J'hésite un peu pour notre GaryCon entre une partie d'OD&D (le D&D originel de 1974, antérieur même au D&D Basic que nous connaissons habituellement) et AD&D (1977-1979). En un sens, la différence est assez faible, AD&D intégrant surtout les modifications graduelles des trois premiers suppléments I Greyhawk (Voleurs et Paladins), II Blackmoor (Moines et Assassins) & III Eldritch Wizardry (Druides, Psioniques, Démons et Reliques).
D&D édition originale (Boite blanche/brune) fut publié sous la forme de 3 livrets de 14cm sur 21cm : Men & Magic, Monsters & Treasure, The Underworld & Wilderness Adventures, plus un guide de référence des tables (mais sans feuille de personnage !).
D&D avait la particularité de ne pas bien expliquer le concept même du jeu (mais le volume 3 a des exemples plus pédagogiques). Il supposait qu'on possédait déjà Chainmail et même un autre jeu d'une autre compagnie pour les scènes en extérieur, le jeu Outdoor Survival (1972) d'Avalon Hill. D&D ne prétendait pas être autre chose qu'une extension dépendant du wargame : il fallait Chainmail pour comprendre les combats). Ron Edwards a comparé l'apprentissage des premiers role-players à un Culte de Cargo, comme les peuples primitifs qui doivent réinterpréter et se réapproprier une technologie incompréhensible mais qu'ils dotent de capacités miraculeuses. [Voir aussi l'Introduction d'OD&D]
L'expression "role-playing game" n'apparaît jamais. D&D est seulement sous-titré "Rules for Fantastic Medieval Wargames Campaign Playable with Paper and Pencil and Miniature Figures". L'expression "rôle" apparaît bien quelque fois : "Before the game
begins it is not only necessary to select a role, but it is also necessary to determine what stance the character will take - Law, Netrality [sic], or Chaos" (p. 9). Role est donc seulement synonyme de "classe de personnage" à cette époque.
Il commence en disant qu'on peut jouer de 4 à 50 personnes avec un ratio de 20 joueurs par "arbitre", ce qui paraît assez délirant si on n'oublie pas que D&D n'est alors qu'un wargame complexe. Il utilise déjà presque tous les dés polyhédriques (le d20 sert de d10 qui n'arrivera que plus tard).
Il n'y a que 3 classes : Combattant (Fighting Man, et non Fighter comme après), Magicien (Magic-User) et Clerc (Cleric).
Il y a 4 races : Homme (Man, et non Human), Elfe, Nain ou Hobbit (devenu Halfling ensuite). Les Nains et les Halflings ne peuvent être que Combattants, les Elfes ont le droit d'être soit Combattants soit Magiciens (ils peuvent se bi-classer mais la règle dit de manière peu claire qu'ils doivent décider pour chaque aventure de quelle classe ils sont). Seuls les Humains peuvent être Clercs. Les races n'ont aucun bonus de caractéristiques mais ont déjà quelques pouvoirs (les Nains et les Halflings ont une résistance à la Magie améliorée de 4 Niveaux) et des limites de niveaux. Les règles imaginent en revanche déjà que le joueur puisse vouloir créer une personnage d'une autre race et prend même l'exemple d'un jeune Dragon.
Ensuite on choisit son Alignement : Loi, Neutralité ou Chaos et il est clair qu'il n'y a aucune différence entre Chaos et Mal. Les Clercs peuvent être pour la Loi ou pour le Chaos (Prêtres maléfiques). Les Treants sont forcément loyaux. Les Dragons et les Géants sont tous soit chaotiques soit neutres (pas encore de Géants des tempêtes ni de Dragons métalliques, mais ensuite le volume 2 Monsters & Treasure, p. 12 ajoute le Dragon doré). L'idée absurde de Langues d'alignement apparaît déjà (Men & Magic, p. 12).
Les six caractéristiques habituelles Force, Intelligence, Sagesse, Constitution, Dextérité et Charisme se tirent dans l'ordre avec 3d6 (plus 3d6x10 pièces d'or). L'exemple du premier personnage a le doux nom de Xylarthen le Mage). Les caractéristiques ajoutent surtout plus à l'expérience gagnée dans sa classe. Les bonus sont encore très peu gradués : à plus de 12, on a un +1, à moins de 9 un -1, mais cela s'arrête là.
On parle le Commun, son Alignement plus 1 langue par point au-dessus de 10. Le Charisme permet de recruter des serviteurs. L'équipement contient déjà des éléments qui prouvent bien qu'on peut quitter le dungeoncrawling (un petit vaisseau marchand coûte 5000 pièces d'or, une grande galère 30,000 pièces).
D&D utilise les Noms de Niveau à la place des chiffres. Un Magicien de niveau 8 est un Warlock. Dans la traduction vers le wargame Chainmail, le Niveau est représenté en "équivalence" en nombre d'hommes sur la table, ce qui donne une idée intuitive de ce que représentait en réalité le Niveau. Les "Dés de coup" sont encore tous des d6. Un Spadassin (Niveau 3, 3 dés de vie) équivaut à 3 Hommes en attaque, alors qu'un Théurgiste (qui serait Niveau 4 mais avec 2 dés de vie) équivaut à 2 hommes en combat (mais il a 4 sorts de niveau 1 et 2 sorts de niveau 2). Le Clerc n'a pas de sorts avant le niveau 2 (ce qui fut conservé dans Basic D&D mais pas dans AD&D).
Toutes les armes font 1d6 points de dégat (je ne comprends pas bien quel est alors le désavantage de n'avoir qu'une dague comme le magicien !).
La Matrice des combats est peu claire (elle est faite pour les Combattants et les deux autres classes doivent s'adapter) et distingue une table pour les Hommes et une autre pour les Monstres - alors qu'il est assez clair que les deux systèmes pourraient devenir plus élégants et uniformisés. La Classe d'armure inversement proportionnelle au nombre est sur 9 et non sur 10 (là aussi ce sera conservé dans Basic D&D). La Table des jets de sauvegarde suit aussitôt avec très peu d'explications.
On pourrait en fait simplifier la table de combat en utilisant une formule comme la THAC0, mais la progression n'est hélas pas régulière. En gros, la THAC0 est égale à 19 - 2x [(Niveau/k) - 1], en arrondissant au supérieur Niveau/k et avec k = 3 pour un Guerrier, 4 pour un Clerc et 5 pour un Magicien. Si on compare, la matrice d'AD&D a une progression plus rapide. La THAC0 des Guerriers de la 1e édition est en gros 20 - 2x [(Niveau/2) -1].
Il n'y a que 6 Niveaux de sorts de mages et 5 niveaux pour les Clercs (mais ils ont accès au pouvoir d'exorcisme, et certains sorts s'adaptent au fait d'être Loyal ou Chaotique). Il est précisé (p. 34) que le Magicien doit avoir un Livre différent pour chaque Niveau de sort (et que chaque copie coûte un prix proportionnel au Niveau, soit pour un Livre de niveau N, 2Nx1000 pièces d'or) !
Le sort Contacter les Plans supérieurs (Niveau 5, p. 29, repris dans AD&D) a un pourcentage de chance de rendre fou proportionnel à la puissance de la Divinité contactée. Le mécanisme central de Call of Cthulhu de la Santé Mentale se trouve donc déjà là avec toute une table qui prend à cette époque toute une page (dans AD&D, cela se perd plus dans une colonne du Players Handbook).
La règle sur les Recherches magiques repose sur l'argent. La chance d'inventer un sort de niveau N dépend du nombre de pièces d'or. Il faut au moins 2Nx1000 pièces d'or et chaque tranche de ce montant donne 20% cumulatif de trouver le sort.
Le volume 2 Monster & Treasure équivaut au Monster Manual, plus la liste des trésors du futur DMG. La liste des objets magiques étant plus petite, la chance d'en avoir des intéressants est en fait peut-être plus grande que dans AD&D.
OD&D a déjà tous les détails complexes sur les épées magiques (sauf que l'Ego de l'épée s'appelle Egoism) mais elles sont un peu plus faibles. Il est précisé (p. 30) que le bonus ne vaut que pour la chance de toucher et pas les dégats, sauf les épées qui ont un bonus spécial +2/+3 contre une cible particulière. Il n'y a pas encore de Vorpal ou de Sword of Sharpness.
Il propose déjà quelques Artefacts & reliques en une phrase (p. 38-39) :
- "Although not otherwise mentioned, there can be included various powerful items of Law and Chaos termed Artifacts. These items are super-powerful in comparison to listed magic and must be handled by the referee. Examples of Artifacts: Teleportation Machine; Fighter's Crown, Orb and Scepter; Magic-User's Crown, Orb and Sceptre; Cleric's Crown, Orb and Scepter; Stone Crystalization Projector, etc. If such items are included very harmful effects should be incurred by any Neutral or Oppositely aligned character who touches one."
Ce troisième volume est consacré à la création des Oubliettes (p. 3-13) et les aventures en extérieur (p. 13-24, avec la construction des Châteaux des personnages de haut niveau, qui est le but du jeu).
Il y a là une des rares descriptions de la campagne de Greyhawk (p. 4), qui doit donc être la première esquisse de scénario, avant The Temple of the Frog dans le Supplément II: Blackmoor d'Arneson :
- "Greyhawk Castle", for example, has over a dozen levels in succession downwards, more than that number branching from these, and not less than two new levels under construction at any given time. These levels contain such things as a museum from another age, an underground lake, a series of caverns filled with giant fungi, a bowling alley for 20' high Giants, an arena of evil, crypts, and so on.
Ce chapitre a les Monstres errants et enfin une explication avec un exemple de la manière de jouer - tous les jeux de rôle ont ensuite repris cette tradition d'un long exemple de dialogue entre arbitre et joueurs (ici le rôle spécifiques du porte-parole des joueurs).
La fin du livre a quelques règles pour le combat aérien et le combat maritime, qui montrent bien que la Reptation en Oubliettes n'était pas la seule façon de jouer. Tous ces conseils vagues sur les rumeurs, le recrutement de diverses professions pour votre Château prouvaient aux premiers joueurs, même avant Chivalry & Sorcery les potentialités bien plus vastes du jeu.
Très sympa comme article.
RépondreSupprimerCa résume bien le contenu de ces 3 livrets ô combien mémorables.