mercredi 26 novembre 2008
Et si la question théologico-politique s'inversait ?
Des Conservateurs et Libertariens américains lassés de l'évolution théocentrique du Parti Républicain ont un blog Secular Right, la Droite Laïque (oui, je sais que c'est une mauvaise traduction, mais "séculière" me paraît trop faible maintenant pour traduire le militantisme impliqué dans la notion de "secularism"). On a en effet l'impression que le Parti de Wall Street devient plutôt le Parti des Megachurchs.
Les termes Droite et Gauche d'origine française n'ont pas évolué autant que Républicain et Démocrate aux USA mais ils n'englobent pas une stabilité de concepts éternels. Ce sont seulement des "ressemblances de familles" vagues qui évoluent selon le contexte et qui se transforment en s'adaptant à de nouveaux problèmes et débats (cf. la classification historique de quelques branches des pôles droite-gauche que j'essayais l'an dernier).
Originellement en France, la différence a un sens essentiellement politique sur l'essence de la Souveraineté. C'est l'opposition entre Royaliste (de droit divin ou non) et Républicain (pour qui la souveraineté réside dans le peuple). La différence n'est pas vraiment encore économique puisque le Libéralisme économique et politique est "à Gauche" avec les Brissotins, entre des Conservateurs encore agrariens ou mercantilistes et un embryon de Jacobins plus socialisants. La Nation est alors une valeur de gauche alors que la Droite est associée à la Chrétienté ou à la Coalition européenne. La Gauche devient "internationaliste" avec le socialisme, après le Printemps des Peuples et le renouveau du Nationalisme moderne qui passe alors à Droite.
Mais aujourd'hui (et depuis le socialisme du XIXe siècle), le clivage me semble (contrairement à ce qu'on dit souvent) rester principalement économique, celui sur l'intervention de l'Etat dans le marché, même si le Keynésianisme a décliné dans les deux camps depuis les années 70. Certes, la Gauche a pu privatiser et la Droite faire de la "politique industrielle", du Corporate Welfare (voir la destruction de France Télévision pour faire plaisir à TF1), du copinage anti-libéral et du dirigisme mais globalement les écarts sur ces sujets sont encore relativement clairs.
La Gauche tente souvent de déplacer vers des terrains dits de "société" mais en fait le "libéralisme sociétal" existe aussi à droite (non seulement ce fut la Droite libérale qui obtint l'avortement mais encore récemment elle a fourni le divorce accéléré et évolue sur les droits des homosexuels).
Il y a en revanche un sujet qui est resté assez stable depuis deux-trois siècles et le début de notre Modernité dans les Lumières, c'est la querelle théologico-politique. La Droite était traditionnellement religieuse et la Gauche au minimum pour la séparation de l'Eglise et de l'Etat, voire franchement anti-religieuse (avec l'inversion que furent les religions séculières du totalitarisme). Certes, il y eut des formes de libéralisme économique anti-religieux, de l'anti-cléricalisme ultra-libéral, du positivisme conservateur et à l'inverse du théisme robespierriste, du christianisme social, du populisme évangéliste, de la théologie de la libération, mais globalement la religion est demeurée un des facteurs centraux de la polarisation.
Mais on peut se demander si cela pourrait évoluer, ce qui serait un renversement lent d'une constante Droite-Gauche.
Une partie de la Droite, même en dehors des "libertariens" américains, est plus attachée à l'individualisme qu'à la tradition (même si Sarkozy veut allier dans son importation américaine plus d'individualisme et plus de religiosité). Le christianisme social de Boutin ou dans sa forme encore plus ultra de De Villiers est quasi-inexistant (je ne me prononcerais pas sur celui de Bayrou car j'ignore à moyen terme comment se composera réellement son électorat dans les proportions de centre-gauche déçue du PS et de centre-droit anti-sarkozyste, et c'est peut-être une figure plus "personnelle" et présidentielle que vraiment le vieux MRP démocrate-chrétien implanté, une sorte de météore comme le boulangisme).
A l'inverse, Royal a certes excité l'anti-cléricalisme radical dans le PS et on ne voit pas vraiment émerger un nouveau socialisme chrétien comme celui qui a pu exister dans les pays anglo-saxons (et qui pouvait être une tendance dans le minuscule PSU de la Deuxième Gauche).
Mais on voit certains Trotskyistes du futur NPAC être tentés par des alliances avec des Musulmans au nom du combat anti-impérialiste et parce que l'Islam serait "la" religion des colonisés, des pauvres et des immigrés (ce fut encore plus clair pour une partie du RESPECT britannique de Galloway, ou les propos de Zizek appelant à une alliance des Radicaux et des Traditionnalistes et Communautaristes contre le modèle globaliste libéral).
Imaginons que le processus continue, que pour de mauvaises (xénophobie) ou de bonnes ("pragmatisme") raisons, la Droite individualiste devienne de plus en plus farouchement anti-cléricale (notamment face au déclin du christianisme en Europe s'il continue et l'essor des religions concurrentes) et la Gauche plus communautariste et plus "traditionnaliste" au nom de la protection de ces religions émergentes, on pourrait se retrouver dans une situation sans précédent où il faudrait alors choisir dans certaines élections entre Laïcité et Protection sociale. On ne peut pas dire a priori quel groupe serait le plus nuisible entre destruction des protections collectives de l'égalité et l'imposition de normes contraires à la liberté de conscience, mais il serait déjà étrange d'avoir à ainsi l'opposer.
Mais cette inversion paraît assez peu probable en réalité. La Droite américaine s'enferme de plus en plus dans la religion. Les Droites européennes les imiteront avec des différences nationales : la France est l'un des pays avec la plus forte population athée d'Europe occidentale et cela va aussi freiner un peu l'importation brutale par le Berluskozysme.
Ce qui va arriver,c'est que la chine va s'allier avec 10 pays fondamentalistes musulmans.Ces derniers vont anéantir new york et décimer l'Occident.Et ce sera la 3 Guerre Mondiale
RépondreSupprimerIl est vrai qu'au sein de la gauche la posture maçonnique farouchement anticléricale de Mélenchon est marginalisée, submergée par le populisme évangélique, comme tu l'écris si bien, de Ségolène. Voir l'attitude face au Dalaî Lama qui est avant tout un chef religieux.
RépondreSupprimerCommentaire un peu à côté du billet sur ce point précis :
RépondreSupprimer"Certes, la Gauche a pu privatiser et la Droite faire de la "politique industrielle", du Corporate Welfare (voir la destruction de France Télévision pour faire plaisir à TF1), du copinage anti-libéral et du dirigisme mais globalement les écarts sur ces sujets sont encore relativement clairs."
En France peut-être (encore que) amsi aux USA, Jeffrey Frankel a récemment montré qu'au-delà des discours, ce sont les républicains qui sont effectivement le plus éloignés de l'orthodoxie libérale.
Sur plus de trente ans on peut même les considérer comme les champions de l'interventionnisme à tous crins.
Je cite Alexandre Delaigue à ce propos : "la croissance de l'Etat, des déficits publics, les pressions sur la banque centrale pour mener une politique accomodante, les pratiques protectionnistes, les subventions à des intérêts particuliers, ont depuis 1971 systématiquement été plus forts sous les gouvernements républicains que sous les démocrates (au passage d'ailleurs, la croissance économique a toujours été plus forte sous les gouvernements démocrates, ce qui devrait laisser supposer que les néolibéraux ont raison...)."
Sinon, sur le problème "théologico-politique", je suis assez d'accord ; les quelques brouillages évoqués me semblent pour l'instant être davantage l'illustration d'une, assez banale finalement, non automaticité des liens entre courants et laïcité que les prémisses d'un grand chambardement.
> anonyme
RépondreSupprimerUn peu trop Huntingtonien ou Capitaine Danrit, non ? Les Chinois risquent d'être un peu occupés par leurs propres Musulmans rebelles comme les Hui (10 millions) et les Ouïghours (8,5 millions).
> all
Les réflexes anti-cléricaux ne viennent pas que des Maçons je pense (sauf dans les décombres du Parti radical). Mais la lutte de Sarkozy contre la laïcité va en fait renforcer ces réflexes laïcs à gauche.
> aymeric
Mon argument devrait alors se réviser : il ne faudrait donc pas axer la différence sur Intervention de l'Etat (puisque c'est Welfare contre Corporate Welfare) mais plutôt sur la différence vis-à-vis des oligarchies, peut-être. Sarkozy n'a pas eu beaucoup de mal à abandonner le libéralisme puisqu'il a toujours préféré un mélange d'autoritarisme et de soutien aux oligarchies qu'il fait passer pour du libéralisme.
Autrement dit, le vrai enjeu ne serait plus vraiment Privé contre Etat mais plutôt groupes d'intérêt du Centile (l'Oligarchie des 2%) contre groupes d'intérêt du Quintile (qui jouent un rôle plus important que les "classes moyennes" dans les démocraties représentatives).
Les Démocrates sont souvent soutenus par d'autres oligarchies, par exemple d'autres compagnies financières. De même que dans les lobbies et groupes d'intérêts, je crois que les Démocrates sont en général plus proches des avocats que des compagnies d'assurance et les médecins qui soutiennent plus les Républicains.
non,c'est écrit dans les prophéties de nostradamus
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