B6 The Veiled Society (1984) est écrit par David "Zeb" Cook, qui avait édité les règles de D&D Expert et écrit de nombreux modules célèbres comme le A1: Slave Pits of the Undercity (1980), I1: Dwellers of the Forbidden City (1981), X1: The Isle of Dread (1981), X4: Master of the Desert Nomads (1983) et X5: Temple of Death (1983).
Le B6 est très bref (moins de 20 pages contre 36 d'habitude, beaucoup de place est pris pour des plans et figures de carton à monter) mais c'est la première aventure urbaine (mon genre favori) pour la série "B" et l'une des premières tout court pour D&D. Toute l'action se déroule en effet dans la ville de Specularum, capitale du Grand Duché de Karameikos et c'est donc l'une des premières descriptions de ce pays (qui était à peine esquissé dans les règles Expert et le X1).
Il y a d'ailleurs quelques petits problèmes de continuité pour les maniaques de cohérence qui se délectent de l'histoire du Monde Connu de Mystara. La carte de Specularum n'est pas assez détaillée (ne cherchez pas le module comme une source sur cette ville) mais est différente de celle qui sera donnée ensuite dans le Gazetteer 1 The Grand Duchy of Karameikos (1987) d'Aaron Allston : dans le B6 (et le X1), la baie est seulement maritime au sud alors que le Gazetteer 1 trace une baie fluviale le long de la rivière Volaga à l'est et qu'on est donc encore un peu en amont de l'embouchure sur la Mer de la Terreur. Allston avait dû changer la carte de la capitale pour tenir mieux compte de la carte de tout le territoire, j'imagine. Le port est ouvert dans le B6, bien fermé ensuite.
Le texte de David Cook semble aussi laisser penser que le Grand Duc de Karameikos, Stéphane III, n'est pas vraiment le premier Duc alors qu'Allston (sans doute à cause du B10) dira ensuite que le Duc Stéphane actuel est le premier gouverneur suzerain de ce territoire (Stéphane "III" renvoyant seulement à sa dynastie thyatienne) et il n'est arrivé qu'il y a seulement trente ans. D'autres aventures de Cook seront aussi annulées pour manque de cohérence avec le reste. Toute l'action du X4-X5 avec les invasions des déserts de l'Ouest qui déstabilisent tout le continent sera rétroactivement placée deux siècles dans le futur par rapport au temps normal de la campagne. En 1984, David Cook a aussi publié une courte aventure avec l'écran du Maître du Donjon, le AC2 Combat Shield and Mini-Adventure où il dit (d'après cette conversation) qu'un ancien Duc Stéphane (qu'on imagine donc ancêtre du Stéphane III actuel) avait fini sa vie comme ermite dans le coin quelques décennies avant, ce qui n'est pas vraiment compatible avec la version officielle d'Aaron Allston puisque le Karameikos vient à peine de commencer à être colonisé par l'aristocratie thyatienne depuis une génération.
David Cook a clairement choisi comme modèle pour Specularum une sorte de Roumanie fantastique quand on voit les noms, qui mélangent grec (Theodosios, Dimitrios), roumain (Anton Torenescu) et slave (avec peut-être une goutte de hongrois).
L'aventure est un module de jeu de rôle qui abandonne les conventions Old School (un Lieu et aucune histoire sauf celle qui sera forgée par les joueurs) pour construire une intrigue "policière" où les personnages devront enquêter sur un meurtre, une manipulation et éviter les fausses pistes et les pièges sur les divers accusés potentiels entre les trois Maisons principales des Radu, des Torenescu et des Vorloi, et la "Société Voilée", organisation criminelle secrète.
Mais il est difficile de construire une vraie intrigue criminelle et ici, elle redevient un peu linéaire assez vite malgré ces fausses pistes (la linéarité est un risque dès qu'il y a une histoire). Il suffit de chercher les indices, ce qui est certes anachronique dans un monde médiéval, mais il est inévitable de jouer à Sherlock Holmes même sans méthode moderne ou sans "police scientifique". Cela doit conduire assez directement aux coupables. Mais dans mon expérience de narrateur, les joueurs sont capables parfois de se compliquer la vie par eux-mêmes sans qu'on ait besoin d'une histoire trop retorse.
Une différence majeure avec les autres scénarios est que les personnages pourraient se retrouver à la fin avec de puissants ennemis dans les élites de Karameikos alors que les modules se terminent généralement par l'élimination de quelques monstres inhumains.
L'aventure a été reprise comme le 10e et dernier chapitre (donc la plus difficile) de l'anthologie B1-9 In Search of Adventure (1987) mais avec la nouvelle carte de Specularum du Gazetteer 1.
Le B6 change de manière agréable le rythme des aventures de la série B. Ce n'est pas seulement un Donjon. Mais il semble quand même moins riche directement que les Donjons de la Cité Perdue dans le B4. Tel quel, le module est un peu maigre mais il y aura plus de pistes sur les dissensions entre les Maisons de Specularum dans les synopsis d'aventures proposées dans le Gazetteer 1 de 1987 par Aaron Allston, qui semble donc indispensable pour bien le jouer.
Pour éviter les danger de la linéarité d'un intrigue, rien de mieux de créer plusieurs histoires qui se chevauchent dans l'espace et le temps.
RépondreSupprimerC'est une bonne règle (qui oblige à bien renouer ensuite toutes ces histoires), mais ici en l'occurrence avec l'intrigue criminelle telle qu'elle est écrite, il y a un peu une course contre la montre : des émeutes risquent de lyncher un accusé, les Personnages-Joueurs doivent donc aller relativement vite sans qu'on puisse trop jouer avec des intrigues secondaires.
RépondreSupprimerJe crois me souvenir qu'il y a aussi un problème de continuité entre le B6 et le Gazetteer 1 pour le nom des maisons impliquées dans les conflits politico-commerciaux en Karameikos mais je n'ai pas les ouvrages sous la main pour vérifier. Ou peut-être n'était-ce qu'un problème dans les traductions françaises ?
RépondreSupprimerC'est le seul scénario de la série que j'avais fait jouer et, pour un maître de jeu débutant, j'avais trouvé que l'on était vraiment pas aidé pour donner envie aux joueurs d'enquêter et pour faire ressentir l'ambiance de la ville compte-tenu de l'extrême brièveté du module. Franchement, c'était agaçant de dépenser des sous (encore que je pense que mes parents me l'avaient offert) pour n'avoir qu'un synopsis : les scénarios parus dans Casus Belli étaient bien plus complets !
Je n'ai pas vu de contradiction, du moins entre la VO du B6 et la VF du Gazetteer 1 sur les noms des Maisons.
RépondreSupprimerIl y a une petite différence avec l'ajout des origines ethniques. Les Radu sont des roturiers traldars, les Tornescu descendent d'une noblesse traldar pré-karameikienne et les Vorloi sont des aristocrates thyatiens (ce qui change un peu la perspective sur des émeutes anti-Vorloi en Specularum).
Oui, la cité de Specularum n'a pas été assez décrite pour une aventure urbaine. Il faudrait que je le dise plus dans la recension.
David "Zeb" Cook s'est ensuite rattrapé en créant une ville bien plus développée, la cité de Sigil dans le supplément Planescape.
Ouvrages en main :
RépondreSupprimer- Dans le B6, traduit par Bruce A. Heard : Radov/Torenescu/Vorloi
- Dans le Gazetter, traduit par Michel Pagel : Radu/Torenescu/Vorloï.
Bruce Heard est pourtant un des meilleurs sur toute la gamme des Gazetteers. Il devait encore ignorer que les traldars comme Radu et Torenescu avaient des noms roumains et non pas slaves.
RépondreSupprimerBonjour, j'ai lu avec grand intérêt l'article sur ce module que j'ai récupéré récemment en français.
RépondreSupprimerSi la couverture affiche clairement que l'auteur est David Cook, bizarrement il n'est pas repris dans les crédits et la rédaction est attribuée à une certaine Ann C. Gray. Je pense qu'il faut plutôt comprendre rédaction par relecture ou corrections mais cela m'a surpris l'espace d'une seconde.