M2 Vengeance of Alphaks (1986, Niveau 28-32) est écrit par Skip Williams (le grand spécialiste des techniques de règles AD&D, qui a rédigé assez peu de modules). Il s'agit d'une suite directe du M1, mais qui reprend aussi certains éléments du module CM1 Test of the Warlords (comme le conflit larvé entre le Norwold et les Géants de Feu).
La Guerre éclate entre le Norwold (Royaume vassal d'Alphatie, mais de facto semi-indépendant) et le Qeodhar (île septentrionale, vassale d'Alphatie mais qui glisse en secret vers la rébellion et une alliance avec l'Empire de Thyatis). La situation politique joue donc sur ces ambiguïtés où l'Alphatie croit que le Qeodhar la représente au Norwold alors qu'il veut le livrer au Thyatis (le Royaume rebelle de Helskir pourrait aussi chercher à en profiter). Et la majeure partie du scénario va donc être composée de batailles de masse entourées de quelques descentes (ou ascensions) dans des Donjons plus ou moins justifiées, par exemple dans la Forteresse Volante du Baron de Qeodhar.
Cette Forteresse Volante (qui parcourt 150 km par jour et dont le commandant, un Mage mort-vivant, ignore que son Baron Norlan est prêt à trahir l'Alphatie) a été prêtée par le Prince héritier Zandor d'Alphatia (qui semble trop content de gêner son demi-frère non-mage, le Roi de Norwold). La Forteresse est gardée par des Pégataures. Ce sont eux qu'on voit sur la couverture, des centaures-pégases créés sur des Elfes de Shye-Lawr par des expérimentateurs fous de la Province de Coeur-Noir. J'aime bien ces hybrides chimériques absurdes (un peu comme le gag des Hippogriffes chez l'Arioste). Top Ballista (1989) de Carl Sargent les décrit aussi et c'est l'un des suppléments les plus délirants de Mystara. D'ailleurs, on devrait ajouter encore la Cité volante de Serraine, avec ses Gnomes aéronautes et ces Chats ailés, dans toute cette Guerre aérienne pour compliquer les choses...
Mais au milieu de ce contexte stratégique, les PJ vont se retrouver en même temps dans une autre lutte entre deux Prêtres, Coiger et Lambert (leur culte respectif n'est hélas pas précisé) sur un Artefact majeur, une Ceinture magique ayant appartenu jadis à une sainte. Les pouvoirs de cette relique me semblent relativement mineurs pour une aventure D&D de si haut niveau (en gros de la télépathie et quelques sorts de soin - avec l'effet secondaire de rendre le porteur irrésistiblement et dangereusement attirant). On ne comprend pas bien pourquoi le Prêtre maléfique tient tant à la Ceinture si elle n'a pas d'importance religieuse à ses yeux, à moins que ce ne soit cet effet secondaire qu'il recherche. Mais il est vrai qu'un Artefact majeur donne aussi un bonus pour une Quête de l'Immortalité.
Le Prêtre est en tout cas prêt à lancer des hordes de Géants de Feu (avec des Dragons rouges) vers les domaines des PJ pour récupérer la relique et Alphaks s'amuse à cacher le McGuffin sans qu'on comprenne bien pourquoi il ne la donne pas directement au Prêtre maléfique au lieu de jouer au chat et à la souris. Le fait que la Ceinture soit associée à la Sphère du Temps (Alphaks est un Immortel de l'Entropie) limite peut-être ce qu'il peut en faire ?
Cette Ceinture (inspirée de la Ceinture d'Aphrodite) a finalement peu de charme. Si le M1 était inspirée de l'Iliade et l'Odyssée, on pourrait peut-être plus voler ici des idées du Kalevala et mettre à la place un Artefact plus impressionnant, par exemple quelque cornucopia comme le Sampo. Le forgeron Ilmarinen est après tout un Immortel aussi sur Mystara (et on trouve notamment le Golem d'Or et d'Argent, l'Agalma qui était son épouse artificielle, Kalevala 37, D&D Master DM's Book p. 63) et la version non-officielle de Norwold réalisée par des fans italiens y a mis une région kalévalesque, Autuasmaa, de même que James Mishler y avait mis le Royaume de Kaarjala. D'un autre côté, si la Ceinture était trop puissante, on comprendrait encore moins qu'Alphaks ne semble pas vouloir la garder pour lui.
En passant, l'île de Qeodhar a un problème récurrent avec les cruels Géants de Givre naviguant sur la Norzee (d'après ce que dit Dawn of the Empires), cela pourrait aussi donner une intrigue secondaire non-manichéenne surprenante où les PJs du Norwold pourraient se retrouver alliés à une horde de Hrímþursar maléfiques de Hel contre leur ennemi commun du Qeodhar ? Si j'utilisais ce scénario, je pense que j'ajouterais aussi au minimum une autre faction non-humaine, les Dragons des Dents-des-Wyrms, qui ont une réelle hiérarchie sous un Dragon rouge (et où selon un texte, Pyre à l'Oeil d'Ebène, l'Ancien Dragon Vermillon de la Côte sauvage, serait parti se réfugier).
Une bonne idée de l'aventure est de réutiliser les Trois Sorcières Macbethiennes déjà vues dans Test of the Warlords ("The Crones of Crystakk" - on les retrouvera aussi dans le dernier module de la série, le M5 Talons of Night). Ces Nornes, aux trois alignements, qui viennent faire des prophéties incompréhensibles aux PJ sont un des rares traits singuliers de tout ce Norwold, si vide et dépeuplé par ailleurs. Transformer le Norwold en quelque Nornheim ou Pohjola est plus amusant que l'Alaska à compléter soi-même. Mais un détail propre à la cosmogonie de D&D est que Verðandi / Λάχεσις, la Norne du Devenir et du Présent, est censée avoir disparu du temps de l'ancienne Blackmoor en laissant des Artefacts, dont son Grand Sablier qui peut accorder divers vœux comme arrêter le temps (D&D Master Set DM's Book p. 62).
La scène avec les rêves qu'envoient les Trois Sorcières exige d'ailleurs vraiment de la continuité, par exemple que la campagne ait déjà évoqué des questions d'héraldique (l'Etoile bleue comme armoiries du Qeodhar). Bruce Heard a proposé récemment cet écusson en couleurs (même si l'azur y touche le champ de gueules).
Le module use encore une fois d'une des énigmes les plus répétitives des Donjons (dont la première source doit être les bouquins de Raymond Smullyan, j'imagine) : Celui qui ment toujours et Celui qui dit toujours la vérité. Franchement, il faudra un moratoire sur ces Tests de Logique (même si celui de ce module est particulièrement facile par exemple par rapport aux problèmes de Crypt of Lyzandred the Mad qui ne peuvent amuser que des profs de mathématiques). D'autres énigmes sont trop mathématiques et modernes à mon goût (par exemple celle sur les Quatre couleurs). Ces épreuves étaient de très bonnes idées au départ dans les années 70 mais maintenant elles font tout de suite passer l'ambiance du scénario vers un show de jeu télévisé ou une page de casse-tête des magazines. De plus, on ne comprend pas pourquoi un démon chaotique comme Alphaks jouerait à ces énigmes avec les PJ.
Le module n'a pas repris les mêmes personnages pré-tirés que précédemment. On a donc ici Trent le Blanc (Paladin 30e Niveau, Heldannique - son nom évoque Tirant le Blanc), Bardeen Longmarcheur (Chevalier 28e Niveau, Ostland), Winifred du Lac (Clerc loyale 30e Niveau, Ethengar), Adik de Chevas (Magicien loyal, 29e Niveau - ce scénario de Skip Williams utilise beaucoup de noms français, peut-être venus de Nouvelle-Averoigne), Lucci Dhay (Voleuse 29e Niveau, Karameikos) et Delsel du Chêne (Elfe 10e Niveau, Rang M).
Voir aussi la review par δ, qui lui reproche seulement de ne pouvoir devenir intéressant que si les PJ ont déjà commencé à jouer en Norwold. Mais du point de vue de l'importance de l'arrière-fond, ce serait au contraire un avantage de ce scénario, qui resterait assez squelettique sans cet ancrage.
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