mardi 18 janvier 2022

Les mondes de la Couronne de Fer (9) l'Empire terrien de SpaceMaster

(Voir l'épisode précédent : Gryphon World)

En 1985, 3 ans après MERP, les auteurs de I.C.E. lancèrent leur jeu de rôle de science-fiction, SpaceMaster, une adaptation de RoleMaster. Ces auteurs étaient surtout Kevin Barrett (qui fit aussi le wargame de sf dans le même univers, Silent Death) et  le regretté Terry Amthor

Comme je l'ai déjà indiqué, Kulthea, le monde médiévale fantastique de RoleMaster, est une planète isolée dans l'univers de SpaceMaster : Ceril VII (+35X, +20Y, +80Z) dans le domaine de la Maison Devon. Un des secrets est que Kulthea/Ceril est le lieu d'origine des Grands Anciens humanoïdes qui ont répandu la forme de vie humanoïde dans tout l'univers. Il existe quelques espèces intelligentes non-humanoïdes mais elles sont rares et peu développées. 



Il était une fois les espaces

Le jeu de base était censé être relativement dénué d'arrière-fond mais il y avait déjà un début d'univers de space opera qui sera développé dans la première aventure Imperial Crisis: House Devon in Turmoil, avec une influence claire de Dune (les tribunaux utilisent des psis nommées les Sibylles de Vérité). Ce n'est guère étonnant comme Shadow World, le monde de fantasy, avait déjà sa Guilde des Navigateurs. Cet univers va être approfondi peu à peu dans les aventures, dans le SpaceMaster Companion (1986) et surtout dans la seconde édition du jeu. 

Un défaut est la pauvreté en informations sur les mondes par rapport aux listes de caractéristiques des mondes dans Traveller. Les cartes stellaires, peu denses, ont aussi une tendance à être lacunaires avec de nouveaux systèmes qui apparaissent selon les scénarios (un peu comme dans ceux de Star*Drive). 

Les règles de la première édition étaient divisées en deux livrets vendus séparément, Future Law (personnages, etc.) et Tech Law (vaisseau spatial surtout mais aussi construction de robots ou d'androïdes). 

Les vaisseaux indiqués dans Tech Law p. 23-24 vont à une douzaine d'années-lumières par jour. On peut reprendre ici la comparaison avec les autres jeux de sf dans ma review de SpaceQuest : ceux de Traveller ne dépassent généralement pas 7 ou 13 années-lumière par semaine et ceux de Space Opera font plutôt du 1 année-lumière/heure

Cette vitesse explique peut-être pourquoi les systèmes (dans la carte 3D) sont plus éloignés les uns des autres que ceux de Traveller. Un voyage de 100 années-lumières ne prend que dix jours dans SpaceMaster et plutôt dix semaines dans Traveller

Je soupçonne par quelques indices (tout en ayant la flemme de confirmer) que cette carte n'est pas censée avoir la fiabilité scientifique de celles d'Universe ou 2300 AD mais les noms font assez vraisemblables et je ne demande guère mieux pour la suspension of disbelief. La description paraît plus vivante que les atlas du jeu Space Opera

La carte est parfois difficilement utilisable à cause de l'axe des Z où ils ont laissé des nombres trop élevés, ce qui crée donc des illusions de proximité. Ceril VII a l'air d'être à côté de Delta Cassiopieiae mais elle est en fait à 70 années-lumière. 

Dans Traveller, rien ne va plus vite qu'un vaisseau et donc l'information va par la Poste. Dans l'Empire terrien de SpaceMaster, il existe en plus des vaisseaux des canaux de tachyons mais ils n'ont qu'une portée de 30 (Tech Law p. 4) ou 50 années-lumière (par la suite) et ont donc besoin de stations de relais. Il est amusant de constater qu'au début, ce n'est qu'un détail qui va devenir un point central par la suite quand toutes ces stations de tachyons seront organisées par la "Dia Khovaria" (l'Eglise qui contrôle ce réseau de télécommunication, l'analogue dans SpaceMaster à la fois de la Guilde des Navigateurs et des Bene Gesserit, ou peut-être les Cyclans de Dumarest, voir SpaceMaster 2, GM's Book p. 46-47).  

(Xéno)biologie

SpaceMaster avait de nombreuses espèces jouables mais presque toutes dérivées de l'Humanité. 

Il y avait les Humains terriens, les Xéno-Humains (humains nés dans des environnements d'autres planètes), les humanoïdes (dérives génétiques des Humains), les Transhumains (humains modifiés par eugénisme), néo-humains (mutant supérieurs), les réplicants (humains formés par génie génétique dans des fonctions précises) et les androïdes. 

Chacun de ces hominidés sont divisés en fonctions spécialisées : les Transhumains de type I sont des guerriers, de type II des techniciens, de type III des Mentats, de type IV des Télépathes. L'Empire terrien peut persécuter les androïdes et réplicants mais il a l'air habitué à utiliser des pouvoirs Psi. 

Future Law décrivait quelques exemples de cultures humanoïdes (p. 22-24). 

Les Spheranxes sont des xéno-humains xénophobes et tyrannisés par une théocratie communiste exilée sur le monde aquatique Hyperion IX (+24, +44, +76, qui abrite aussi d'autres cultures dont la puissante Mafia hypérienne, cf. Imperial Crisis p. 25, p. 60). Les Spheranxes ne sont pas vraiment une parodie des Fremen, leurs leaders leur mettent des puces pour les détruire s'ils désobéissent ou si l'Imperium surveillait de trop près leurs affaires. 

Les Mesheshas sont un exemple des tribus de xéno-humains primitifs dans les jungles de Saiph (+19, +31, -47, donc à 124 années-lumière d'Hypérion). Il y a beaucoup d'autres exemples par la suite. 

Delta Cassiopeiae (+32, +30, +11), système de Karoline, la capitale de cette région,  est à 59 années-lumière de Saiph et à 88,5 années-lumière d'Hypérion

Future Law et SpaceMaster Companion ajoute quelques espèces extraterrestres mais la zone de départ, la Maison Devon est exclusivement humanoïde (en dehors de ces mystérieux robots Ramas) : 

Les Adanakees sont des sortes d'amphibiens qui ressemblent à des grenouilles sans yeux. Ils sont hyper-individualistes et sans gouvernement. Ils n'ont pas encore l'hyperpropulsion. 

Les Aoemarans de Zosma VI (-45, 21, -25, à 83,5 a.l; de Delta Cassiopeiae) sont de petits protoplasmes translucides télépathes qui forment des symbioses avec des créatures d'autres espèces en entrant dans leur organisme. Ils accompagnent leur support et lui donnent en échange des capacités de régénération. Le SpaceMaster Companion p. 51 conseille de les utiliser comme un PJ en symbiose avec un autre PJ, et pas comme de simples familiers PNJ. Cela fait bien sûr penser aux Trills dans Star Trek

Les Ghediens sont des félinoïdes velus qui semblent avoir été des androïdes conçus par un peuple inconnus. Ils sont très bien intégrés dans l'Empire terrien. 

Les Olze sont des créatures immenses (5-10m3) et incompréhensibles vivant en symbiose avec des structures cristallines qu'ils utilisent pour leurs technologies. Là encore, cela me paraît assez "star trekien". 

Les Triloptères (décrits dans le Companion) sont des créatures à trois consciences et trois tentacules. Ils servent la Maison Jade-London de l'Empire et sont de bons techniciens malgré leurs problèmes d'attention et une certaine lâcheté. Ils font un peu penser aux Marionnettistes de Pierson mais surtout aux Trilax de SpaceQuest

Les Xiomara Ramas sont des robots intelligents de différentes formes et aux constructeurs inconnus qui habitent Mintaka VII (+21, +15, +20, à 20,5 années-lumière de Delta C.). 

La première aventure

Imperial Crisis: House Devon in Turmoil (64 pages, 1985) est indispensable pour entrer dans les détails de l'univers (tout comme Spinward Marches avait été la vraie première description de l'Imperium de Traveller). Mais c'est un cadre un peu rapide, avec plusieurs aventures qui se concentrent uniquement sur une poignée de systèmes dans la zone de la Maison Devon, le Secteur Delta C

Nous sommes en l'An 470 de l'Empire, environ 9000 ans dans le futur, mais cela ne fait que 1500 ans que l'Humanité dispose de l'hyperpropulsion et surtout des communications en tachyons. 

L'Empire, qui a succédé à l'ancienne Fédération démocratique, règne depuis la Terre (Sol est toujours utilisée comme le point d'origine des coordonnées) mais les anciennes Méga-Corporations Colos, Devon, Hulugu, Jade-London, Kashmere sont devenues des Maisons de Seigneurs héréditaires dans la grande Bourse interstellaire (le MERLOGH, qui est donc la C.H.O.A.M.). 

Il existe d'autres juridictions au-dessus de l'Empire Terrien comme la Cour Galactique de l'Humanité sur Vega. Vega est à la fois le siège de la MERLOGH, de la Cour Galactique et de la Police (Vega IV, "Valhalla", +3, -20, +17, à environ 26 a.l. (tiens, presque la distance réelle) de la Terre et à 58 a.l. de Delta Cassiopeiae). 

Delta Cassiopieiae VI aussi appelé juste Delta C, Karoline, la capitale des Devons, est à 45 a.l. de la Terre (alors que nous savons que la vraie Delta Cassiopeiae (Ruchbah) est plutôt à 99 années-lumières). La langue locale est un mélange du standard impérial et de Mandarin, comme les premiers colons étaient en majorité chinois (les Yung). On passera sur un détail où l'auteur semble confondre Chine et Japon et dit que les Yungs ont des écoles de Ninjas

La Maison Devon est dirigée par le vieux Lord Yama Pythagore III Devon. Traditionnellement, Devon, qui commença comme une compagnie d'électronique, est allié des Jade-London et violemment opposée aux Colos, au point que les directeurs Devon sont souvent assassinés par des agents colosiens. Les Ducs de Devon ne sont pas aussi idéalisés que les Atréides mais Colos fait penser aux Harkonnens. (de même que Fading Suns a ses Hawkwood et ses Decados). Comme dans Traveller, l'univers est très décentralisé et le contrôle des Seigneurs Devon est relativement distant sur leurs planètes. Une originalité est que l'Empire n'a pas l'air de trop redouter un risque de soulèvement ou de trahison de la part des Devons. 

Mais en plus des complots prévisibles des Colos, ce livre donne 4 aventures et développe aussi d'autres pistes dont une crise interne causée par plusieurs opposants, dont deux clans en théorie vassaux des Devons, plus des inquiétudes de l'Imperium lui-même qui surveille le domaine. Pour suivre tous ces conflits, il faut utiliser les cartes. Les mondes ne sont pas bien indexés et c'est à vous de les retrouver sur les cartes. 



J'en redonne quelques-uns que j'ai trouvés : 

Alexie Prime (7 Aurigae, 30X, 28Y, 37Z) est un monde froid. Les membres du Clan Baburnica ont une oligarchie et gynocratie sexiste mais ont juré vassalité aux Devons, pour l'instant. p. 25

Ceril VII (+35X, +20Y, +80Z) est Kulthea, le Shadow World. Les PJs sont censés juste savoir que c'est un monde primitif où les agents des Devons n'ont jamais réussi à s'implanter. Mais l'extérieur sait qu'il y a des traces de la civilisation qui a essaimé dans toute la galaxie. 

Dev 7 (27, 19, -1) ne contient que des Mines d'astéroïdes. p. 23

Midden II ("Planète de Greamann", Sigma Cassiopeiae, 27, 32, 72) est un monde sans rotation. Le Clan des Benkans est une Maison vassale des Devons. p. 24

Rahayna (Pyskar III, +36, +36, +2) a une population primitive, les BjaBja. p. 27

Tjokjad (Kepler II, 30, 39, 51) a une population fondamentaliste religieuse. p. 22

En 64 pages, c'est très riche, même si je regrette de ne pas avoir une synthèse ou un survol de tous les mondes ainsi qu'un tableau de toutes les distances qu'il faut calculer soi-même (contrairement à Star*Drive qui récapitulaient cela en plus de sa carte 3D). 

Les scénarios commencent souvent avec des missions qui présupposent que les PJ sont des marchands ou des mercenaires plus que des agents secrets ou politiciens mais les intrigues sont ensuite assez politiques. 

10 commentaires:

  1. c'est quand même drôle cette difficulté à faire autre chose que des sociétés hyper aristocratiques pour décrire les univers de SF ! Sans parler de l'omniprésence créationniste.

    On a l'air de plus s'amuser sous la Culture :)

    RépondreSupprimer
  2. Tres interessante serie. Merci.
    ... en attendant vos notes sur Dark Space !

    RépondreSupprimer
  3. " des Maisons de Seigneurs héréditaires dans la grande Bouse interstellaire"? Soit c'est la Bourse interstellaire, soit il y a un parti pris flagrant qui transparait... :-)

    RépondreSupprimer
  4. > JeFF
    Oui, depuis au moins les Empires d'Asimov ou Herbert, les jeux de sf préfèrent souvent des royaumes féodaux. Mais l'Empire est tellement décentralisé que chaque planète peut avoir n'importe quel régime.

    Politiquement, Other Suns était plus aventureux avec des planètes qui tentaient des formes politiques plus radicales.

    > Alex
    Je n'ai jamais essayé Dark Space. C'est bien ? La comparaison du GRoG avec un Animonde dans l'espace est intrigante, je m'attendais à du Cthulhu dans l'espace.

    > Anonyme
    Je ne peux pas exclure un lapsus révélateur en effet. :-)

    RépondreSupprimer
  5. Deux précisions :

    Les livrets étaient disponibles séparément, mais aussi dans la boîte (avec la carte stellaire, un livret d'aides de jeu et une fiche de pions à découper, de mémoire ; j'ai la flemme d'aller vérifier).

    Les semaines de saut à Traveller durent bien 7 jours. ;-)

    RépondreSupprimer
  6. Je corrige pour la durée de semaine. Pourquoi avais-je retenu que c'était environ 5 jours (120 heures) dans le Jumpspace + 1-2 jours d'arrêt à l'astroport avant d'aller se recharger en géante gazeuse ? Ca doit être un souvenir d'un autre jeu ?

    Megatraveller dit de lancer 1d6 pour avoir une durée 677778 jours, donc 66% de chance d'avoir une vraie semaine de 168 heures (voire plus en cas de Mishap).

    RépondreSupprimer
  7. Espace Sombre, c’est très bien. Et même après toutes ces années, je trouve toujours bien inspirant. https://tinyurl.com/39m6ww34 <--pour quelques heures.

    C'est plus pour Rolemaster que Spacemaster, car c'est un univers magique, avec sorciers, alchimistes, mort-vivants, etc. Mais le livret, qui est bien court, donne tout de même un bon aperçu de ce qu'est cet univers horrifique techno-fantastique, celui des Vingt Mondes.

    Monte Cook y décrit diverses organisations (commerciales, politiques, religieuses, etc); des divinités avec plus ou moins de détails, comme la juste citée Mère des Machines; d'une technologie organique, l'Organo-tech -- la technologie classique est prohibée sur beaucoup des mondes de cet univers depuis La Purge; de l'Espace-Néant, qui n'est pas l'Hyper-espace; de bio-crystaux; d’espèces non-humaines, comme les Quans, félins humanoïdes, ou les entités du Vlathachna, ces êtres négatifs, ennemis de l’humanité, d'inspiration lovecraftienne, provenant de la Nébuleuse des Ténèbres; etc.

    C'est chouette.

    RépondreSupprimer
  8. Merci ! Je ne connaissais pas, c'est donc plus une version sombre de Spelljammer. Je vois que c'est aussi une des premières créations de Monte Cook après Creatures and Treasures II, 1989 pour RoleMaster (où on trouve déjà certaines des créatures qu'il va introduire dans le Sombre Espace). Je vais d'abord finir l'univers de SpaceMaster mais je reviendrai en effet sur DarkSpace.

    J'ai aussi beaucoup de nostalgie pour les Campaign Classics dont certains comme Mythic Heroes étaient meilleurs que les suppléments GURPS.

    RépondreSupprimer
  9. Mythic Heroes ? Connais pas.
    Mythic Greece ou Mythic Egypt, peut-être ? ;-)

    RépondreSupprimer
  10. Oui, je pensais à Mythic Greece d'Aaron Allston, mais Mythic Egypt a aussi un chouette tableau de concordance entre panthéons publiés chez ICE. :)

    RépondreSupprimer