mardi 26 mai 2015

Tanith Lee (1947-2015)


Voir le site qui lui est consacré.

Comme Tanith Lee a à peu près l'âge de ma mère, cela m'effraie un peu qu'elle soit déjà morte. Ursula Le Guin, née en 1929, a 18 ans de plus. J'avais lu The Birthgrave (traduit en français d'abord par Elizabeth Vonarburg puis chez Marabout : "Le réveil du volcan" puis dans l'édition J'ai Lu "La déesse voilée") enfant et cela m'avait paru assez difficile à cette époque (tout comme Les Chroniques de Tornor d'Elizabeth Lynn), je devrais le relire aujourd'hui. Hélas pour elle, elle disait récemment dans une interview qu'elle avait encore du mal à se faire publier (en partie parce qu'on considérait qu'elle avait joué sur des thèmes "queers" ?), et qu'elle écrivait donc presque uniquement pour le plaisir (un peu comme le fait Brian Stableford, qui publie maintenant quasiment sans en tirer de royalties).

Dans cette autre interview, Tanith Lee raconte un élément formaliste presque "rousselien" dans la rédaction de son "Dit de la Terre Plate" :

IFP: What was the inspiration for the Flat Earth series?

TL: The inspiration was, as I explain in my intro to the Norilana edition of Night’s Master, a word game I was playing with my mother, back in the 70s. Her clue to me was locked in the phrase “Go nowhere on a horse that fades”. This quickly translated into an idea for the first story in the book, (“Light Underground”). Other stories followed. And other books in the Flat Earth library. A lot of my inspirations have come from such so-called small things.
Night's Master (1978 - traduit d'abord en français avec un roman gothique Sabella qui n'était pas dans le même univers) est le premier volume du cycle de la Terre plate, et l'originalité est de composer plusieurs histoires reliées comme si c'était un récit oral ou une compilation à la Mille et une nuits où la Conteuse avouerait qu'elle cherche à nous surprendre.

Sur la Terre Plate, les Dieux dorment, mais les Dieux des Ténèbres, eux, peuvent être actifs et le premier cycle est centré sur Azhrarn, le Prince des Démons (ou "Ajrarn" en français), qui vit sous la Terre plate, au-dessus d'Uhlume le Seigneur des Morts. Le premier mythe ressemble à un mélange de Ganymède et d'Orphée : Azhrarn enlève, sous forme d'aigle, un beau jeune homme, lui donne une femme et tue ensuite le garçon, créant un collier de sept perles maudites avec les larmes de la jeune fille. Puis un poète réussit par son chant à prouver à Azhrarn qu'il a besoin de cette humanité qu'il veut manipuler et s'unira à la jeune fille aux Sept Larmes.


Dans un autre cycle, Azhrarn va suivre de près le destin de Zorayas, jeune fille qui sera défigurée et réussira à obtenir (de force) d'Azhrarn la beauté parfaite.

Dans Dragon Magazine n°30, octobre 1979, Lawrence Schick & Tom Moldvay adaptent les caractéristiques de cette Zorayas (p. 32). Voici donc sa fiche pour D&D :

Zorayas
Magicienne du 23e Niveau
CA -3 (armure démoniaque)
HP 40
Alignement : Loyale-Mauvaise
Force 7
Intelligence 18 (93%)
Sagesse 17
Dextérité 6
Constitution 10
Charisme 18 (00)

Zorayas est la 13e fille du Roi Zorashad de Zojad, dont le royaume fut détruit pour son hubris. Horriblement mutilée, elle fut élevée par un guérisseur et tenta au départ de reprendre la même fonction que ce père adoptif mais son apparence horrible la rendait haïssable de tous. Elle se tourna vers la démonologie et se fit fabriquer par des forgerons démoniaques une armure pour cacher sa laideur. Elle reconquit ainsi tout l'Empire de son père et força Azhrarn à lui donner une apparence parfaite (d'où le score en Charisme). Quand elle retire son masque, son visage agit maintenant comme un sort de Charme. Depuis, elle est devenue une agente du Prince du Mal Azhrarn sur la Terre plate et a perdu son innocence.

SPOILER : Dans ce premier volume, Zorayas sera détruite à cause de cette beauté parfaite, à nouveau en imitant un mythe grec bien connu. [Les romans suivants dans le cycle auront plus d'influence mésopotamienne.]

Et juste pour voir ce que pouvait une Magicienne du 23e Niveau en 1979, elle a ces 43 sorts :
Spells
1st Level Burning Hands Detect Magic Sleep Magic Missile Shocking Grasp
2nd Lvl Detect invisibility Fools Gold Mirror Image Web Wizard Lock
3rd Lvl  Dispel Magic  Fireball  Fly Monster Summoning I Phantasmal Force
4th Charm Monster Hallucinatory Terrain Minor Globe of Invulnerability Monster Summoning II Polymorph Other
5th Animal Growth Conjure Elemental Distance Distortion Monster Summoning III Transmute Rock to Mud
6th Death Spell  Geas Monster Summoning IV   Spiritwrack*  Tenser’s Transformation *
7th Cacodemon* (son armure), Monster Summoning V Reverse Gravity Simulacrum Vanish
8th Trap the Soul* Polymorph Any Object* Monster Summoning VI Otto’s Irresistible Dance Maze
9th  Power Word, Kill*   Monster Summoning VII   Imprisonment*  

Add. 
Marcus Porcius a consacré de nombreux posts de son blog à des nouvelles de Tanith Lee. 
Un portrait de Narasen la Reine Léopard dans Death's Master (et qui finira en améliorant encore le sort d'Innana/Ishtar : au lieu de ressusciter, elle conquiert les Enfers). 
Le philosophe Gene Hargrove (fan de Tolkien) relit tout le cycle de la Terre plate et fait une comparaison intéressante avec le Silmarilion. D'ailleurs, ceux qui n'aiment pas le Silmarilion ou les recueils de contes n'aimeront pas non plus ce cycle, qui ne ressemble pas du tout à un roman moderne. 

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