jeudi 12 mars 2009
Iznogoud, comme il respire
Quel tourbillon de mythomane. Ca a quelque chose de fascinant, tous ces bobards avec perte de toute crédibilité. On ne sait même plus où donner de la tête. "L'Intègre" Jack Lang disait que si Badinguet dit que la Terre était ronde, ce serait vrai quand même, mais personnellement je crois que cela instillerait quelques doutes.
Les médias complices comme Le Monde refusaient de reprendre la nouvelle de RTL (le Président a à nouveau menti et son week-end dans un palace aurait en fait été payé par un narco-banquier présumé, Roberto Hernandez Ramirez, et non par les contribuables mexicains) mais c'est finalement un détail mineur (surtout qu'on avait l'habitude avec les voyages à l'île Maurice et les comptes en banque japonais de Chirac, et qu'il y a moins de conflits d'intérêt possible qu'avec Bolloré).
En revanche, je ne connais rien aux usages administratifs mais je suis surpris qu'on ne soit pas plus choqué par son autre mensonge bien plus grave où Badinguet avait dit qu'il avait obtenu l'accord de la Commission de déontologie sur le pantouflage de son conseiller (à la tête de banques qu'il a fait fusionner après y avoir été un des fondateurs du groupe Natexis) alors qu'il avait oublié de le leur demander, comme l'exigent les règles.
L'affaire précédente est une anecdote amusante, celle-ci me semble être une affaire d'Etat, si du moins nous étions encore dans un Etat de droit.
Le plus drôle est qu'il paraît que la Commission aurait sans doute donné son accord (parce que François Perol n'aurait pas eu de pouvoir de signature en tant que conseiller, si j'ai bien compris le Canard d'hier) et que ce bouillant brouillon de Badinguet s'est donc enferré lui-même dans un vice de procédure inutile, et ensuite dans le mensonge le plus manifeste et public pour le couvrir.
Franchement, s'il n'avait pas la chance d'une opposition aussi auto-détruite, il serait déjà à la Forteresse de Ham ou en exil chez ses amis aux îles Caïman.
Dans le genre contre-vérité incroyablement non subtile, NS avait également menti sur la procédure de nomination des présidents de France Télévisions et Radiofrance lors de son interview du 18 février, prétendant en ricanant que la procédure en vigueur était celle proposée par le PS alors même que son gouvernement venait de passer la semaine à la refuser (aucun journaliste présent n'avait relevé).
RépondreSupprimerMême par rapport à son prédecesseur, on a l'impression d'avoir baissé d'un cran : d'un côté, plus aucun habillage rhétorique, le mensonge passé en force à coup d'indignation ou de moquerie, de l'autre, presqu'aucune conséquence, quelques-uns signalent et passent à autre chose.
Il y a souvent eu de grands bluffs comme Mitterrand jouant les indignés quand les journalistes belges avaient osé l'interroger sur ses écoutes illégales ou en effet Chirac avec son "abracadrantesque". Mais avec le Président actuel, un vice politique commun est haussé au niveau d'une sorte de politique générale.
RépondreSupprimerNotre indulgence désabusée ou cynique envers le mensonge en politique est l'une des rares "exceptions françaises" dont j'aimerais voir le déclin (sans aller jusqu'aux excès de Kenneth Starr). S'i y avait un coût politique, il se calmerait peut-être un peu.
“L'affaire précédente est une anecdote amusante, celle-ci me semble être une affaire d'Etat, si du moins nous étions encore dans un Etat de droit.”
RépondreSupprimerIl y a trois facteurs qui expliquent pourquoi cette affaire ne décollent pas :
1. Le contrefactuel ne donne pas un résultat différent, comme tu l'as remarqué : la Commission aurait probablement validé la décision. Si ce n'était pas le cas, elle aurait démissionné.
2. Le système des commissions qui servent de arm's length bodies aux dominants est déjà à un stade avancé de putréfaction, à l'image des nominations de l'exécutif, comme le souligne maruku. Je pense que l'affaire Tapie a signé l'acte de décès symbolique d'un mécanisme administratif qui peut, lorsque cela arrange ses commanditaires, devenir totalement anti-bureaucratique, càd. totalement arbitraire.
3. Le champ journalistique ne possède ni les ressources ni les motivations pour enquêter correctement, et surtout pour maintenir la pression, sur ces scandales. Sauf le Canard (il y a même peut-être un effet détrimentiel à l'existence du Canard ici, avec un phénomène de free-riding qui désincite les autres médias à s'en occuper sérieusement).
Bonne analyse (tu aimes les arguments en 3 parties en ce moment :)).
RépondreSupprimerSans vouloir faire trop dans un wébérianisme culturel simplifié, il y a peut-être aussi une indulgence particulière à l'égard des violations de procédures formelles qui entretient le point 3.
Une étude souvent citée par Raymond Boudon montrait que les Français acceptaient les pratiques informelles et copinages infiniment plus facilement que les austères Suédois. C'est l'idée (que j'ai l'impression de répéter à chaque post tant elle m'a traumatisé) de La Société de défiance. Comment le modèle social français s'autodétruit
de Yann Algan et Pierre Cahuc.
Là comme d'habitude, Badinguet voit ce qui ne va pas en France et il décide de l'agraver.
Je me suis régalé en lisant Algan et Cahuc – tellement que j'ai même acheté le livre après avoir téléchargé le fichier, et tellement que je me suis douté qu'une partie de l'attrait pour l'argument était irrationnelle et avuglante sur les faiblesses de l'ouvrage. J'ai trouvé qq commentaires critiques sur la méthodologie qui vont dans ce sens (sur nonfiction.fr ou laviedesidees.fr - je ne sais plus).
RépondreSupprimerLes 3 points partout et pour tout c'est une déformation professionnelle héritée de l'IEP !