lundi 28 septembre 2009
Biais pro-artiste
On peut certes discuter sur les différences entre les prescriptions après 31 ans mais, comme le rappelle Kieran Healy, il y a de ce côté-ci de l'Atlantique un préjugé disproportionné dans la couverture médiatique en faveur de Polanski au point qu'on euphémise et refoule le témoignage de la victime. L'article de Libé d'aujourd'hui est symptomatique. Il a presque l'air de dire que tout est de la faute de la mère de la victime ou bien du contexte du ressentiment sur la mort de Sharon Tate. Systématiquement, on ne parle que d'hystérie américaine, d'acharnement absurde et on glisse avec mauvaise foi sur les faits allégués (les journaux parlaient ce matin d'une "vieille affaire", sans préciser). Certains laissent même croire qu'il ne s'agirait que d'une affaire consensuelle mal interprétée.
Le problème est un préjugé français qui doit remonter à la crainte d'être du mauvais côté face à Baudelaire ou Flaubert ou face à Oscar Wilde. Il y a eu des cas réels encore au XXe siècle où des artistes ont pu être victimes de procès "puritains" ou idéologiques. Charlie Chaplin fut condamné en 1943 à verser une pension alimentaire pour un enfant dont il avait pu prouver par des tests sanguins qu'il n'était pas le père. Il était condamné parce qu'il aurait pu l'être.
Mais ce n'est pas le cas du crime réel de Polanski.
On est étonné que la vraie victime dans cette affaire (autant qu'on sache) soit si facilement écartée comme une manipulatrice dès que l'accusé a assez bonne réputation artistique pour être au-dessus du jugement normal. On a de bonnes raisons de ne pas faire dépendre un jugement esthétique sur une oeuvre d'un jugement éthique sur l'auteur mais il ne faudrait pas aller jusqu'à l'autre extrême et décréter que les décisions judiciaires doivent nécessairement s'effacer derrière un jugement esthétique.
Tout à fait d'accord. Les médias français oublient un peu vite que ce dont Polanski est accusé, et probablement coupable, c'est de la pédophilie, purement et simplement.
RépondreSupprimerMy point exactly.
RépondreSupprimerCela dit, le consensus ne doit pas être si fort en sa faveur : hier, les Guignols faisaient un sketch corrosif sur Frédéric Mitterrand, sur le thème "On n'irait quand même pas condamner Francis Heaulme s'il avait réalisé Citizen Kane !".
RépondreSupprimerScott Lemieux parle aussi du documentaire en faveur de Polanski.
Oui, bon... Mais que celui qui n'a jamais violé une fille de 13 ans après lui avoir fait boire du champagne et absorber des amphétamines lui jette la première pierre...
RépondreSupprimerLe problème me semble mal posé.
RépondreSupprimerSur le fond, il s'agit de savoir si au bout de 32 ou 33 ans, les faits reprochés et avérés peuvent être prescrits. Peut-il exister des faits imprescriptibles ?
http://www.senat.fr/rap/r06-338/r06-3382.html
"Cela dit, le consensus ne doit pas être si fort en sa faveur..."
RépondreSupprimerMais il n'y a pas de consensus en sa faveur ( à part peut-être chez les artistes)! A lire les commentaires sur les blogs ou les journaux en ligne,le biais pro- artiste des français apparaît largement compensé par leur "biais" anti-pédophile.
C'est la lecture en terme d'opposition transatlantique qui résulte d'un biais.
> Hugues
RépondreSupprimerA proposer à Frédéric Mitterrand.
> Tlön
Oui, je suis d'accord, comme je l'ai dit en première phrase, le problème de la prescription est légitime mais comme le fait remarquer Maître Eolas et Sub Lege Libertas, c'est la fuite de Polanski et la poursuite continue de la procédure qui ont ainsi dépassé la prescription. Et si Polanski avait fui un procès par contumace en France, il en aurait été de même.
On sait que la victime depuis 1997 a décidé qu'elle ne voulait plus que Polanski soit poursuivi parce qu'elle en avait assez qu'on la traîne dans la boue, mais cela n'arrête pas le mandat.
> Elias
Consensus est peut-être trop fort (notamment sur la blogosphère qui me paraissait en effet moins rapide à crier à l'injustice puritaine) mais disons vue majoritaire chez les journalistes français : les radios parlaient vraiment hier d'une "affaire de moeurs" ou d'une "vieille affaire" sans rien préciser du viol caractérisé.
Mais je regrette un peu mon post lourd (comme s'il n'était pas évident que la justice devrait être indifférente à l'éventuelle qualité des films !). L'ironie était la meilleure manière d'en traiter comme chez Versac, qui mêle deux mèmes de l'actualité.
Bah... Ça me rappelle les couvertures à la mort de Mickael Jackson: une petite fille blonde, et le titre "Allez-lui dire que son père était pédophile!"
RépondreSupprimerWTF?? La presse, c'est n'importe quoi.
L'euphémisation continue : cette pétition des artistes (qui veut créer une immunité pour festivalier) parle d'une "affaire de moeurs".
RépondreSupprimerLa victime de 13 ans a raconté en détails que le cinéaste de 44 ans lui avait donné du champagne et du quaalude et l'avait ensuite violentée alors qu'elle lui demandait d'arrêter. 20 ans après, en 1997, elle a certes ajouté qu'elle ne voulait plus de poursuites après l'accord.