mercredi 12 janvier 2011

Républicanisme et libéralisme


La République américaine a été surtout fondée sur un libéralisme politique qui vient de John Locke alors que notre République a fait une synthèse du libéralisme de Montesquieu et du républicanisme de Rousseau (c'est une simplification abusive : Montesquieu a parfois des accents très républicains, la République étant surtout considérée comme aristocratique pour lui).

La différence entre libéralisme et républicanisme est principalement que le premier est fondé sur des droits naturels de l'Individu qui doivent être protégés dans l'état civil alors que le républicanisme se fonde sur des droits des Citoyens qui n'existent que par et pour la "chose publique". Cet intérêt général est représenté chez Rousseau par ce concept si mystérieux de la Volonté Générale, qui n'est pas la somme des volontés particulières (l'individualisme possessif de Hobbes n'est ni vraiment libéral ni pleinement républicain puisque l'individu n'acquiert ses droits minimaux que dans le but de la prospérité économique).

Mais la généalogie est plus complexe. Il faudrait étudier de près les Federalist Papers (1787-1788) de Hamilton et Madison mais par exemple la Constitution du Commonwealth du Massachusetts par John Adams pourrait presque apparaître comme une paraphrase de Rousseau :

The body politic is formed by a voluntary association of individuals: it is a social compact, by which the whole people covenants with each citizen, and each citizen with the whole people, that all shall be governed by certain laws for the common good.

La formule "la totalité du peuple entre en contrat (pactise) avec chaque citoyen et chaque citoyen avec tout le peuple" est frappante. Elle est très proche de celle de la Souveraineté populaire de Rousseau ("Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons encore chaque membre comme partie indivisible du tout.", I, 6), même si le concept de Volonté générale n'est pas repris (contrairement à notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, art. 6 de Sieyès).

Mais en fait, même Locke utilise l'expression du "bien public" ou du "bien commun" comme fin du gouvernement dans le Second traité de 1689, tout en mettant la priorité sur les droits naturels inaliénables comme la propriété (alors que la propriété est un droit qui relève de l'état civil pour Hobbes comme pour Rousseau). Et les lignes qui précèdent ce passage de la Constitution, sur les droits naturels des individus sont plus "lockiennes".

5 commentaires:

  1. Instructif. Ca me rappelle ce vieux débat entre Debray "républicain" et Julliard alors "démocrate".

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  2. Et le rapport entre totalité et partie (comme fin) fait miroir d'un rapport semblable (mais comme état) dans le cadre chrétien. Mais le constater c'est peut-être comme s'étonner des images pertinentes que forment parfois les nuages..

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  3. Si je me souviens bien, la catégorie "démocrate" chez Debray risquait un peu de confondre le libéralisme (individualiste) et le communautarisme démocrate. Le débat de philosophie politique s'est un peu cristallisé entre Libertariens (Nozick), Libéraux politiques (John Rawls) et Communautaristes (Sandel, Taylor) mais la catégorie des Républicains (au sens philosophique, qui n'a strictement rien à voir avec le Parti ploutocratique qui porte ce nom) est à nouveau vivante (Pettit).

    Je ne comprends pas bien le rapport tout-partie chrétien.

    Mais il y a une analogie théologico-politique avec la doctrine des deux Corps du Roi dont parlent Kantorowicz, Bloch ou Eric Voegelin.

    Le Souverain a un corps mortel mais il participe d'un corps immortel, celui du "Corps politique", qui, lui, ressuscite sans cesse ("le roi est mort, vive le roi").

    Ici, il s'agit pour chaque citoyen de se considérer comme un organe et membre à part entière de ce Corps politique artificiel (ce qui peut dériver hors du républicanisme vers un organicisme ou un holisme totalitaire où l'organe doit se sacrifier pour le tout qui en est la condition).

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  4. Je pensais à l'immanence et aussi à la trinité; et pourquoi pas aux panthéons.

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