Sans vouloir faire trop de généralités clichés sur les Français, on peut parfois redouter non pas le prétendu "cartésianisme" mais plutôt un certain souci de symétrie et de réduction à la simplicité logique.
Un des arguments constants des opposés, des néo-réactionnaires et de l'extrême gauche est que désormais la scène politique mondiale va s'éclaircir vers deux pôles et qu'il n'y a plus de vraie position pour les tièdes intermédiaires : aucun centre ne peut tenir alors que "l'anarchie se déchaîne". [Paul Valéry dit quelque part à sa manière faussement limpide, (mais je ne retrouve pas la citation), que la politique pourrait se purifier non pas entre république et monarchie, mais dans l'anarchisme et le fascisme. ]
L'argument des opposés est en gros le suivant.
(1) L'ultralibéralisme ("libertarien") est une doctrine "cohérente". Ils veulent dissoudre tous les Etats (limités à quelques fonctions régaliennes minimales pour préserver les Contrats), on ne conserve plus que les individus et leurs "droits" individuels garantis par la concurrence entre divers espaces de droit. On n'a plus besoin de sécurité sociale ou de droit national de retraite, plus que des capitalisations individuelles qui changent au fil des divers contrats. Bien sûr, cela conduit à avantager des minorités (surtout au départ) mais c'est "cohérent".
(2) A l'inverse, un communautarisme national est aussi "cohérent". Il dit que les droits sociaux des membres de la communauté ne peuvent être protégés que si on pratique protectionnisme économique et préférence nationale. On ne peut pas étendre ces droits sans les détruire.
(3) Tout libéralisme "modéré" ou admettant certaines régulations par les Etats est incohérent doit basculer vers (1) et tout socialisme résistant à la libéralisation mondiale doit basculer vers (2).
En 2002, les médias reprochaient aux électeurs ouvriers du FN de voter contre leurs intérêts économiques puisque le FN alliait (comme les Républicains américains) nationalisme protectionniste face à l'extérieur et ultralibéralisme intérieur. Marine Le Pen n'a donc guère fait que suivre ce conseil de "cohérence", en prétendant faire un Parti nationaliste et "protecteur" des droits sociaux. Peu importe qu'elle soit hypocrite ou pas ou que cela déplaise à une partie de son Parti, ce sera en tout cas sa stratégie de campagne.
Son argument risque de trop séduire les Français si partisans de dichotomies : elle dit que si on pratique une extension libérale des droits de l'homme aux flux migratoires, alors on sacrifie les droits sociaux des citoyens et on bascule dans l'ultralibéralisme. Elle ne fait donc pas que rendre le FN plus "vendable", elle feint d'achever sa "consistance" interne.
Un des enjeux pour les sociaux-démocrates est de persuader qu'on peut défendre une position cohérente de protection des droits sociaux nationaux sans les mettre systématiquement en conflit avec certains principes libéraux de droits internationaux. Il n'y a donc pas seulement à choisir entre Alain Madelin (pour utiliser un nom simplificateur) et Marine Le Pen ou croire que toutes les positions socialistes devraient glisser vers l'une de ces deux-là. Sans quoi, cela serait concéder la victoire à Madelin pour ne pas avoir Le Pen.
Un des arguments constants des opposés, des néo-réactionnaires et de l'extrême gauche est que désormais la scène politique mondiale va s'éclaircir vers deux pôles et qu'il n'y a plus de vraie position pour les tièdes intermédiaires : aucun centre ne peut tenir alors que "l'anarchie se déchaîne". [Paul Valéry dit quelque part à sa manière faussement limpide, (mais je ne retrouve pas la citation), que la politique pourrait se purifier non pas entre république et monarchie, mais dans l'anarchisme et le fascisme. ]
L'argument des opposés est en gros le suivant.
(1) L'ultralibéralisme ("libertarien") est une doctrine "cohérente". Ils veulent dissoudre tous les Etats (limités à quelques fonctions régaliennes minimales pour préserver les Contrats), on ne conserve plus que les individus et leurs "droits" individuels garantis par la concurrence entre divers espaces de droit. On n'a plus besoin de sécurité sociale ou de droit national de retraite, plus que des capitalisations individuelles qui changent au fil des divers contrats. Bien sûr, cela conduit à avantager des minorités (surtout au départ) mais c'est "cohérent".
(2) A l'inverse, un communautarisme national est aussi "cohérent". Il dit que les droits sociaux des membres de la communauté ne peuvent être protégés que si on pratique protectionnisme économique et préférence nationale. On ne peut pas étendre ces droits sans les détruire.
(3) Tout libéralisme "modéré" ou admettant certaines régulations par les Etats est incohérent doit basculer vers (1) et tout socialisme résistant à la libéralisation mondiale doit basculer vers (2).
En 2002, les médias reprochaient aux électeurs ouvriers du FN de voter contre leurs intérêts économiques puisque le FN alliait (comme les Républicains américains) nationalisme protectionniste face à l'extérieur et ultralibéralisme intérieur. Marine Le Pen n'a donc guère fait que suivre ce conseil de "cohérence", en prétendant faire un Parti nationaliste et "protecteur" des droits sociaux. Peu importe qu'elle soit hypocrite ou pas ou que cela déplaise à une partie de son Parti, ce sera en tout cas sa stratégie de campagne.
Son argument risque de trop séduire les Français si partisans de dichotomies : elle dit que si on pratique une extension libérale des droits de l'homme aux flux migratoires, alors on sacrifie les droits sociaux des citoyens et on bascule dans l'ultralibéralisme. Elle ne fait donc pas que rendre le FN plus "vendable", elle feint d'achever sa "consistance" interne.
Un des enjeux pour les sociaux-démocrates est de persuader qu'on peut défendre une position cohérente de protection des droits sociaux nationaux sans les mettre systématiquement en conflit avec certains principes libéraux de droits internationaux. Il n'y a donc pas seulement à choisir entre Alain Madelin (pour utiliser un nom simplificateur) et Marine Le Pen ou croire que toutes les positions socialistes devraient glisser vers l'une de ces deux-là. Sans quoi, cela serait concéder la victoire à Madelin pour ne pas avoir Le Pen.
C'est très bien vu en effet ; la grande réussite de Marine le Pen, mais aussi des "intellectuels réactionnaires", aura été de réaliser cette "mise en cohérence". Mais que voulez-vous dire en mentionnant que c'est un argument utilisé à l'extrême gauche ?
RépondreSupprimerTrès juste, que penser alors du reférendum du 5 mai qui se prépare en ce moment en Angleterre.
RépondreSupprimerLe modèle "AV" serait-il une solution à cet bipolarité ?
En ce cas, le trilemne de Dani Rodrik devrait beaucoup plaire aux Français - il a développé sa thèse dans un livre récent que je n'ai bien sûr pas lu. De ce que je retiens de gens comme Krugman ou Furet, c'est que, en définitive, une société bourgeoise avec un gros welfare state est le système qui marche le moins bien en théorie et le mieux en pratique.
RépondreSupprimer> VfV
RépondreSupprimerCe n'est pas très clair mais je pensais en fait par exemple au "socialisme tory" de Jean-Claude Michéa qui dit qu'on ne peut pas critiquer les excès d'un certain libéralisme économique sans remettre en cause aussi le libéralisme "sociétal" des mœurs.
Selon lui, les sociaux-libéraux en poursuivant le projet de ce libéralisme sociétal (les droits individuels) sont en fait les agents de la dissolution dans l'intégration libérale. Mais je ne comprends pas bien son concept de "décence commune" qui est censé remplacer la métaphysique libérale des droits individuels.
La position de Jean-Claude Michéa se veut socialiste mais sur certains points (comme Žižek, d'ailleurs) il semble plus se rapprocher d'un "conservatisme culturel" de Daniel Bell contre le libéralisme (il accuse ainsi même le NPA d'être toujours trop infecté d'individualisme libéral-libertaire). Cela ne le conduit pas à un repli "identitaire" mais peut-être à ce qui ressemble à la position "communautarienne" au sens anglo-saxon (qui n'est pas la même chose que le vague "communautarisme" médiatique).
> Oscar
Je ne pense pas que le système d'élection changerait profondément cette question. Cela ne ferait que renforcer politiquement les partis du centre sans leur donner plus d'idées.
Il faudrait (mais c'est facile à dire) que certains de ces partis (par exemple sociaux-démocrates) puissent préciser comment ils peuvent défendre à la fois les droits sociaux des citoyens et l'intégration (libérale) dans l'économie globalisée. Tant qu'ils le disent sans qu'on comprenne bien cet équilibre, ils risquent de donner envie à leurs électeurs de fuir vers les pôles.
> MB
Merci, je ne connaissais pas.
Ses solutions semblent peu optimistes :
(1) fédéralisme global pour réguler l'économie (infaisable avant très longtemps) ;
(2)dissoudre l'Etat-nation dans l'économie globale, ce qui conduit à des crises cycliques ;
(3) défendre une dose de protectionnisme.
Les sociaux-démocrates peuvent tenter (3) mais cela n'a pas l'air d'être la progression actuelle, surtout avec le contexte où certains Nouveaux Pays Industrialisés comme la Chine ont pu profiter de la libéralisation des échanges avec une croissance impressionnante.
L'Union européenne, avec des majorités libérales économiques, n'est pas prête à imposer plus de protection européenne (même si c'est trans-parti). Cette impossibilité au niveau fédéral de l'UE renforcera sans doute encore plus certains souverainismes nationaux. Ils échoueront vraisemblablement ensuite, mais non sans avoir emporté en partie cette intégration régionale.
Un des sens de la mondialisation a été ce déclin de la politique, qui, malgré tous les G20, pourrait tendre à ne plus servir qu'à la marge de l'économie globale. Naguère, la politique était aussi la guerre et les relations entre les Etats et l'économie était le budget domestique, maintenant la politique se limiterait à du local et c'est l'économie qui organise plus ou moins un état de nature des entreprises et des finances.