benoît Hamon se retirait en sa faveur (d'où la désormais fameuse phrase où le maire de Paris déconfit aurait dit qu'il faut voter pour "la salope", ce qui rappelle Vote for the Crook).

    Si elle a vraiment réussi ces deux bluffs symétriques, on ne peut plus l'accuser de l'angélisme de son père, mais je crois que des mensonges privés entre politiciens sont finalement plus véniels que des promesses publiques stupides et intenables à des électeurs (du genre "faire raccompagner toutes les fonctionnaires femmes qui travaillent tard").

  • Il semble, d'après les rumeurs que le suspense dans l'élection de la Première Secrétaire du PS ne soit pas l'ordre d'arrivée mais seulement l'écart dans le trio. On pense que Royal sera en tête, suivie d'Aubry et de Hamon. Mais si Aubry n'est pas très loin, elle pourra gagner au second tour puisque Hamon devra la soutenir.

    Que ce soit Royal ou Aubry, elle devrait être la candidate du Parti dans 4 ans, comme dans le parcours de Mitterrand puis Jospin (Premier secrétaire de 1981-1988 puis 1995-1997), et conformément à ce qui se passe dans des démocraties plus parlementaires que la nôtre. Fabius, DSK et Delanoé soutiennent Aubry mais en espérant l'éliminer ensuite, mais cela paraît douteux, malgré le précédent de François Hollande. Si elle gagne, il faudrait vraiment qu'elle fasse une énorme gaffe pour ne pas les battre (en revanche, même dans ce cas, Royal pourrait toujours tenter un retour).

  • Le cliché sur la démocratie américaine est qu'elle se renouvelle plus vite que les autres et il y a en effet des exemples frappants pour les Présidentielles comme Carter, Clinton ou Obama, inconnus qui arrivent au pouvoir (au point que les figures plus persistantes de Stevenson, Nixon ou Mondale sont oubliées).

    Mais je suis impressionné du retour de Tom Daschle (né en 1947). Sénateur démocrate du Sud-Dakota de 1986 à 2004 et Chef de la Majorité démocrate au Sénat en 2001-2002, il avait renoncé à se présenter aux Primaires présidentielles de 2004 et été battu de peu mais de manière humiliante au poste sénatorial qu'il occupait depuis trois mandats. Je pensais vraiment qu'il était mort politiquement comme on disait qu'il ne faisait plus que du lobbying pour diverses entreprises sur la santé à l'âge de 57 ans.

    Mais dès 2004, Daschle mise sur le jeune nouveau Sénateur de l'Illinois, le pousse à se présenter et maintenant il serait nommé à la fois Secrétaire à la Santé et "Czar" chargé du nouveau Programme de Couverture Médicale. Si jamais il réussit, le Sénateur battu pourrait devenir le Beveridge ou le Tommy Douglas américain, poste potentiellement plus historique que bien des Présidents.
  • 2 commentaires:

    1. En te relisant, je me rends compte de deux choses :

      1- que tes qq lignes sur l'élection ratée dans l'autre post (Galifmafrée) sont plus instructives que trois jours de presse quotidienne

      2- que cette élection montre justement très bien à quel point le régime politique français s'est présidentialisé ; en régime parlementaire, ça fait longtemps que le PS aurait tranché, parce que survivre avec une incertitude sur le leader du parti n'y serait pas envisageable. Dans un système plus présidentiel où toutes les opportunités sont ouvertes jusqu'aux primaires, en revanche, on peut voir des personnes comme Royal tenter de tirer leur épingle du jeu.

      Les mécanismes de sélection du PS ont du mal à se mettre en conformité avec les comportements personnels, qui sont en avance sur lui ; et je pense qu'on peut aussi expliquer le split des militants (y compris maintenant, après le vote) parce que les idées sur le type de régime que l'on a en France ne sont pas clairement arrêtées.

      Je ne suis pas sûr que l'on puisse mettre en abîme la totalité du système politique dans un seul événement, mais celui-ci me semble assez éclairant si l'on suit ta piste, en tout cas.

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    2. Il y aura encore désolidarisation entre le poste de Secrétaire et de Candidate à cause de ce conflit.

      Dans un contexte normal, je pense qu'Aubry aurait pu transformer facilement son poste de Première secrétaire en candidate aux Présidentielles pour 2012. Mais non seulement elle va être délégitimée par ses 0,01% d'avance et le PS risque de faire aux élections du 7 juin 2009 un score un peu décevant par rapport à 2004 où ils avaient eu 29% et 31 Députés sur 78. J'imagine que la coalition verte très large de Cohn-Bendit va rallier tous les déçus du PS et qu'Aubry pourrait se retrouver un peu dans la position de Michel Rocard en 1994 où le PS était tombé à 14,5% à cause du score de la Liste Tapie. De même, malgré la récession, le PS risque de faire nécessairement moins bien aux Régionales de 2010 qu'en 2004. Royal pourra donc savonner la route d'Aubry et revenir en 2011-2012 en rejouant la Femme Nouvelle Providentielle.

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