lundi 27 janvier 2014

[JDR] Guerre d'Usure

Joyeux 40e anniversaire, Donj'


Hier, expérience de jeu de rôle avec de jeunes adolescents qui avaient Pathfinder (donc l'édition rétro "3.75" de Dungeons & Dragons,  à peu près compatible avec D&D 3.5 et avec des changements bien moins drastiques que dans D&D4). Oui, j'aurais pu tenter de les initier à autre chose mais je ne veux pas faire d'évangélisme runequestien et je me disais qu'il était bon aussi qu'ils puissent un peu explorer et approfondir le jeu qu'ils possédaient déjà avant d'expérimenter vers autre chose dans quelques années.

Le scénario
On a donc joué le petit module gratuit Nous, Gobelins, Vous Bouffe de l'auteur anglais Richard Pett. Il est court (20 pages) et parfait pour un one-shot, avec même quelques interactions simples qui peuvent favoriser l'interprétation d'un rôle puisqu'on joue des pré-tirés gobelins stéréotypés (un prêtre d'un dieu du feu, un alchimiste pyromane, une guerrière et un roublard sadique). Le Concours de nourriture est la bonne idée du scénario. La très courte quête qui suit est en revanche d'un un peu trop prosaïque. Je craignais que les joueurs ne profitent de ces personnages Neutres-Mauvais pour s'assassiner mutuellement mais ils sont su s'amuser à intervertir les tropes sans trop se défouler dans une violence excessive.

J'aime bien aussi une inversion d'un thème habituel du jeu de rôle. D'habitude, presque tous les scénarios (même en un sens dans les jeux où les livres rendent fous) ne cessent de répéter aux joueurs (déjà convaincus puisqu'ils appartiennent souvent à des classes sociales qui manipulent des symboles ou des "capitaux symboliques") une morale assez lourdement assénée, que la recherche de Connaissance est une Chose Bonne et importante, que l'acquisition du savoir est essentielle pour le pouvoir. Avec ces Gobelins au contraire, on joue des sortes de Gremlins, des analphabètes pyromanes et vandales et que toute l'intrigue repose sur le fait qu'ils brulent les livres en ne voulant surtout pas risquer d'être corrompus par toute cette culture (les Gobelins de Golarion ont une supersitition graphophobe qui prend très littéralement "les paroles volent, les écrits restent", en croyant que les écrits volent les paroles qui sont ensuite perdues ou dérobées de l'âme). La morale revient bien sûr au même puisque cette culture violemment anti-intellectuelle explique leur stagnation et leur relative médiocrité, mais c'est rafraichissant de l'affirmer de manière plus indirecte et ironique au lieu d'aller voir un Sage qui vous aide.

Poog le Prêtre de Zarongel et sa Grenouille porte-bonheur


L'Usure de la Guerre et les Points de coup
En revanche, je crois que c'est ma première vraie rencontre avec D&D3 (oui, je suis en retard de 15 ans !) et les combats m'ont paru trop longs. Il faut dire que les Gobelins n'avaient presque que des petites armes faisant 0-3 points de dégâts. Face à un adversaire ayant une vingtaine de points de vie et avec seulement 35% de chance d'être touché (CA 19 contre Bonus +5), cela durait trèèèès longtemps.

Les personnages pré-tirés ont un peu trop de potions de soin sur eux peut-être et le prêtre passait donc son temps à recharger les batteries de tout le monde qui se retrouvait au maximum à chaque fois comme si on était dans D&D4.

Le problème est que la tendance de D&D est d'allonger de plus en plus les combats. D&D4 ou récemment Thirteenth Age ont beaucoup plus de points de vie que leurs prédécesseurs. Pathfinder en a plus que D&D3.5, qui en avait déjà plus qu'AD&D, qui en avait beaucoup plus qu'OD&D. Rien n'arrête l'Inflation des Points de Coup.

L'idée du combat D&D est très abstraite et un des sujets les plus ennuyeux de discussion entre vieux rôludistes. Mais, pour être bref, on peut donner une inteprétation plausible : les points de vie qui montent avec les Niveaux représentent l'importance dramatique croissante et le fait que le joueur s'y est tellement attaché qu'il a de moins en moins envie de le perdre trop rapidement dans un accident.

Les PJ de bas niveau des règles les plus anciennes me paraissaient excessivement fragiles avec leur poignée de points de vie (ma première expérience de jeu où mon voleur avait 3 points de vie et s'est fait tout de suite tuer par un Gobelin m'avait donné l'impression d'un jeu non-testé et je me disais que personne sur Terre ne devait jouer à D&D avec les règles telles quelles). Mais je commence vraiment à penser que je ne peux plus non plus supporter des règles où le combat est représenté par une lente Guerre d'Usure. Après douze tours de jeu, je commence à vouloir suicider mon personnage.

Je ne veux pas que les PJs craignent de se faire tuer par un second couteau dès le premier coup (cela les rendrait beaucoup trop prudents et peu héroïques) et je veux bien aussi que le combat final contre le Boss dure un peu plus longtemps, mais qu'ils n'aillent pas non plus au combat en sachant d'avance qu'ils tiendront une douzaine de rounds quoi qu'il arrive.

4 commentaires:

  1. Il y a des tas de façons de "fixer" ce problème récurrent des pv, et aucune n'est universellement bonne - c'est avant tout une convention entre joueurs et maitre de jeu, sur la mortalité (ou non) des personnages, sur le style de jeu (pulp, gritty,...), sur le primat de l'aventure sur les personnages ou le contraire. Un nombre croissant de jeux arrive à la conclusion qu'il faut effectivement séparer les PNJ en catégories (boss, minions, ...) de manière cinématographique - ce que les PV font à leur manière.

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    1. Oui, la tendance "cinématographique" est de séparer les Mooks (Minions ou Extras) à 1 point de vie et Boss (ou "Uniques" comme dirait D&D4, je crois).

      Mes joueurs d'une douzaine d'années avaient tellement intériorisé cela qu'ils en parlaient d'ailleurs d'eux-mêmes, en reprenant la terminologie des jeux vidéos ("bon, ben là, c'est clair, on en est au Boss").

      J'ai aussi lu des forums où même des fans de D&D4 divisaient au moins par deux les points de vie tant la croissance allait trop vite même pour eux.

      Le problème d'une adaptation des points de vie est que c'est un équilibre fragile entre plusieurs systèmes qui exigerait des tests. On ne peut limiter un peu les points de vie des Boss (pour éviter des combats trop longs) sans devoir aussi veiller à limiter la croissance des dégâts des sortilèges qui évoluent avec leur niveau.

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  2. Dans Piège de Facilité, Noah Chinn cite une étude comparant le nombre de gobelins qu'un guerrier de premier niveau peut tuer avant de succomber lui-même, selon les éditions de D&D.

    Il explique le résultat ("ce n’est même plus jouer, c’est juste écraser des vers après une averse.") par une tendance de plus en plus grande vers le spectaculaire (ou le super-héroïsme). Bref, c'est vraiment un article intéressant.

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    1. Très bon schéma, je ne connaissais pas.

      Je cite donc : un guerrier de niveau 1 à OD&D tue en moyenne 2-3 Gobelins avant de mourir, un guerrier de BD&D et AD&D1 4 Gobelins (j'aurais cru à plus de différence entre BD&D et AD&D), un guerrier de D&D3 10 Gobelins et un guerrier de D&D4 arrive à tuer 23 (!!!) Gobelins. Donc vous n'inquiéterez pas un guerrier de D&D4 avec moins d'une douzaine de gobelins par personne...

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