mardi 24 mai 2011

Un Père de la Nation


Je ne connais pas assez bien l'histoire américaine pendant la période de la "Reconstruction" et de la Belle Epoque pour juger vraiment la politique de Grover Cleveland (1837-1908, Président en 1885–1889 puis en 1893–1897). Démocrate de l'Etat de New York, il permit au Parti démocrate (qui à l'époque était encore marqué comme le Parti du Sud esclavagiste depuis la fin de la Guerre civile) de revenir au pouvoir. Mais Cleveland représentait plutôt un nouveau parti démocrate plus "réformateur" et en même temps plutôt favorable aux industries du nord (contrairement au Populisme habituel des Démocrates de la période, plus favorable aux agriculteurs endettés).

Peu corrompu par rapport à ses concurrents des deux Partis, Cleveland - qui se faisait surnommer "Grover the Good" - réussit à attirer même certains Républicains en 1884 mais il est marqué par deux scandales spectaculaires.

Cleveland admit avoir eu une relation avec une veuve de 36 ans, Maria Halpin, dix ans avant, en 1873, quand il était le Maire de Buffalo (NY). Mais (même si l'affaire est peu claire) selon cet article (qu'il faut peut-être prendre comme un pseudo-document digne d'un sujet d'agrégation), Maria Halpin avait témoigné non d'une "séduction" mais d'un viol de la part de Cleveland. Il l'aurait assaillie sans son consentement un soir de 1873 alors qu'elle rentrait chez elle. Ce n'était pas une époque propice à ce témoignage. On ne l'écouta pas ou on ne la crut pas. Il est possible d'ailleurs que son témoignage ait été manipulé par la suite ? On peut d'ailleurs se demander, si l'affaire est vraie, pourquoi les Républicains n'ont pas pu utiliser ce témoignage.

Maria Halpin accoucha en 1874 d'un enfant, qui fut nommé Oscar Folsom Cleveland. Grover Cleveland affirma qu'il n'avait été que "chevaleresque" et même exceptionnellement honorable dans toute cette affaire. Il avait accepté de reconnaître cet enfant et de donner un peu d'argent parce qu'il était célibataire alors que, selon lui, tous les autres partenaires de cette femme étaient déjà mariés. Il dit qu'il avait d'ailleurs des doutes sur la paternité car il la jugeait de moeurs légères et qu'il avait d'ailleurs nommé l'enfant "Oscar Folsom" du nom de son meilleur ami, l'avocat Oscar Folsom, dont il estimait qu'il pouvait d'ailleurs être le vrai père de l'enfant. En somme, selon lui, Cleveland avait payé parce qu'il pouvait aussi être ou ne pas être son père. Le Maire de Buffalo ou une autre administration fit interner Maria Halpin à l'Asile psychiatrique, lui retira la garde de l'enfant Oscar, qu'il fit d'ailleurs abandonner ensuite à l'Orphelinat.

Quand le scandale éclata pendant les élections de 1884 (les Républicains tentèrent d'exploiter la découverte), Cleveland dit qu'il n'avait aucune responsabilité et que cette malheureuse Maria Halpin n'était en réalité qu'une prostituée, ce que la presse - sauf une partie des journaux républicains - sembla accepter. On lui sut même gré de son courage pour n'avoir pas tenté de nier l'affaire hors mariage ou la naissance de ce bâtard potentiel. Cleveland gagna les élections et la veuve Halpin mourut vingt ans après, dans le dénuement, stigmatisée comme une catin.


Le second "scandale" n'éclata pas vraiment à l'époque, comme les moeurs étaient différents. Cela concernait d'ailleurs ce même avocat Oscar Folsom, à qui Grover Cleveland voudra attribuer en 1884 la paternité de l'enfant abandonné.

En 1875, Oscar Folsom mourut d'un accident de carrosse et ne laissa aucun testament. La seule à lui survivre était une petite fille, la jeune Frances Folsom, née en 1865. Le maire de Buffalo et futur Gouverneur de New York Grover Cleveland reprit les affaires de Folsom et devint son père adoptif, ce qui ne l'empêcha pas de commencer à développer des sentiments peu paternels pour sa pupille. Dès que cela fut légal et qu'elle devint majeure, en 1886, la deuxième année de sa Présidence, Cleveland l'épousa : elle avait 21 ans (la plus jeune First Lady de l'histoire) et lui, 49 ans (seul Président de l'histoire à s'être marié à la Maison Blanche).


Si on croit toute cette histoire si sombre, le tableau est donc paradoxal. Violeur, ayant abandonné celui qui pourrait être son fils à l'orphelinat et "suborné" sa fille adoptive, Grover Cleveland a pourtant laissé le souvenir d'un Président américain efficace et la presse à scandale de la Fin de siècle l'a plutôt épargné. Il est aussi connu pour une phrase disant qu'une femme sensée et raisonnable ne demande pas le droit de vote car cela remettrait en cause l'ordre conçu par une Intelligence supérieure à la nôtre.

Si Angot vivait au XIXe siècle et si l'art de "l'écriture" avait été aussi médiocre et absurde à cette époque, elle aurait pu écrire un Bullshit autoparodique et incompréhensible sur son dégoût/désir...

3 commentaires:

  1. "DSK vient de prouver qu’il est de gauche."

    Merci pour cette pensée lumineuse, Mme Angot ! À mettre en perspective avec le mouvement d'idée général évoqué précédemment ?

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  2. A sa décharge, elle dit vraiment tout et n'importe quoi dans ce texte pour se faire remarquer. Qu'il est de gauche parce qu'il a souffert. Là, je crois que c'est de l'humour. Que c'est un "salopard" mais que nous (car Angot porte toute l'humaine ou française condition en elle) ne voulons pas que ce soit un salopard parce que nous sommes pervers et qu'au fond nous voulons tous être violés et donc que tous les hommes politiques quels qu'ils soient sont des violeurs. bref...

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  3. Après l'Homme aux Loups et le Petit Hans , Angot est la Femme aux Hommes.
    Mais la réduction à son analyse ne lui fait pas justice; elle déploie une certaine puissance poétique, intermittente certes, comme une pythie folle consentante et peu discernante des couleuvres qu'elle veut partager avec nous.
    Ernaux est tellement meilleure.

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