Jonathan Schwartz fait la liste impressionnante des sommes reçues par Lawrence Summers, directeur du Conseil Economique National d'Obama (et dernier Secrétaire au Trésor de Clinton en 1999-2001 qui soutint la dérégulation du secteur financier à cette période et se dit partisan de Milton Friedman).
Non seulement Larry Summers a reçu au minimum 5,2 millions de dollar d'un Fond d'investisseurs l'an dernier mais voici les sommes reçues d'institutions bancaires pour de simples discours :
GIANT BAILOUT SECTOR
Goldman Sachs: $202,500 (two speeches)
Citigroup: $99,000 (two speeches)
JP Morgan: $67,500
Merrill Lynch: $45,000 (donated to charity)
DOMESTIC FINANCIAL SECTOR
Investec Bank: $157,500
State Street Corporation: $112,500
Pricewaterhouse Coopers LLC: $67,500
Lehman Brothers: $67,500
American Express: $67,500
Siguler Guff & Company (private equity): $67,500
TA Associates (private equity): $67,500
Charles River Ventures (Venture Capital): $67,500
FOREIGN FINANCIAL SECTOR
Skagen Funds (Scandinavian mutual fund): $180,000 (three speeches)
Centro de Liderazgo y Gestion (the Center for Leadership and Management, in Colombia): $112,500
Association of Mexican Bankers: $90,000
OTHER
Securities Industry & Financial Markets Association: $33,750
Pension Real Estate Association: $67,500
Hudson Institute: $10,000
200 000 dollars pour deux discours à Goldman-Sachs, cela doit faire cher du mot prononcé. Des millions de dollars d'institutions auxquelles il doit ensuite accorder des milliards de dollars d'aide public, mais heureusement cela n'a rien à voir car Summers est un Homme Honorable.
On parle souvent du conflit d'intérêt entre l'ex-Secrétaire au Trésor de Bush, Henry Paulson, ancien de Goldman-Sachs et qui laissa mourir Lehman Brothers, principal concurrent de Goldman-Sachs, mais Larry Summers respire de toute évidence l'intégrité.
Comme le fait remarquer Glenn Greenwald, Summers n'a pas reçu ces sommes il y a une éternité. Il a touché 135 000$ de Goldman-Sachs il y a un an, alors que Goldman-Sachs savait déjà qu'Obama était le Président potentiel et qu'il nommerait sans doute Lawrence Summers à un poste à responsabilité. Summers dut d'ailleurs donner l'argent de Merril-Lynch à des organisations charitables mais à ce moment-là, la Crise avait non seulement éclaté et Obama avait déjà été élu.
Quand bien même le Plan de sauvetage était vraiment optimal ou du moins le meilleur réalisable dans les circonstances politiques, cette corruption en millions de Summers contamine et compromet toute l'éthique du gouvernement et même toute crédibilité de ses projets.
Tous les experts autour d'Obama, Rubin, Summers et Geithner sont accusés d'avoir bloqué la régulation financière dans les années 90 tout comme les Républicains.
On n'a jamais eu l'illusion que l'aile obamienne du Parti démocrate pouvait être pure de ces compromissions (voir les sommes reçues par la campagne Obama) mais le cas de Summers commence à atteindre un point où c'est indéfendable et bien pire que toutes les petites fraudes fiscales.
Comme dit Simon Johnson (de ces gauchistes du FMI) dans son article sur "Le Coup d'Etat Tranquille", où il analyse comment la première puissance mondiale au lieu de former des Républiques bananières a fini par en devenir une :
"L'industrie de la finance" a réussi à prendre possession (capture) de notre gouvernement -- un état de chose qu'on décrit d'habitude dans des marchés émergents et qui est au centre de nombreuses crises dans ces marchés émergents.
(...)
Cependant la pression sur les oligarques est rarement la stratégie choisie dans les gouvernements de marchés émergents. Au contraire : au début de la crise, les oligarques sont d'habitude parmi les premiers à recevoir de l'aide supplémentaire du gouvernement, comme un accès préférentiel aux devises étrangères ou peut-être une agréable réduction d'impôt, ou - et voilà une technique classique de renflouement du Kremlin - la reprise des obligations de dettes privées par le gouvernement. Pendant ce temps, puisqu'il faut bien presser quelqu'un, la plupart des gouvernements de marchés émergents s'attaquent d'abord aux travailleurs ordinaires, du moins tant que les émeutes ne se propagent pas trop.
(...)
Pour paraphraser Joseph Schumpeter, l'économiste du début du XXe siècle, tout le monde a des élites ; l'important est d'en changer de temps en temps. Si les États-Unis étaient un autre pays, venant mendier au FMI, je pourrais être assez optimiste sur son avenir. La plupart des crises des marchés émergents que j'ai mentionnées se sont terminées relativement rapidement. Mais cela, hélas, nous amène à la limite de l'analogie entre les États-Unis et les marchés émergents. (...)
Les États-Unis, naturellement, sont la nation la plus puissante du monde, démesurément riche, et dôtée du privilège exorbitant de payer leurs dettes extérieures dans leur propre devise, qu'ils peuvent imprimer. En conséquence, ils pourraient très bien tenir en titubant pendant des années, en ne rassemblant jamais le courage de faire ce qu'il faut et en ne se rétablissant jamais vraiment. Une rupture nette avec le passé, qui implique la nationalisation et le nettoyage des principales banques, semble loin d'être certaine en ce moment. Et sans aucun doute, personne au FMI ne peut les y contraindre. (...)
L'opinion dans les élites est toujours que la récession actuelle « ne peut pas être aussi grave que la Grande Dépression. » Cette conception est fausse. Ce à quoi nous faisons face maintenant pourrait, en fait, être bien plus grave que la Grande Dépression -- parce que le monde est désormais tellement plus inter-connecté et parce que le secteur bancaire est devenu si important. Nous faisons face à une récession synchronisée dans presque tous les pays, à une chute de confiance parmi des individus et des sociétés, et à des problèmes majeurs pour des finances de gouvernement. Si nos dirigeants prennent conscience des conséquences potentielles, nous pouvons encore voir une action sur le système bancaire et une rupture avec les anciennes élites. Espérons qu'il ne sera pas déjà trop tard.
Add. Via Tehu, cet article de Simon Johnson a été traduit chez Paul Jorion.
L'article de S.Johnson vient d'être traduit en français par les lecteurs de Paul Jorion, qui avait auparavant donné son opinion.
RépondreSupprimerJe ne sais pas si tu suis le blog de cet anthropologue belge, vivant aux US. Il y a beaucoup de commentateurs qui passent (dont quelques larouchiens vite démasqués)
Je me suis rappelé de cette video de PJ mise en ligne en février, parlant de ce texte de J-Max Granier : quelle posture (A,B,C,D) adopter face à la crise ? À l'époque, P.J. était en posture C. Mais depuis, il glisse ostensiblement (influencé par ses commentateurs ?) vers la D.
Pour ma part, il y a une phrase que je ressortirai de "The Quiet Coup": Anything that is too big to fail is too big to exist.
Non, je ne connaissais pas, merci, c'est en effet dans le genre de lectures au carrefour de philo et actualités américaines qui m'intéressent !
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