jeudi 12 avril 2012

οὐαί σοι πόλις ἧς ὁ βασιλεύς σου νεώτερος



J'imagine que tout le monde a déjà lu cette interview de l'ex-directrice d'Areva qui en dit long sur la nullité du système de Badinguet :

Il avait commis cinq erreurs graves. La première, c'est d'avoir voulu fusionner Areva et Alstom pour le compte de Bouygues. Il ne l'a finalement pas fait, mais le suspense a duré un an et demi et a suffi à brouiller l'image de notre stratégie et à provoquer la sortie de Siemens, une catastrophe économique et un impair géopolitique... Deuxième erreur, avoir créé, avec la commission Roussely, une opération détestable pour l'image internationale de la filière nucléaire française. Pendant ce temps, notre augmentation de capital était à nouveau suspendue. Troisièmement, la nomination de Proglio. Quatrième erreur, il a laissé s'organiser un système de clan, de bandes et de prébendes. Ce système a fait la promotion d'un nucléaire bas de gamme à l'international et proposé de transférer nos droits de propriété intellectuelle mondiaux aux... Chinois, et de vendre du nucléaire à des pays où ce n'est pas raisonnable.

A qui précisément?

Par exemple au colonel Kadhafi. Nous jouions à fronts renversés: moi, qui aurais dû pousser à la vente, je m'y opposais vigoureusement, et l'Etat, censé être plus responsable, soutenait cette folie. Imaginez, si on l'avait fait, de quoi nous aurions l'air maintenant ! La vente de nucléaire s'accompagne de la création d'une autorité de sûreté capable d'arrêter la centrale en cas de problème. Or, dans un tel régime, un président de l'autorité de sûreté qui n'obéit pas est au mieux jeté en prison, au pire exécuté ! Pourtant, quelle insistance ! A l'été 2010, j'ai encore eu, à l'Elysée, une séance à ce sujet avec Claude Guéant et Henri Proglio...

Dans un pays normal, j'imagine que cette déclaration suffirait à faire une affaire d'Etat. En France, on va le mentionner comme si de rien n'était.

3 commentaires:

  1. Dans un pays normal, j'imagine que cette déclaration suffirait à faire une affaire d'Etat.

    Le problème est que, en France, tout est verrouillé dès qu'il s'agit de nucléaire : droite, gauche, public, privé, media...

    RépondreSupprimer
  2. "Troisième erreur: m'avoir éjecté de mon poste, et avoir fait de la 5ème femme la plus influente du monde (selon Forbes) la présidente d'un fond de 70 malheureux millions. Bien sûr que j'ai 'beaucoup de choses' à faire!"

    Cette interview me révèle un aspect auquel je n'avais pas pensé: Sarkozy ne constitue pas un gouvernement, il fait un casting. D'où les choix de Rama Yade, Rachida Dati, Bernard Laporte, Frédéric Mitterand,... De toutes façon peu importe, puisque l'omniprésident fera tout lui-même. Avec la conséquence que ses ministres sont frustrés : serviles, mais le détestant cordialement.

    RépondreSupprimer
  3. > Gianni
    Et on semble un peu blasés des scandales. On se demande parfois ce qui peut encore choquer.

    > Rappar
    Oui, c'est une fonction de simple représentation. Le plus amusant était la fois où il avait proposé le même poste (les Affaires étrangères) à Védrine (M. Realpolitk) et à Kouchner (M. Interventionnisme). Cela prouvait qu'il ne choisissait absolument pas selon une politique cohérente mais seulement en termes de "coup" (bon, de fait, je crois que Kouchner a mené la même politique que celle qu'aurait mené Védrine ou Alliot-Marie). Sarkozy pense vraiment bien la télévision mais cela entraîne les limitations de cela. Et il se considère comme Ministre de Tout.

    RépondreSupprimer