vendredi 19 mars 2010

Simplisme décomplexé


Batman, insultant les Auvergnats

  • Peut-être qu'on simplifie abusivement en disant que toute la démagogie récente envers le "Corps traditionnel" (l'identité nationale et M. Brice Hortefeux, l'affaire Francis Delattre-Axel Poniatowski - par une coïncidence familiale ce Poniatowski descend du Duc de Morny, demi-frère et homme des basses oeuvres du Badinguet précédent) aurait vraiment favorisé la remontée (relative) du FN (qui a quand même baissé en chiffres absolus, même si ce score lui redonne confiance).

    Peut-être est-ce en partie l'inverse : c'est parce que Badinguet et son âme damnée sondeur d'extrême droite Patrick Buisson avaient des sondages indiquant la désaffection des électeurs du FN qu'ils ont voulu relancer le débat sur l'identité nationale.

    Ces débats "décomplexés" n'auraient donc pas été une cause mais plutôt un symptôme de ce qui s'annonçait et une nouvelle preuve du mépris du Président pour ses propres électeurs.

    Comme dit bien Emmanuel Todd :

    Il faut ajouter un facteur spécifique à Nicolas Sarkozy : tout se passe comme si, pour lui, le peuple de droite n’était composé que de racistes et de super-riches.

    Pour plaire aux premiers, il organise le débat sur l’identité nationale ; aux seconds, il donne le bouclier fiscal.

    Sa proximité exhibée avec l’oligarchie, les baisses d’impôts, l’utilisation de l’appareil d’Etat au service des copains ou encore les coupes dans le budget des services publics le placent en contradiction avec le cœur de l’électorat de droite : les personnes âgées.

    Annoncer à la veille du scrutin une réforme des retraites après avoir attaqué ostensiblement le système hospitalier - le service public auquel les personnes âgées ont le plus souvent affaire - c’était prendre un risque électoral majeur. Selon l’enquête OpinionWay (1), l’UMP ne recueille que 38% des voix chez les plus de 60 ans contre 42% pour la gauche, en additionnant le PS, Europe Ecologie et le Front de gauche.

    Sarkozy a un pouvoir de nuisance énorme (la manière dont il savoure l'Ouverture avec perversité pour conquérir la Guyane le rappelle, puisqu'il a débauché un nouveau maire socialiste, Rodolphe Alexandre, pour brouiller les cartes).

    Mais il est toujours assez destructeur pour que son talent nihiliste finisse par se retourner contre lui (et c'est peut-être le cas de l'Ouverture qui sème le désordre dans l'Opposition mais en écoeurant la Majorité). Il trahit tellement qu'il se trahit aussi lui-même.

    Quinquagénaire post-mai-soixante-huitard jouisseur élu par la nouvelle Gérontocratie inquiète en 2007 en favorisant leurs craintes, il a réussi à les angoisser assez vite. Mais la popularité de François Fillon laisse penser que Badinguet aurait pu mener plus intelligemment la même politique sans décevoir autant l'électorat âgé. La trahison de l'électorat populaire semblait en revanche très prévisible.



  • Bernard Maris a un petit récapitulatif de l'action de notre Berlusconi dans Charlie-Hebdo :

    En deux ans, il a donné une partie du produit national à la droite à travers la réforme fiscale et la loi Tepa.

    Il a cassé l'ascenseur social qui déjà montait bien lentement en réformant l'héritage, il a mené une forte offensive contre la laïcité, osé des discours qui feront tache dans l'histoire de France, comme celui du Latran sur le prêtre au-dessus de l'instituteur ou celui de Dakar sur l'Européen "historique" au-dessus de l'Africain hors de l'histoire, montré une vraie détestation poujadiste de la fonction publique et de l'Education nationale en particulier ; dans une vision libérale primaire et sectaire de l'économie, il a estimé qu'on enrichissait le pays en supprimant des emplois publics ; la privatisation tentée de La Poste, la réforme judiciaire, la réforme annoncée des hôpitaux, l'entrée des mutuelles et des assurances privées dans la gestion des longues maladies, tout ce saccage a été accompagné d'un discours ridiculement social-démocrate, où l'on raconte que le modèle social a mieux protégé la France que les autres pays de la crise.

    Sa politique sécuritaire a fini par installer un sentiment d'insécurité et de peur vis-à-vis de la police et non des voyous, dans un pays où la garde à vue et le traitement des prisonniers sont un scandale, et son débat sur l'identité nationale a remis en selle le Front national. Clavier, Pérol, Proglio, Charasse, les copains ont été bien servis, les restaurateurs aussi, bravo.

    Mais ce n'est pas fini. Que va-t-il faire maintenant ? Achever la réforme judiciaire et préparer celle des retraites. Depuis toujours, Nicolas Sarkozy, avocat d'affaires, et ses copains, avocat d'affaires, ont dans le collimateur l'abus de bien social. L'abus de bien social, dont la prescription peut être très longue (puisqu'elle court depuis la découverte des faits) ennuie les hommes "d'affaires" qui la considèrent comme une épée de Damoclès. L'ABS a permis à des juges d'instruction rigoureux de mettre au jour de belles affaires.

    Le juge d'instruction est supprimé et ses pouvoirs transférés pour l'essentiel au procureur ; le sens de la réforme est limpide : on placardise définitivement les affaires politico-financières et on donne à l'exécutif les moyens de contrôler les enquêtes qui pourraient embarrasser les copains. Le mur qui protégeait l'instruction de toute intrusion de l'exécutif est abattu. Fini les affaires, et fini les petits juges, au prétexte qu'un guignol s'est mal comporté à Outreau. La justice est sous tutelle politique. Les enquêtes sur la corruption disparaissent par un changement de la règle de la prescription pour les délits financiers : le nouveau code de procédure prévoirait que tout délit serait prescrit six ans après la date où l'instruction a été commise, et ce, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée. Si ce point est adopté, ce sera un changement scandaleux car les délits financiers ne sont souvent découverts que de longues années après les faits. La réforme de la justice menée par Rachida Dati et beaucoup plus efficacement et discrètement par MAM (dont on n'oubliera jamais la haute conception de la démocratie avec l'affaire Julien Coupat) est une scandaleuse régression démocratique. Les coquins se frottent les mains.



  • Et puisqu'on parle de détournements, on peut regretter que le Clientélisme franc et décomplexé ne fasse plus recette.

    Les propos francs et décomplexés de Marie-Luce Penchard, Ministre chargée de l'Outre-Mer, déclarant qu'elle ferait en sorte que l'argent de l'Outre-Mer n'aille qu'à son île de Guadeloupe, n'ont servi à rien. Elle était numéro deux de la liste UMP dirigée par Blaise Aldo, qui n'a obtenu que 14% (contre 56% contre la liste PS-Verts-MoDem). Parfois, c'est à se demander si l'électeur est toujours capable de comprendre le profit immédiat qu'une politique de rouerie sans hypocrisie peut offrir.
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