dimanche 1 mars 2009

Review JDR: Codex Arcanis



Arcanis est un monde fantastique créé par Henry Lopez pour D&D 3e édition et publié pour la première fois par Paradigm Concepts dans des aventures d20 depuis 2001 et qui eut même droite à une "Méta-campagne vivante" (c'est-à-dire un cadre d'interaction entre groupes de joueurs pour simuler l'évolution de ce monde). Le site officiel est Onara OnLine et il y a un ArcanisWiki.

Codex Arcanis, 256 pages dans la seconde version en hard-cover de 2007 (ne pas confondre avec la version 2002 avec le même titre de 192 pages) est une description de tout l'univers. Le thème général est un monde inspiré de la Rome antique mais il y a des influences assez diverses (la République Althérienne consacrée au Dieu de la Connaissance Althares est au contraire déjà à un niveau du XVIe-XVIII siècle avec des armes à feu).

  • Présentation

    Le monde d'Arcanis n'est pas sans intérêt mais la présentation laisse à désirer (malgré la qualité de certaines illustrations). Il n'y a pas d'index (ce qui arrive hélas souvent) mais plus curieusement ils ont aussi oublié de mettre une table des matières (ce qui n'arrive jamais).

    Les cartes n'ont pas d'échelle et surtout il n'y a aucune carte globale, seulement des cartes régionales, ce qui oblige à faire un puzzle pour comprendre les positions respectives des pays. Le texte fait souvent référence aux noms de provinces de l'Empire coryani (les Romains) mais elles n'apparaissent pas sur la carte et il faut donc les retrouver par le nom des villes comme capitale régionale.

    Voilà la carte plus pratique que je conseille d'imprimer et d'inclure dans le Codex.



    Les chapitres décrivent chaque région du point de vue d'un des habitants et par un auteur différent, ce qui donne donc des inégalités. La méthode de focalisation subjective est très usuelle aujourd'hui dans l'écriture de ce type de livre (et elle permet un mystère et une latitude pour le Maître de jeu) mais il y a un risque de donner trop de lacunes.

  • Mythologie d'Arcanis

    La première particularité d'Arcanis est la religion. Au lieu d'une diversité de dieux avec des alignements moraux, Arcanis a un panthéon solidaire de Douze Dieux qui transcendent les interprétations morales par les mortels (ce qui fait que le même dieu peut être adoré sous des aspects bienveillants apotropaïques ou maléfiques selon les diverses sectes). L'alignement est une propriété des fidèles ou de leurs institutions mais pas des dieux eux-mêmes. Comme le dit l'introduction, un Paladin du juste Dieu de la mort peut lutter contre un nécromancien adorant un autre aspect du même dieu. Certains ne se dédient qu'à un seul des Dieux (hénothéisme) mais l'Eglise officielle adore tout le Panthéon, avec un Patriarche élu à vie par un conseil de Douze "Sacrificateurs" (Pyremen) qui correspondent aux 12 Dieux.

    Les dieux sont assez inspirés des Olympiens. Les trois frères principaux sont Illiir (roi des dieux et dieu du soleil, mélange de Jupiter et Helios), son frère Yarris (Neptune, avec un petit côté cthulhuoïde pour certaines sectes) et Neroth (Pluton, mais plus intéressé par la nécromancie). Illiir est marié avec Saluwé, déesse de la Terre, et Neroth est marié à Beltine, Déesse des Âmes, la dernière soeur est Anshar, déesse des Voyages et de la Souffrance. Les enfants d'Illiir sont Hurrian (Dieu de la foudre et du combat honorable), Nier (dieu du feu, du jugement et de la destruction), Larissa (déesse du Destin et de l'Hédonisme - donc à la fois Apollon et Venus). Neroth et Beltine ont un fils, Cadic, dieu du Silence et des Chants, des Assassins et des Bardes. Larissa et Cadic ont un fils, Sarish, dieu des Serments et de la Démonologie. Le dernier dieu Althares, dieu de la Sagesse et de la Technologie, est une sorte de Minerve (et le texte a un passage disant qu'il est la "soeur de Beltine et Saluwë).

    Les Dieux s'allièrent d'abord avec les Seigneurs des Eléments, divinités des Elfes, contre un être nommé l'Autre, mais pour réussir à vaincre l'Autre, Illiir décida de trahir les Seigneurs des Eléments et de les absorber pour augmenter la force de son Panthéon. Cela explique que les Elfes, abusés par les Dieux humains et qui n'ont plus qu'une seule Déesse, Belisarda, Dame de la Vie, n'ont pas confiance dans le Panthéon.

    Note : Un peu de mythologie comparative inter-fictionnelle : La relation Athéna / Arès entre Hurrian et Nier se retrouve dans le monde de Greyhawk entre les deux frères Heironeous (Dieu de la Guerre juste) et Hextor (Dieu de la violence) et dans le monde de Tékumel dans l'opposition entre Karakán (le Guerrier) et Vimúhla (le Destructeur).

  • Les races

    Cela est très classique. L'espèce dominante est les Humains, mais avec une aristocratie composée d'Humains aux pouvoirs particuliers, les Vals, qui descendent d'unions avec des Anges des Douze Dieux. Les Vals forment donc une douzaine de clans (chacun avec des capacités et des magies liées au Dieu qui les parraine), ce qui peut créer une certaine solidarité religieuse et familiale au-delà des séparations politiques entre les Royaumes, même si certains Clans ont aussi une localisation préférentielle (un peu comme les Clans dans Tékumel).

    Les Elfes sont assez standards. Créés par les Hommes-reptiles Ss'ressen comme une race de serviteurs avec les races goblinoïdes, ils se rebellèrent et devinrent ensuite pacifistes jusqu'à la trahison par les Dieux humains.

    Les Nains sont en quelque sorte dans la relation inverse par rapport aux Humains : ils étaient des Titans jusqu'à ce qu'ils essayent dans leur hubris de régner sur les Humains que les Dieux leur avaient demandé de protéger, ils furent donc maudits par Illiir et réduits à l'état de Nains. Non seulement ils sont plus petits mais ils ont besoin d'être irradiés périodiquement par des Pierres-âmes de leurs ancêtres, ce qui les contraint à demeurer le plus souvent sous terre. Les Gnomes sont des hybrides humains-nains.

  • La Magie

    Contrairement à la plupart des mondes D&D de High Fantasy, la magie est encore mal acceptée dans la plupart des royaumes humains.

    Mages et sorciers étaient naguère confiés à une nation de Sorciers sur l'île des Larmes d'Ymandragore et leur Récolteurs venaient parfois enlever les individus présentant des dons. Mais lorsqu'ils vinrent officiellement réclamer au VIe siècle au nom d'anciens pactes les deux fils jumeaux d'un Empereur coryani, cela déclencha une guerre entre l'Empire et les Sorciers. On trouva un compromis et les jumeaux furent séparés. L'un d'eux, Hurion Val'Assante, fonda un "Sanctuaire" secret pour protéger ses semblables dotés de magie (il en serait toujours le Maître secret, immortel depuis près de 500 ans) alors que l'autre disparut dans l'île noire du Roi-Sorcier.

    Encore aujourd'hui, les Sorciers et Magiciens doivent cacher leurs capacités, non pas seulement de leurs compatriotes méfiants mais aussi pour éviter d'être "recrutés" par les Récolteurs d'Ymandragore qui les pistent.

  • L'Histoire

    Il y a environ 5000 ans, les Humains fondèrent le Premier Empire sur les ruines de l'Empire reptile et des elfes (détruit après la mort de leurs Seigneurs des Eléments) et la Première Cité, loin au nord est toujours le principal lieu de pélerinage des nations humaines.

    Mais le Premier Empire finit par tomber dans la corruption et Leonydes Val'Virdan l'Epée des Cieux, se proclama l'émissaire de Nier, le dieu du jugement, et il vint punir l'Imperium il y a 3000 ans. Leonydes ne put arrêter sa rage et sa croisade de feu détruisit toute civilisation jusqu'à ce qu'il soit vaincu dans l'actuelle province de Canceri. C'est aussi à cette période que les Titans furent maudits par les Dieux et déchus en Nains.

    Cela commença une période de Tenèbres, mais il y a 1025 ans commença une seconde croisade pour chasser les légions infernales. Ce fut la fondation de l'Empire coryani qui monta du sud au nord, jusqu'à ce qu'un miracle créé la Muraille des Dieux pour arrêter les hordes de Démons loin au nord.

    Depuis deux siècles, l'Empire coryani a cependant commencé à décliner, perdant au nord-est les provinces de la colonie pénitentiaire de Censure (devenue une ploutocratie marchande), Canceri (devenue une théocratie maléfique adorant le Triumvirat Noir de Neroth, Nier et Sarish) et Milandir (qui est au contraire une version assez idéalisée d'une thalassocratie féodale un peu comme le Saint Empire germanique, pleine d'ordre de chevaliers honorables) et à l'est la République althérienne (qui adore le dieu de la Connaissance et commence à émerger comme la future grande puissance technologique avec sa poudre à canon).

    Plus au nord-ouest se trouve un ancien Empire qui ne fut jamais conquis par les Coryani, les Khitani, qui ont un Empereur angélique immortel mais qui est le plus souvent dans le sommeil. Ils rêvent de reprendre aux Coryani la Terre Sainte où se trouvent les ruines de la Première Cité où ils vont aussi en pélerinage.

    Aujourd'hui, en 1025 après la fondation de l'Empire coryani, l'Empereur Calsestus Val'Assante sur le Trône d'Albâtre est un débauché corrompu en conflit avec le Patriarche de l'Eglise Félicien Val'Mehan (qui était un Prélat de Sarish, dieu des serments et des démons). C'est le début de la campagne et il semble que les prêtres maléfiques de Canceri (le Sombre Apostat qui dirige la Théocratie est une Liche vieille de près de 300 ans) comme l'académie secrète du Roi-Sorcier de l'île d'Ymandragore préparent de noirs desseins.

    La seconde édition décrit aussi les 4 années suivantes dans la campagne officielle (ce qui peut donner des idées de guerre civile coryani et de retour de Leonydes l'Epée des Cieux).

  • Arcanis & Hârn

    Que ce soit conscient ou pas, Arcanis a de toute évidence pris quelques inspirations sur le monde d'Hârn.

    Comparez en effet :
    - Hârn
    A l'ouest de Hârn, l'Empire corani (l'équivalent d'un minuscule empire romain limité à une zone comme l'Irlande) finit par décliner après avoir fait tuer en 558 le Prophète Balsha, prêtre du dieu maléfique Morgath, dieu du Chaos. Son martyre causa le Jihad Balshan qui finit par prendre le pouvoir sur l'Empire corani et fonder la Théocratie de Tekhos en 568 (ancêtre de la République thardique).

    - Arcanis
    Au nord d'Onara, l'Empire coryani (l'équivalent de l'Empire romain) finit par décliner après avoir fait tuer en 767 le Prophète Becherek, messie du Triumvirat maléfique de Neroth (mort), Nier (destruction) et Sarish (démons). Son martyre cause la sécession de la Théocratie de Canceri qui se révolte contre l'Empire coryani la même année.

    Coïncidence ?

    En revanche, l'idée d'une Triade des Dieux Obscurs vient sans doute de Tékumel et non de Hârn, avec la Trinité sombre de Hrü’ü (Chaos), Ksárul (Sorcellerie) et Sárku (Mort) - même si Nier ressemble plus à Vimúhla qu'à Hrü'ü. La coexistence pacifique entre dieux "maléfiques" et "bénéfiques" adorés ensemble me paraît finalement plus vraisemblable dans la version du Panthéon humain d'Arcanis que dans la structure en opposition de Tékumel (que j'ai expliquée dans la review de Mitlanyál). On a un peu moins de mal à croire que l'Eglise coryani puisse être stable si les Douze Dieux forment un tout organique où chaque partie a des aspects contradictoires, alors que les Dix Dieux de Tékumel sont dans une tension plus antinomique (certes, ils sont aussi "complémentaires") qui devrait tendre à la Guerre civile malgré le Compromis.

    L'Empereur dormant des Khitani fait penser à l'Empereur de Thessid-Gola dans la bande dessinée Artesia, qui a aussi succombé à un sommeil séculaire, mais l'analogie n'est pas aussi précise.

    Ce nom de Canceri me gêne un peu tant il paraît une facilité, avec ces vilains "Canceriens". On pourrait peut-être le corriger en Carcer (prison en latin), ce qui dissimulerait un peu plus la malfaisance mais ressemblerait trop à Carceri, un des Enfers dans D&D (et aujourd'hui en cours de jeu, un Français risquerait de faire des blagues sur Kärcher).


  • Conclusion

    J'aime bien ce monde d'Arcanis et le fait que ce Codex soit avant tout une description de l'univers sans règles. Le Panthéon collectif me paraît une bonne idée pour avoir à la fois l'avantage du polythéisme en cours du jeu et une Eglise un peu plus proche du modèle monolithique que nous avons en tête en pensant à l'Eglise catholique. Les organisations sont intéressantes et le travail permet de construire des intrigues qui me semblent mieux fondés sur des parallèles historiques (le Pape et l'Empereur) que certains autres mondes D&D (oui, Warhammer, qui imite la Guerre de 30 ans avec ses Princes-Electeurs, ou Ptolus, qui imite un peu une ambiance byzantine avec une guerre entre César et Patriarche, ont déjà des idées proches).

    Cependant, il faut reconnaître que la présentation du Codex ne rend pas les choses faciles. Sans index et sans table des matières, on a beaucoup plus de boulot pour synthétiser les informations éparses dans les chapitres régionaux. Le Player's Guide to Arcanis (2004, 374 pages) a au moins une table des matières mais est plus consacré aux règles et à de nombreuses classes de prestige. Mais vous auriez du mal à utiliser ce dernier guide sans une version du Codex.

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