vendredi 10 septembre 2010

Alan Moore brûle les derniers ponts avec l'industrie du comic-book



La nouvelle interview du scénariste Alan Moore est assez distrayante en entrant dans les détails de ses confrontrations récentes avec DC Comics à propos de Watchmen (mais il avait déjà résumé la substance dans une brève interview sur Wired).

En gros, et si j'ai bien compris les discussions (mais le droit, et le droit de la popriété intellectuelle, me sont complètement inconnus), Moore ne possède pas les droits de Watchmen mais il a bien un certain droit moral sur les personnages. DC peut distribuer, rééditer le comic et en vendre les droits au cinéma sans consulter Moore (sinon, le film ou le jeu vidéo n'exiseraient pas). Mais si DC décidait d'utiliser les personnages du comic pour publier des Suites ou des Prequels, ils risqueraient un procès d'Alan Moore qui ne veut en entendre parler à aucun prix. De toute évidence, le fait qu'on ne voie pas ces produits implique qu'ils le craignent vraiment ou qu'ils ont un doute sur la manière dont un procès se déroulerait.

Alan Moore a quitté DC Comics en partie parce qu'il jugeait que DC ne lui accordait pas une part honnête des royalties sur Watchmen. A présent, DC lui a proposé de posséder les droits du comic originel en échange d'un engagement qu'il ne s'opposerait pas à ce que DC puisse utiliser les personnages dans des Suites / Prequels ou produits dérivés.

Alan Moore avait déjà réussi à faire interdire des figurines dans les années 80 - n'importe qui qui a lu Watchmen se rend compte à quel point de tels jouets auraient été ironiquement de mauvais goût puisque la scène où Ozymandias commercialise cyniquement des figurines de lui est une métaphore de son utilitarisme.

[En revanche, Alan Moore avait autorisé à l'époque des suppléments de jeu de rôle (pour le DC Heroes de Mayfair Games) pas mauvais, écrits par Ray Winninger, dont un scénario original qui se déroule pendant la Convention démocrate de Chicago en 1968, qu'on voit aussi dans les romans Wild Cards). Mais la bd de Moore Big Numbers a vite critiqué l'escapisme immature du jeu de rôle avec une allusion à un jeu simulationniste Real Life (où la majorité des personnages ne dépendent que du hasard de leur naissance et de leur Classe socio-professionnelle et non de leurs actions). ]

L'interview paraît très amer lorsque Alan Moore dit qu'il ne veut plus entendre même mentionner le nom de Watchmen et qu'il considère que le film ne peut que nuire à son oeuvre prévue pour son medium graphique séquentiel. Il a refusé tout royalty sur le film et a donc laissé entièrement sa part au dessinateur Dave Gibbons (tout comme il a laissé sa part des rentrées cinéma de V For Vendetta à l'artiste David Lloyd), mais il avoue qu'il en veut aux deux dessinateurs (1) d'avoir accepté ce marché ; (2) de ne pas l'avoir remercié d'avoir obtenu ainsi 100% des royalties des films. Il dit "ne plus parler à ses deux amis" désormais pour ces raisons (et parce que Gibbons aurait tenté de le convaincre de signer un accord avec DC)...

J'allais presque ironiser sur certains passages de l'interview où il semble toujours présenter Warner/DC comme une sombre corporation qui tenterait de le manipuler par des subterfuges tortueux en proposant du travail à ses amis ou au contraire en refusant du travail à ses amis.

Mais les commentaires des fans à l'interview sont souvent incroyablement ridicules ("Comment OSE-t-il nous empêcher d'avoir une série Rorschach ou des petites poupées Dr Manhattan ??") et les réactions exagérées ne font qu'appuyer sur le vide créatif des comics ("Comment OSE-t-il dire que les comics US mainstream feraient mieux de tenter de créer de nouveaux personnages plus intéressants au lieu de traire sans cesse une oeuvre publiée il y a 25 ans et qui était censée former un tout fermé sur lui-même ?"). L'idée même d'intégrité artistique a l'air de paraître un caprice de diva exotique aux yeux de la plupart.

Et la goutte d'eau est ce twitter crétin du plus mauvais dessinateur qui a déjà tant abimé les comics, Rob Liefeld :

Been saying Alan Moore is a certifiable nut job for years. He continues to prove it over and over again.

L'erreur de Moore a plutôt été de tenter de transformer Supreme, ce plagiat médiocre et sans imagination de Superman par Liefeld, en un hommage charmant à tout ce que Liefeld ne pourra jamais comprendre (ce qui était en fait une métaphore sur des possibilités du genre superhéros qui ne seraient peut-être pas complètement épuisées par la satire post-moderne de Watchmen).

La tentative de Supreme était d'autant plus gênante puisque Liefeld gâchait tous les scénarios que Moore pouvait lui fournir en étant complètement incapable de les illustrer (non seulement incapable dans un temps raisonnable mais même incapable artistiquement ou intellectuellement - heureusement, Moore imposa vite d'autres dessinateurs plus compétents comme Chris Sprouse).

Les suites se feront quand même, avec le scénariste Grant Morrison, l'ombre dégradée du reflet d'Alan Moore, qui peut singer de vagues messages anarcho-mystiques ou reprendre une prétention artistique mais sans arriver à la subtilité de l'original (bien que Morrison ait sans doute une érudition geek plus poussée et donc plus d'attachement au Genre superhéroïque que Moore).

La ruse de Morrison a été de créer une nouvelle Terre parallèle (la nouvelle Terre-4) avec des analogues des personnages de Watchmen, qui étaient eux-mêmes à l'origine des analogues sur un autre monde (Terre-W ?) des personnages de Charlton Comics sur la Terre 4 originelle (et Morrison, qui est certes malin, promettait des histoires qui soient elles-mêmes des hommages auto-référentiels à la structure si formaliste de Watchmen).

Je n'ai aucune envie de lire d'autres auteurs sur Rorschach ou Nite-Owl mais malgré les appels au boycott de Moore, je voudrais quand même voir comment Morrison serait éventuellement stimulé par l'émulation avec le chef d'oeuvre intitial de l'Invasion Britannique dans les comics. Cela risque d'être un désastre mais après tout l'oeuvre originelle ne serait pas affectée.

Par ailleurs, je crois que Mme Penchard POW BANG.

4 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas Rob Liefeld, mais après une recherche sur Google image (qui m'a montré ses dessins, assez moches par ailleurs), je suis tombé là-dessus :

    Image

    Du grand art !

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  2. Légendaire en effet. Il y a des artistes maniéristes comme El Greco ou Ingres qui réinventent l'anatomie humaine dans des buts expressifs... et il y a Liefeld.

    Il y a de nombreux sites consacrés à l'autopsie de cette catastrophe graphique comme Rob Liefeld's Worst Drawings et surtout cette dissection de sa version de son Captain America (avec le classique Liefeld ne sait pas dessiner les pieds alors le simple fait de traverser une pièce devient un funambule au milieu de la pièce et cet enfant a une jambe d'éléphant et un moignon atrophié).

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  3. http://de.acidcow.com/pics/20100908/acid_picdump_39.jpg

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  4. Mais qui est-ce au Niveau 1 dans l'image ?

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