vendredi 8 avril 2011
[Alphabet d'Avril] H comme Hacker
Le paradoxe du Genre des Superhéros est que c'est un sous-Genre du Genre "Science Fiction" mais que la Science-Fiction y devient souvent assez peu possible, dans le sens où l'outrance épique et fantastique du Superhéros interdit certaines histoires de Science-Fiction plus "rigoureuses" ou "réalistes". Comment parler de problèmes spéculatifs sur la société et la technologie dans un univers fictif où la Terre se fait envahir par des démons, des monstres ou des extra-terrestres divers chaque semaine ?
Hacker Files est une série de 1992 où DC Comics avait essayé de surfer sur la vague du Cyberpunk. Le Cyberpunk était le mouvement de SF à la mode en littérature dans les dernières décennies du siècle dernier et me semble avoir été supplanté depuis par son antithèse dans le Transhumanisme. Le Cyberpunk avait des histoires sombres sur un futur proche où on se lamentait sur la déshumanisation (même s'il pouvait y avoir aussi une certaine jubilation technophile, comme ici), le Transhumanisme reprend des thèmes plus utopiques sur un futur lointain où on se réjouit d'avoir dépassé l'humain.
Le Hacker du titre, créé par Lewis Shiner est le handle de Jack Marshall, un humain qui serait "normal" dans l'univers DC s'il n'était le meilleur super-pirate informatique dans le Cyberespace. On échappe au cliché du "petit génie" ado puisqu'il commence à être plutôt mûr, mais il est l'un des pères secrets du code utilisé par le gouvernement américain dans l'univers DC, même s'il a été depuis chassé des corporations et est devenu le classique cyberanarchiste désabusé et paranoïaque qu'on retrouve toujours dans ce genre d'histoire (cela sort en même temps que le très bon film Sneakers, qui a dû être une influence).
La série essayait à la fois d'être solidement implantée dans cet univers fictif (on voit passer "Oracle", ex-Batgirl, qui passe sa vie sur son réseau informatique, et Green Lantern) et de représenter d'une manière relativement réaliste (à l'époque) la subculture des Hackers du début des années 1990 juste avant l'explosion populaire de la World-Wide Web. Les premiers épisodes voient même un piratage de l'ARPAnet et une investigation sur un Virus. Contrairement à William Gibson (qui s'est toujours vanté d'avoir été plus créatif dans le cyberpunk en ne connaissant rien à l'informatique réelle), Lewis Shiner se documentait et il avait mis au point un forum sur un BBS pour que les Hackers corrigent ses erreurs techniques. On est donc entre la métaphore de pure fantasy à la Tron et la vraie Hard SF.
La série (au dessin de Sutton assez moche, je trouve) a des connexions et mises en abyme intéressants puisque dans la réalité les vrais hackers Legion of Doom avait le nom d'une équipe de criminels de l'univers DC - et leur leader avait d'ailleurs pris le surnom de "Lex Luthor". Lewis Shiner fonde une de ses premières histoires sur l'affaire réelle Operation Sundevil où les Services secrets américains mirent en place un coup de filet contre un groupe de hackers sur certains BBS. Il y a d'autres allusions à la réalité comme par exemple ce jeune pirate fils d'un chef de la NSA et créateur du premier "Ver" informatique (voir l'archive dans Phrack 40). La fin de la série (après seulement 12 numéros hélas) est en revanche une parodie (un peu décevante) de WarGames.
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