lundi 30 mars 2009

Cités de jeu de rôle





Dans les jeux de rôle, ce que j'ai toujours préféré est les aventures urbaines. Les Cités fournissent un cadre d'intrigues centrées sur les interactions sociales et non pas seulement sur des dangers de la nature ou sur des monstres. La Cité permet mieux qu'un autre environnement le retour des mêmes personnages secondaires et donc une immersion dans un contexte qui fasse illusion d'épaisseur.

La première cité de jeu de rôle fut Jakálla, une cité incluse dans Empire of Petal Throne (1976), dans le monde de Tékumel. Elle n'avait qu'une carte sans détails, et donc assez peu de particularités, en dehors de nombreuses nécropoles d'anciens monarques comme la Reine Nayári Aux Cuisses de Soie dans la Cité des Morts pour y faire des "Donjons". Mais on y a aussi mis des aventures urbaines un peu plus politiques comme A Jakállan Intrigue.

Jakálla fut vite suivie de la City-State of Invincible Overlord (dont j'ai parlé ), qu'on considère souvent comme la vraie première Cité de jeu de rôle. Elle a pour particularité d'être dirigée par un Prince "Loyal-Mauvais" comme un Potentat classique, "l'Invincible Suzerain", ce qui présupposait donc au minimum une certaine "neutralité" morale grise des personnages-joueurs pour accepter d'y servir ou tolérer le pouvoir autoritaire et sa police secrète.

Les deux villes les plus influentes de tous les mondes de fantasy furent Lankhmar dans les romans de Fritz Leiber, qui créa le cliché d'une cité très antique avec une Guilde des Voleurs et des Assassins, et Tanelorn, dans les romans de Michael Moorcock, la Cité inter-dimensionnelle au carrefour neutre entre les Mondes.

Lankhmar est directement imitée dans la Commune-Franche de Greyhawk (avec son oligarchie contrôlée par la Guilde des Voleurs) et dans presque toutes les villes de D&D (même si Waterdeep sur Faérune a une oligarchie plus "bienveillante" avec ses anonymes Seigneurs Masqués qui se choisissent par cooptation). Tanelorn fut sans doute un des modèles de Sigil, la Cité entre les Mondes de D&D, même si Sigil qui est construite sur la paroie intérieure d'un Tore au sommet d'un Cone de taille infinie a une physique plus étrange et le fait que les Dieux ne peuvent pas y entrer, ce qui en fait un bon lieu pour y demander asile.

Les Cités ont souvent un attrait particulier lorsque leurs centaines de Personnages entrent en interaction dans une campagne. Ainsi Middenheim, la cité de Warhammer, aurait relativement peu d'intérêt en dehors du schisme religieux entre le dieu local du Loup Blanc et le dieu dominant de l'Empire, mais elle devient vraiment captivante grâce à la très bonne campagne Power Behind the Throne de Carl Sargent qui fait vivre tout l'entourage politique.

Mes cités favorites :


  • Pavis : La Cité créée par Steve Perrin dans le monde de Glorantha est avant tout une gigantesque ville abandonnée derrière des Murailles Cyclopéennes construites par des Géants autour de la Rivière des Berceaux, ainsi appelée parce que les Géants y mettaient leurs nouveaux-nés. La Grande Ruine est devenue une sorte de Zoo de créatures inhumaines qui n'existent que là, avec divers quartiers en vase clos d'elfes ou de trolls, une sorte de reconstitution du monde extérieur en miniature. Tout peut arriver et l'économie autour de la Grande Ruine dans la bourgade de la Nouvelle-Pavis est fondée sur l'archéologie dans la Cité fermée. Là encore, le but était de pouvoir justifier les aventures classiques dans des tunnels ou des oubliettes, mais le lien avec l'histoire et la mythologie de Glorantha rend cet artifice plus réussi que d'habitude.



    Ce procédé de la Ville-Ruine alliant au même endroit l'aventure urbaine et le Donjon fut imité plusieurs fois. C'est le cas par exemple dans Parlainth pour Earthdawn, qui est redécouverte après des siècles d'isolement dans un autre plan. De même, la récente Ptolus dans D&D s'est développée autour d'une ancienne forteresse maléfique où avaient été enfermées des reliques maudites qui finirent par corrompre leurs gardiens, ce qui en fait un réservoir infini de MacGuffins.


  • Sanctuary / Refuge : Sanctuary, la Cité des Voleurs fut créée à l'origine par un groupe de romanciers pour y mettre leurs nouvelles en commun appelées Thieves'World (un Shared-World), puis elle fut adaptée en jeu de rôle. Une version parallèle et officieuse, Refuge, a aussi été importée dans le monde de Glorantha (voir la version que j'avais faite ).
    Refuge me paraît un peu trop banale aujourd'hui car mon critère d'une cité de jeu de rôle est qu'elle doit ne plus trop ressembler à Lankhmar, qui a déjà été faite tant de fois.
    Comme mes goûts se portent plutôt vers la High Fantasy, j'avais altéré dans ma campagne le quartier du Labyrinthe (qui est les taudis mal-famés du Vieux Quartier) en un lieu magique où on ne peut pas se retrouver sans des guides spéciaux, ce qui peut expliquer que des bandits puissent s'y cacher en toute quiétude.
  • La Cité des Merveilles : une ville dans le monde de Glorantha que des amis français avaient détaillée de manière non-officielle sur le site Kethaela.fr. La Ville du Roi-Dieu de la théocratie de Kethaela était un lieu onirique de High Fantasy avec des miracles un peu partout, notamment le cycle des rêves puisque les Pêcheurs-Aveugles pouvaient récolter les songes des habitants et les stocker. Nous y avons joué une cinquantaine d'aventures d'HeroQuest sans vraiment se lasser de ce microcosme qu'on finissait par connaître par coeur.
  • Glantri : Une cité imitée de Venise dans le second monde officiel de Basic D&D, Mystara. Glantri a beaucoup de charme, avec des canaux alimentés par de l'hydromancie des Plans élémentaires aquatiques. C'est avant tout le centre diplomatique d'une Magiocratie, avec son Université de Magie et ses divers Collèges secrets des spécialités (les Sept Arts Occultes de Glantri : Alchimie, Cryptomancie, Dracologie, Magie des Songes, Elémentalisme - lui-même divisé en quatre -, Nécromancie, "Sorcellerie" - witchcraft). Glantri est une oligarchie aristocratique avec plusieurs Maisons de Princes-Magiciens en conflit, dont des familles elfes hispanophones, des dragons camouflés ou des vampires en kilt, et des ambassadeurs de tous les pays voisins.
    Un des secrets est aussi que la Cité a été construite au-dessus de la Source de la magie dans Mystara qu'on appelle la "Radiance", et il y a toute une campagne, Wrath of the Immortals, qui porte entièrement sur cette énigme de la Radiance.
    (Je ne veux pas le gâcher, mais le Secret de ce "rayonnement" radioactif est en fait un hommage direct au tout premier scénario de Blackmoor, The Temple of the Frog, avec le même mêlange de fantasy et de science-fiction).
  • Irilian : Une cité décrite dans White Dwarf #42-47 (1983). Elle n'est pas si originale mais elle avait le mérite de décrire quartier par quartier une campagne politique ambitieuse, qui allait lancer des pogroms contre des Nains boucs-émissaires et un grand soulèvement pour l'abolition de l'esclavage.
    Irilian fut sans doute le modèle de Laelith, la cité décrite dans Casus Belli, une ville à laquelle je n'ai jamais accroché, sans doute à cause de sa religion syncrétique simplifiée en 4 éléments - mais j'aime bien l'idée que l'Empereur-Dieu de Laelith, en symbiose avec une créature extraterrestre, avait un pouvoir de Lithomancie utile pour contrôler les bâtiments de sa Citén ce qui donne envie d'ajouter un "élémentaire ou génie poliade ou urbain".
  • Throal : Une cité naine dans Earthdawn reposant sur le commerce et l'accueil de réfugiés. Il y a de bonnes intrigues autour de la famille royale assez "libérale" (ils ont aboli l'esclavage) et les vieilles oligarchies plus traditionnalistes. La ville est aussi un gigantesque Marché et a la particularité d'avoir une partie composée de quartiers souterrains. Plus intéressante que l'autre grande ville d'Earthdawn, Vivane, qui n'avait comme seule particularité de symboliser les différences sociales avec un Haut-Quartier surélevé par rapport au Bas-Quartier à l'ombre du précédent.
  • Manifest : Une cité créée pour D&D3 dans le supplément Ghostwalk pour pouvoir jouer des fantômes. La particularité est qu'elle est un lieu à la frontière entre le monde matériel et l'au-delà et qu'elle est le lieu où les fantômes peuvent continuer à se matérialiser de manière tangible. L'idée d'une ville comme "seuil" entre deux mondes me paraît toujours intéressante comme métaphore, l'idée du seuil entre la Civilisation et l'Aventure, même si c'est devenu un cliché dans beaucoup de villes fictives depuis au moins Pavis.
  • Abyme : La cité créée par l'auteur français Matthieu Gaborit et adaptée en jeu de rôle (Agone) est aussi une Cité avec des canaux. Elle est construite au-dessus de Portes vers les Abysses Infernales et elle est donc l'endroit favori des Démonologues et de leurs notaires pour y signer des Pactes avec les puissances d'En-Bas. Elle a aussi la particularité d'être dirigée par des êtres inhumains, les Gros, qui sont sans doute inspirés de la métamorphose de Léto Atréide dans God-Emperor of Dune. Les Gros passent leur temps à des festins et orgies, et ils ne peuvent se déplacer mais leur cycle de vie est lié à une salamandre empathique qui vit dans leurs "plis" et qui leur permet de savoir tout ce qui se passe dans leur ville. La Ville a aussi des Archives bibliothécaires qui gardent les Pactes infernaux avec plusieurs niveaux sous terre.


  • Hollowfaust : Une ville créée dans le monde des Terres Balafrées, sur les cendres d'une cité recouverte par un Volcan et dirigée par des Nécromanciens Loyaux-Neutres. En dehors de l'animation des cadavres, la Cité-Etat n'a rien de maléfique, ce qui donne une ambiguïté morale intéressante à cette magie (si les PJs y meurent, leur corps sera ainsi récupéré par les autorités comme serf-zombie).



    Ghelspad avait beaucoup de Cités-Etats. Mithril est une théocratie loyale-bonne construite autour d'un Golem indestructible, lieu de pélerinage. Burok Torn est une cité naine assiégée par des ennemis. Shelzar est une ville du "vice", sorte de Las Vegas de fantasy.
  • Penitence : créée dans le monde d'Oathbound: Domains of the Forge, la plus grosse cité de jeu de rôle, je crois en taille (même si en quantité d'informations, elle doit être moins décrite que Ptolus ou Waterdeep). Penitence a l'air d'être une sorte de "Purgatoire" hors du monde, une Mégalopole vieille de centaines milliers d'années et constuite sur des douzaines de kilomètres, si ancienne qu'on ne remarque même plus le sol recouvert de plusieurs centaines de mètres de ruines amoncelées les unes sur les autres. D'un point de vue réaliste et notamment en tenant compte de l'alimentation, c'est bien sûr absurde (un peu comme l'écuménopolis de la bd Les Maîtres-Cartographes), mais l'idée d'une Mégalopole fantastique avec une dimension verticale est assez poétique. Il y a une Reine immortelle au centre de Pénitence avec ses agents, des oiseaux espions, mais aussi des douzaines d'aristocrates en guerre civile perpétuelle, chacun espérant un jour pouvoir détrôner la Dame Israfel pour acquérir son immortalité. La Ville est tellement grande que chaque quartier est une métropole, certains quartiers sont des Cités Utopiques et d'autres des tyrannies abominables.
  • 5 commentaires:

    1. Ça y est, j'ai trouvé la demi-heure qu'il me fallait pour lire le post en entier.

      J'ai toujours rêvé d'un scenario organisé autour d'un voyage sur l'Île des Morts, un peu sur le modèle de la géniale bande dessinée de Sorel et Mosdi.

      RépondreSupprimer
    2. Je ne connais pas la bd. Ca a l'air de ressembler à une atmosphère fantastique du jeu Maléfices ou de Cthulhu by Gaslight, c'est ça ?

      Il y a aussi la bd Monsieur Mardi-Gras des Cendres d'Eric Liberge qui pourrait donner des idées sur une vie dans un Purgatoire.

      La Descente aux Enfers est le symbole central de toute aventure, au moins métaphoriquement par le souterrain, et le jeu de rôle est un peu obsédé par cette image de la Nekuia, ce qui rend souvent attirante l'idée de faire de l'Hadès un des lieux à visiter (et dans ce cas, Wraith ou Orpheus sont les jeux de rôle par excellence puisqu'on y joue des morts explorant leur après-vie).

      RépondreSupprimer
    3. Voici la BD. Je te la conseille vivement (elle est sortie en un seul tome intégral, les BM l'ont parfois). J'adorais Wraith et j'avais jeté un coup d'oeil à Kult avant cela.

      RépondreSupprimer
    4. Il mes emble que vous avez omis Havena capitale de l'Aventurie monde del'oeil noir

      RépondreSupprimer
    5. Oui, j'ai oublié beaucoup de villes de jeu de rôle fantastique. Il faudrait notamment ajouter la ville de Legend of Five Rings, City of Lies. Je n'ai mis que celles que j'ai lues.

      RépondreSupprimer