lundi 28 octobre 2024

Absolute Wonder Woman #1


Wonder Woman est ré-imaginée si souvent par DC qu'elle va finir par se métamorphoser plus souvent que les variantes d'un virus. Comme tant de personnages DC, elle n'a plus un "canon", mais plutôt un halo d'attributs contradictoires. 

Je ne vais pas lister toutes les variantes mais en rester à un aspect, celui de son lien avec la mythologie grecque. Dans la première version en 1941, elle était l'émissaire de Vénus et devait vaincre la Guerre par l'Amour (alors que les Amazones antiques étaient au contraire plutôt liées à Arès/Mars). Lors du reboot de 1987, George Perez précisa que l'île de Themyscira était chargée de garder un Portail de l'Hadès, ce qui donnait une nouvelle fonction mythique aux Amazones comme gardienne des Enfers (l'âme de Wonder Woman étant l'incarnation dans une statue de Pandore d'une Eve ou Lucy préhistorique). Il y eut une histoire où Zeus tenta d'abuser d'elle et plus tard, avec John Byrne, une autre où elle devint finalement une des Olympiennes en tant que Déesse de la Vérité. Phil Jimenez, qui était globalement fidèle à la version de Perez, tenta une nouvelle direction moins hellénocentrique où les Amazones étaient liées à une alliance de Déesses de plusieurs panthéons terrestres en 2001-2003 (n°164-188). Greg Rucka, un des meilleurs dans l'utilisation de la Grèce, fit un reboot en 2003-2006 (n°195-226) où Athéna avait renversé Zeus. En 2011-2014, le volume 4 par Brian Azzarello changea les origines de Diana pour révéler qu'elle était une fille de Zeus et d'Hippolyta et non plus une Pandora (Arès n'était plus son ennemi juré mais plutôt un de ses Mentors qui lui avait appris les arts martiaux, Apollon & Artemis tentaient de prendre le pouvoir sur l'Olympe contre le "Premier Né" de Zeus). En 2016, le volume 5 (qui commence avec "Year One") par Greg Rucka tenta de restaurer en partie une version plus classique avec la possibilité que Diana soit bien sortie de l'argile mais James Robinson (puis Steve Orlando) garda en 2017-2018 l'idée (tirée de Geoff Johns) que la reine Hippolyta avait accouché en même temps que Diana d'un frère jumeau, un autre fils de Zeus abandonné par les Amazones, Jason (et le mythe de WW avait aussi intégré une Amazone de plus de la mythologie, Myrina). Depuis 2023, Tom King s'occupe d'un nouveau reboot

L'autrice Kelly Sue DeConnick a écrit en 2021-2022 Amazons: Historia (je n'ai parlé que du tome 1). Elle y racontait que six Olympiennes (Aphrodite, Artémis, Athéna, Déméter, Hestia et Hécate) avaient créé les Amazones dans une révolte contre le patriarcat (et Héra, la septième déesse, est un personnage plus ambigu car elle est à la fois pleine de rancoeur contre Zeus et opposée au changement du statu quo). DeConnick était à nouveau revenue vers le mythe de Pandora et Diana est donc bien une sorte de "golem" façonnée par Hippolyta à partir de Sept Olympiennes. DeConnick justifie le nom de "Diana" en disant que c'est cette fois la déesse lunaire et sylvestre Artémis et non Aphrodite ou Athéna qui représente le mieux la figure tutélaire des Amazones d'Hippolyta. 

Absolute Wonder Woman est un reboot par une autre autrice, Kelly Thompson, ou plutôt (ce qui revient au même dans le Multivers DC) une version alternative de plus (comme l'univers Ultimate l'avait été pour Marvel) et il n'y a pas de lien avec ce qui était raconté il y a deux ans dans Amazons: Historia, à part peut-être dans la représentation très inhumaine du dieu Apollon qui apparaît ici. 

Diana y est nettement plus inquiétante : les Olympiens ont emprisonné les Amazones immortelles pour une raison inconnue. Diana est donc l'Unique et Dernière Amazone (DC hésite toujours sur le statut de ses personnages et tend toujours à multiplier des doubles de ses personnages avant de changer d'avis et de les éliminer périodiquement pour réinstaurer leur unicité). Née sur l'île du Paradis mais enlevée dès la naissance, Diana a été élevée au fond des Enfers, dans le Tartare par une des prisonnières infernales, l'enchanteresse Circé. On est donc plus proche de la sombre déesse Hécate que d'Artémis. 

L'univers DC Absolute repose sur certaines inversions de nos présupposés : Absolute Batman a abandonné l'idée de base que Bruce Wayne doit être un riche héritier pour en faire un prolétaire des bas quartiers de Gotham. De même, Circé est d'habitude la pire ennemie de Diana et c'est donc un retournement total d'en faire sa mère adoptive à la place de la figure maternelle d'Hippolyta (alors qu'il y a eu aussi des histoires où Diana doit lutter contre une fille de Circé et d'Arès, Hippolyta II, qui est considérée comme son antithèse). Il se peut qu'il y ait aussi une allusion à l'histoire récente de Amazons Attack où Circé avait été capturée aux Enfers par la Déesse d'Apokolips Granny Goodness ? Perez avait fait des Amazones les Gardiennes de l'Hadès mais WW, la Dernière des Amazones, y est maintenant une sorte de "Scott "Mister Miracle" Free", la rose innocente sortie des Enfers comme une dernière espérance contre le mal. 

Une idée que j'aime bien est reprise de l'enfance d'Héraclès : dès le berceau, Diana sait se défendre contre les monstres des Enfers, qui ne doivent pas être envoyés par Héra mais par l'écosystème infernal. 


Circé y est décrite au début comme une cynique prête à abandonner le bébé mais qui va finir par éveiller une réel sentiment maternel. Et elle ne fait pas que nourrir Diana, elle va lui transmettre aussi une part de ses connaissances de magicienne, ce qui change la guerrière en une "guérisseuse", comme dans cette case où elle soigne Cerbère. Cela ne fait que confirmer le concept traditionnel qu'elle doit incarner la compassion et pas seulement l'héroïsme. Cette version ne sera donc peut-être pas si sombre que son enfance aux Enfers pourrait le faire penser. 


Cette Diana version Absolute ne vole pas (et n'a pas d'avion invisible) mais elle chevauche un Pégase-Zombie qui crache de la foudre. Elle porte aussi une épée ridiculement gigantesque de JRPG, épée rectangulaire d'Athéna. Kelly Thompson reprend une vieille idée de John Byrne, le cadre de Gateway City pour que WW ait aussi sa propre ville imaginaire (alors que Perez utilisait Boston). 

Comme le fait remarquer Corentin, critique de ComicsBlog, une des forces des dessins de Hayden Sherman & la coloriste Jordie Bellaire est la place des cases silencieuses. Mais le récit reste rythmé par la narration de Circé (qui risque donc de voler la vedette à Diana). On peut deviner que même si cette Diana ne partage pas la moralité de Circé, elle va être opposée aux Olympiens plus nettement que les versions antérieures. Comme on l'a déjà dit, les fictions modernes vont souvent prendre un point de vue prométhéen contre les figures d'autorité archaïque. 

3 commentaires:

  1. Absolute Batman et Superman sont de bons titres?

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  2. Absolute Batman est assez original comme inversion, avec un Bruce Wayne qui n'a jamais été riche et un Alfred en espion qui n'a jamais été son valet. Depuis Musk, on ne peut plus avoir un héros milliardaire... Mais Batman n'est pas trop mon genre.

    Je n'ai pas encore lu Absolute Superman. Il est sorti ?

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