Le professeur de droit public Stéphane Rials fait une comparaison internationale sur la spécificité historique du phénomène au pouvoir en ce moment :
Le sarkozysme accompagne une forme de révolution sociale, politique, culturelle qui rappelle, sous certains aspects, celle marquée par Andrew Jackson lors de son élection comme président des Etats-Unis en 1829. Jackson voulait en finir avec l’aristocratie à l’américaine. Sarkozy veut en finir avec plusieurs traits de l’exception française, notamment les restes d’un certain aristocratisme républicain qui trouve le marché vulgaire et lui préfère le service public et la véritable culture. Il veut abaisser l’élite des grands commis - la suppression du classement de l’ENA est une affaire importante. Il veut abolir le déclinant «pouvoir spirituel» des intellectuels. Il y a une dimension personnelle de cette entreprise. Mais le fond importe plus que la passion. Ce que veut le chef de l’Etat, quoi qu’on nous dise après le supposé «recentrage» de Versailles, c’est une économie globalement libérée du politique, étendue certes à l’écologie marchande, c’est aussi une politique rendue aux politiciens, avec promesse d’un système des «dépouilles» à l’américaine. Dans ce monde, la place des bons serviteurs de l’Etat ou de l’esprit sera étroite… Or ce combat n’est pas impopulaire. Comme Jackson, Sarkozy fait figure d’«ami de l’homme commun».
Un populisme autoritaire, alors ?
Oui, qui témoigne d’un irrespect particulier pour les formes parlementaires. Qui a besoin de taper sec, de faire un peu peur, de brouiller les cartes, de souligner la corruptibilité des hommes, de capter superficiellement les codes et les mots des autres, d’amuser la galerie (des Glaces…).
Je suis un peu sceptique sur la comparaison. Le Jacksonisme (dont le nom a formé le "jackass", le mulet utilisé comme symbole du Parti démocrate), c'est certes la politisation du système des Dépouilles mais il avait aussi représenté une vraie progression de la place des élections, ce qui ne paraît pas vraiment le cas ici. Il y a bien un "populisme autoritaire" mais plus lié aux milieux d'affaires, et donc plus un berlusconisme qu'une vraie révolte jacksonienne (en un sens, les "Comités Civiques" de Royal étaient peut-être plus proches de ce basisme "californien").
Interview assez bizarre : Franchement, louer la "volonté libérale de Pompidou et de Giscard" ce dernier étant parait-il tombé victime de sa "largeur de vue"... On dirait d'ailleurs que Giscard revient à la mode maintenant qu'il complote contre Barroso avec Cohn-Bendit .
RépondreSupprimerUn point commun en tout cas entre Rials et NS : utiliser Mitterrand comme repoussoir ("la comparaison avec Mitterrand n’est pas, à cette heure, en défaveur de l’actuel président"). La dernière interview au Nouvel Obs était pleine de remarques du même genre destinées à exonérer NS de ses comportements les plus contestables (et aussi,sans doute, à montrer qu'on savait qu'on s'adressait à ce qui fut le dernier bastion de la résistance rocardienne).
Que VGE ait été plus libéral que les autres en de nombreux sens, c'est admissible, non ? (je n'ai pas bien compris ce que Rials dit sur "l'injustice" de l'affaire des diamants de Bokassa), mais cela semble plus discutable pour Pompidou (sauf peut-être sur le sujet précis des poursuites pour outrages, où il y a eu un peu moins de dérive monarchiste que sous de Gaulle, VGE et Mitterrand).
RépondreSupprimerJe viens de voir Eric Zemmour sur iTélé analyser le Nouvel Obs servant la soupe au 42e "J'ai changé, cette fois, je vous assure" en disant que le rocardisme s'absorbait dans le sarkozysme "comme il aurait rejoint VGE en 1981 si ce dernier avait gagné". Je n'avais jamais entendu ce scénario contrefactuel d'un Rocard à Matignon pour succéder à Raymond Barre et je n'y crois pas tellement en fait.
Mon Dieu, si je suis d'accord avec Zemmour, c'est horrible (en effet, qu'est-ce que c'est que cette histoire de prétendu ralliement de Rocard à Giscard ? Dans le contexte de 81 ça paraît très improbable. C'était la fin de toute ambition présidentielle. Rocard s'est rallié à NS, maintenant que sa carrière est derrière lui).
RépondreSupprimerMais puisque que Rials évoque, justement, les affaires au débit de Mitterrand (qui n'a jamais poursuivi pour outrage), il aurait pu parler du côté Ponia - "Affaire de Broglie" de Giscard-le-Libéral (et éviter de l'absoudre dans l'affaire des diamants).
Pour moi, Jackson reste avant tout le premier président à s'être assis sur une décision de la cours suprême pour mettre en oeuvre une politique génocidaire (le chemin des larmes). J'ai toujours été choqué du respect que lui portent les historiens démocrates. C'est le plus mauvais président des Etats-Unis (j'espère que Sarkozy ne lmui arrivera pas à la cheville).
RépondreSupprimer> maruku
RépondreSupprimerSans parler de l'étrange affaire Boulin.
> Goodtime
Il se peut que j'aie été un peu aveuglé par ma sarkophobie galopante, N.S. n'a pas encore ordonné un nettoyage ethnique de la dimension du Trail of Tears.
Mais Andrew Jackson (surnommé "King Mob", "Le Roi Populace"), quel que soit son mépris pour l'Etat de droit et son racisme anti-autochtone, représente le mythe de l'Ouest pour les Américains et il était aussi un "populiste" démocrate qui voulait abolir le collège électoral et même interdire la possibilité de se représenter une fois.
Et presque tous les Présidents américains furent abominables avec les Indiens (et les esclaves), non ? Dans le cas de Jackson, c'était d'ailleurs un présupposé de sécurité nationale parce qu'il craignait que les tribus indiennes s'allient encore à des puissances étrangères comme pendant la Guerre de 1812.
Le démocrate James Buchanan est souvent considéré comme pire parce que non seulement il essaya d'avantager les esclavagistes mais sans même parvenir à les satisfaire.
Jackson fut une brute épaisse mais il contribua au moins à l'extension de la Destinée Manifeste.
La nation Cherokee payait des impots, éditait un journal ; elle était christiannisée, communiste, alphabétisée, démocratique (les femmes votaient) et refusait simplement l'accès de ses terres aux orpailleurs. Comment auraient-ils menacé les USA ? Ils étaient démilitarisés et n'ont même pas résisté quand la cavalerie est venue les déporter ! Jackson représente le point de passage des guerres indiennes (avec signature de traités) au génocide pur et simple : il a été élu en tant que massacreur d'indiens, mais il a été réélu parce qu'il a déporté une nation entière en dépit des traités signés. Après lui les traités n'ont plus aucune valeur juridique car les nations indiennes sont devenues des nations mineures qui ne peuvent se prévaloir ni de la citoyenneté américaine ni de la souveraineté extérieure. C'est donc à cette époque que les USA ont pris l'habitude d'inventer des statuts juridiques incohérents dont Guantanamo n'est que le dernier avatar.
RépondreSupprimerMais je suis d'accord : Andrew Jackson a perpétré des crimes odieux et il commença cette politique de mépris envers les traités qui continua pendant tout le XIXe siècle même jusqu'à la période de la Reconstruction.
RépondreSupprimerCela ne contredit pas l'idée que ce génocidaire fut aussi le populiste démocrate qui contribua à donner au système américain un infléchissement contre la nouvelle aristocratie de la Côte Est qui commençait à se former.
C'est d'ailleurs ce phénomène du jacksonisme (1828-1836) qui doit marquer toute la description de Tocqueville dans De La démocratie en Amérique (qui viste de mai 1831 à février 1832).