lundi 29 octobre 2007

Así de contradictorios somos



"Somos capaces los peronistas como los argentinos de generar las acciones más generosas y los personajes mas sublimes, como las acciones más horribles. Así de contradictorios somos"
(Cristina Kirchner)

Je suis un peu étonné que Ségolène Royal ait décidé de soutenir la campagne de la nouvelle Présidente d'Argentine, Cristina Kirchner.

Je pouvais comprendre pour Michelle Bachelet au Chili mais ce n'est pas exactement la même chose. La politique argentine est une chose fascinante à cause du phénomène particulier du "péronisme" - encore plus inclassable que le gaullisme de gauche, le néo-bayrouisme ou les dixicrates populistes socialisants et racistes -, mais la candidate la plus proche de notre sociale-démocratie aurait été Elisa Carrió, ex-radicale qui a rejoint l'A.R.I. et Coalition Civique, pas la grande bourgeoise femme du président péroniste Nestor Kirchner. Cristina Kirchner a eu 43% et Elisa Carrio aurait eu 22%.

Résumé de la politique argentine

Jusqu'au début du XXe siècle, la République argentine avait une gauche et une droite comme en Europe, les Conservateurs et les Radicaux. Une junte militaire, plutôt pro-franquiste ou fascisante, occupe le pouvoir pendant la Seconde guerre mondiale. C'est de cette junte fasciste qu'émerge le Général Juan Perón (1895-1974). Il commence une politique nationaliste (un peu de rhétorique anti-américaine et anti-communiste) et d'infiltration des syndicats avec la création de la C.G.T., ouvriers péronistes. Il gagne les élections de 1946 et est réélu en 1952 (après la mort d'Evita Perón).

Mais en 1955, le Président Juan Perón est renversé par ses anciens amis militaires. C'est le début d'une nouvelle dictature militaire qui va durer près de vingt ans. Juan Perón part en exil dans l'Espagne de son ami Franco. L'opposition démocratique est désormais divisée entre gauche et péronistes.

En 1973, la démocratie est restaurée et Juan Perón revient au pouvoir, avec sa femme Isabel Perón comme vice-présidente et une politique de redistribution qu'on va appeler le "Justicialisme" (qui divise de manière de plus en plus violente le péronisme d'extrême droite et le péronisme de gauche). Perón meurt moins d'un an après son retour et Isabel Perón devient Présidente (la première femme présidente d'Argentine, mais Cristina Kirchner est la première élue directement et non comme Vice-Présidente). C'est la Crise économique et elle sera renversée par un nouveau coup d'Etat en 1976.

La Junte militaire va exercer la nouvelle dictature pendant 7 ans, de 1976 à 1983, et ce sera la période des Disparitions, de la Sale Guerre contre les gauchistes et les péronistes.

Au retour de la démocratie, c'est le Radical (centre-gauche) Alfonsin qui devient Président, mais le "Justicialiste" de droite Carlos Menem gagne les élections en 1989 et 1995. Le péronisme a bien plus clairement assumé son aspect conservateur dans cette période pendant toutes les années 90.

En 1999, Fernando de la Rua devient Président pour la coalition des Radicaux et des partis de centre-gauche contre le candidat "justicialiste". Mais ce retour de la gauche modérée, qui mène finalement une politique libérale assez proche de celle de Carlos Menem, va échouer dans la grande crise financière de 2001. C'est le début de l'instabilité avec deux démissions de la Présidence en 2001-2002.

Le Kirchnerisme

En 2003, Nestor Kirchner, péroniste "de gauche", est élu avec 22% contre le péroniste de droite Carlos Menem qui avait eu 24% (mais il se retire de la course), la droite 16% et les deux candidats de centre-gauche (dont Elisa Carrio, celle qu'a battue Cristina Kirchner hier) qui avaient 14% chacun.

Aux élections d'hier, la femme de Nestor Kirchner a gagné largement. Elisa Carrio pour le centre-gauche a eu autour de 22% et le troisième candidat à 19% était Roberto Lavagna, ancien Ministre de l'économie de Nestor Kirchner qui avait été renvoyé en 2005 après avoir critiqué la corruption d'autres minitres. La coalition de Lavagna était donc aussi composée de certains péronistes et certains socialistes ou radicaux, tout comme Elisa Carrio...

Autrement dit, Ségolène Royal venait soutenir la femme d'un Président péroniste qui joue à soutenir les étranges Hugo Chávez du Vénézuela et le Bolivien Evo Morales, face à une centre-gauche et un péroniste soutenu par une partie de la gauche. La Présidente de la République du Poitou a assuré que la "gauche d'Amérique latine pense à une meilleure redistribution" mais j'espère au moins qu'elle aura tiré de cette Cécilia Sarkozy de la Pampa qu'on peut aussi être femme et bonne oratrice.

En revanche, Cristina Kirchner est, tout comme la célèbre Evita, un symbole d'une évolution préoccupante de nos démocraties avec une "personnalisation". Les dictatures et autocraties ont des cultes de la personnalité un peu abstraits (Staline et Brejnev n'ont pas vraiment de "famille" ou de vraie "personnalité" du point de vue politique, même si Ceaucescu, Mao, Castro ou Kim Jong-il en ont), la démocratie spectaculaire veut des images familiales et dissipe la différence entre l'intime et le public.

L'histoire de l'humanité a été marquée par la confusion entre l'Etat et la structure familiale dans les dynasties monarchiques ou aristocratiques. La démocratie a été l'idée que le citoyen individuel ne se réduisait pas au clan familial. C'est un système précaire et les grandes familles, qu'elles se présentent comme populistes ou non, ont souvent réussi à récupérer le pouvoir dans la démocratie, ce qui conduit aux restaurations monarchiques, depuis le déclin des cités-Etats grecques, l'Empire militariste romain (où le principe familial fut finalement souvent assez pauvre par rapport à celui de l'Armée).
Au XXe siècle, les dynasties politiques des démocraties comme les Nehru-Gandhi, les Roosevelt, les Rockfeller, les Kennedy, les Bush rappelaient que ce pouvoir familial existait toujours mais il se renforce par un progrès démocratique de l'égalité homme-femmes : l'arrivée au pouvoir des femmes se fait en théorie pour l'égalité mais souvent en réalité à cause de ce principe.
Ce sont toutes les filles de pères assassinés (les Electre) ou les veuves (les Pénélope) : Indira Gandhi (fille de Nehru, il y a aussi Sonia, veuve de Rajiv, et sa fille Priyanka), Corazon Aquino (veuve de Benigno Aquino), Michelle Bachelet (fille d'Alberto Bachelet), Benazir Bhutto (fille de Zulfikar Ali Bhutto), Violeta Chamorro (veuve de Pedro Chamorro), Janet Jagan (veuve de Cheddi Jagan) ou Megawati "Sukarnoputri" (fille de Soekarno).

NB : Tiens, en passant, on dit souvent que Vigdís Finnbogadóttir fut la première chef de l'Etat femme en 1980 mais ce n'est vrai que pour un pays complètement indépendant et pour une démocratie, la stalinienne Khertek Anchimaa fut Présidente du Conseil exécutif de la République de Touva en 1938 (en URSS) et l'épouse du Secrétaire local du Parti.

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