mardi 28 avril 2009

L'Œuf et le Trèfle en Lobe



Le prolifique et polymathe auteur de science-fiction Isaac Asimov, qui a publié environ 500 livres en 72 ans (dont, certes, un grand nombre d'anthologies ou sélections), aurait la particularité bibliographique d'avoir écrit dans toutes les catégories de la Classification Dewey sauf en Philosophie. C'est curieux quand on sait que cet ancien chimiste athée a aussi publié des livres sur la religion et qu'après tout la Fiction spéculative semble s'approcher plus d'un questionnement philosophique que ses deux livres sur le lexique qui entrent vaguement en linguistique.

Ce petit article "I'm Looking Over a Four-Leaf Clover" (Fantasy & Science Fiction Magazine, Sept 1966, repris dans Science, Numbers, and I, 1968 et Asimov On Science, 1989) semble assez spéculatif pour un texte de vulgarisation sur la physique théorique des années 60.

Il dit que la cosmologie peut proposer un modèle sur la question métaphysique "Pourquoi y a-t-il Quelque chose plutôt que Rien" en utilisant le Big Bang et une sorte d'Eternel Retour ne reposant que sur des principes généraux de symétrie.

Je ne sais absolument pas jusqu'où il est métaphorique mais en gros l'univers serait une oscillation entre un Œuf Cosmique, l'expansion et la contraction.

Dans cet atome primordial, il y aurait équilibre entre les particules subatomiques de propriétés opposées qui se neutraliseraient. Asimov ne mentionne comme particules élémentaires que les baryons + antibaryons (protons + antiprotons, neutrons + antineutrons), les leptons (électrons + positrons, neutrinos + anti-neutrinos) et certains bosons (photons). Il écrit avant que le modèle standard ne se stabilise dans les années 70 sur les divers bosons de gauge, boson de Higgs et gluons.

Là où cela décolle dans la spéculation est qu'Asimov suppose que les anti-particules "remontent le temps" (l'orientation du temps alors ne dépendant en fait que des propriétés de la matière ou de l'anti-matière).

Il pose que le Principe de conservation et un Principe cosmogonique d'une origine équilibrée peuvent conduire à un Œuf de photons (de "photonium") où se rencontrent ce qu'il appelle un "cosmon" (les neutrons de notre matière qui suivent notre ligne du temps) et un "anticosmon" (les antineutrons avec un temps symétrique).

In other words the cosmon moves forward in time when it is expanding, and backward when it is contracting. The anticosmon (behaving symmetrically) moves backward in time when it is expanding, and forward in time when it is contracting. Each does this over and over again.

Instead of an oscillating Universe, we have an oscillating double-Universe, the two oscillations being exactly in phase, and both Universes coming together to form a combined cosmic egg of photonium.


Il règle ainsi l'existence de la charge électrique mais il lui reste encore un excédent d'énergie. Pour respecter son Principe cosmogonique d'une origine neutre ou équilibrée (qui a fonctionné pour la matière baryonique), il ajoute donc par stipulation une "anti-énergie", ce qui lui donne une quadruple oscillation, exigée seulement par des principes de symétrie sur des propriétés connnues.

Il appelle ce modèle avec symétrie matière/antimatière le "Trèfle à Quatre Feuille", ce qui donne cette jolie fin, où il semble dialoguer avec les antinomies cosmologiques de la Dialectique transcendantale sur le temps et l'éternité (dont il avait déjà traité dans son roman sur le voyage dans le temps dix ans avant, The End of Eternity, 1955, où un univers au temps "paradoxal" se retrouve immergé dans un multivers).


Quand le cosmon, l'anticosmon, le cosmon-négatif, et l'anticosmon-négatifs convergent tous les quatre, ils produisent - Rien.

Au commencement, il n'y a Rien.
A la fin, il n'y a Rien.

Mais si nous commençons par Rien, pourquoi ne reste-t-il pas rien ? Pourquoi le devrait-il ? Nous pouvons dire que "0 + 0" et "+1 + (- 1)" sont des manières équivalentes de dire le "zero" ; et pourquoi l'une devrait-elle être plus "naturelle" " que l'autre ? La situation peut glisser du Rien au Quatre-Feuille sans difficulté, parce que rien d'essentiel n'a été changé par cette transition.

- Mais pourquoi le passage devrait-il advenir à un moment plutôt qu'à un autre ? Le seul fait qu'il advient à un moment particulier signifie que quelque chose lui a fait effectuer ce passage.

- Vraiment ? Que voulez-vous dire par temps ? Le temps et l'espace existent seulement en liaison avec l'expansion et la contraction des feuilles du Quatre-Feuilles. Quand les feuilles n'existent pas, le temps et l'espace non plus.

Au commencement, il n'y a Rien - pas même le temps ou l'espace.

Le Quatre-Feuille n'advient en aucun temps particulier et dans aucun lieu particulier. Quand il existe, le temps et l'espace existent dans un cycle d'expansion et de contraction qui prend 80 milliards d'ans. Il y a alors un intervalle intemporel et sans espace et encore une expansion et une contraction. Puisqu'il n'y a rien que nous puissions faire avec un intervalle intemporel et sans espace, nous pouvons l'éliminer et considérer que les cycles de l'expansion et de contraction se suivent immédiatement les uns après les autres. Nous avons alors un quadruple-Univers en oscillation, un Quatre-Feuille.

Et qui prétend qu'il ne doit y en avoir qu'un ? Il n'y a aucune limite, aucune frontière, aucune extrémité, aucun bord au néant. Il peut donc y avoir un nombre infini de quatre-feuilles en oscillation, séparés par quelque chose qui n'est ni temps ni espace.

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