jeudi 26 février 2015
L'éthique des lavages de cerveau
La mini-série récente Identity Crisis (2004) écrite par Brad Meltzer, introduisait beaucoup trop de pessimisme "réaliste" dans l'univers fantaisiste des superhéros. Non seulement il y a une scène de viol qui gâche rétroactivement beaucoup de l'innocence de la Ligue de Justice et un assassinat assez grotesque mais l'auteur avait décidé de centrer toute cette intrigue où Green Lantern avait effacé les souvenirs de Batman pour qu'il ignore certains des événements qui avaient eu lieu (en l'occurrence, le fait qu'il avait aussi effacé les souvenirs de criminels). Par la suite, la paranoia galopante de Batman avait été attribuée à ces lavages de cerveau et au conflit éthique entre les utilitaristes, autour de Green Lantern, et des puristes du caractère inaliénable de la vie privée.
L'identité secrète était un des thèmes favoris des bd de cette époque (Marvel, finalement, s'appuyait nettement moins sur ce cliché) et les lavages de cerveau périodiques étaient simplement un moyen trop simple pour effacer le choc d'une histoire (un peu comme les Résurrections en série de nos jours). Je viens de tomber par hasard sur Brave & the Bold #59 (mai 1965). Dans cette histoire, le puissant Time Commander (qui peut contrôler le temps avec son Sablier, comme Hourman III) a découvert les identités de Batman et Green Lantern et pendant l'histoire, Green Lantern a appris aussi celle de Batman. A la fin de ce numéro très bancal (comme souvent dans les scénarios incohérents de Bob Haney), le Time Commander est arrêté et Green Lantern efface non seulement les souvenirs du criminel mais aussi les siens pour qu'il ignore l'identité de son collègue Bruce Wayne (et Batman ne trouve rien à redire à cette manipulation, ce qui contredit toute l'intrigue d'Identity Crisis).
Je cite (au cas où l'illustration serait peu lisible) quand Green Lantern s'arrose lui-même de son rayon vert : "I used my power ring to wash that knowledge from his brain -- just as I'm now washing my own mind clean of the same knowledge!" (All Justice League members have agreed to such "brain-washing" whenever they accidentally learn each others' secret identities!)
[NB : le Time Commander revient contre les mêmes Batman & Green Lantern, dans sa dernière apparition pre-Crisis, dix numéros plus tard dans Brave & the Bold #69, janvier 1967.]
Certes, les histoires de Bob Haney dans Brave & the Bold étaient parfois tellement en décalage avec celles des autres comics DC que certains puristes avaient même créé une "Terre-B" où se déroulaient ces anomalies (notamment un problème chronologique où le Batman de Terre-1 semblait avoir été actif dès la Seconde Guerre mondiale).
Les Identités secrètes étaient un tel pilier des histoires de DC que même les membres de la Ligue de Justice devaient respecter le secret absolu entre eux. La première histoire qui avait pris cela pour thème principal était Justice League of America #19 (mai 1963) où toute la planète découvre les identités des membres de la Ligue et où, dans un deus ex machina raté, Superman se sert d'une substance appelée Amnesium, (créée bien avant dans un épisode de Superboy #55, 1957) pour retirer ce souvenir de tout le monde, y compris les Justiciers.
Cette règle du Masque même entre "amis" ne fut officiellement abolie qu'en 1975 avec l'épisode écrit par Martin Pasko, "The Great Identity Crisis" dans Justice League of America #122 qui a dû inspirer la série de Meltzer de 2004. Le Dr Light y avait utilisé l'Amnesium de la Forteresse de Solitude pour que les Justiciers oublient tous leurs identités mais Aquaman avait réussi à sauver toute l'équipe. L'Amnesium avait d'ailleurs aussi été détruit par Superman à la fin.
Les seules exceptions à cette régle des identités secrètes devaient être au départ
(1) Superman & Batman qui connaissaient leurs identités respectives avant d'entrer dans la Ligue, dans Superman #76, 1952 et dans la série World's Finest.
(2) Green Lantern et Flash, qui se l'étaient révélée dans Green Lantern #13 (juin 1962) et par la suite
(3) Hawkman & Atom (Hawkman #9, sept. 1965). Flash et Superman ne se dévoilent leurs vrais noms que dans Superman #220 (oct. 1969). John Stewart, le nouveau Green Lantern, annonce dans sa première apparition qu'il refusera d'avoir une identité secrète (Green Lantern #87, 1971).
Mais la règle de l'Incognito paraissait tellement absurde qu'elle fut souvent oubliée dans les histoires comme le montrent de nombreux exemples, notamment dans Brave & the Bold et même à l'intérieur des histoires de la Ligue de Justice.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire