mardi 7 juillet 2015
Compétences & Appétences
Chaque élève a un livret scolaire. Depuis quelques années, nos administrations, dans un souci de future uniformisation européenne ou pour avoir des seuils plus faciles à remplir, ont formalisé des listes de "Compétences". Au lieu de dire "10 en littérature", on est donc censé dire aussi en complément "B en compréhension d'un texte" mais "C en expression orale". Ou c'est un chiffre avec un ordre pas intuitif, je ne me souviens même plus. Ce sont des cases à cocher, ce qui me donne aussitôt envie de mettre des patterns indépendants des dispositions supposées ou des talents de l'élève. Je ne sais pas du tout si ce projet des Compétences est, comme le disent certains nouveaux amis de la Gauche radicritique, un sombre projet d'aliénation, normalisation, arraisonnement quantitatif de l'être ou de sousveillance panopticon néolibérale - je sais juste que ces mots doivent être dans le tiercé de ceux qu'il convient d'utiliser avec un air entendu pour transformer son agacement en une catastrophe historiale.
Malgré mon extrême conformisme docile, je n'ai jamais rempli ces cases, plus par obstinée révolte de mon indolence que par un raisonnement radicritique. Je suis sûr que dans quelques années, si on me demandait vraiment de mettre vingt nuances de couleurs, je finirais par m'y mettre malgré mon daltonisme. Elias faisait le pari que nul collègue n'oserait mentionner ces catégories pendant un Jury de baccalauréat mais je tiens à dire (malgré tout le secret de notre conclave) qu'ON EN A PARLE. Un collaborateur du Wall broyeur d'identité singulière refusait d'octroyer ses 1d6 points de suppléments et la Présidente de jury, à cours d'arguments, a donc commencé un supplice chinois en lui lisant en plus des appréciations toutes les compétences du candidat. Une. Par. Une. C'est un nouvel argument utilitariste sur l'efficacité de la torture. Le malheureux a crié grâces et a donc craché ses points.
Mais comme je n'arrive jamais à réfléchir plus que quelques secondes sans penser aux applications aux jeux de rôle, je pense que les discussions sur les dites sciences de l'éducation comme cette taxonomie des compétences d'acquisition de Bloom pourrait peut-être servir en jeu. La structure si symétrique, presque ésotérique, de ces méta-compétences fait d'ailleurs plus penser au symbolisme ludique (et son goût pour des espaces mnémotechniques) qu'à de la science.
Damned ! Je n'avais pas anticipé l'usage de la lecture des compétences comme moyen de torture pour contraindre un juré récalcitrant.
RépondreSupprimerJe regrette également de n'avoir pas pensé tout seul au rapprochement avec le jeu de rôle. Je suis sûr qu'il y aurait des choses amusantes à faire avec les compétences de sciences de l'ingénieur...