mercredi 14 août 2019
[JDR] Premières impressions d'Oreste
Oreste est un nouveau jeu de rôle de science fiction française créé par Sébastien Moricard (qui travaille notamment sur les adaptations de jeu vidéo chez Bragelonne). Le financement participatif a permis des illustrations somptueuses qui évoquent des art books ou des Bibles de jeux informatiques.
Je n'ai pas le temps de faire une vraie recension de cette réalisation impressionnante (notamment du volume 2, les règles, que je n'ai pas du tout lues) et je vais donc me contenter d'un survol très incomplet et subjectif (et en essayant de ne pas gâcher trop les Secrets de l'arrière-fond, ce qui est trop souvent le défaut de mes notes).
Mais soyons franc, je suis lu par 2d6 personnes, donc ce n'est peut-être pas trop grave pour les joueurs potentiels. Mais caveat lector si vous voulez garder le suspense.
Le premier volume, Les Mondes alignés, décrit l'univers, y compris les Secrets uniquement pour le MJ. Pour le dire très vite, et bien que ce ne soit pas du tout une inspiration explicite (S. Moricard cite plutôt Frank Herbert et Pierre Bordage ou des animé que je ne connais pas), cela me fait beaucoup penser à la série Babylon 5.
Non, non, pas seulement le fait évident que le jeu se centre sur la station spatiale éponyme (comme beaucoup d'autres jeux de SF récents d'ailleurs, voir l'excellent jeu suédois Coriolis) mais même les rapports diplomatiques entre les différentes espèces et même certains des secrets (qui m'ont aussi rappelé les romans d'Alastair Reynolds sur le Paradoxe de Fermi, voire, pour les réflexions sur les dimorphismes sexuels, certaines des obsessions des romans de Larry Niven).
On est dans un futur proche, XXIIe siècle (et on est donc à la frontière entre le cyberpunk poisseux et le transhumaniste). L'Humanité, qui a découvert un mode de voyage FTL, vient de faire le premier contact avec plusieurs espèces et d'affronter une espèce mystérieuse contre lesquels les autres sont prêtes à se liguer malgré tous leurs différends. Cette espèce a soudain cessé d'agir mais ce n'est sans doute pas trahir un secret que de dire qu'ils sont toujours là. Et tout le monde se réunit sur une Station qui est la Ville-Monde du jeu, la station spatiale ORESTE.
Ces quatre espèces sont toutes assez humanoïdes, ce qui peut donner un côté un peu "star trekien". Après une première lecture, l'aide-mémoire peut-être réducteur me semble être le suivant :
(1) Les Solariens font penser à première vue à des "Petits Gris" de sf mais avec des exosquelettes osseux qui les changent au contraire en de robustes géants. Ils ne pondent qu'un seul oeuf dans leur vie. Ils ont une gérontocratie pacifiste et intellectuelle et sont les fondateurs de l'Alliance qui a conduit à la station-ville Oreste en ONU de l'Espaaace.
(2) Les Elfhayms sont... des Elfes de l'Espaaace (un peu comme dans Tigres Volants). Ecologistes, mystiques (même théocratiques), ils ont des pouvoirs psi de télépathie (qui provoque une sorte de conscience collective, y compris avec les pensées stockées des ancêtres) et de télékinésie (dont ils ont d'ailleurs besoin pour se reproduire).
(3) Les Déchus sont en fait une évolution des Elfhayms dans le sens opposé. Hypertechnologiques, ayant rompu avec l'esprit collectif des Elfes et leur culte de l'équilibre naturel après une Guerre civile, ils sont des cyborgs qui ne cessent de modifier leur forme.
NB : Ils s'appellent en fait les Fallens et le terme est censé être un autonyme sans aucune signification anglaise mais je trouve cela assez peu crédible. De même que la langue elfe semble trop clairement hébraïque (les "Déchus" sont donc sans doute des Nephilims) et qu'il est curieux d'imaginer qu'Oreste est le nom local de la station sans aucune référence terrienne au mythe grec et au Fils qui tue sa Mère. (Ni aux Erinyes qui apparaissent comme un des secrets du jeu sous leur nom d'Euménides).
(4) Les Khrones, à première vue, me font plus penser à un mélange de Klingons (bellicisme, apparence) et de Vulcains (stoïcisme). Ils peuvent communiquer par phéromones et ont une tendance à la violence qu'ils répriment. Ils se régénèrent, certains peuvent même se transformer (les Doppelgangers) et ils sont victimes d'une maladie génétique qu'ils n'ont jamais réussi à éradiquer et qui a une forte probabilité de les tuer dès qu'ils ont des rapports sexuels. Le livret réfléchit aux conséquences psychologiques et sociales de cela (notamment une séparation des sexes où le puritanisme est une condition de survie) mais un des aspects est sans doute qu'ils devraient se cloner plus encore que les Solariens et qu'ils devraient avoir un Etat assez social pour gérer une espèce où une majorité des individus sont des orphelins. En passant, si les Khrones causent (certes involontairement) la mort de leur parents, cela donnerait un autre sens symbolique au nom parricide d'Oreste pour la station...
Les alliances diplomatiques sont Solariens + Elfes vs Déchus + Khrones et l'Imperium humain est devenu la nouvelle force qui remet en cause cet équilibre. Quant aux Seths (l'espèce mystérieuse qui est vue comme une menace par tous les cinq empires), on ne les voit plus mais certaines factions militaires interspecifiques continuent à mener une guerre secrète pour les retrouver. Il y a des traces d'autres peuples mais on ne trouve que des ruines...
Si on pousse l'analogie avec Babylon 5, les Minbaris ressembleraient à la fois aux Solariens et aux Elfes. Les Narns seraient peut-être plus proches des Khrones mais leur religiosité ferait plus penser aux Elfes (et dans ce cas, ce seraient les Centauris qui joueraient un rôle plus proche des Déchus dans cette rivalité ?). Je ne dis pas qui seraient les Vorlons et les Ombres.
J'aime bien les illustrations et les cartes du jeu, c'est très bien écrit, un jeu admirablement professionnel, mais je ne suis pas convaincu que le jeu soit pour moi. Peut-être à cause de certaines de ces espèces ET. Peut-être est-ce juste le hasard du fait que Coriolis (qui a d'ailleurs tout autant de space fantasy avec ses Djinns virtuels de l'Espaaace) m'attire plus en ce moment pour du Space Opera ?
Les scénarios me semblent plus orientés vers le cyberpunk à la Shadowrun (des agents entre les différentes Corporations et les factions des différentes espèces), ou alors de manière assez militariste dans les factions de l'armée d'Oreste. Les secrets sont certes intéressants pour l'exploration de l'univers (et en un sens, j'ai déjà presque donné la clef dans la description des espèces) mais je crains de ne pas pouvoir faire tenir la révélation très longtemps dans une campagne.
Et une partie du technobabble (sur l'origine de la vie) ne paraît pas très plausible. Sans vouloir trop en dire, on peut quand même relever une inversion originale, mais, par scrupule, je vais la mettre en Rot13. Q'unovghqr, qnaf qr abzoerhk haviref qr fpvrapr svpgvba bh qr pbzvpf, ba qépbhier dhr y'Uhznavgé n égé znavchyér cne qr Tenaqf Napvraf. Yà, p'rfg yr pbagenver, har fvathynevgé qrf Uhznvaf rfg dh'vyf fbag ienvzrag fbegvf cne unfneq qr y'Ribyhgvba angheryyr fnaf nhphar vagreiragvba rkgengreerfger.
Notons une bonne idée inspirée par les cartes de pouvoirs et de sorts dans d'autres jeux : le jeu s'accompagne de cartes d'équipements et de cartes de dons de chaque classe. L'auteur a dit avoir cherché un jeu à la fois très simple d'accès et pourtant profond, ce qui me paraît un but de design intéressant dans la SF.
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