dimanche 7 juillet 2013

Le Lion de la Bonne Part



Le logicien Richard Whately (1787-1863) était aussi un prêtre anglican et c'est sans doute à ce double titre d'enseignant théologien (membre des intellectuels d'Oxford qu'on appelait les Oriel Noetics) qu'il écrivit un chef d'oeuvre d'humour philosophique anglais, Historic Doubts Relative To Napoleon Buonaparte. La première édition date de 1819, quatre ans après Waterloo, quand il était encore Fellow du Collège d'Oriel, mais il le remit à jour pendant toute sa vie, y compris après l'arrivée au pouvoir de Napoléon III.

Les arguments sont que Napoléon doit probablement avoir été créé par la propagande britannique pour glorifier l'Empire car il serait très peu probable qu'un tel personnage ait pu prendre un tel pouvoir sur tout le Continent avant d'être vaincu seulement par Nelson et Wellington. Mais l'auteur feint de s'étonner que des sources semblent indiquer que certains Français partagent aussi des éléments de ce mythe si peu crédible. Malgré l'humour, il y a une part de l'effarement qu'a dû représenter cette brisure dans l'histoire de notre monde contemporain.

Le but de Whately était clairement de montrer que si on pouvait exercer la méthode critique rationaliste ou la théorie probabiliste sceptique de Hume sur l'existence de Napoléon, cela discréditait tous les raisonnements analogues utilisés pour analyser les Evangiles ou pour se moquer des miracles.

Richard Whately, qui était pourtant un scientifique perspicace, ne se rendait probablement pas compte complètement du piège de l'ironie car il aurait sans doute admis cette même méthode si elle était utilisée sur d'autres mythologies que celles dont il exercait le ministère - et on sait qu'un siècle après, le mythologue James Frazer sera ébranlé (en privé) dans son propre christianisme en prenant conscience honnêtement de ce fait.

Voilà un des arguments où Whately se demande le vrai sens du Nom propre "Napoléon Bonaparte" - ce qui explique une référence qu'on trouve chez Russell (dans Human Knowledge: its Scope and its Limits) puis Kripke (au début de Reference & Essence) sur cet exemple.

Is it not just possible, that during the rage for words of Greek derivation, the title of "Napoleon," (Ναπολεων,) which signifies "Lion of the forest," may have been conferred by the popular voice on more than one favorite general, distinguished for irresistible valour? Is it not also possible that "Buona Parte" may have been originally a sort of cant term applied to the "good (i.e., the bravest or most patriotic) part" of the French army, collectively; and have been afterwards mistaken for the proper name of an individual? I do not profess to support this conjecture; but it is certain that such mistakes may and do occur.

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