Mégamachine et Suprémacisme
Les autres séries portent avant tout sur la responsabilité éthique individuelle, sur des personnes qui veulent (plus ou moins) bien faire, les X-Men portent sur la question des choix de l'humanité face à son avenir et comme des métaphores transparentes sur le rapport de la démocratie américaine à ses minorités (les Américains Noirs dans les années 1960, même si tous les membres étaient blancs, et les Gays dans les années 1990 quand la Guerre culturelle des Conservateurs américains et la question du SIDA se concentra sur la question des "Styles de Vie" et des préférences sexuelles).
La série a commencé avec l'opposition entre le Rêve de Xavier (imité du Rêve du Révérend Martin Luther King) et le suprémacisme mutant de Magneto (en écho au suprémacisme ou séparatisme noir de Malcolm X et la Nation of Islam, qui avait fait parler d'eux dès des violences policières à New York en avril 1957 - Malcolm X quitta la Nation of Islam en 1964 et fut assassiné en 1965).
Pour simplifier à l'extrême, les deux épisodes les plus importants de la série (si on laisse de côté des épisodes au retentissement dramatique plus important mais moins politiques, comme la Saga du Phénix noir) sont :
- (1) The X-Men n°14-16 (novembre 1965) la première apparition des Sentinelles.
Le racisme anti-mutant conduit à la première hystérie avec la création de Robots pour exterminer les Mutants. C'est la Machine inhumaine qui est censée sauver les Humains face à son grand Autre qu'il craint et rejette. La Machine devient alors le symbole de l'aliénation et de l'inhumanité de toute la Machinerie du Génocide, avec ce Moule Initial (Master Mold, X-Men n°15-16) qui forge les Sentinelles pour exterminer dans l'Oeuf dès le berceau tous les gènes des Mutants. La Matrice des Sentinelles est le Grand Moloch pour sacrifier les générations futures, le ventre de Mort de Phalaris, le grand Holocauste de métal (et bien plus tard la métaphore sera ensuite filée avec une Tour de Babel et la sentinelle nommée "Nemrod le Chasseur", Uncanny X-Men n°191). Ce Moloch est une imagerie de toute la Modernité depuis au moins le film Metropolis de Fritz Lang pour la puissance mortifère de nos progrès d'exploitation.
Lee & Kirby avaient matérialisé la Shoah comme "Mégamachine" (pour utiliser le terme de Lewis Mumford sur le développement urbain et technologique depuis les premières Cités du Croissant Fertile), et non plus simplement comme une personnification individuelle (Crâne Rouge). L'inconscient de Lee a prénommé le créateur des Sentinelles "Bolivar" comme si on voulait insister sur le Libérateur qui va annoncer tant de Dictateurs (et l'adaptation en film de 2014 en fait un Nain, joué par Peter Dinklage, pour ajouter un niveau de handicap physique où celui qui a été exclu par une norme "naturelle" veut créer un instrument artificielle de normalisation).
On avait déjà vu de nombreuses scènes de foule où des Humains voulaient lyncher des Mutants mais c'était la première fois que les X-Men ne luttaient pas seulement contre des Mauvais Mutants séparatistes mais contre la Mutantophobie de ceux avec qui ils sont censés se réconcilier.
Bolivar Trask faisait référence à une sorte de crainte darwinienne : les Mutants menaçait de nous remplacer et de nous asservir et le remplacement par les Robots était la solution pour lutter contre l'Evolution. Le Progrès technologique comme barrage contre l'algorithme de l'Evolution naturelle. Samuel Butler avait créé en SF la crainte que le Robot ne remplace l'Homme mais je ne sais pas si on avait déjà imaginé avant les Sentinelles ce combat entre les deux fantasmes de la Machine et du Mutant, du Talos de Dédale et du Surhomme héracléen, du Cheval d'Ulysse contre le Héros achilléen.
La métaphore des Sentinelles dans ces premières apparitions est certes assez simpliste car les Humains n'auront même pas à dépasser leur haine, immédiatement l'arme anti-mutante se révèle aussi anti-humaine. C'est donc assez facile : les Mutants doivent sauver les Humains de ce qui était censé les délivrer de la domination mutante, comme les Jeunes Hippies croient pouvoir sauver leurs Parents d'eux-mêmes (Lee & Kirby appartiennent à la génération d'avant mais ils ont su très bien représenter les fantasmes des Baby Boomers des années 1960-1970).
Et Arnold Drake ajoute ensuite (The X-Men n°57, juin 1969) l'idée que Bolivar Trask était en réalité animé par un rapport complexe à son fils qui était un Mutant. (Le fait que les racistes puissent avoir eux-mêmes un enfant mutant, voire être des mutants latents, déplacera la métaphore de minorités ethniques vers les minorités sexuelles puisqu'un des aspects des X-Men est toujours un changement à l'adolescence et une opposition générationnelle).
Toute la Saga de voyage dans le temps des Days of Future Pasts (à partir de X-Men n°141, 1981, tout à la fin de la période Claremont-Byrne, où on révèle les futurs dystopiques où les Sentinelles ont fini par l'emporter, exterminer tous les Mutants et pris le contrôle de l'Humanité sont assez directement sortis de cet épisode de Lee & Kirby qui spéculait déjà sur l'avenir prévisible des Mutants.
- (2) Uncanny X-Men n°161 (septembre 1982), le grand révisionnisme de Chris Claremont sur Magneto
(Couverture par Mignola de la réédition)
Le Magneto de Lee & Kirby n'était pas du tout représenté comme un leader sincère de la cause mutante. C'était un opportuniste cynique, un fasciste haineux qui voulait exploiter ses congénères mutants pour satisfaire sa Volonté de Puissance. Loin d'être un défenseur de minorités, c'était un suprématiste, le miroir inversé du racisme de la majorité, tout comme l'était la Nation of Islam (Malcolm X a commencé à critiquer certains points de la prétendue "Nation of Islam" à partir de 1964 avant d'être assassiné par des membres de cette organisation fanatique).
Cependant, il est vrai que dès le début, Charles Xavier présente sa relation avec Magneto avec une certaine symétrie, comme une sorte de rivalité entre deux dirigeants politiques et non pas seulement une guerre entre le Bien et la Confrérie des Mauvais Mutants. On savait que Magneto et Xavier se connaissaient depuis longtemps mais pas qu'ils avaient été amis et alliés.
Magneto n'était pas représenté comme juif auparavant, même si on savait qu'il avait vécu en Europe centrale et qu'il avait sauvé des Roms mutants de pogroms (il était d'ailleurs intéressant que dans le contexte américain, Lee & Kirby déplacent toujours l'exclusion des juifs vers les Roms, de même avec les origines de Dr Doom). Magneto était même plutôt au début une image de Hitler dans sa démagogie en faveur des Übermenschen Homo Superior.
Un long processus d'évolution du vilain commença dès les années 1970 quand Magneto fut révélé comme le père de plusieurs héros comme Pietro & Wanda Maximoff ou Lorna Dane.
Chris Claremont alla plus loin dans "l''humanisation" de l'Ennemi en faisant de Magneto un survivant des Camps de la mort. Cela changeait beaucoup de choses dans la dynamique car il était maintenant une Victime de Hitler qui avait des raisons compréhensibles pour en vouloir à toute l'Humanité (ce que les films X-Men et notamment First Class vont adapter directement en faisant de Magneto un Chasseur de Nazis sincère et asses sympathique). Pour la première fois, Magneto est montré dans le "Bon Camp" contre le racisme néo-nazi de HYDRA qui occupe tant Captain America et d'autres titres Marvel.
Magneto restait certes encore un Ennemi mais il était plutôt quelqu'un qui s'était fourvoyé et qui suscitait de l'empathie. Il y a une évolution assez générale de notre rapport au Héros (comme on peut le voir par exemple dans le rapport à la Guerre et notamment à la Seconde Guerre mondiale). On est passé du Héros (littérature épique) à la Victime (roman psychologique) et ensuite au Anti-Héros ambigu (mélodrame qui n'arrive même plus à croire à l'innocence absolue des Victimes).
Au lieu d'une différence Bien-Mal, on avait maintenant une différence qui évoquait plus le Proche-Orient et l'Etat d'Israel (qui est au centre de cet épisode n°161 dans le flash-back). De manière inconsciente, les Humains devenaient les Palestiniens et les Mutants les Israéliens (voire les juifs de la Diaspora).
Xavier était l'Ordre international de l'ONU ou plutôt les juifs de gauche qui continuent à
vouloir accorder une place aux Palestiniens et Magneto était la droite israélienne qui était prête à une politique de nettoyage ethnique des Territoires occupés depuis 1967 au nom des violences subies dans l'Histoire. Certes, Charles Xavier a un nom très chrétien mais l'épisode va fonder la base de toute sa famille israélienne (son fils, le Mutant Légion est le fils de Gabrielle Haller qui apparaît pour la première fois dans cet épisode).
Par la suite, la superposition des métaphores avait ajouté Genosha, le pays où les Mutants ne sont pas exterminés mais parqués et exploités et qui était ensuite devenu brièvement une Terre Promise des Rebelles mutants conduits par Magneto avant de se faire génocider tous à leur tour (à cause d'une soeur jumelle de Xavier, mais passons sur ce détail). Le parcours était là l'Afrique du Sud de l'Apartheid mélangé avec toutes les anxiétés sur le dépassement de ces injustices et l'avenir d'Israël (dont on ne sait jamais si elle finira par être victime d'un nouveau crime contre l'Humanité ou bien par perpétrer un nouveau crime contre l'Humanité). L'idée de Terre Promise est importante pour comprendre toutes les projections des USA sur le Proche-Orient en reflet de leur propre représentation d'eux-mêmes.
John Byrne, qui était parti depuis plus d'un an du titre, ne fut jamais d'accord avec le révisionnisme de Claremont et continua dans sa propre utilisation de Magneto de le faire revenir à son image de quasi-Hitler du début. Mais au fil du temps et malgré des contradictions entre les divers scénaristes, c'est ce révisionnisme de Claremont qui a eu le plus d'effet sur les X-Men. Progressivement, le rapport des X-Men à Magneto et même au Hellfire Club devint plutôt une sorte de rivalité entre des tendances politiques à l'intérieur d'un même "Parti". Magneto et Emma Frost dirigèrent l'Ecole de Xavier, Cyclops, qui était clairement l'Héritier présomptif de Xavier avant de littéralement "tuer le Père", passa de plus en plus clairement vers l'idée que la protection des Mutants devait l'emporter sur la protection des Humains (et où paradoxalement, c'était Wolverine et Storm qui préservaient une part de l'idéalisme du Rêve de Xavier dans une guerre civile entre X-Men au début des années 2010. symboliquement, Cyclops avait construit sa base Utopia à partir de l'Astéroïde M qui servait de repaire à Magneto et on ne pouvait pas plus clairement montrer que l'opposition s'était brouillée. Claremont était revenu dans une série Excalibur sur une collaboration politique entre Magneto et Xavier après l'extermination de la nation de Genosha.
Au fil des nombreux massacres de Mutants pendant des décennies, le Rêve de Xavier est donc de plus en plus terni et même Xavier partage au minimum avec Magneto l'idée qu'il aurait été trop angélique et qu'il n'aurait pas été assez pro-actif dans la préservation des Mutants.
Hickman, Krakoa & Moira
L'Utopie mutante
L'Utopie mutante
Jonathan Hickman est sans doute l'un des plus brillants scénaristes de Marvel en ce moment par sa capacité à intégrer à la fois une véritable réflexion de science-fiction et une synthèse de milliers d'histoires antérieures pour les faire évoluer de manière organique. Il y a des analogies avec son run sur les Quatre Fantastiques (2009-2012) où il avait semblé brasser tous les concepts originels en faisant réfléchir Reed Richards à l'optimisation de tous ses Plans.
Dans sa mini-série de 2019 House of X / Power of X, Hickman a de même radicalement changé le statu quo mais tout en semblant continuer assez clairement de très nombreuses pistes des titres antérieures. Peu d'auteurs réussissent cette gageure d'avoir à la fois une voix reconnaissable et de savoir se mêler dans les nombreux fils d'une feuilleton étalé sur plus de six décennies. C'est relativement accessible grâce à un effet de rupture mais Hickman contente aussi les plus fanatiques complétistes par son goût encyclopédique.
Les fans qui se plaignent ou trouve cette rupture trop importante ne me semblent pas avoir pris en compte toute l'évolution depuis cette lente réhabilitation de Magneto.
Parmi les changements importants, il y a d'abord l'idée d'une grande coalition de tous les Mutants.
Xavier accepte un compromis politique avec toutes les factions à la fois, Magneto, le Hellfire Club et même Sinister ou Apocalypse, le premier Mutant immortel qui hante l'Humanité depuis l'Antiquité. La réconciliation avec tous les Terroristes mutants semble presque totale et il ne semble même plus y avoir beaucoup de résistances des X-Men contre ce grand compromis politique de leur fondateur. C'est sans doute le culminant du processus de révisionnisme de Claremont sur Magneto. Il n'y a plus de vilains, que différents mutants tous unis comme bouc-émissaires de l'Humanité. La seule exception interne pour l'instant a été le brutal Sabertooth, condamné pour meurtre commis après la coalition. Même des vilains comme Selene (qui vampirise les autres Mutants) sont acceptés comme des éléments de la vie mutante tant qu'on peut les surveiller.
Cyclops, le héros Oedipien par excellence qui scelle son regard comme Oedipe se crève les yeux, pour inhiber les risques de destruction, a l'air complètement réconcilié avec son Père adoptif qui lui avait forgé ses lunettes (oui, historiquement, certaines histoires disent que c'était Sinister et non Xavier qui avait créé les oeillères de Scott mais Hickman commence symboliquement sa série par un flash-back sur cet objet). La première histoire des X-Men et des New Mutants met à nouveau en scène le père génétique de Scott, Corsair.
(En passant, le plan de la demeure des Summers sur la Zone Bleue de la Lune semble fortement suggérer que Scott, Jean et Logan vivent dans une "relation libre" ou je projette un ménage à trois là où il n'y en a pas ?)
Au lieu de réutiliser le pays fictif de Genosha (qui fut gouverné par Magneto et détruit), Hickman reprend l'Île vivante de Krakoa, qui occupe une place à part dans la mythologie X-Men comme ce fut le premier adversaire des Nouveaux X-Men en 1975 dans Giant-Size X-Men 1.
L'Île avait été révélée comme un Mutant symbiotique créé par les premiers tests nucléaires (Krakoa est toujours dans le Pacifique même s'il a un Portail vers une de ses "branches" dans l'Atlantique, peut-être pour être plus près de Genosha ou bien de l'Atlantis de Namor). House of X n°6 dit qu'elle mesure environ 800 km2 (soit à peu près la taille de Basse-Terre en Guadeloupe, l'île de Chios ou Bahreïn), mais c'était avant son extension récente.
Un retcon récent dans Deadly Genesis (2005) avait aussi ajouté que l'île abritait Vulcan, le frère de Cyclops et Havok. Krakoa avait erré dans l'espace et avait émis des spores qui devinrent d'autres îles mutantes avant de revenir sur Terre. Le Hellfire Club produisit même plusieurs Clones de ce territoire pour s'en servir comme d'une arme biologique. L'un de ces mutants fusionnant tout un écosystème de faune et de flore fut aussi le site de l'école des Mutants de Wolverine (l'école "Jean Grey", nommée ainsi pour neutraliser la référence au Père encombrant Xavier) et devint même membre de l'école dans la série Wolverine & the X-Men (deux volumes différents de 2011 à 2014, par Jason Aaron).
Krakoa est devenue plus qu'une Base pour les X-Men, c'est la nouvelle Terre Promise de tous les Mutants. Ce n'est pas seulement un refuge car Xavier veut en quelque sorte statuer que tout Mutant sur Terre en est de droit un citoyen, quelle que soit sa nationalité originelle et même si son Etat refuse ce changement de citoyenneté (comme semblent le faire les Grandes Puissances au début, et notamment les USA ou la Russie).
Le Séparatisme mutant va si loin que Hickman a même créé un Alphabet nouveau pour les Krakoans (un peu comme l'Alphabet qu'utilise la Légion des Superhéros 1000 ans dans le futur). Comme le dit Magneto, les Mutants doivent avoir leur propre langue s'ils veulent avoir leur propre culture distincte.
Cette Terre Sainte est aussi la Corne d'Abondance un peu trop omnipotente de la série. Elle fournit à la fois de nombreuses ressources (gemmes, médicaments, Portails de téléportation... ) et même l'Immortalité (grâce à Cérébro, qui a archivé tous les Mutants connus). Et Xavier a commencé un projet de résurrection en masse des tous les Mutants décédés. Et toute l'équipe est déjà morte et ressuscitée une fois depuis le début de la série, dont Jean Grey, sans que le Phénix y soit pour rien cette fois-ci.
On commence donc clairement dans un Retour au Paradis Perdu même si on peut déjà s'attendre aux Guerres civiles futures au Paradis et à de nouvelles Chutes ou Exils hors de ce Jardin des Nouveaux Adams.
L'île a Xavier en Roi-Prophète mais il a instauré un gouvernement nommé le "Calme Conseil" composé de 11 autres membres divisé en 4 "Saisons", où les X-Men historiques sont une minorité : Magneto, Apocalypse, Mr Sinister, Exodus, Mystique, Sebastien Shaw, Emma Frost, "Le Roi Rouge" (identité pour l'instant inconnue mais choisi par La Reine Blanche), Storm, Jean Grey et Nightcrawler, plus l'île de Krakoa elle-même, avec Douglock en interprète de ses volonté. C'est la dramatisation de ce Conseil gouvernemental qui illustre bien que le titre est plus politique que ne pouvait l'être les Quatre Fantastiques ou même les Vengeurs.
Krakoa est un être vivant. Il/elle se reproduit et elle peut être attirée par d'autres Îles vivantes (X-Men n°2). Iel se nourrit de Mutants, avec un régime relativement frugal (un télépathe par an), ce qui fait que la population importante de télépathes est suffisante pour le/a contenter sans qu'ils soient absorbés ou dévorés, du moins tant que ses éléments et notamment ses fleurs dans la Terre Sauvage ne sont pas trop endommagées (X-Men n°3). Il/elle est aussi en symbiose avec Black Tom Cassidy, le cousin de Banshee qui peut s'associer aux végétaux.
μοῖρα
L'autre thème majeur de la nouvelle série X-Men est la transformation de Moira McTaggart (orthographe correcte actuelle MacTaggert, j'ignore pourquoi) en une Mutante.
Originellement, Moira est une généticienne, collaboratrice (et amante) de Xavier et la mère d'un Mutant omnipotent nommé Proteus. Elle apparut longtemps comme la principale alliée humaine des Mutants et la spécialiste de leur génétique.
A présent, on apprend qu'elle a toujours caché son identité mutante, qu'elle a le pouvoir de se réincarner à travers le Multivers en gardant à chaque fois le souvenir de sa vie antérieure et qu'elle essaye en vain de changer le futur après chacun de ses décès en un des futurs possibles (un peu comme la Wonder Girl de John Byrne ou par coïncidence plus récente, la nouvelle Rose/Thorn de Brian Bendis dans Legion Millenium).
Moira était déjà morte, tuée par Mystique et Sabertooth mais on révèle que ce n'était qu'un Golem shiar qui avait été touché à cette époque (peut-être parce qu'il n'était pas certain que Cérébro ait en mémoire toutes les archives de Moira si Xavier ignorait qu'elle était une Mutante).
Moira signifie le Destin en grec (littéralement "la part" alloué à chacun) et elle vient annoncer la Destinée de toutes les continuités temporelles. Elle est la Bodhisattva des X-Men et elle a une Mauvaise Nouvelle : "Xavier doit se réveiller de son Rêve. Nous perdons toujours".
Les Mutants finissent toujours vaincus par la Machine, que ce soit les Sentinelles ou le virus techno-organique de la Technarchie (Warlock) et de la Phalange qui ont joué un rôle important dans les Nouveaux Mutants ou dans l'histoire du fils perdu de Scott et Jean, Nathan Summers alias Cable. On naît avec le Gène Mutant mais un Humain peut être infecté par le virus techno-organique (Warlock étant lui-même décrit comme une forme mutante de ce Virus). La branche "humaine" (cyborg) de la Phalange était composée de militants anti-mutants et la Guerre entre Technologie et Nature organique est donc superposée avec celle entre Homo Sapiens et Homo Superior. comme ces Reavers qui sont prêts à se changer complètement en armes robotisées dans leur croisade contre les Mutants (X-Force n°1-2).
Borges, a dit en plaisantant que toute histoire était soit l'Iliade soit l'Odyssée. Les Fantastic Four étaient une Odyssée d'exploration et de retour vers la Famille. La plupart des titres X-Men sont avant tout une Iliade, qui a quelque chose de fatale et qui se répète à travers toutes les myriades des futurs, entre l'Humanité et sa Post-Humanité, avec Moira en Cassandre condamnée à un éternel retour.
Et c'est probablement un Siège de Krakoa et une chute de la Cité des Mutants qui s'annonce après le énième assassinat de Xavier dès le numéro 1 de X-Force. Le désavantage de cette Guerre interminable est que si la Coalition des Mutants peut être ambiguë, il est difficile de voir une complexité symétrique du côté des Humains du Projet Orchis qui ne rêvent que de génocides. Hickman a gagné en ambivalence du côté des X-Men mais les adversaires n'en ont pas.
Malgré ce problème de la Guerre des Descendants d'Adam, la force de Hickman est d'avoir cultivé ici toute la thématique des X-Men vers une convergence de la SF transhumaniste actuelle : l'Humanité se condamne-t-elle en croyant atteindre l'Immortalité ou la transcendance dans la Singularité technologique ?
Pour l'instant, Hickman ne semble pas vouloir réutiliser le Phénix et c'est un moratoire bienvenu après tant d'années de retours cycliques. De manière plus intéressante, c'est la Sorcière Rouge qui est décrite comme la plus honnie de toutes les "Mutantes" à cause du sortilège qu'elle avait lancée (lors de l'événement appelé "Décimation" après House of M) qui avait transformé les Mutants en espèce en voie d'extinction en changeant l'immense majorité en Humains "normaux" (Marvel a changé plusieurs fois d'avis sur la question de savoir si la Sorcière était bien ou non la fille de Magneto pour d'obscures raisons de droits dérivés des films). La dé-mutantisation n'était pas un acte d'extermination mais le texte l'évoque comme une violence tout aussi extrême que celle des militants fanatiques.
House of X / Powers of X avaient un rythme plus fort sans doute que les premiers épisodes du nouveau titre X-Men (qui a aussi repris en sous-titre une numérotation "Legacy" continuant celle de l'ancien titre). Ce numéro 3 avec ses Golden Girls éco-terroristes était dans un humour très décalé par rapport à la dramatisation du prologue. Hickman prend visiblement plus son temps avant de faire monter la pression. L'Immortalité risque de ne pas durer très longtemps s'il veut réinstaurer de la tension sur Krakoa.
Si on tient compte de tout ce prologue, ces premiers épisodes me semblent déjà s'annoncer comme un des meilleurs runs de toute la série depuis Chris Claremont. Hickman cite souvent Jason Aaron en référence immédiate (et Aaron arrivait aussi à ne pas se soumettre trop totalement à l'ombre écrasante de Claremont) mais c'est peut-être l'ambiguïté politique des scénarios de Kieron Gillen qui se rapprochait le plus de ce qu'il est en train de faire, comme l'équipe de Scott sous Gillen était déjà passée du côté de la Cause de Magneto.
Et pour polémiquer un peu (c'est certes un peu gratuit de revenir là-dessus), Grant Morrison avait eu il y a 20 ans un impact énorme sur les fans de cette période mais finalement, que reste-t-il de ses concepts en dehors de l'amour entre Scott et Emma Frost ou des sentiments de Jean envers Logan ? Je ne me souviens plus guère que de vilains ratés comme Cassandra (la Jumelle Maléfique de Xavier, une de ses pires idées) ou l'incohérent Xorn ?
Le risque de la technique d'écriture de Hickman qui récapitule tant de fils narratifs est que cela pourrait sonner vraiment comme une conclusion difficile à continuer après lui...
brillant analyse qui me donne toujours plus envie de me remettre aux xmen
RépondreSupprimerComment ne pas saluer une telle synthese.
RépondreSupprimerJe reviens sur quelques points annexes (avec bien moins de densité et de sens du développement) :
Concernant les sentinelles on retiendra la tentative d'A.Davis de mettre fin a la malediction : dans Excalibur 66-67 Rachel les reprogramme pour que dorénavant elles protégent toutes forme de vie.
(et pour l'anecdote,continuité complexe oblige,il est a noter que Tanya Trask,fille de Bolivar,sera la protégée de Rachel dans le futur de Cable)
"il était d'ailleurs intéressant que dans le contexte américain, Lee & Kirby déplacent toujours l'exclusion des juifs
vers les Roms, de même avec les origines de Dr Doom"
Effectivement et plus largement du si peu de judéité des personnages Marvel au regard des auteurs de l'époque :
(A ce propos une trés interessante conference,en français,autour de la famille et de la jeunesse de Stan Lee :
https://www.youtube.com/watch?v=amNvuGOLxfY )
"L'idée de Terre Promise est importante pour comprendre toutes les projections des USA sur le Proche-Orient en reflet de leur propre représentation d'eux-mêmes."
Précieuse clef dont je tacherais de me souvenir.
Qu'est-il resté des concepts de Morrison ? Je citerais justement son idée d'ecole ouverte a tous (dont on peut presumer que,nette inflation de persos aidant,elle influencera a la fois 198 puis Utopia),sans ce pas décisif là,on en serait encore aux simples equipes.
Plus l'ebauche,et on peut y voir une suite dans la situation actuelle,de la reconnaissance d'une culture mutante propre,influente et d'avant-guarde,paralléle gay assumé (avec par ex a l'epoque le quartier District-X)
https://marvel.fandom.com/wiki/Jumbo_Carnation_(Earth-616)
En tout cas il y a visiblement un serieuse attention aux details et a la cohérence chez Hickman qui donne vraiment envie de se plonger dans son travail.
Merci à tous les deux.
RépondreSupprimerJe ne me souviens plus de cette suite dans Excalibur. C'est seulement dans un des Futurs possibles, pas dans celui d'où vient vraiment Rachel ?
Sur la quantité des élèves, oui, cela avait été une rupture qui généralisait le processus des New Mutants. Il y avait déjà eu X-Force qui avait commencé à avoir plus de petits protégés mutants et le premier film X-Men de Bryan Singer (2000) montrait déjà une école assez nombreuse avant Morrison.
Je viens de relire par hasard un vieux X-Men de Roy Thomas (X-Men 39, dec. 1967 et cela relativise en fait ce que je disais sur la rupture apportée par Claremont.
Xavier s'allie aux Mauvais Mutants ("Power Three", Mastermind, Blob, Unus et Changeling) pour lutter contre une extraterrestre et à la grande surprise des X-Men, il décide de laisser partir les Mauvais Mutants pour les remercier de leur aide. L'idée que la connexion avec les Mutants l'emporte parfois sur le "droit" est donc déjà présente à ce moment (même si ce n'est pas avec Magneto).
(En passant, Roy Thomas semble vraiment avoir laissé des indices dans ces numéros 39-40 sur le retcon futur sur la mort de Xavier/Changeling/Morph.)
Pour Rachel il s'agit visiblement de son futur initial : https://marvel.fandom.com/wiki/Earth-811
RépondreSupprimerUn long processus d'évolution du vilain commença dès les années 1970 quand Magneto fut révélé comme le père de plusieurs héros comme Pietro & Wanda Maximoff ou Lorna Dane.
RépondreSupprimerPour être plus précis, Magneto est annoncé comme le père de Lorna Dane dans X-Len 50 (1968) mais Magneto n'apprend qu'il serait le père de Wanda & Pietro que dans Vision & the Scarlet Witch (vol. 1) n°4 (février 1983 - mais c'était préparé dès le n°2) et le scénariste Bill Mantlo cite explicitement les origines juives de Magneto.
Le visage de Magneto est montré pour la première fois dans X-Men 62 (1969) mais il faudra donc attendre 1969-1983, soit 14 ans après pour que Marvel ne décide d'utiliser la ressemblance manifeste entre Magneto et Pietro.
De 1974 à 1982, c'est Whizzer qui est officiellement le père de Wanda & Pietro (et je crois comprendre que c'est à nouveau la théorie officielle depuis 2014 ?).
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RépondreSupprimerConcernant la reprogrammation des sentinelles par Rachel :
https://3.bp.blogspot.com/-8Ip5L96dWy8/WaSmP541DXI/AAAAAAAAgNY/teAT1KPpVhsWrZIHERU5N1KAeAxMyfJQwCEwYBhgL/s1600/Excalibur%2B%252367%2B-%2Breprogrammed.png
http://majorspoilers.com/wp-content/uploads/2014/06/Excalibur678-595x900.jpg
Et je réalise avec beaucoup de retard,d'où ce commentaire,que la 1ere directive de protéger toute formes de vie était trés probablement un clin d’œil a :
https://en.wikipedia.org/wiki/Three_Laws_of_Robotics