[JDR] Fins de jeu
Quand je jouais régulièrement à Runequest (2e), je regrettais un peu l'absence de "points d'expérience" pour "guider" les joueurs. Comme les joueurs ont une tendance à chercher l'optimisation des personnages, l'inflation en puissance et comme les récompenses monétaires étaient nécessaires pour acheter des sortilèges ou acquérir de l'entraînement, ils devenaient donc vite obsédés par l'argent (le symptôme était qu'ils fouillaient toujours les corps pour ramasser quelques pièces, ce qui les réduisait à de médiocres pillards ou vautours). Certes, certains Cultes religieux de RQ pouvaient déjà limiter cet effet mais je craignais que le système même ne les pousse à devenir des mercenaires peu héroïques qui auraient refusé toute quête désintéressée. De ce côté-là, les autres éditions de RQ ou d'Heroquest, où les personnages sont plus insérés dans leur société au lieu d'aventuriers isolés, ont bien corrigé ce défaut (au point que l'argent n'est plus qu'une abstraction sans grande importance dans Heroquest).
Mais tout dépend bien entendu du style de jeu désiré dans une campagne. Les jeux de superhéros doivent bien entendu nier tout rôle de l'argent (c'est pourquoi les Points de Karma sont si bien faits dans Marvel Superheroes, comme mélange d'expérience, de points de chance et de "contentement socio-spirituel").
Mais Evan rappelait cet été que Mike Mornard (le célèbre vétéran Old Geezer) dans ses premières campagnes faisait intentionnellement l'inverse et augmentait la valorisation de l'argent. Il ne donnait aucune récompense en points d'expérience pour tuer les monstres (!) mais uniquement pour l'or recueilli. Ainsi, les joueurs se montraient bien plus prudents et rusés, évitaient les risques inutiles en cherchant à optimiser les récompenses avec le moins de combats possibles. Cela favorisait un type de récit picaresques avec des Tricksters à la Souricier Gris ou Cugel l'Astucieux à la place de l'épopée à la Beowulf. Un combat devenait même parfois une sorte de signe d'échec et les aventuriers étaient plus des cambrioleurs habiles fuyant la confrontation.
Earthdawn avait proposé - si je me souviens bien - un système d'expérience très "héroïque" (les "Points de Légende") où la réputation comptait plus que les simples réalisations. Cela n'avait rien de réaliste mais il était plus important de rendre ses actes célèbres et d'en faire grandir l'image auprès d'un public. De manière post-moderne (à la Unforgiven), le "héros" doit être un propagandiste de son héroïsme. Cela risquait d'augmenter la forfanterie des personnages-joueurs mais cela valorisait aussi une sorte de gestion de sa propre Légende dans les fameuses auberges entre les aventures. Vous aviez intérêt à devenir conteurs et bardes (ou bien à en entretenir certains) si vous vouliez devenir de vrais héros.
A Thornton va jusqu'à dire que D&D devrait plus refuser "l'insertion sociale" qu'il ne le fait déjà. Il propose une fin de jeu allant vers le renoncement au pouvoir social acquis localement, l'aventurier comme pur nomade sans attache ou le Lucky Luke allant "au-delà du Soleil Couchant", comme Ulysse fuyant Ithaque ou Jason cherchant l'infinité ouverte de l'inconnu :
I hope we can mostly agree that D&D is an American myth. It's the American myth, in fact, which is the Western, and which kinda resembles the Christianization of Europe in some ways: it's about carving order and domesticity out of the howling wilderness, about taming the frontier. So far, so Gygax.
But after he's made the town safe again, the Man With No Name doesn't settle down there and plant a garden and get married and get old and die. Oh no. Instead, he leaves again; in fact, he's driven out, because there's no role for him in the society he has created.
This gets right at the heart of the core paradox of American self-identity: we have this myth of the rugged frontiersman individualist. And that's great, but it's no way to run a civil society, so the society comes with its own baked-in distrust of itself right in its founding myth.
C'est marrant il y a plusieurs threads en ce moment sur G+, ou dans les commentaires d'autres blogs, qui comparent D&D aux westerns. Les contributeurs insistent sur le caractère absolument étranger au Moyen Âge européen (fût-il fantasmé) des héros de D&D : le Moyen Âge européen c'étaient 99 % de serfs attachés à la terre qu'ils travaillaient et 1 % de nobles qui, eux, pouvaient s'amuser à se faire la guerre. Mais le héros de D&D n'est pas un noble, c'est plutôt un personnage de basse extraction qui essaie de s'enrichir sur la frontier -- effectivement comme les héros du XIXe siècle américain.
RépondreSupprimerOui, ce mythe de la Frontier est très frappante aussi bien dans Star Trek que dans Keep on the Borderlands (si ce n'est que Star Trek a déjà une méfiance contre le colonialisme sous-jacent, avec la Prime Directive).
RépondreSupprimerMais on peut aussi trouver une autre origine dans la fantasy en dehors de l'épopée ou la chanson de geste (où le héros doit toujours être noble) : les Mille et Une nuits orientales ou les Contes de fée ont parfois des héros "de basse extraction" qui gagnent leur statut.
Jeff Rients définissait D&D en disant "c'est Conan et Gandalf qui s'allient contre Dracula" mais on pourrait aussi dire que c'est "Lancelot plus Aladin ou Sinbad le Marin".
Je ne sais pas. Conan, Gandalf, Dracula sont des personnages exceptionnels. Si on me dit "ils tombent de 100m de haut, se relèvent, s'époussettent, puis reprennent ce qu'ils étaient en train de faire" je dis "OK, c'est des persos haut niveau de D&D" :)
RépondreSupprimerEn revanche Lancelot, Aladin ou Sinbad, bien qu'issus des légendes, me paraissent davantage humains. Si Aladin tombe d'une falaise, il meurt, héros ou pas ! Dans ce second cas, je choisirais le BRP plutôt que D&D pour modéliser.
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RépondreSupprimeril faut en plus prendre en compte ce fait intéressant : il y a, relativement, très peu de jdr 'western', et encore moins de jdr western 'historique', le plus grand succès dans le domaine étant Deadland. Il y a, dirait-on, une impossibilité du marché US à pouvoir reprendre de façon direct ces mythes.
RépondreSupprimerLe seul jdr western historique que je connaisse est... italien (l'excellent West, pour le Basic Role-Playing System : http://rpggeek.com/rpgitem/48537/basic-west)
RépondreSupprimer@ JeFF :
RépondreSupprimer> Il y a, dirait-on, une impossibilité du marché US à pouvoir reprendre de façon direct ces mythes.
Pas convaincu par ton affirmation. Boot Hill avait me semble t-il connu un bon succès en son temps (bien loin évidemment de ce que pouvait faire D&D, mais quand même).
@ Gianni : En western historique, tu as aussi (au moins) la version western de Trauma (Trauma Go West, dans le n° 10 de Chroniques d'Outre Monde) et le supplément GURPS Old West, qui a connu deux éditions. Plus des choses "compatibles historiques" mais qui ne donnent que peu d'infos de contexte, comme Wild West de FGU, Outlaw / Western Hero, et Gunslingers pour Action System. On pourrait peut-être même ajouter Boot Hill à la liste, dans le fond... ;-)
Mais c'est sûr que le western vraiment historique n'a jamais vraiment marché par rapport au western "cliché" et au western + fantastique.
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RépondreSupprimerHello a tous.
RépondreSupprimerOui effectivement, il y a maints aspects farwestiens dans le jeu de rôle américain, qui est, je le rappele l'origine culturelle de ce hobby.
Quand on regarde les références de notre grand-père à tous, j'ai nommé Gary, on s'aperçoit vite --et ce, malgré son immense culture (pour un américain:-)-- que sa vision d'un monde moyen-âgeux fantastique est assez ridicule, et somme toute assez normal pour un US citizen. Qu'est ce que le moyen-âge pour eux ? D'où viennent-ils ? Quelle est leur perception de la religion? ...à la limite, l'antiquité leur est plus sensible que les âges sombres de l'Europe, dont il n'ont que des clichés hollywoodiens dans la tête et les yeux. Combien de fois avons-nous lu des auteurs anglais (je ne parle même pas d'historien), ici dans un magazine (WD, etc.) là sur un forum, étriller le peu de jugeote de nos cousins amerloques, rapport à la crédibilité de leurs univers.
Bon, évidemment les meilleurs créations viennent des autodidactes ou d'artistes incultes... Faire table rase et inventer quelquechose de non "canon", voir un peu kitsch, ils sont forts pour ça les cousins. Mais certes, quelles energies, quelles idées novatrices...
D&D n'aurait pas pu naître en France c'est sur.
Bon, quand on prend Keep on the Borderlands (cf. Le blog de ) ou je pense même à Apple lane... On comprends mieux le côté Far West.
Runequest a d'ailleurs un fort parfum de western des plaines et des rocheuses...mais oui, ils viennent de là, c'est leurs racines... Le reste, c'est un jeu hybride, un concept 'mash-up' des restes du vieux continent....
On s'éloigne du premier sujet... oui, le système d'expérience et de progression guident bien l'ambiance de la partie et les objectifs des joueurs.
RépondreSupprimerDans LNS : de la théorie à l’application, Mark J. Young souligne à quel point il faut repenser le système quand on réoriente le genre :
"Cependant, il y a de nombreux meneurs qui n’aiment pas ce que donne ce système [d'expérience type D&D]. Ils pensent que cela encourage le massacre de monstres et le pillage de trésors (ce qui est vrai, parce que c’est exactement ce qu’il est censé faire). Ils ne veulent pas en faire le centre d’intérêt du jeu. Ils veulent encourager l’interprétation des personnages, ou leur développement, ou le dialogue, ou le fait d’aider les PNJ, ou un des innombrables choix offerts par le jeu de rôle. Alors ils suppriment au moins partiellement les points gagnés par les monstres et les trésors, et à la place les donnent lorsque les personnages suivent la conduite désirée, quelle qu’elle soit. Dès lors, un joueur gagne des XP quand il aide les pauvres ou mène ses activités personnelles. Cette expérience augmente son niveau…, ce qui le rend plus apte à tuer des monstres et à amasser des trésors. On distribue les récompenses pour un type de manière de jouer, mais elles en facilitent toujours une autre."
(Scuzzi pour la digression Rawhide)
RépondreSupprimerPerso, ce qui m'avait frappé chez RQ, venant de AD&D et Merp, c'était ce système d'évolution du perso liée à la pratique et la réussite de la compétence. J'avais assez stupidement halluciné devant ce pragmatisme évident...
Le système assez primaire des XP d'ailleurs a été vite mis en abîme dans les jeux de seconde ou troisième génération, à lier d'ailleurs quelquepart aux limitations du système des classes de perso, très restrictives...
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RépondreSupprimerMoi, ce qui m'avait frappé dans le "World of Greyhawk" de Gygax, ce sont les pourcentages donnés pour chaque pays ou ville, comme on le fait dans les travaux de sociologie ou de science politique anglo-saxonne, de la répartition des diverses "races" (du genre: nains 18%, elfes 7%, demi-elfes 2%, autres 1%) et "ethnies" humaines (oeridiens 32%, flans 12%…). Bref, des "statistiques ethniques", à l'Américaine, sans recul aucun, pas du tout "médiévales" pour le coup - puisqu'"utiles" ou pertinentes juste du point de vue de l'Historien (& pas du mythologique) ou de la Démocratie à l'américaine (& pas du féodalisme). Le "World of Greyhawk", c'est le double des USA, spatial, politique, imaginaire (& vu de Lake Geneva par des descendants de suisses),tout simplement: certains l'ont même montré point par point.
RépondreSupprimer@Thierry C: t'as le lien, qu'on traduise l'article? 8)
RépondreSupprimerDans le genre "tentative de faire de la sociologie d'un univers ludique pour le couler, ou pire, de le justifier", il y a La Lutte des classes dans D&D3 ;)
Bon... Pour revenir au 1er sujet : je n'ai jamais aimé les points d'expérience, même abstraits comme dans HeroQuest. J'adorais faire des petites croix à côté de mes compétences quand je jouais au BRP system. Bon ce système avait ses défauts (du genre essayer tout le temps d'utiliser des compétences en espérant cocher la case) mais au moins les persos devenaient balèzes dans les compétences qu'ils utilisaient souvent et pas nécessairement dans celles dans lesquelles le joueur souhaitait investir.
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RépondreSupprimerSur Greyhawk = USA, je chercherai l'article, mais pour le moment j'ai retrouvé ça, concernant la carte originelle:
RépondreSupprimer"With Gygax running several games a week as well as running TSR, the company publishing D&D material, there was no time for elaborate worldbuilding, so he based the map of the continent on one of North America, aligning Greyhawk with Chicago and its southern rival, Dyvers, with Minneapolis."
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RépondreSupprimerGagner de quoi payer un maître (système RQ) n'est finalement pas très éloigné d'un système de XP: il s'agit en fait d'un équivalent temps d'entraînement libre. On remplace "tu as 200 XP" par "tu as 200 Roues d'or -voire l'équivalent de 200 roues d'Or- = 10 semaines d'apprentissage". Dans les scénarios RQ, les récompenses sont d'ailleurs très souvent "Nx1000 Lunars d'entraînement ou sorts". C'est juste plus concret. Combiné avec l'expérience, celà donne un même système assez équilibré. Je regrette juste qu'il faille réussir dans une compétence pour pouvoir augmenter par expérience: après tout, on apprend aussi à ses dépends !
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RépondreSupprimer> Thierry C.
RépondreSupprimerMoi, ce qui m'avait frappé dans le "World of Greyhawk" de Gygax, ce sont les pourcentages
Est-ce si anachronique ou naïf ? Je sais bien qu'il y a un côté moderne "objectivant" qui simplifie l'autodéfinition subjective ou la vague de ces catégories mais la composition par espèce fantastique (Elfes, Nains...) a un peu plus d'"objectivité". La composition "ethnique" peut avoir un sens plus "culturel" comme les Flanaess sont encore jeunes : cela ne fait que 500 ans qu'existait l'Empire oeridien. La répartition peut se défendre pour avoir une idée des principales cultures : en gros, l'ouest des Flanaess a plus de traces des anciens Suels mélangé avec les Oeridiens (en Kéolande où on a une sorte de distinction entre certains nobles de lignées suloise et une population plus oeridienne, comme l'Angleterre de l'époque normande), le centre autour de Grisfaucon est le plus hétéroclite ou le plus cosmopolite avec plus de traces des anciens Flannae et l'est a été plus peuplé par des Oeridien.
Mais je me fais l'avocat du diable : Greyhawk est juste un mélange pas clair d'Indiens d'Amérique, de Celtes (Flannae) et d'Allemands (les Oeridiens, même si on précise qu'ils ressemblent physiquement plus à des Méditerranéens).
Sur la carte, oui, c'est la région des Grands Lacs, plus une inversion de l'Europe : l'Ouest bakluni est en gros notre Orient et l'Est est notre Saint Empire romain germanique. Il y a quelques éléments qui ne cadrent pas : le Perrenland est très "suisse" (Gygax est très helvétophile) même s'il est rangé près des Bakluni.
Blackmoor en revanche avait repris une carte de Hollande en changeant l'orientation.
> Gianni & Zit sur les points d'expérience
RépondreSupprimerOui, le système RQ est plus réaliste, que ce soit le succès ou l'entraînement.
Mais ce que je reprochais au système d'entraînement était justement le fait que l'argent devenait plus valorisé : on en avait besoin pour se payer des instructeurs.
J'aime bien avoir d'autres "carottes" que des récompenses monétaires.
Mais on peut aussi changer les Points d'expérience abstrait en un système de récompense en Points de statut ou bien des Points de Destin ou d'Action : le personnage n'achète pas de nouveaux savoirs spécifiques mais plus d'"Immunités héroïques" à la malchance. Pour rendre RQ moins grim & gritty, l'ajout d'un système de Points d'Héroïsme est un peu indispensable de toute manière.
Bonjour,
RépondreSupprimerdoctorante en science politique à l'Université Montpellier I (laboratoire CEPEL CNRS), je réalise une thèse sur la blogosphère.
En acceptant de répondre à ce questionnaire (temps estimé : 15 min), vous apportez une aide précieuse à mes recherches.
Vos réponses seront traitées de façon confidentielle.
En vous remerciant,
Voici le lien vers le questionnaire :
https://docs.google.com/spreadsheet/viewform?formkey=dHZZSVdhWGxzZjZMbmluTXVWVkFGV0E6MQ#gid=0
Cordialement,
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RépondreSupprimer> marie neihouser
RépondreSupprimerC'est fait (même si ce blog n'est plus très politique depuis quelques temps) !
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