mercredi 11 janvier 2012

[JDR] Les mondes de Traveller (1)



Traveller (GDW, 1977) de Marc Miller est sans doute le plus célèbre jeu de rôle de science-fiction qui n'ait pas été fondé explicitement sur une oeuvre antérieure. Même s'il n'était pas si générique que cela et avait déjà une série de présupposés généraux sur la technologie (qu'on considère souvent comme très datée), la culture (militariste) ou pour atténuer les pouvoirs parapsychologiques, Traveller n'avait pas de monde officiel en 1977 dans sa première édition des Petits Livres Noirs (tout comme D&D).

Marc Miller avait déjà publié la même année le wargame de combat de flottes spatiales Imperium, qui se déroule trois milliers d'années avant le présent du jeu de rôle (et j'imagine qu'il avait déjà commencé à évoquer la nature de son cadre de jeu dans des périodiques, comme il le fait allusivement dans "Dealing with the Concepts of Empires", The Dungeoneer, Vol. III, n°9, janvier 1979).

Mais globalement, chaque groupe était censé se servir de Traveller pour fonder son propre univers de science-fiction mais avec une série de standards technologiques communs. Traveller était sorti la même année que Star Wars et fut donc sans doute l'un des derniers jeux de science-fiction à ne pas en subir l'influence.

Cette série d'articles a décrit quelques campagnes de cette phase héroïque où les premiers joueurs créaient leurs univers en changeant parfois certaines hypothèses fondamentales (mais en créant souvent des Empires moins vastes et ambitieux que ne le devint l'Imperium, qui est peut-être en taille le plus grand espace fictif jamais décrit).

Mais dès 1979 sortirent la première aventure, The Kinunir, et la première description d'un secteur, Supplement 3: The Spinward Marches. L'Imperium officiel commençait à devenir moins générique.

  • L'univers non-autorisé : les Guides du Spationaute

    Dès 1978 tombe un petit météore sans illustrations, Spacefarers Guide to Sector One Planets par Edward Lipsett (Phoenix Games: Little Soldier Games, Maryland). Il n'y a aucune carte mais seulement une liste de 100 planètes toutes tirées d'oeuvres de science-fiction avec des caractéristiques qui ressemblent aux UWP de Traveller.

    A ma connaissance, ce premier "supplément" d'une compagnie tiers, plus ancien encore que ceux de Judges Guild, n'avait pas d'autorisation, ni de Traveller ni de tous les auteurs qui étaient utilisés (dont Robert Adams, Poul Anderson, Isaac Asimov, James Blish, Marion Zimmer Bradley, John Brunner, Lin Carter, Hal Clement, L. Sprague de Camp, Gordon Dickson, Harlan Harrison, Frank Herbert, Robert Heinlein, Keith Laumer, Ursula LeGuin, Murray Leinster, Larry Niven, Andre Norton, H. Beam Piper, Frederick Pohl, Jerry Pournelle, Cordwainer Smith, E.E. Smith, E.C. Tubb, Jack Vance, Vernor Vinge, R. Zelazny). Les auteurs les plus utilisés devaient être Norton, E.E. Smith et E.C. Tubb. Les noms des planètes sont conservés sans être déguisés comme ils le seront parfois par la suite dans l'Univers Officiel de Traveller.

    L'univers d'Ed Lipsett n'avait aucune carte de ce "Secteur Un" mais il avait une petite chronologie. Le Premier Empire s'est écroulé il y a des milliers d'années et après un Inter-Règne a commencé l'actuel Second Empire (vers l'an 8000 du Premier Epire), dirigé par diverses Maisons Marchandes.

    Il ajouta ensuite un second Guide avec un nouveau Secteur, Spacefarers Guide to Sector Two: Rourke's Diadem (avec l'aide de Bob Charrette, illustrateur et créateur qui participa à tant de jeux comme Bushido ou Shadowrun). Cette fois, le supplément se voulait pour plusieurs jeux de SF, Traveller, Space Patrol, Starships & Spacemen ou SpaceQuest (le jeu de Paul Hume, qui a l'air assez intéressant). L'univers était devenu nettement plus original, avec des mondes qui ne dérivaient plus de romans, et aussi plus détaillé, avec une liste des Maisons Marchandes et surtout des Organisations du Second Empire. Spacefarers Guide to Alien Races ajouta des espèces intelligentes tirées de diverses oeuvres, dont certaines déjà vues dans le premier Guide.

    Il faudra que je revienne plus en détails sur ce monde "pirate" non-officiel qui a un certain charme malgré la quantité énorme de reprises mélangées.

  • Des Concessions & Enclaves : le Domaine Gateway version Judges Guild

    La même année 1979, GDW conçut un plan bien plus ouvert que ce que faisait TSR : ouvrir son Univers Officiel à d'autres compagnies qui recevraient chacune un ou plusieurs secteurs galactiques, selon un modèle de division du travail presque féodal (Land Grants). L'Univers de Traveller était tellement vaste avec ses milliers d'étoiles qu'on ne se marcherait pas sur les pieds.

    La compagnie Judges Guild s'était justement fait la spécialité de publier des suppléments pour les autres compagnies. On dit même que ce furent eux qui créèrent ce marché que TSR avait au début sous-estimé. La compagnie de Bob Bledsaw et Bill Owen reçut quatre secteurs appelés le Domaine Gateway, du côté "traîne" de l'Imperium, près des 2000 Mondes K'kree : Ley, Glimmerdrift Reaches, Crucis Margin et Maranantha-Alkahest (rebaptisé simplement Gateway maintenant que toutes ces descriptions de Judges Guild ont été rendues "non-canoniques"). JG me semble avoir eu beaucoup plus envie de multiplier les races extra-terrestres que l'Univers Officiel de Marc Miller.


  • Les autres Concessions

    Il y eut ensuite d'autres secteurs.

    - Group One, un groupe lié à Judges Guild puisque Bob Bledsaw y écrivait aussi, reçut le secteur Theta Borealis, très loin du côté "direct" par rapport à l'Imperium. C'est sans doute l'un des secteurs les plus loin du centre, au point qu'il n'aurait quasiment aucun lien avec l'univers officiel, même s'il n'avait pas été retiré du Canon. Les cartes officielles sur Imperium Interactive Atlas ne donnent d'ailleurs plus de nom pour les mondes mais utilisent en partie les mêmes sous-secteurs ("Quadrants").

    - FASA reçut les Far Frontiers, près du Consulat Jodani, et y mit certaines aventures classiques vers 1981-1982.

    - Paranoia Press reçut à côté des Far Frontiers les secteurs Beyond (dont j'ai déjà dit à quel point j'adorais les noms) et Vanguard Reaches. Les noms semblent être restés plus "canoniques" que ceux de JG.


    (Carte venant de Traveller Map)


    - Un magazine indépendant publié par FASA, High Passage développa les Old Expanses (du côté bordure de Glimmerdrift). Le Secteur a pris plus d'importance par la suite dans la campagne Star Vikings de Traveller: The New Era.

    - Les frères Keith (William et son petit frère Andrew, qui mourut précocement), les plus prolifiques auteurs de cette période chez FASA et chez GDW, reçurent aussi Reavers' Deep (ils publièrent le sub-secteur Drexilthar chez Gamelords en 1984). Le secteur est près des Aslans.
  • 7 commentaires:

    1. Ah, si tu viens sur un de mes terrains de prédilection, tu peux t'attendre à quelques chipotages de ma part ! ;-)


      > Marc Miller avait déjà publié la même année le wargame de combat de flottes spatiales Imperium, qui se déroule trois milliers d'années avant le présent du jeu de rôle

      Encore faudrait il définir ce qu'est le présent du jeu de rôle, car plusieurs époques de l'univers officiel auxquelles on peut jouer ont été développées !
      Mais je chipote, puisque tu sous-entends Classic Traveller quand tu parles ici de Traveller. ;-)


      > Mais dès 1979 sortirent la première aventure, The Kinunir, et la première description d'un secteur, Supplement 3: The Spinward Marches. L'Imperium officiel commençait à devenir moins générique.

      En fait, les prémices de l'Imperium sont déjà perceptibles en 1978 dans Mercenary (puis dans High Guard qui est lui aussi paru en 1979). Marc Miller le rappelle d'ailleurs dans l'article de Different Worlds que tu cites.


      > Dès 1978 tombe un petit météore sans illustrations, Spacefarers Guide to Sector One Planets par Edward Lipsett (Phoenix Games: Little Soldier Games, Maryland). Il n'y a aucune carte mais seulement une liste de 100 planètes toutes tirées d'oeuvres de science-fiction avec les caractéristiques (UPP) de Traveller.

      Je n'ai fait que feuilleter ce livret, je ne l'ai jamais lu, mais il ne me semble pas que les caractéristiques fournies pour les planètes soient des UWP (je préfère UWP à UPP, ça évite l'ambiguïté avec les caractéristiques de personnages). Je ne suis d'ailleurs même pas sûr que l'ouvrage faisait la moindre référence à Traveller.
      Par contre, je n'avais jamais réalisé que l'auteur de ces machins était Edward Lipsett, une personne qui était encore active jusqu'à il y a quelques années dans le milieu des amateurs de 2300 AD...


      > (avec l'aide de Bob Charrette, illustrateur et créateur qui participa à tant de jeux comme Bushido, Space Opera ou Shadowrun)

      Sauf oubli de ma part, les contributions de Bob Charrette à la gamme Space Opera se limitent à des illustrations.


      > Les cartes officielles sur Imperium Interactive Atlas

      Je ne suis pas certain que cette carte soit officielle, d'autant que quand on l'explore en détails, on y trouve malheureusement pas mal de choses non conformes au canon (pas spécialement au niveau de la carte elle-même, mais au niveau des infos sur les systèmes stellaires ou les mondes).
      Je l'ai énormément utilisée pendant des années, mais je lui préfère désormais la Traveller Map, que je trouve mieux faite et plus pratique.

      (suite dans le prochain commentaire, Blogger me trouve trop prolixe)

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    2. (suite du précédent commentaire...)

      > - FASA reçut les Far Frontiers, près du Consulat Jodani

      :-)
      Tu es je crois le premier que je vois adopter l'orthographe Jodani au lieu de Zhodani.
      Moi-même je m'étais longuement interrogé à ce sujet, mais j'avais décidé de conserver le zh dans ce nom (ainsi que dans quelques autres dont Zhdant et Zhunastu), à cause d'une trop longue habitude remontant à une lointaine époque où je ne savais pas encore que la translittération correcte de l'anglais zh était j. Par contre, j'ai "corrigé" d'autres noms comme Zhakirov ou Zhimaway, et je prononce de plus en plus souvent jodani...


      > Paranoia Press reçut à côté des Far Frontiers les secteurs Beyond (dont j'ai déjà dit à quel point j'adorais les noms)

      Il y a quand même dans ce supplément (à moins que ce ne soit dans Vanguard Reaches, je ne sais plus) un sous-secteur avec quelques noms de mondes germanisants qui, entre Atlantique et Rhin, évoquent plutôt ceux d'unités SS de sinistre mémoire (Totenkopf, Das Reich) ; même si je pense que c'est une maladresse involontaire de la part des auteurs. Je bloque un peu sur la façon dont je vais devoir les traduire : les laisser tels quels, les traduire en français, ou les remplacer par autre chose ?


      > Un magazine indépendant publié par FASA, High Passage

      Petite précision : High Passage ne fut publié par FASA qu'à partir du numéro 2...


      > la campagne Space Vikings de Traveller: The New Era.

      Star Vikings... ;-)
      En fait, entre High Passage et la zone couverte par le supplément Path of Tears pour TNE, il n'y avait si j'ai bonne mémoire qu'un seul sous-secteur en commun, celui de Shenk, présenté dans le dernier numéro de la revue.


      > Reaver's Deep (ils publièrent le sub-secteur Drexilthar chez Gamelords en 1984). Le secteur est près des Aslans.

      Reavers' Deep. ;-)
      C'est tellement près des Aslans que la partie centrifuge-directe du secteur fait carrément partie du Hiérat Aslan...


      Merci pour ce petit topo récapitulatif qui contribue à mettre un peu mieux en valeur un JdR injustement méconnu chez nous. J'attends la suite de pied ferme, comme tu t'en doutes ! :-)

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    3. C'était un appât à chipotage. :)

      Je vais corriger certaines erreurs comme Space Vikings ou Reavers'Deep. J'ignorais complètement que l'Interactive Atlas était moins "canonique".

      > Je n'ai fait que feuilleter ce livret, je ne l'ai jamais lu, mais il ne me semble pas que les caractéristiques fournies pour les planètes soient des UWP

      Oui, il n'y a pas d'hexadécimal mais les caractéristiques sont quand même inspirées par le modèle. L'UWP officiel a pour ordre Starport, Planetary Size, Atmosphere, Hydrosphere, Population, Government, Law level, Tech level, alors que dans les Guides c'est seulement quatre caractéristiques Starport, Population, Hydrosphere, Atmosphere, Gravity (plus une table aléatoire reliant Population et Niveau Technologique).

      Mais un élément non-travellerien est qu'il n'y a jamais les Géantes gazeuses.

      > Sauf oubli de ma part, les contributions de Bob Charrette à la gamme Space Opera se limitent à des illustrations.

      Oui, et c'est surtout pour avoir refait la couverture d'origine dans une seconde édition.

      > Tu es je crois le premier que je vois adopter l'orthographe Jodani au lieu de Zhodani.

      Cela ne me satisfait pas entièrement (je suis trop habitué aussi aux "Zhos"), mais cela a l'effet étrange d'adoucir un peu le nom en français.

      > Je bloque un peu sur la façon dont je vais devoir les traduire : les laisser tels quels, les traduire en français, ou les remplacer par autre chose ?

      Je ne me souviens pas de cela mais en effet cela risque de donner une impression assez lourde de colonies de Solomani Nazis (comme l'Empire Azuriach dans Space Opera). On pourrait avoir un aspect germanique moins connoté (disons plus "Walküre" que "das Reich").

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    4. > J'ignorais complètement que l'Interactive Atlas était moins "canonique".

      Je suis incapable de te citer des exemples précis de tête (quoique tu peux regarder le détail du système solaire, les planètes sont dans le désordre le plus complet ; mais ça n'est pas à proprement parler du canon), mais il y a des quantités de noms qui sont mal orthographiés (souvent tronqués quand ils sont un peu longs), des allégeances erronées (genre des mondes solomani à des secteurs de distance de la Sphère Solomanie), ce genre de choses. Et puis on ne sait pas trop à quelle année elle correspond : 1105 ? 1120 ? Pas mal d'éléments laissent à penser qu'elle est faite avec des données pour MegaTraveller.

      L'avantage c'est qu'elle est assez facile à utiliser ; mais la Traveller Map est plus complète (l'Interactive Atlas n'a pas les Far Frontiers, par exemple).

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    5. Ah ah ... très intéressant ! :) Merci pour cette vision d'ensemble.

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    6. > J'ignorais complètement que l'Interactive Atlas était moins "canonique".

      Pour info, il y a actuellement une discussion sur CotI au sujet des atlas de l'OTU en ligne :
      http://www.travellerrpg.com/CotI/Discuss/showthread.php?t=25973
      (il faut peut-être être inscrit pour pouvoir la lire)

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